Traitement de la dépression

42. Traitement de la dépression

Pascal Odou


Pharmacien, praticien hospitalier, CH Dunkerque; professeur, biopharmacie et pharmacie clinique, Lille, France

Hugues Robert


Pharmacien, EPSM Lille-Métropole, Armentières; professeur, biopharmacie et pharmacie clinique, Lille, France

Bertrand Decaudin


Pharmacien, CH Dunkerque; chargé de cours, biopharmacie et pharmacie galénique et hospitalière, Lille, France


PLAN DU CHAPITRE







Physiopathologie860




Définition860


Épidémiologie860


Classification860


Clinique861


Cas de la dépression résistante862


Traitements utilisés dans les dépressions862




Classifications863


Mécanisme d’action863


Pharmacocinétique864


Critères de choix thérapeutique866




Objectifs866


Chez l’adulte866




Traitement des dépressions non chroniques, non compliquées866


Traitement des dépressions chroniques867


Références médicales opposables868


Chez l’enfant868


Chez la personne âgée868


Optimisation thérapeutique869




Posologies869




Doses quotidiennes adultes et enfants869


Modalités d’administration870


Prévention de l’iatropathologie870




Contre-indications870


Effets indésirables871


Interactions873


Surdosages875


Suivi thérapeutique876




Pourquoi doser la concentration plasmatique ou sérique des antidépresseurs?876


Indications du suivi thérapeutique876


Quels médicaments doit-on doser?876


Facteurs de variation des concentrations plasmatiques des antidépresseurs à l’équilibre877


CE QU’IL FAUT RETENIR878


ÉTUDE D’UN CAS CLINIQUE879


Références bibliographiques880



GÉNÉRALITÉS



PHYSIOPATHOLOGIE



Définition


Dans la population, la dépression désigne toutes les altérations psychologiques acceptables par les sujets contrairement à la «folie». Le terme regroupe la nostalgie, le désarroi, les ennuis existentiels, les déceptions sentimentales, les difficultés professionnelles, la tristesse, etc., mais ce n’est pas la définition médicale (Gérard, 1996). En effet, il est normal de réagir aux événements psychiques douloureux par une certaine morosité voire un chagrin, et ce, pendant un temps nécessaire, afin d’enfouir un événement pénible. Ce processus physiologique devient pathologique lorsque la durée et/ou l’intensité dépasse les limites de «la normalité». Généralement, la dépression se définit comme une maladie mentale caractérisée par une modification profonde de l’état thymique (encore appelé humeur) dans le sens de la tristesse, de la souffrance morale et du ralentissement psychomoteur. Elle entretient chez le patient une impression douloureuse d’impuissance globale, de fatalité pouvant entraîner des symptômes subdélirants à thèmes de culpabilité, d’autodépréciation qui peuvent conduire au suicide (Postel, 1998). La dépression est en réalité un état pathologique comprenant un ensemble de symptômes cliniques précis, une maladie variée dans son expression, sa gravité, ses origines; et il semble aujourd’hui plus judicieux de parler non pas de la dépression mais des dépressions.


Épidémiologie


Peu d’études existent au niveau français sur l’épidémiologie des dépressions. Les données actuelles montrent que le risque de déprimer augmente avec l’âge, qu’il est plus important chez les femmes que chez les hommes, que ce risque est plus grand chez les personnes vivant seules que chez les sujets vivant en couple, chez les sujets ayant un faible revenu que chez ceux ayant un revenu élevé, etc. En fait, il est montré que la prévalence des dépressions croît avec les situations défavorables (solitude, chômage, célibat, etc.). Ces situations étant de plus en plus fréquentes dans les pays industrialisés, elles contribuent à l’accroissement de cette pathologie dans notre civilisation: 3,1% de prévalence en 1980-1981 contre 4,7% en 1991-1992 (Lecomte, 1996). Cette augmentation de la prévalence s’est accompagnée d’une augmentation de la consommation de médicaments puisque 74,5% des déprimés en 91- 92 prenaient des médicaments contre seulement 58,6% en 80-81. Même si le coût pour un individu n’a pas augmenté en dix ans (de l’ordre de 800 francs pour 3 mois) l’accroissement des patients déprimés a accentué le poids de cette pathologie sur l’économie de Santé (Richard, 1998). Ce poids est accentué par le fait que les déprimés déclarent deux fois plus de maladies somatiques que les patients non déprimés et qu’ils consomment également deux fois plus de médicaments (Zarifian, 1995).


Classification


La classification des maladies dépressives a subi des remaniements importants au cours de ces vingt dernières années, concernant à la fois le contenu et la forme des catégories diagnostiques. Il existe actuellement plusieurs classifications, nous en présenterons trois: la classification étiologique et les classifications actuelles DSM-IV/CIM-10.


► Classification étiologique


Cette classification, qui est la plus ancienne, repose sur des théories étiologiques (Rouillon, 1995; Tignol, 1995, Camus et al., 1995 and Lôo and Lôo, 1996). Elle oppose la dépression endogène, autonome et psychotique à la dépression exogène, réactionnelle et névrotique, ainsi que la dépression primaire à la dépression secondaire (tableau 42.1).






























Tableau 42.1 Classification étiologique de la dépression.
En fonction de l’état mental
Dépression primaire Chez un sujet sans antécédent psychiatrique
Dépression secondaire Chez un sujet ayant des antécédents psychiatriques
En fonction des causes
Dépression endogène ou psychotique Sans facteur externe apparent
Dépression exogène ou névrotique Avec des facteurs environnementaux
En fonction de l’évolution
Dépression bipolaire Alternance d’épisodes maniaques et hypomaniaques
Dépression unipolaire Au moins deux phases de dépression entrecoupées par un état normal


► Classifications actuelles DSM-IV/CIM-10


Ces classifications sont athéoriques par rapport à la cause ou la physiopathologie, et se limitent à la description des signes et des symptômes (Guelfi, 1996; CIM-10/ICD-10, 1992) (tableau 42.2).




















Tableau 42.2 Classifications actuelles DSM-IV/CIM-10.
Dénominations Codes CIM-10 DSM-IV
Trouble dépressif majeur, épisode isolé F32.x 296.2x
Trouble dépressif majeur, récurrent F33.x 296.3x
Trouble dysthymique F40.1 300.4

Les dépressions sont classées dans les troubles de l’humeur.


Clinique




► Chez l’adulte




• Symptômes psychomoteurs

L’inhibition psychomotrice est caractérisée par une perte d’élan vital dont les symptômes témoignent d’un ralentissement moteur et psychique global. Tout dans l’attitude du sujet paraît lent, dénué de vivacité. Son activité spontanée est réduite, ses gestes sont lents, sa voie est monotone, sa mimique est pauvre et sa silhouette est sans tenue, affaissée. La pensée est traînante, l’idéation ralentie et les capacités à lire ou soutenir une conversation sont très réduites.


• Symptômes somatiques

Les signes de perturbations somatiques induites par le processus psycho-biologique sont constants et peuvent occuper le devant du tableau clinique retardant ainsi le diagnostic de dépression. Les principaux signes sont l’asthénie, les troubles du sommeil, l’anxiété, l’anorexie, les troubles sexuels avec perte de libido et/ou déviance, troubles cardiaques avec tachycardie, bouffée vasomotrice avec rougeur du visage ou, au contraire, avec bradycardie vagotonique et hypotension. Il peut également y avoir des troubles urinaires et neuromusculaires (crampes, vertiges, etc.) qui confortent le malade dans son autodépréciation.



► Chez l’enfant


Après avoir été méconnue, voire niée, la notion même de troubles dépressifs chez l’enfant est actuellement bien établie, elle concerne 2% des enfants. Les épisodes dépressifs majeurs apparaissent le plus souvent en association avec d’autres troubles mentaux (troubles anxieux, déficit de l’attention, conduite antisociale, etc.). L’expression clinique est spécifique aux enfants (Chauvard, 1996; 2e conférence de consensus en psychiatrie, 1997).


► Chez l’adolescent


Chez l’adolescent, la symptomatologie est polymorphe, les épisodes sont souvent associés à des troubles de l’attention, troubles anxieux ou alimentaires, une conduite antisociale parfois difficile à discerner de la «crise» de l’adolescence. L’existence d’un trouble dépressif dans l’enfance constitue un facteur de risque majeur de survenue d’un autre épisode au cours de l’adolescence (60-80% de rechute ou de chronicité). À cette période, l’attirance pour l’alcool ou les drogues, ainsi que le comportement suicidaire sont fréquents, ce qui nécessite une vigilance extrême (Corcos, 1998).


► Chez le sujet âgé


La dépression de la personne âgée est fréquente, ennemie majeure de son bien-être et de sa qualité de vie (Hazif-Thomas, 1998, Laverdure et al., 1991, Leger, 1998 and Perivier et al., 1998). Ses conséquences sont lourdes sur le plan relationnel entre les générations et sur le plan humain avec un repli sur soi, la perte de la pratique des actes de la vie quotidienne, la dépendance ajoutée, la souffrance non exprimée qui peut conduire au suicide. La souffrance dépressive du sujet âgé peut dérouter le clinicien dans la mesure où son mode d’expression s’éloigne fréquemment de celui, plus familier, de l’adulte jeune. De sémiologie pauvre, elle est alors sousestimée, sous-diagnostiquée et donc sous-traitée. Il existe plusieurs formes atypiques que l’on peut résumer par: des dépressions masquées, des formes cliniques atypiques avec signes d’emprunt à d’autres troubles psychiatriques et des formes frustres (monosymptomatique).


• Dépressions masquées

Les symptômes dépressifs peuvent être inapparents, les plaintes sont surtout somatiques.

Les dépressions somatogènes (le sujet, guéri d’une affection grave, présente encore une symptomatologie proche de l’accident initial).

Les dépressions pseudodémentielles (la détérioration des fonctions cognitives rend le diagnostic différentiel difficile avec la démence débutante).


• Formes cliniques atypiques avec signes d’emprunt à d’autres troubles psychiatriques

Les dépressions délirantes (idées de persécution, préjudices, mécanismes interprétatifs et intuitifs).

Les dépressions et troubles du comportement en rupture avec la conduite habituelle et antérieure (alcoolisme, agressivité et irritabilité, intolérance, agitation).

• Formes frustes (monosymptomatiques)


► Dépressions de la ménopause




Ces désordres physiques et psychiques se manifestent par des bouffées de chaleur, des troubles de la vie sexuelle, des céphalées, une transpiration exagérée, des étourdissements, de la nervosité, de l’irritabilité, de l’asthénie, de l’insomnie et des symptômes dépressifs. L’ensemble de ces signes, lorsqu’ils restent discrets, constitue une réaction subnormale contemporaine de la période ménopausique; le traitement est alors hormonal avec des œstrogènes administrés par voie percutanée et les symptômes régressent en une à deux semaines. L’utilisation d’antidépresseurs est alors inutile. Dans certains cas, le traitement est partiellement ou totalement inefficace et les symptômes plus intenses et plus durables traduisent une dépression réactionnelle non hormonodépendante (anxiété, plaintes hypochondriaques, troubles du caractère, tristesse et désintérêt, culpabilité, ralentissement, etc.). Au traitement hormonal s’ajoutent alors une thérapeutique antidépressive souvent peu efficace et une psychothérapie.


► Dépressions particulières



• Dépressions saisonnières

Le trouble affectif saisonnier est caractérisé par une triade symptomatologique: une hypersomnie agitée non réparatrice, un ralentissement psychomoteur, une hyperphagie (Attar-Lévy, 1996).


• Dépression du post-partum

Les dépressions du post-partum sont des états dépressifs d’intensité variable survenant dans la première année suivant l’accouchement et touchant 10-15% des mères. Si dans la majorité des cas, ces épisodes régressent en quelques semaines, 25% d’entre eux évoluent vers une dépression sévère avec altération de la communication mère – enfant. Elle est caractérisée par une grande fatigue, de l’irritabilité, un détachement émotionnel vis-à-vis du bébé (Bouchontou, 1997).


• Dépression d’épuisement

Cette forme décrite par Kielholz en 1957 est absente des classifications actuelles, elle est fondue dans la masse indistincte des états dépressifs sévères. Elle réalise un tableau de dépression tout à fait classique qui s’installe progressivement suite à la répétition de stress, la privation volontaire de sommeil, la méconnaissance de ses limites, l’épuisement affectif et émotionnel; le syndrome somatique est toujours net et les symptômes psychotiques sont absents (Olivier-Martin, 1996).


• Dépression et facteurs ethnoculturels

L’appartenance ethnique et les traditions socioculturelles impriment des originalités symptomatologiques. En effet, la souffrance psychique est une expérience subjective exprimée dans un langage propre et inscrite dans une histoire personnelle, la culture peut affecter l’expérience et la communication des symptômes dépressifs sans toutefois modifier les structures profondes de ceux-ci. Ces différences s’estompent au fur et à mesure que les modèles socioculturels se rapprochent (Gérard, 1997).


• Dépression iatrogène

Ce type de dépression survient lors de médication au long cours. Les médicaments les plus fréquemment responsables de cette pathologie sont: amphétamines, β-bloquants, diurétiques thiazidiques et apparentés, antibiotiques (fluoroquinolones et quinolones, nitroimidazolés), glucocorticoïdes, œstrogènes, œstroprogestatifs, progestatifs et les sulfonylurées. Dans la mesure où cela est possible, il convient d’arrêter le traitement en cas de dépression (Thériaque, 1999).


Cas de la dépression résistante


Il existe plusieurs définitions de la dépression résistante. La définition la plus commune pour définir la résistante de la dépression est un «échec du traitement à la dose maximale non toxique, avec une observance confirmée (par le suivi des concentrations plasmatiques par exemple) durant une durée prolongée (supérieure à 8 semaines)». Il est donc nécessaire de faire une évaluation clinique initiale et une adaptation posologique progressive en respectant les durées d’observation pour chaque palier, soit environ 6 semaines (Hantouche, 1998).


TRAITEMENTS UTILISÉS DANS LES DÉPRESSIONS


Aujourd’hui, il existe trois stratégies principales pour traiter la dépression: la chimiothérapie, l’électroconvulsivothérapie (ECT) et la psychothérapie. Le choix entre ces trois techniques s’effectue en fonction de 5 critères principaux:




– la rapidité d’action;


– l’efficacité;


– la présence de symptômes psychotiques graves;


– les effets néfastes des traitements;


– le coût.

Dans les dépressions sévères, il peut être nécessaire d’utiliser temporairement des méthodes contraignantes comme l’hospitalisation, la surveillance continue du patient, et ceci afin de protéger le patient contre sa propre violence ou visà-vis de décisions irréversibles qu’il pourrait prendre. Les médicaments et l’ECT sont alors les traitements les plus efficaces à court terme, mais au long cours, les thérapies sociales et psychologiques peuvent avoir de bons résultats pour réduire les risques de rechute. De même, dans le cas des dépressions réactionnelles, la psychothérapie reste la technique la plus efficace. Même si, dans le cadre de cet ouvrage, nous focalisons notre propos sur les médicaments, les techniques non médicamenteuses ont une place dans la stratégie de correction des dépressions et le lecteur qui désire mieux connaître ces techniques, trouvera des renseignements dans des ouvrages spécialisés.


Classifications


Les antidépresseurs ou thymoanaleptiques sont des médicaments psychotropes aptes à corriger l’humeur dépressive, voire parfois à l’inverser (Senon, 1995). Ils font partie du groupe des psychoanaleptiques ou stimulants psychiques mais ne sont pas euphorisants s’ils sont administrés chez un sujet sain. Aujourd’hui, la classification basée sur la structure chimique qui distinguait les antidépresseurs tricycliques, les IMAO et les non tricycliques, non IMAO n’est plus adaptée. En effet, l’essor dans cette famille de la dernière catégorie ne permet plus une distinction chimique des principes actifs parmi eux. De ce fait, la classification clinique reste la plus adaptée à cette famille en pleine explosion. Indépendamment de leurs propriétés antidépressives, les antidépresseurs possèdent d’autres propriétés latérales qui se manifestent dès l’instauration du traitement. Il s’agit principalement d’action psychostimulante (= action désinhibitrice) ou, au contraire, sédative (= action anxiolytique). La classification des médicaments est présentée dans le tableau 42.3.





















































































Tableau 42.3 Médicaments utilisés dans le traitement des dépressions
(d’après Hardy, 1993; Dorosz, 2002; Thériaque, 2002).
Classes cliniques Classes biochimiques Noms de commercialisation DCI
Antidépresseurs psychotoniques IMAO Moclamine moclobémide
Marsilid iproniazide
Humoryl toloxatone
tricycliques Tofranil imipramine
antidépresseurs intermédiaires tricycliques Anafranil clomipramine
Prothiaden dosulépine
Sérotoninergiques Stablon tianeptine
Déroxat paroxétine
Floxyfral fluvoxamine
Prozac fluoxétine
Séropram citalopram
Seroplex escatilopram
Zoloft sertraline
sérotoninergiques et noradrénergiques Ixel milnacipran
Effexor venlafaxine
Norset mirtazapine
Antidépresseurs sédatifs tricycliques Elavil, Laroxyl amitriptyline
Quitaxon doxépine
Surmontil trimipramine
Défanyl amoxapine
tétracycliques Athymil miansérine
Ludiomil maprotiline


Mécanisme d’action


Alors que la connaissance des modifications biochimiques induites par les traitements antidépresseurs avance au gré des nouvelles études et des nouvelles molécules, celle du mécanisme précis «antidépresseur» reste encore énigmatique.


► Action aiguë des antidépresseurs



• Inhibition de la recapture des amines biogènes

Les premières molécules antidépressives ont été à l’origine de la théorie monoaminergique dans la dépression, suggérant l’existence d’une déficience des monoamines sérotonine et noradrénaline (Costentin, 1993). Bien que remise en question, cette théorie reste prévalente. Cet effet consiste essentiellement en une inhibition du recaptage, au niveau de la membrane de la terminaison nerveuse, des amines libérées par l’influx nerveux. Les antidépresseurs s’associent, avec une haute affinité, au transporteur, en lieu et place du médiateur: prévenant la liaison de ce dernier, ils en préviennent la recapture. Dès lors, ils prolongent le temps de séjour synaptique du médiateur, accroissent sa concentration synaptique, augmentent ses chances d’entrer en contact et de stimuler les récepteurs postsynaptiques. La transmission aminergique est ainsi facilitée. Il est possible de distinguer les antidépresseurs selon le type de recapture sur lequel ils agissent:




sur la recapture de la sérotonine:




• les tricycliques possédant une amine tertiaire: imipramine, amitriptyline, clomipramine, doxépine, etc.,


• les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS): citalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline: activité spécifique;


sur la recapture de la noradrénaline:




• les tricycliques avec une amine secondaire (désipramine, nortryptiline, etc.),


• maprotiline: activité quasi spécifique;


sur la recapture de la dopamine: l’amineptine inhibait la recapture de la dopamine. La majorité des tricycliques sont sans effet à ce niveau (Survector, retiré du marché pour cause d’usage abusif).


sur la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline:




• les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (ISRSNA): milnacipran, venlafaxine.


• Inhibition du contrôle négatif de la libération de la noradrénaline

Le dernier antidépresseur commercialisé en France possède un mécanisme d’action un peu différent. La mirtazapine bloque les récepteurs α2 présynaptiques des fibres noradrénergiques ce qui entraîne une augmentation de la libération de la noradrénaline dans la fente synaptique. Cette augmentation de la noradrénaline dans la fente synaptique stimule les récepteurs α sur les fibres présynaptiques sérotoninergiques d’où libération de sérotonine dans la fente synaptique et stimulation des récepteurs sérotoninergiques postsynaptiques 5 HT1, les 5HT2 et les 5HT3 étant bloqués par la mirtazapine.


• Diminution du catabolisme des amines biogènes

Un dernier mode d’action est celui des IMAO. Ces derniers bloquent la dégradation des amines biogènes par la monoamine-oxydase, principale enzyme de leur catabolisme. De ce fait, la durée d’action de ces amines est prolongée, d’où une augmentation de concentration, ce qui accroît la transmission monoaminergique défaillante dans la dépression.

Cependant, ces explications sont très parcellaires car les effets sur la concentration synaptique en neurotransmetteurs et au niveau des récepteurs sont rapides, alors que l’effet clinique des antidépresseurs est retardé et n’apparaît qu’après plusieurs semaines d’administration; d’où l’intérêt des hypothèses sur le mode d’action au long cours.


► Action chronique des antidépresseurs


L’impossibilité d’expliquer l’action d’un traitement chronique par antidépresseur uniquement par l’augmentation des neurotransmetteurs et la régulation des récepteurs correspondants soutient l’hypothèse selon laquelle cette action implique les voies de signalisation intracellulaire (Duman, 1997). Des hypothèses impliquant certaines cibles intracellulaires ont été proposées, plus particulièrement le système de l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc), le facteur de transcription cAMP Response Element Binding Protein (CREB), la neurotrophine Brain Derived Neurotrophic Factor (BDNF), la voie des Mitogen-Activated Protein Kinases (MAPK) et la protéine anti-apoptotique Bcl-2. Le mécanisme d’action serait le suivant : les traitements antidépressseurs activeraient la voie de l’AMPc qui provoquerait la phosphorylation de CREB (Perez, 1989). Cette action entraînerait alors l’augmentation de l’expression génique du BDNF (Finkbeimer, 1997). Ce dernier, en se fixant sur son récepteur TrkB, activerait la cascade ERK/MAPK (Yuan et Yankner, 2000). Il s’ensuivrait une augmentation de l’expression génique de Bcl-2 (Bonni, 2000) ainsi qu’une inactivation de la protéine pro-apoptotique BAD (Manji, 2000). Cette théorie est d’autant plus séduisante qu’elle permet d’expliquer par un seul mécanisme l’action antidépressive de l’ECT et de tous les antidépresseurs, tout en montrant que les autres psychotropes n’entraînent pas ce phénomène (Rogue, 1997, Radat, 1998 and Duman et al., 1997).


Pharmacocinétique


L’ensemble des principaux paramètres pharmacocinétiques est présenté dans le tableau 42.4.






























































Tableau 42.4 Principaux paramètres pharmacocinétiques des antidépresseurs
(d’après Fabre et al., 1990, Bonnet et al., 1997 and Massoubre et al., 1997; Dossier Ixel; Dossier Effexor; Dossier Mirtazapine).
BD: biodisponibilité; LP: liaison aux protéines plasmatiques; VD: volume de distribution; T1/2 mère: demi-vie du produit actif; T1/2 fille: demi-vie du métabolite. DMC: déméthylcitalopram; DDM: didéméthylcitalopram.

BD (%) LP (%) Vd (L/kg) Métabolite actif T1/2 mère T1/2 fille
amitriptyline
imipramine
clomipramine
doxépine
trimipramine
30-60
29-77
30-50
13-45
30-50
96
92
97,6
75-20
95
5-10
15-30
7-20
10-30
31
Oui
Oui
Oui
Oui
Non
9-46h
6-28h
15-62h
8,2-24,5h
10-13h
17-56h
2-54h
> 35h
dosulépine
miansérine
maprotiline
tianeptine

≈ 30
30-65
100

90
85-90
94
10-30
15,7-27,5
22,6
0,77

Non
Non
Non
14-40h
17h
27-58h
2,5h
citalopram, escitalopram
fluoxétine
fluvoxamine
paroxétine
sertraline
80-100
70-85
60
50
88
< 80
95
77
95
99
12-16
20-42
5-20
8- 28
20
Oui
Oui
Non
Non
Non
33-36h
2-7 j
15-22 h
20-24h
26h
49h (DMC)
102h (DDM)
7-15 j
milnacipran
venlafaxine
85
10
13
25-30
5
7,5
Non
Oui
8h
5h
11h
mirtazapine 50 85 ? oui 15-65h 15-65h
moclobémide 60-80 50 1-1,5 Non 1-2h


► Tricycliques et apparentés


L’absorption des tricycliques est bonne mais ils subissent un très fort premier passage hépatique sujet à de grandes variabilités interindividuelles. C’est ce qui conduit à des fluctuations importantes de la biodisponibilité pour un même principe actif. Les antidépresseurs sont des principes actifs très lipophiles ce qui explique leur passage dans les organes fortement irrigués (poumon, rein, cœur). De ce fait, le volume de distribution est important de l’ordre de 10 à 20L/kg. Cette forte diffusion explique les concentrations plasmatiques très faibles rencontrées avec les antidépresseurs (centaine de nanogrammes/L de sang).



► Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine


L’absorption des ISRS par le tractus gastro-intestinal est plus lente qu’avec les autres antidépresseurs, mais la biodisponibilité est bonne à très bonne (50 à 100%). Les ISRS comme les antidépresseurs tricycliques sont très lipophiles, d’où une diffusion très importante dans les tissus très irrigués par le sang. Le volume de distribution est important et du même ordre que celui des tricycliques (5 à 40L/kg). Du fait de leur lipophilie, les ISRS ont une liaison protéique forte (80 à 99%). Étant donné leur fort volume de distribution, les conséquences cliniques d’une interaction à ce niveau sont peu probables. Tous les ISRS sont métabolisés au niveau hépatique. Néanmoins, il existe une très grande différence entre les voies de métabolisation empruntées par ces principes actifs. Les principaux cytochromes P450 responsables de leur métabolisation sont: le 1A2, 2C19, 2D6 et le 3A4. Cette métabolisation entraîne la formation de métabolites actifs uniquement pour la fluoxétine et le citalopram. Hormis la fluvoxamine pour laquelle l’élimination est purement rénale, tous les autres ont une élimination mixte biliaire et rénale, l’élimination rénale fluctuant selon les principes actifs entre 15 et 80%. Quant aux demi-vies d’élimination, elles sont très variables, surtout si l’on tient compte des métabolites actifs, de 20 à 30 heures pour la fluvoxamine et paroxétine, jusqu’à 360 heures pour la fluoxétine et son métabolite actif.



► La mirtazapine


La biodisponibilité de ce nouvel antidépresseur est moins bonne que les classes précédentes (environ 50%). Toutefois la résorption est rapide avec un pic plasmatique situé 2 heures après la prise orale du médicament. La fixation aux protéines plasmatiques est plus élevée que les classes précédentes de l’ordre de 85%. L’élimination est plus lente que dans les 2 classes précédentes (15-65 heures). La mirtazapine est fortement métabolisée au niveau hépatique par les cytochromes 2D6, 1A2 et 3A4. Le métabolite déméthylé est actif. L’élimination de la mirtazapine est majoritairement rénale.


► Inhibiteurs de la monoamine-oxydase


Seule la cinétique des deux IMAO encore utilisés en thérapeutique (toloxatone et moclobémide) sera détaillée. Les IMAO ont une résorption digestive très rapide avec un pic plasmatique situé 30 et 60min après une administration orale. La fixation aux protéines plasmatiques est moyenne (50%) Le volume de distribution est également plus faible que celui des classes précédemment décrites. Il se situe autour de 1-1,5L/kg. Par contre, ce sont des principes actifs très fortement métabolisés (> 90%). Les métabolites formés sont éliminés par voie rénale principalement. Les demi-vies sont très courtes pour ces deux principes actifs (1-2h).


► Autres antidépresseurs


Cette catégorie est très hétérogène. Néanmoins, l’absorption est rapide avec un pic plasmatique en général inférieur à 2 heures. Ces principes actifs sont généralement lipophiles, d’où une fixation importante aux protéines plasmatiques (> 85%). Par contre, les volumes de distribution sont très variables, allant de 0,5 à 3L/kg pour la miansérine. Tous ces principes actifs sont fortement métabolisés par le foie. De nombreux isoenzymes des cytochromes P450 participent à cette métabolisation. L’élimination s’effectue essentiellement sous forme de métabolites par voie urinaire.


CRITÈRES DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE



OBJECTIFS






– prévenir le suicide;


– identifier les causes organiques possibles, telles que les maladies chroniques;


– sélectionner le traitement symptomatique le mieux adapté à la détresse du patient;


– analyser l’environnement social, familial et financier du patient;


– initier des traitements efficaces au long cours.


CHEZ L’ADULTE



Traitement des dépressions non chroniques, non compliquées


La multiplication des traitements et la multiplicité des habitudes thérapeutiques font qu’il existe de nombreuses stratégies pour soigner la dépression. Le schéma thérapeutique général présenté (figure 42.1) est la synthèse des textes publiés par trois organismes de référence: l’Agence nationale du développement de l’évaluation médicale (ANDEM, 1996), The American Psychiatry Association (APA, 1993) et The Agency for Health Care Policy and Research depression in primary care.








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Figure 42.1
Stratégie thérapeutique générale dans le traitement de la dépression non chronique non compliquée.



► Choix de la thérapeutique en phase aiguë


En absence de données ayant validé l’efficacité de la psychothérapie dans les dépressions majeures, il n’est pas recommandé de traiter une dépression majeure par une psychothérapie. La psychothérapie sera réservée aux dépressions minimes ou modérées, non psychotiques, non chroniques et si le patient le désire.

Le traitement de première intention dans la dépression majeure modérée à sévère est la chimiothérapie. Les essais cliniques n’ont pas montré de différence d’efficacité entre les différentes classes, le premier choix est donc fonction des habitudes du clinicien. Il est néanmoins courant d’utiliser les tricycliques pour les dépressions semblant très sévères, notamment lorsque le patient est hospitalisé.

La photothérapie peut être utilisée en première intention dans les dépressions saisonnières. Néanmoins, tous les antidépresseurs sont efficaces dans cette indication. C’est donc le médecin en fonction du patient qui décidera du traitement adapté.

Enfin, l’électroconvulsivothérapie n’est pas un traitement de première intention pour la dépression majeure même sévère. Par contre, elle le devient lorsque la dépression sévère est associée à des troubles psychiatriques.



Traitement des dépressions chroniques






























Tableau 42.5 Stade de résistance et traitements correspondants.
Stades Caractéristiques Traitements
Stade 1 Résistance à une monothérapie antidépressive utilisée à dose efficace pour une durée efficace Nouvelle monothérapie mais de classe différente
Stade 2 Résistance à une seconde classe d’antidépresseur Antidépresseurs tricycliques
Stade 3 Échec d’un traitement par ISRS, d’un autre traitement, et d’un tricyclique


– Ajout d’un antidépresseur de classe différente


– Ajout de lithium, ou d’un antipsychotique atypique, ou de lamotrigine ou d’hormone T3


– Ajout du pindolol également efficace


– IMAO
Stade 4 Résistance à un protocole de stade 3 Électroconvulsivothérapie avec au minimum 12 chocs avant de parler d’inefficacité
Stade 5 Résistance à l’électroconvulsivothérapie Le traitement est alors difficile: clomipramine + privation de sommeil + photothérapie


Références médicales opposables



Le traitement médicamenteux d’un patient déprimé n’est qu’un aspect de sa prise en charge, qui comporte d’autres mesures thérapeutiques (psychothérapies interpersonnelles, psychothérapies comportementales, etc.) et la prise en compte de facteurs sociaux.

Les troubles paniques avec ou sans agoraphobie, les TOC, l’énurésie de l’enfant et les algies rebelles sont exclus de ce thème.

May 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Traitement de la dépression

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