Particularités du Diagnostic d’un Syndrome Hémorragique ou Thrombotique en Pédiatrie




PARTICULARITÉS QUANTITATIVES DE L’HÉMOSTASE


Les variations quantitatives reflètent l’immaturité hépatique. Il est nécessaire de connaître les valeurs de référence des facteurs de coagulation, établies en fonction du terme et leur évolution avec l’âge.


Période fœtale




Facteurs de la coagulation


Les protéines de la coagulation sont détectables dès la 10e semaine de vie intra-utérine dans le sang fœtal. Le FT qui déclenche l’activation du FVII joue un rôle majeur dans l’embryogenèse comme l’atteste le décès in utero par hémorragies des embryons de souris homozygotes délétées pour le gène de ce facteur.

Entre la 19e et la 29e semaine de vie fœtale, les facteurs vitamine K dépendants (II, VII, IX, X) sont compris entre 10 et 30 %. Les facteurs contacts (XII, XI, prékallicréine, kininogène de haut poids moléculaire [KHPM]), les FVIII, FV et le fibrinogène sont bas : il en est de même des inhibiteurs de la coagulation. La concentration de facteur Willebrand (VWF) dès la 20e semaine de gestation est proche des valeurs adultes.

Entre la 30e et la 38e semaine, la plupart des facteurs de la coagulation augmentent modérément (jusqu’à 30 %) alors que les taux des FV, FVII et FVIII atteignent la moitié des valeurs de l’adulte. Le taux des inhibiteurs de la coagulation reste proche de 20 % à l’exception de l’antithrombine (AT) dont les taux sont de 35 à 40 %.


Facteurs de la fibrinolyse


Le système fibrinolytique est actif et il semble que le plasminogène fœtal est facilement activable par l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) et l’urokinase qui sont à des taux proches des valeurs adultes alors que leurs inhibiteurs sont à des taux très bas (PAI1 et PAI2). Deux protéines qui inhibent l’activation du plasminogène : l’HRGP et la lipoprotéine (a) sont à des taux indétectables.


Période néonatale et au-delà
































































































Tableau 19.I Valeurs de référence des tests et facteurs de la coagulation chez l’enfant (au-delà de 6 mois)
Tests de la coagulation et valeurs de certains facteurs et inhibiteurs 9 mois Moyenne (extrêmes) 1-5 ans Moyenne (extrêmes) 6-10 ans Moyenne (extrêmes) 11-16 ans Moyenne (extrêmes)
TQ (s) 12,3 (10,0-14,6) 11 (10,6-11,4) 11,2 (10,2-12,0) 12 (11,0-14,0)
TCA (s) 39,5 (28,3-50,7) 30 (24-36) 32 (26-37) 33 (27-40)
FI (g/1) 2,46 (1,50-3,52) 2,76 (1,70-4,05) 3,0 (1,54-4,48) 2,78 (1,56-4,0)
Fil (U/ml) 0,68 (0,30-1,06) 0,94 (0,71-1,16) 0,83 (0,61-1,04) 1,08 (0,70-1,46)
FV (U/ml) 0,99 (0,59-1,39) 1,03 (0,79-1,27) 0,77 (0,55-0,99) 1,06 (0,62-1,50)
FVII (U/ml) 0,87 (0,31-1,43) 0,82 (0,55-1,16) 0,83 (0,58-1,15) 1,05 (0,67-1,43)
FVIII (U/ml) 1,06 (0,58-1,88) 0,90 (0,59-1,42) 0,92 (0,53-1,31) 0,99 (0,50-1,49)
FIX (U/ml) 0,59 (0,25-0,93) 0,73 (0,47-1,04) 0,82 (0,59-1,22) 1,09 (0,55-1,63)
FX (U/ml) 0,67 (0,35-0,99) 0,88 (0,58-1,16) 0,79 (0,50-1,17) 1,05 (0,06-1,52)
FXI (U/ml) 0,59 (0,25-0,93) 0,97 (0,56-1,50) 0,74 (0,50-0,97) 0,97 (0,67-1,27)
FXII (U/ml) 0,61 (0,15-1,07) 0,93 (0,64-1,29) 0,81 (0,34-1,37) 1,08 (0,52-1,64)
PC (U/ml) 0,54 (0,28-0,80) 0,66 (0,40-0,92) 0,83 (0,55-1,11) 0,96 (0,64-1,28)
PS totale (U/ml) 0,86 (0,54-1,18) 0,86 (0,54-1,16) 0,72 (0,52-0,92) 0,81 (0,60-1,13)
AT (U/ml) 0,93 (0,73-1,21) 1,11 (0,82-1,39) 1,05 (0,77-1,32) 1,0(0,74-1,26)


Facteurs de la coagulation


À la naissance, les facteurs VK dépendants (II, VII, IX, X) ont une valeur comprise entre 30 et 50 %. Ils atteignent les valeurs adultes à l’âge de 6 mois. Pour le FIX, cette correction est plus lente et n’est complète qu’entre 6 et 12 mois. En revanche, les taux des FI, FV, FVIII et du VWF sont voisins de ceux de l’adulte, voire supérieurs.



Facteurs de la fibrinolyse


Le système fibrinolytique néonatal est caractérisé par une faible concentration en plasminogène. Le t-PA significativement augmenté à la naissance diminue et reste ainsi jusqu’à 14 ans. Le PAI1 demeure élevé pendant toute l’enfance et l’α2-AP est à un taux proche des valeurs adultes dès la naissance.


PARTICULARITÉS QUALITATIVES DE L’HÉMOSTASE


L’aspect physiologique des systèmes concourant à une hémostase normale reste mal connu. Tout au plus quelques particularités ont-elles été décrites, dont certaines ne sont pas sans conséquence pour l’utilisation thérapeutique de certains médicaments.


Hémostase primaire


Composante plaquettaire : on note une diminution de l’agrégation plaquettaire chez le fœtus, prématuré, nouveau-né, variable suivant l’agoniste utilisé. L’hypoagrégation est surtout nette en présence d’ADP et d’Adrénaline. Elle est plus modérée en présence de collagène et normale en présence de thrombine et d’acide arachidonique.

Composante vasculaire : mal connue chez le nouveau-né, elle semble particulière chez le prématuré dans la mesure où la production de PGI2 par les cellules endothéliales serait augmentée, ce qui entraînerait une vasodilatation.


Système de coagulation


Il existerait une hypercoagulabilité globale à la naissance prouvée par des tests in vitro (temps de prothrombine [TP], étude des marqueurs biochimiques d’activation).

Le fibrinogène des 5 premiers jours de vie serait de type fœtal expliquant l’allongement du temps de thrombine (TT), les anomalies de polymérisation de la fibrine.

Dans le plasma de nouveau-né, la génération de thrombine est retardée et diminuée de 50 % par rapport à celle d’un plasma d’adulte. Il est lié à la diminution de la quantité de FII.

Plus faible chez le nouveau-né (dû à la baisse d’AT), l’inhibition de la thrombine serait en partie contrebalancée par l’α2-macroglobuline qui forme les complexes avec la thrombine, mais aussi l’héparine cofacteur II qui, lié à un sulfate présent dans les premiers jours de vie, a une action AT aussi.



Examens biologiques de l’hémostase


Ces dernières années, les méthodes d’exploration de l’hémostase ont bénéficié de la miniaturisation des techniques et de leur adaptation possible sur les automates de coagulation. Il est nécessaire d’éliminer les fréquents artefacts liés aux difficultés de prélèvements et d’interpréter les résultats en fonction des variations quantitatives liées à l’âge gestationnel et postnatal.

Le problème du prélèvement est capital parce qu’il induit des anomalies pouvant masquer un déficit réel. Les prélèvements veineux sont pour nous la source la plus fréquente. Ils se sont généralisés dans la mesure où il existe une prévention locale efficace de la douleur. Ce type de prélèvement peut être plus difficile chez les grands prématurés. Or certaines équipes continuent à prélever sur sang capillaire. L’arrivée prévisible sur le marché d’instruments de laboratoire délocalisés devrait permettre de mieux redéfinir une stratégie adéquate de prélèvements en néonatalogie notamment.

Les principaux tests de coagulation sont réalisables à partir de 1,2ml de sang qui, compte tenu de l’hématocrite du nouveau-né, permet d’obtenir une quantité suffisante de plasma. Nous recommandons de ne pas prescrire le TP (temps de Quick [TQ]) le 1er mois de vie, mais de faire doser plutôt les cofacteurs du TP : FII, FV, FVII, FX. En effet, il n’existe pas de corrélation entre le TP et les cofacteurs sans qu’une explication claire ait été donnée. Le bilan minimum disponible comportera donc les tests suivants : temps de céphaline avec activateur (TCA), FII, FV, FVII, FX, fibrinogène. Au-delà du 1er mois, le TP peut être demandé d’emblée.

En fonction des anomalies détectées et des renseignements cliniques donnés au biologiste, ce dernier ajoutera des analyses complémentaires.



PATHOLOGIE HÉMORRAGIQUE : RÔLE DU LABORATOIRE



Thrombopénies isolées


Définies par un taux < 150G/l, 0,8 à 4 % de nouveau-nés sains à terme, 22 % d’enfants prématurés ou malades en seraient atteints. Elles sont détectées lors d’une numération plaquettaire systématique ou dans un contexte hémorragique. La prise en charge vise à réunir deux informations : trouver l’étiologie de cette thrombopénie et évaluer son importance pour proposer si nécessaire un traitement urgent. Les notions sur les antécédents maternels (thrombopénie, splénectomie, prise médicamenteuse, troubles de la pression artérielle) doivent être connues notamment en période néonatale. L’attitude est différente s’il s’agit d’un nouveau-né à terme ou d’un enfant prématuré, dysmorphique ou infecté. Les causes acquises sont les plus fréquentes : infections bactériennes ou virales au premier plan, puis troubles de l’hématopoïèse et de la mégacaryopoïèse (thrombopénies génétiques associées ou non à une anomalie chromosomique) qu’il faut éliminer avant d’envisager une cause immunologique.

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Jun 5, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Particularités du Diagnostic d’un Syndrome Hémorragique ou Thrombotique en Pédiatrie

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