Syndrome des Antiphospholipides (SAPL)
Définitions, critères et classification
Le terme de syndrome des antiphospholipides a été initialement utilisé en 1986 par G. Hughes pour décrire l’association clinique d’anticorps antiphospholipides (APL) (anticorps dirigés contre des cibles antigéniques multiples : phospholipides et/ou protéines associées aux phospholipides) à un syndrome d’hypercoagulabilité se manifestant par des thromboses veineuses (TV) et/ou artérielles à répétition. Dans un processus de classification en constante évolution ont été récemment proposés des critères internationaux de définition du SAPL (tableau 14.I).
Critères cliniques | Thrombose vasculaire – 1 (ou plusieurs) épisode de thrombose artérielle, veineuse, de petits vaisseaux, de n’importe quel organe. Confirmation par imagerie, doppler ou anatomopathologie – 1 (ou plusieurs) mort fœtale (>10 semaines de grossesse) sans aucune anomalie morphologique documentée par échographie ou étude foetopathologique – 1 (ou plusieurs) accouchement (< 34 semaines de grossesse) d’un enfant morphologiquement normal, associé à une éclampsie ou à une pré-éclampsie ou à une insuffisance placentaire sévère – 3 (ou plus) fausses couches (< 10 semaines de grossesse) spontanées inexpliquées sans cause anatomique, génétique ou hormonale retrouvée |
Critères biologiques | Anticoagulant circulant de type lupique – détectés selon les recommandations des sociétés savants – IgG et/ou IgM, présents à titre moyen ou élevé (titre > 40 GPL ou MPL, ou > 99th percentile) – mesurés par un test ELISA standardisé – IgG et/ou IgM, présents à titre moyen ou élevé (titre > 99th percentile) – mesurés par un test ELISA standardisé |
Le SAPL peut être séparé en deux catégories :
– SAPL dit primaire survenant chez des patients sans marqueur clinique ou biologique d’autres pathologies auto-immunes (tableau 14.II);
La présence de l’un de ces critères n’est pas compatible avec le diagnostic de syndrome primaire des APL : – éruption malaire; – lupus discoïde; – ulcération orale ou pharyngée (sauf ulcération ou perforation de la cloison nasale); – arthrite franche; – pleurésie, en l’absence d’EP ou d’insuffisance cardiaque gauche; – péricardite, en l’absence d’infarctus myocardique ou d’insuffisance rénale marquée; – protéinurie > 0,5g/j, due à une glomérulonéphrite par complexes immuns prouvée histologiquement; – lymphopénie < 1 000/ml; – anticorps anti-ADN natif, par radio-immunologie ou immunofluorescence sur Crithidia; – anticorps anti-antigènes nucléaires solubles; – AAN à un titre > 1/320; – traitement connu comme inducteur d’APL. |
– SAPL secondaire associé au lupus érythémateux systémique dans la plupart des cas, voire à d’autres pathologies dysimmunitaires beaucoup plus rarement.
Les APL les plus communément détectés en pratique clinique sont :
– l’anticoagulant circulant (ACC) anti-prothrombinase dit de type lupique;
– les anticorps anticardiolipine (ACL) et les anticorps anti-β2-glycoprotéine I (β2GPI).
L’ACC de type lupique semble plus spécifique du SAPL tandis que les ACL semblent les plus sensibles. Pour le diagnostic de SAPL, la spécificité des ACL augmente avec leur titre. Elle est plus importante lorsqu’il s’agit d’immunoglobuline de type IgG.
Physiopathologie
Plusieurs hypothèses sont actuellement proposées pour rendre compte des mécanismes moléculaires et cellulaires par lesquels les APL favorisent la thrombose in vivo :
– formation d’un complexe APL-LDL oxydées (réactivité croisée des antiphospholipides sur les particules LDL oxydées) induisant une activation macrophagique après phagocytose du complexe, avec libération de radicaux oxygénés lésant la paroi vasculaire;
– altération de la fonction régulatrice anticoagulante des protéines liées aux phospholipides par liaison des anticorps (la β-2GPI serait un anticoagulant naturel);
– l’absence de phospholipides anioniques (sous-classe de phospholipides reconnue par les autoanticorps) à la surface de cellules endothéliales intactes suggère qu’une perturbation membranaire est nécessaire pour permettre la liaison des anticorps à l’endothélium. Les APL réagissent avec des plaquettes activées et des cellules en apoptose qui, ayant perdu leur conformation membranaire native, exposent des phospholipides anioniques à leur surface.
Épidémiologie
Les APL (ACL et ACC de type lupique) sont retrouvés chez 1 à 5 % des sujets jeunes sains. La présence d’APL sans syndrome clinique d’hypercoagulabilité est retrouvée dans de nombreuses situations cliniques : infection, néoplasie, traitements médicamenteux, hémodialyse, grossesse. Ces anticorps sont habituellement des IgM, présents à des taux faibles et sans manifestation thrombotique associée. Certains patients sont par ailleurs porteurs d’APL à taux élevés sans conséquence clinique. Une question de première importance est celle de l’identification des patients porteurs d’antiphospholipides à risque de développer un événement thrombotique. Plusieurs facteurs de risque ont été isolés : présence d’anticoagulant de type lupique plutôt que d’autres autoanticorps, taux élevé d’ACL. Néanmoins, aucun de ces facteurs de risque n’est suffisamment prédictif d’un événement thrombotique pour justifier un traitement en prophylaxie primaire.
Quand rechercher un SAPL?
C’est le cas en présence des anomalies cliniques suivantes :
– manifestations thrombotiques macroangiopathiques veineuses (tous les territoires peuvent être touchés) et/ou artérielles (moins fréquentes, les artères cérébrales sont le plus souvent touchées, les coronaires se plaçant en second);
– manifestations thrombotiques microangiopathiques témoignant d’une atteinte capillaire, veinulaire ou artériolaire, se présentant cliniquement et biologiquement comme un tableau de micro-angiopathie thrombotique;
– manifestations obstétricales : fausses couches survenant en général après la 10e semaine de grossesse, prématurité favorisée par un contexte d’hypertension artérielle gravidique parfois compliquée d’hématome rétroplacentaire;
– autres : livedo actif des quatre membres, chorée ou atteinte cardiaque gauche (endocardite de Liebmann-Sachs) avec tableau d’insuffisance mitrale modérée souvent emboligène.
C’est aussi le cas en présence d’anomalies biologiques (voirtableau 14.I) :
– l’anomalie la plus fréquemment rencontrée en pratique clinique est l’allongement isolé du temps de céphaline avec activateur (TCA) ou du temps de céphaline kaolin (TCK), non corrigé par l’adjonction de plasma témoin. Un TCA normal n’exclut en aucun cas la possibilité diagnostique de SAPL;
– la thrombopénie périphérique (voir chapitre 15).
Principes thérapeutiques : prophylaxie
Aucun intérêt d’un traitement en prophylaxie primaire des thromboses n’a été montré en présence d’APL retrouvés de manière isolée.
On observe une prévention efficace des manifestations thrombotiques par l’hydroxychloroquine (Plaquenil) chez les patients lupiques porteurs d’APL. Dans tous les cas, le contrôle des autres facteurs de risque vasculaire est impératif.
Le traitement après survenue d’un événement thrombotique est le suivant :
– hors grossesse : anticoagulation efficace au long cours (durée de traitement encore indéfinie) par héparine (avec surveillance de l’héparinémie et non du TCA, souvent faussé dans ce contexte) relayé par les antivitamines K (AVK), avec un INR recommandé entre 3 et 3,5 ou 2 à 3 pour d’autres auteurs;
– pendant la grossesse : association d’héparine et d’aspirine, à interrompre quelques jours avant l’accouchement;
– syndrome catastrophique : urgence de réanimation, traitement anticoagulant (héparine non fractionnée [HNF] à la seringue électrique), corticoïdes et plasmaphérèse ou IgIV.
BIBLIOGRAPHIE
Levine, J.S.; Branch, D.W.; Rauch, J., The antiphospholipid syndrome, N Engl J Med 346 (10) (2002) 752–763.
Miyakis; et al., International consensus statement on an uptade of the classification criteria for definitive antiphospholipides syndrome (APS), J Thromb Haemost 4 (2006) 295–306.
Wilson, W.A.; Gharavi, A.E.; Koike, T.; Lockshin, M.D.; Branch, D.W.; Piette, J.C.; Brey, R.; Derksen, R.; Harris, E.N.; Hughes, G.R.; Triplett, D.A.; Khamashta, M.A., International Consensus for the classification of antiphospholipid syndrome, Arthritis Rheum 42 (7) (1999) 1309–1311.
Maladie de Behçet
Épidémiologie
La distribution géographique de la maladie de Behçet s’opère autour de l’ancienne route de la soie qui s’étendait de l’Asie extrême orientale au bassin méditerranéen. Les prévalences de 80 à 370 cas pour 100 000 habitants sont maximales en Turquie, avec une prédominance féminine au Japon et en Corée, à la différence des pays du Moyen-Orient où les hommes sont plus souvent atteints. Le pic d’incidence de la maladie se situe autour de la 3e décennie.
Physiopathologie
L’association de facteurs génétiques prédisposants (HLA B51) à des facteurs environnementaux (infectieux) semble impliquée dans le développement de la maladie de Behçet. Dans les zones de forte prévalence, la présence de l’allèle HLA B51 est fortement associée au développement de la maladie (risque relatif estimé à 6,7 au Japon par rapport au sujet non B51) et à la sévérité de la maladie (atteinte neurorétinienne). De nombreux agents pathogènes ont été incriminés dans le développement de la maladie de Behçet, via des antigènes ubiquitaires (protéines de choc thermique en particulier) engendrant une réactivité croisée vis-à-vis du soi.
Trois constantes caractérisent la maladie de Behçet au plan physiopathologique :

– expansion clonale de lymphocytes T autoréactifs vis-à-vis de peptides dérivés de protéines de choc thermique (heat shock protein ou HSP 60) avec production de cytokines chémotactiques et d’effecteurs cytotoxiques;

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