Chapitre 1 Douleurs Thoraciques
GRANDES URGENCES THÉRAPEUTIQUES
Elles sont au nombre de cinq. Deux nécessitent un traitement anticoagulant et/ou thrombolytique dans les minutes qui suivent l’examen du patient : infarctus du myocarde ou syndromes coronariens et embolie pulmonaire. Trois sont des contre-indications au traitement anticoagulant : dissection aortique, péricardite et rupture de l’œsophage.
Syndromes coronariens aigus
Ils représentent plus du quart des consultations pour douleur thoracique au service des urgences (10 % pour l’infarctus) alors que les autres causes de douleurs thoraciques aiguës représentent moins de 5 % des motifs de consultation en urgence. C’est dire que le médecin doit toujours avoir la hantise de ne pas laisser repartir au domicile un patient consultant pour les prodromes d’un infarctus du myocarde.
Infarctus du Myocarde
Diagnostic
Il doit être particulièrement suspecté chez les patients ayant déjà fait un problème coronarien et chez ceux qui ont des facteurs de risque vasculaire : principalement l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, le diabète (en sachant que la douleur peut être atténuée ou très atypique dans ce contexte), le tabagisme et les antécédents familiaux de maladie coronaire.
La douleur a pu survenir à l’effort ou au repos. Elle est constrictive, décrite comme un broiement (« c’est le rhumatisme d’heberden »). Elle est classiquement montrée avec le plat de la main dans la région précordiale et irradie dans le bras gauche, les mâchoires, mais son siège et ses irradiations peuvent être très atypiques (le dos, l’épigastre, le bras droit, etc.). Elle est typiquement (mais pas toujours) intense, sans commune mesure avec les crises d’angor habituelles, si le patient en a déjà eu, et résiste à la trinitrine. Elle dure plusieurs minutes, voire plusieurs dizaines de minutes.
Dans la plupart des cas, l’eCG et le dosage de la troponine évoquent un diagnostic d’infarctus. L’eCG-12 dérivations montre habituellement le courant de lésion (sus décalage de ST = onde de Pardee) et les troubles de repolarisation dans le territoire infarci quelques heures avant l’apparition de l’onde Q. Néanmoins, il peut être normal pendant les premières heures ou difficile à interpréter, en particulier s’il existe un bloc de branche gauche. Dans ces cas, l’augmentation de la troponine incite à garder le patient, à faire une échocardiographie à la recherche d’un trouble de la cinétique segmentaire du ventricule gauche, à doser les CPK et CPK-MB, et à refaire l’eCG quelques heures plus tard, voire à faire une coronarographie.
Traitement
Faire le diagnostic d’infarctus impose plusieurs gestes d’urgence :
Angor instable
Diagnostic
Lorsqu’il n’y a pas d’élévation du segment ST, il peut s’agir d’un angor instable défini comme un angor d’apparition récente ou soudainement aggravé, survenant pour des efforts minimes ou même au repos, avec des crises de plus en plus sévères et prolongées. Un cas particulier d’angor instable est l’angor de Prinzmetal, ou angor sympathique, survenant électivement en fin de nuit et surtout accompagné de troubles du rythme. Un angor lié à des spasmes coronaires peut survenir sur des coronaires « normales » à la coronarographie ou ne présentant qu’une discrète plaque d’athérome. En l’absence d’élévation du segment ST sur l’eCG fait en urgence, un score appelé TIMI permet de repérer les patients à fort risque d’infarctus et/ ou d’évolution défavorable (Tableau I).
Tableau I Score de risque TIMI.
Critères | Points |
---|---|
Âge > 65 ans | 1 |
Antécédents de maladie coronaire | 1 |
Prise d’aspirine dans les 7 jours qui précèdent | 1 |
Présence de 3 facteurs de risque* ou plus | 1 |
Au moins 2 épisodes d’angor dans les 24 heures écoulées | 1 |
Élévation des enzymes cardiaques | 1 |
Modification du segment ST de plus de 0,5 mm | 1 |
Le risque d’événement cardiovasculaire majeur varie de 0,5 % (score 0/1) à 40 % (score 6/7). *Hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète, tabagisme, antécédents familiaux de maladie coronaire précoce.
Embolie pulmonaire (EP)
Diagnostic
Facteurs de risque
Il est l’un des diagnostics les plus difficiles à faire, particulièrement chez les patients âgés, en insuffisance cardiaque ou ayant eu une pneumopathie bactérienne.
Dans une revue autopsique des erreurs médicales observées à l’université de Kiel, en Allemagne, pendant 40 ans, l’embolie pulmonaire était la cause la plus fréquente de ces erreurs. Aux USA, environ deux tiers des embolies pulmonaires mortelles ne sont pas diagnostiqués avant l’autopsie.
Certaines situations sont particulièrement à risque : l’immobilité, la chirurgie ou la période péri-partum, les néoplasies. Il faut y ajouter des facteurs de risque moins importants : l’insuffisance cardiaque, les cathéters veineux (Port-àcath ® en particulier), les traitements œstroprogestatifs, les voyages sur de longues distances (economic class syndrome).
Une thrombophilie biologique, congénitale ou acquise est également un facteur de risque important en particulier le facteur V Leiden, les déficits en protéines C ou S, la présence d’anticorps antiphospholipides. Par exemple, la mutation Leiden du facteur V multiplie par 3 à 5 le risque d’embolie pulmonaire. Associée à une pilule œstroprogestative, elle multiplie le risque par environ 35.
Symptômes et signes cliniques
Le diagnostic d’embolie pulmonaire doit être évoqué chez tout patient dyspnéique (75 % à 84 % des cas d’embolie pulmonaire) et/ou ayant une douleur thoracique (66 à 74 % des cas d’embolie pulmonaire). La quasi-totalité des patients ayant une embolie pulmonaire présente au moins l’un de ces deux symptômes. L’examen clinique objective une tachypnée (≥ 16 mouvements respiratoires par minute) chez plus de 90 % des patients, une tachycardie (supérieure à 100/min) chez 45 % des patients, de la fièvre (parfois trompeuse, car orientant vers une pneumopathie) chez 43 % des patients. En revanche, des signes cliniques de thrombophlébite sont présents chez moins d’un tiers des patients, d’où la nécessité de recourir à l’échodoppler veineuse, en sachant que celle-ci est en défaut chez 30 % des patients.
Examen complémentaire
Lorsque le diagnostic d’embolie pulmonaire est suspecté, six examens complémentaires peuvent être utiles : les gaz du sang (ils montrent en principe une hypoxémie et une hypocapnie, dues à l’effet shunt, mais ils sont normaux chez près de 40 % des patients jeunes), l’eCG, l’échocardiographie, la mesure des D-dimères, l’angioscanner thoracique ou à défaut la scintigraphie pulmonaire. Tous ces examens n’ont pas la même valeur diagnostique. Un taux de D-dimères <500 mg/mL avec une technique correcte (ELISA ou Immunoassay) a une grande valeur prédictive négative. Il élimine le diagnostic d’embolie pulmonaire sauf si la suspicion clinique est très forte. De même un scanner spiralé, à condition d’être effectué rapidement, élimine le diagnostic d’embolie pulmonaire s’il n’y a aucun défect dans les artères pulmonaires. La négativité des autres tests n’élimine en rien le diagnostic d’embolie pulmonaire.
Scores
Différents scores ont été utilisés pour évaluer le risque d’embolie pulmonaire : critères de Wells, de Wicki, de Charlotte, et plus récemment score de Genève. Les plus intéressants semblent être ceux qui utilisent uniquement des critères obtenus par l’interrogatoire et l’examen clinique. Ce sont les scores de Wells et de Genève (Tableaux II et III).
Critères | Points | |
---|---|---|
1 | Suspicion de thrombophlébite | 3 |
2 | Pas d’hypothèse diagnostique plus satisfaisante que l’embolie pulmonaire | 3 |
3 | Tachycardie > 100/min | 1,5 |
4 | Immobilisation ou intervention au cours du dernier mois | 1,5 |
5 | Antécédent de thrombophlébite ou d’embolie pulmonaire | 1,5 |
6 | Hémoptysie | 1 |
7 | Cancer (en cours de traitement ou traité depuis moins de 6 mois) | 1 |
Score | Risque | Probabilité d’embolie pulmonaire |
< 2 | Faible | 3,6 % |
2 à 6 | Intermédiaire | 20,5 % |
> 6 | Élevé | 66,7 % |
Tableau III Score de Genève révisé (Ann Intern Med).
Critères | Points |
---|---|
Facteurs de risque | |
Âge > 65 ans | 1 |
Antécédent de phlébite et/ou embolie pulmonaire | 3 |
Chirurgie ou fracture < 1 mois | 2 |
Néoplasie au cours de l’année écoulée | 2 |
Symptômes | |
Douleurs unilatérales d’un mollet | 3 |
Hémoptysie | 2 |
Signes clinique | |
Tachycardie entre 75 et 94/min | 3 |
Tachycardie 95 ≥ /min | 5 |
Douleurs d’un mollet et œdème unilatéral | 4 |
Score | Risque |
0 à 3 | Faible |
4 à 10 | Intermédiaire |
≥ 10 | Élevé |

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