Syndromes Démentiels

9. Syndromes Démentiels




DÉFINITION ET CLASSIFICATION DES DÉMENCES


Une démence est un trouble acquis et chronique des fonctions cérébrales supérieures. Elle concerne plusieurs domaines cognitifs et, de ce fait, se distingue d’un trouble focal des fonctions cérébrales tel qu’une aphasie ou une amnésie. D’après la définition de Cummings et Benson [182, 520], au moins trois des cinq domaines suivants doivent être atteints:





– langage;


– mémoire;


– facultés visuospatiales (capacités visuoconstructives, reconnaissance visuelle, etc.);


– comportement, émotions et personnalité;


– cognition (abstraction, interprétation de proverbes, calcul et fonctions exécutives).

Contrairement à un retard de développement psychomoteur, une démence est acquise. Et, contrairement à un état confusionnel aigu, elle persiste pendant des semaines et des mois; enfin, elle est progressive dans de nombreuses étiologies. On ne peut pas diagnostiquer une démence si le patient souffre d’un trouble sévère de la vigilance, indicatif d’un état confusionnel aigu. La définition de Cummings et Benson ne se prononce pas sur la sévérité des troubles cognitifs. Toutefois, on parle en général de démence seulement lorsque le trouble interfère de façon significative avec la vie sociale et professionnelle [27]. Les troubles cognitifs, qui correspondent à la définition ci-dessus mais qui n’interfèrent pas de façon pertinente avec les activités quotidiennes, sont normalement désignés par le terme de trouble cognitif léger (Mild Cognitive Impairment, ou MCI, voir page 180) [596]. En outre, cette définition n’exige pas la présence d’un trouble de la mémoire. En fait, les troubles de mémoire sont présents dans la plupart des démences, mais ne se situent pas toujours au premier plan – tel est le cas dans la dégénérescence frontotemporale, par exemple [511]. D’un point de vue anatomique, la définition susmentionnée de la démence peut être traduite par l’association de déficits de plusieurs domaines cognitifs tels que décrits dans la figure 1.4. Seules font exceptions à cette règle les démences dues à une dégénérescence ou une autre atteinte (par exemple méningiome) du cerveau frontal. Comme déjà décrit dans le chapitre des troubles du cerveau frontal, cette structure contrôle des processus cognitifs d’autres régions cérébrales d’une façon tellement décisive qu’un trouble du cerveau frontal peut se manifester par la perturbation de plusieurs domaines cognitifs.



DÉMENCES CORTICALES ET SOUS-CORTICALES


Bien que toutes les démences touchent plusieurs domaines cognitifs, elles ne représentent cependant pas un trouble diffus des fonctions cérébrales. Les différentes étiologies conduisent, en fonction de la localisation du dommage cérébral maximal, à différentes formes de déficits. La distinction entre démences corticales et sous-corticales s’est avérée utile en clinique (tableau 9.I) [71, 179, 520]. Le prototype de la démence corticale est la maladie d’Alzheimer. Celui de la démence sous-corticale se manifeste dans le cadre de maladies extrapyramidales, telles que la paralysie supranucléaire progressive (syndrome de Steele-Richardson-Olszewski), la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington ou encore la dégénérescence hépatolenticulaire (maladie de Wilson). Le tableau 9.Iénumère les caractéristiques les plus importantes de ces deux formes de démence.



















Tableau 9-I – Différences entre démence corticale et sous-corticale [71, 179, 181].

Démence corticale Démence sous-corticale
Fonctions cognitives
Langage
Articulation
Mémoire
Reconnaissance
Actions
Affect
Aphasie Normale
Amnésie, trouble de l’encodage
Agnosie
Apraxie
Indifférence, désinhibition
Normal Dysarthrie
Distraction, trouble du rappel Ralentissement Ralentissement Apathie, dépression
Fonctions motrices
Posture Tonus
Mouvements Marche
Normale Normal Normaux Normale Anormale, dystonique, etc. Augmenté
Choréa, akinésie, tremblements
Anormale : penchée, petits pas

Les démences corticales (en particulier la maladie d’Alzheimer, les atrophies focales, certains cas de démence vasculaire, etc.) se caractérisent par des déficits cognitifs «corticaux», donc par de vrais troubles aphasiques (anomie, paraphasies, trouble de la compréhension), des troubles apraxiques typiques ou encore des troubles agnosiques aperceptifs ou associatifs. Les troubles de la mémoire correspondent à de vraies amnésies où la reconnaissance est aussi fréquemment altérée. Ces perturbations sont indépendantes d’un éventuel ralentissement. Suivant l’étiologie, la motricité peut être entièrement intacte.

En comparaison, les patients atteints de démence sous-corticale donnent, avant tout, une impression de ralentissement mental et somatique (ralentissement psychomoteur). Parfois, ils apparaissent apathiques et dépressifs. Selon l’étiologie, des troubles extrapyramidaux peuvent se manifester. Ces patients présentent moins de troubles cognitifs élémentaires (aphasie, amnésie, etc.) mais souffrent plutôt d’un ralentissement accompagné d’une perte d’efficacité du langage, du dessin, du décodage visuel et de l’exécution de l’action. On observe lors de l’examen de la mémoire une difficulté d’accès à l’information stockée qui se manifeste surtout par des troubles lors du rappel libre [353, 602].

La distinction entre démence corticale et sous-corticale résidait originellement dans des différences anatomiques. Dans la maladie d’Alzheimer, le processus pathologique touche primairement le cortex, dans les maladies extrapyramidales, ce sont surtout les noyaux sous-corticaux [774]. Cette distinction a été critiquée et même considérée comme incorrecte. En effet, dans la maladie d’Alzheimer, il existe également une dégénérescence de structures sous-corticales, en particulier des cellules cholinergiques du noyau de Meynert, qui est situé dans le cerveau antérobasal, et qui se projettent pratiquement sur l’ensemble du néocortex [838]. Néanmoins, la distinction entre démences corticales et sous-corticales est très utile en tant que concept clinique. Elle permet d’effectuer une première différenciation clinique entre les différentes étiologies de démences et constitue un premier pas décisif dans la distinction de la maladie d’Alzheimer d’autres démences [520]. En règle générale, une maladie d’Alzheimer est d’autant plus probable que l’aspect de la démence apparaît «cortical».


ÉTIOLOGIES DES DÉMENCES























































































































































Tableau 9-II – Causes des démences.
Étiologie Type de démence
Maladies dégénératives
Maladie d’Alzheimer Corticale
Dégénérescence frontotemporale Corticale ou sous-corticale
Maladie à corps de Lewy Corticale ou mixte
Maladies extrapyramidales :



– paralysie supranucléaire progressive


– maladie de Parkinson


– choréa de Huntington
Sous-corticale
Ataxies héréditaires : ataxie de Friedreich, etc. Sous-corticale
Démences vasculaires, hypoxie
Démence aux infarctus ou hémorragies multiples Mixte
État lacunaire Mixte ou sous-corticale
Encéphalopathie de Binswanger Sous-corticale
Vasculites (lupus, etc.) Sous-corticale
Syndrome d’apnée du sommeil Sous-corticale
Hydrocéphalie Sous-corticale
Maladies psychiatriques
Dépression (« pseudodémence ») Sous-corticale
Schizophrénie Sous-corticale
Démence hystérique
Maladies systémiques
Insuffisance respiratoire, cardiaque, hépatique, rénale Sous-corticale
Anomalies électrolytiques chroniques :



– hypercalcémie, hyperparathyroïdie (hyper/normocalcémie)


– hypokaliémie, etc.
Sous-corticale
Troubles endocriniens et métaboliques :



– thyroïde : hypothyroïdie, encéphalopathie de Hashimoto


– syndrome de Cushing, Addison


– insuffisance hypophysaire


– hypo ou hyperglycémie


– manque en vitamine B12, acide folique, thiamine (B1)
Sous-corticale
Encéphalopathies toxiques :



– démence alcoolique, syndrome de Gayet-Wernicke-Korsakoff


– métaux lourds (Bi, As, Au, Mn, Hg, Ti, Pb, Sn)


– solvants


– médicaments
Sous-corticale
Troubles métaboliques héréditaires :



– maladie de Wilson


– leucodystrophies
Sous-corticale
Infections et inflammations cérébrales
Sida :



– encéphalopathie à VIH


– leucoencéphalopathie multifocale progressive


– toxoplasmose
Sous-corticale
Mixte ou corticale
Mixte ou corticale
Syphilis :



– paralysie générale


– syphilis méningovasculaire
Sous-corticale
Mixte ou sous-corticale
Maladie de Lyme Sous-corticale
Maladies à prions :



– maladie de Creutzfeldt-Jakob


– gliose familiale progressive, etc.
Corticale ou mixte
Abcès cérébral Mixte
Maladie de Whipple Sous-corticale ?
Neurosarcoïdose Sous-corticale ?
Encéphalites virales, en particulier Herpes simplex Mixte ou corticale
Maladies démyélinisantes : sclérose en plaques Sous-corticale
Traumatisme craniocérébral
Contusion, lésions axonales diffuses Sous-corticale ou mixte
Démence pugilistique (du boxer) Sous-corticale
Hématome sous-dural Sous-corticale ou mixte
Démences iatrogènes
Médicaments : sédatifs, neuroleptiques, etc. Sous-corticale
Tumeurs
Méningiome frontal Sous-corticale ou mixte
Encéphalopathie paranéoplasique Sous-corticale ou
mixte








































Tableau 9-III – Fréquence en % des différentes causes de démence [520].
Étiologie Incidence (%)
Maladie d’Alzheimer (seule) 35
Combinaison d’une maladie d’Alzheimer et d’une démence vasculaire 15
Démence à corps de Lewy 15
Démence vasculaire (seule) 10
Dégénérescence frontotemporale 5
Maladie psychiatrique 4
Cause toxique, métabolique 4
Infection 3
Hydrocéphalie 2,5
Autre trouble des mouvements 6
Divers < 1

Il est parfois difficile de décider, lors de l’examen initial d’un patient, s’il souffre d’une démence ou d’un état confusionnel. Tout comme la démence, l’état confusionnel aigu touche de multiples domaines cognitifs. Cependant, contrairement à la démence, il est accompagné de troubles de la vigilance et de l’attention primaire (état d’éveil, degré d’activation), dont la manifestation peut varier en l’espace de quelques heures ou même de quelques minutes [402, 471, 770 1355]. Un état confusionnel aigu se manifeste souvent en quelques heures ou quelques jours, mais rarement en plusieurs semaines. Ce qui distingue un état confusionnel aigu d’une démence est résumé dans le tableau 9.IV. Si un état confusionnel progresse pendant des mois (état confusionnel chronique), la distinction avec une démence peut devenir impossible. Si un tel état confusionnel ne peut pas être différencié d’une démence avec certitude, il faut alors inclure les étiologies d’état confusionnel dans le diagnostic différentiel de la démence. Ces dernières sont discutées dans le chapitre sur les troubles attentionnels (voir page 17).















Tableau 9-IV – Différences entre un état confusionnel et une démence.

État confusionnel Démence
Évolution
Début
Évolution
Rapide (heures, jours) Fluctuations Lent (des mois) Chronique, souvent progressive
Observations Vigilance Attention dirigée Langage, expression Mémoire Affects
Signes de psychose
Très fluctuante Très fluctuante Incohérents Mauvaise
Angoisse, peurs fréquentes Intenses, hallucinations
Normale
Longtemps préservée Aphasie, dysarthrie Mauvaise
Indifférence, désinhibition Hallucinations possibles


MALADIE D’ALZHEIMER




PRÉSENTATION CLINIQUE


Le patient souffrant d’une maladie d’Alzheimer typique semble être en bonne santé, insouciant et se préoccupe beaucoup moins de son état que son entourage. Les premières plaintes de la famille, occasionnellement du patient, concernent la mémoire. Les patients oublient les noms de personnes, paraissent déconcentrés sur leur lieu de travail, oublient leurs devoirs, déplacent des objets, ont des difficultés à parler de façon précise et à s’orienter dans des endroits qui devraient leur être familiers. Ce que l’entourage appelle « pertes de mémoire» ou oublis englobe non seulement des troubles de mémoire (amnésie antérograde) mais aussi des problèmes de concentration et d’attention, des manques de mots et des troubles de reconnaissance visuelle.

L’examen montre souvent des troubles cognitifs bien plus sévères que l’apparence du patient ne l’aurait fait suspecter (figure 9.1). On trouve pratiquement sans exception des troubles mnésiques sévères. Bien que l’empan (rappel immédiat) puisse rester longtemps intact, on peut, déjà très tôt, mettre en évidence une amnésie antérograde [594, 665] prédominante au rappel différé d’une liste de mots (voir page 133). Contrairement aux patients souffrant de démence sous-corticale ou d’un trouble mnésique associé à l’âge, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ne peuvent se remémorer des mots même si leur appartenance à une catégorie leur est indiquée (indiçage), s’ils ont le choix entre plusieurs mots dont l’un est correct (reconnaissance perturbée) [353]. Le rappel différé est déjà très perturbé au début de la maladie. On a observé chez les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer que le rappel différé se détériore déjà au bout de 2 à 10 minutes suite à l’apprentissage d’une liste de mots, alors que cela n’est le cas qu’au bout de 10 à 20 minutes chez les patients atteints de démence sous-corticale [15]. Puis s’installe une désorientation qui touche aussi bien les lieux que le temps et la situation actuelle. Des confabulations provoquées (voir page 131) deviennent plus fréquentes [193], alors que la perte du sens de la réalité qui caractérise la confabulation comportementale spontanée (voir page 132) reste rare [387].








B9782294068249500094/f09-01-9782294068249.jpg is missing
Fig. 9-1
Maladie d’Alzheimer. a : épreuve d’écriture d’une patiente souffrant d’une maladie d’Alzheimer débutante. La traduction du texte allemand en français tente de transmettre la dégradation grammaticale du langage et le début d’un manque de mots. b à d : patient âgé de 63 ans présentant une « légère » démence de type Alzheimer (Mini Mental State : 24/30 points). Bien que lui-même n’ait rien remarqué, son épouse avait constaté des troubles mnésiques. L’examen démontra une amnésie antérograde sévère, un trouble de la dénomination modéré ainsi qu’un trouble visuoconstructif sévère lors de la copie de dessins simples (b) de la figure complexe de Rey (c) (voir figure 5.1), ainsi que des persévérations lors de la copie des frises de Luria (d) (voir figure 3.7) et d’autres troubles des fonctions frontales. Le comportement social était amical et adéquat. L’examen neurologique somatique était parfaitement normal.



Parmi les manifestations typiques de cette maladie se trouvent également les troubles du langage [183, 618]. Ceux-ci se manifestent par un langage au contenu appauvri contenant de nombreuses circonlocutions, que les patients utilisent pour pallier leur manque du mot. Le langage est fluent et la compréhension du langage est initialement préservée. Ce trouble du langage correspond donc à une aphasie anomique. Dans cette phase, les patients ont aussi des difficultés à produire des mots comprenant la même lettre initiale ou appartenant à une même catégorie sémantique [548]. On constate par la suite une aggravation de la compréhension du langage, alors que la répétition reste encore bien préservée. On est parfois frappé par l’apparition d’écholalies. Durant cette phase, le trouble du langage correspond à une aphasie transcorticale sensorielle ou parfois à une aphasie de Wernicke. Dans la phase tardive de la maladie, les patients perdent complètement le langage et deviennent mutiques.

Parmi les dysfonctionnements associés au langage (voir figure 1.4), l’ apraxie idéomotrice a été décrite dans la maladie d’Alzheimer [630]. Celle-ci, d’après notre propre expérience, refléterait plutôt un manque de capacité d’abstraction et de reconnaissance de concept. Les patients ne maîtrisent plus le concept abstrait d’une pantomime. Cela compte aussi pour l’ acalculie, que l’on observe tôt dans la maladie. Le concept d’une opération mathématique semble alors être trop abstrait pour ces patients. L’acalculie est donc en partie due à un déficit exécutif.

Les capacités visuoconstructives sont souvent perturbées. Les patients souffrant de maladie d’Alzheimer présentent, très tôt au cours de leur maladie, des problèmes lors des tests constructifs (voir figure 9.1). Cela touche rapidement des figures tridimensionnelles simples. La représentation graphique d’objets à signification (par exemple : montre ou bicyclette) échoue aussi bien en raison des troubles visuoconstructifs que des troubles de la mémoire sémantique [354, 520]. La perception de l’espace est également perturbée et les patients ont des difficultés à lire une montre à affichage analogue ou à s’orienter dans des lieux nouveaux [354]. La perception visuelle est perturbée dans le sens d’une agnosie aperceptive ou d’un syndrome de Balint. Des troubles de reconnaissance visuelle peuvent même constituer le symptôme initial et prédominant de cette maladie (voir «Atrophie corticale postérieure», page 184) [522, 807].

Les fonctions du cerveau frontal restent relativement intactes au début de la maladie. Bien que des persévérations et un manque d’initiative puissent être documentés précocement, des troubles de la personnalité sont encore discrets à ce stade, contrairement à ce que l’on peut observer dans le cas de dégénérescence frontale [520]. L’apathie des patients atteints de la maladie d’Alzheimer est caractérisée par un manque de flexibilité cognitive, de l’initiation et de spontanéité dans les activités quotidiennes, mais non par un ralentissement psychomoteur tel qu’on l’observe dans les démences sous-corticales. Les problèmes comportementaux les plus importants au cours de la maladie sont l’apathie, l’irritabilité, la dépression et l’agitation [515]. La prise en charge peut également être compliquée par des idées psychotiques et, en particulier dans les stades avancés, par des idées de persécution.


La présentation des formes familiales (autosomales dominantes) de la maladie d’Alzheimer ne se distingue que peu de la présentation de la maladie chez la personne âgée. La fréquence augmentée des myoclonies et des crises épileptiques et la manifestation précoce de la maladie (souvent dès l’âge de 30 ans) constituent la différence la plus importante. Le trouble de la dénomination semblerait être également moins important que dans la maladie d’Alzheimer sporadique [405].











































Tableau 9-V – Critères NINCDS-ADRDA pour le diagnostic d’une maladie d’Alzheimer [510].
Critères cliniques de maladie d’Alzheimer probable
Démence établie à l’examen clinique, documentée par le Mini Mental State ou tout autre test équi-
valent et confirmée par des épreuves neuropsychologiques
Déficits d’au moins deux domaines cognitifs
Altération progressive de la mémoire et des autres fonctions cognitives
Absence de trouble de conscience
Survenue entre 40 et 90 ans, le plus souvent au-delà de 65 ans
Absence d’une autre maladie systémique ou cérébrale pouvant expliquer des déficits mnésiques et
cognitifs progressifs
Diagnostic renforcé par les éléments suivants:



– détérioration progressive des fonctions telles que le langage (aphasie), les habiletés motrices (apraxie) et perceptives (agnosie)


– perturbation des activités de la vie quotidienne et présence de troubles du comportement


– histoire familiale de troubles similaires (surtout si confirmé histologiquement)


– examens complémentaires: liquide céphalorachidien normal, EEG normal ou siège de perturbations non spécifiques, présence d’atrophie cérébrale progressive (CT-scan ou IRM)
• Diagnostic compatible avec les éléments suivants :



– périodes de plateaux au cours de l’évolution


– présence de symptômes tels que dépression, insomnie, incontinence, idées délirantes, illusions, hallucinations, réactions de catastrophe, désordres sexuels et perte de poids


– anomalies neurologiques, surtout aux stades évolués de la maladie: signes moteurs tels qu’une hypertonie, des myoclonies ou des troubles de la marche


– crises comitiales aux stades tardifs


– scanner cérébral normal pour l’âge
• Diagnostic improbable en cas de:



– début soudain


– déficit neurologique focal tel que hémiparésie, hypoesthésie, déficit du champ visuel, incoordination motrice à un stade précoce


– crises convulsives ou troubles de la marche en début de maladie
• Critères cliniques de maladie d’Alzheimer possible
Présence d’un syndrome démentiel, en l’absence d’autre désordre neurologique, psychiatrique ou systémique susceptible de causer une démence, présence de variante dans la survenue, la présentation ou l’évolution de la maladie
Présence d’une autre affection systémique ou cérébrale susceptible de produire un syndrome démentiel mais n’étant pas considérée comme la cause de la démence
Survenue d’un déficit cognitif isolé sévère et progressif en l’absence d’autre cause identifiable
• Critères de maladie d’Alzheimer certaine
Critères cliniques de maladie d’Alzheimer probable remplis
Examen histopathologique obtenu par biopsie ou autopsie avec résultat typique de la maladie d’Alzheimer


EXAMENS COMPLÉMENTAIRES



Les techniques de médecine nucléaire sont plus sensibles: SPECT et PET au fluorodésoxyglucose marqué (FDG-PET). Elles montrent, déjà au stade précoce, une hypoperfusion ou un hypométabolisme des régions temporopariétales [519, 761]. Cela n’est pas spécifique de la maladie d’Alzheimer et peut également être présent dans le cadre de démences vasculaires ou d’hypoxie. De nouveaux ligands utilisés en PET (par exemple, PIB: Pittsburgh Compound-B [421]) permettent de visualiser des produits spécifiques de la dégénérescence (plaques, altérations neurofibrillaires), voire le dépôt de la protéine toxique, la β-amyloïde [247, 725]. La signification de ces méthodes dans le diagnostic individuel et précoce fait actuellement l’objet de plusieurs études. Des changements significatifs d’activation en IRM fonctionnelle ont été décrits lors des tests de mémoire [310], mais leur validité dans le diagnostic individuel reste indéterminée. Bien que les techniques de neuro-imagerie progressent rapidement, et soient bientôt susceptibles d’avoir une valeur diagnostique sûre [449], elles ne sont actuellement, à part l’examen de tomodensitométrie et IRM, pas encore recommandées comme examens de routine [422]. L’ électroencéphalogramme (EEG) est également utilisé, avant tout afin de diagnostiquer d’autres étiologies de déficit cognitif (état confusionnel aigu, maladie de Creutzfeldt-Jacob, etc.). Dans la maladie d’Alzheimer, on peut observer au cours de la maladie de légères altérations de l’EEG [520].

Il n’y a actuellement pas de biomarqueur qui soit fiable pour le diagnostic individuel. Bien que l’augmentation de la protéine tau associée à une diminution de la protéine β-amyloïde (Abêta-42, voir ci-après) dans le liquide céphalorachidien ait une haute sensitivité et spécificité pour le diagnostic d’une maladie d’Alzheimer débutante [257, 331], leur dosage n’est pas encore recommandé dans le cadre du diagnostic clinique [422]. De même, l’analyse de marqueurs génétiques (Apo-E4) n’est pas non plus recommandée dans l’évaluation de routine [422].


PATHOLOGIE


L’altération pathologique la plus importante réside dans la dégénérescence des lobes temporaux internes et du cortex associatif et, de préférence, du cortex temporopariétal (figure 9.2) [34, 138, 774, 777]. Les modifications les plus précoces touchent le cortex entorhinal du lobe temporal interne avec, en premier lieu, une dégénérescence des fibres du tractus perforans (perforant pathway) contenant les afférences principales de l’hippocampe [372]. Cela explique pourquoi les troubles de la mémoire comptent parmi les manifestations les plus précoces de la maladie. La participation importante du cortex associatif temporopariétal explique la présence de troubles précoces du langage et des fonctions spatiales. Les lobes frontaux sont moins fortement atteints; ainsi, des troubles de la vigilance ou une désinhibition, s’ils sont présents au stade précoce d’une démence, plaideraient plutôt contre une maladie d’Alzheimer. De plus, des noyaux sous-corticaux, en particulier les noyaux cholinergiques du cerveau antérobasal (tout d’abord le noyau basal de Meynert) subissent une dégénérescence [838, 839]. En fait, l’activité de nombreux systèmes neurotransmetteurs (acétylcholine, sérotonine, norépinéphrine, somatostatine, etc.) est réduite [401, 520].








B9782294068249500094/f09-02-9782294068249.jpg is missing
Fig. 9-2
– Distribution topique de la dégénérescence en cas de maladie d’Alzheimer (des gris plus foncés indiquent une dégénérescence plus sévère).


Les manifestations pathologiques les plus importantes sont constituées par une perte neuronale associée à la présence de plaques séniles, d’altérations neurofibrillaires et d’une angiopathie amyloïde [774]. Ces manifestations sont présentées schématiquement dans la figure 9.3.








B9782294068249500094/f09-03-9782294068249.jpg is missing
Fig. 9-3
– Représentation schématique des principales altérations histopathologiques en cas de maladie d’Alzheimer. La flèche en zigzag sur la synapse en haut à droite indique un dysfonctionnement de la synapse. APP : Amyloid Precusor Protein.


Il existe deux types de plaques. Les plaques diffuses consistent essentiellement en une forme soluble (préamyloïde) de la protéine β-amyloïde. Des études récentes ont démontré que des oligomères de cette protéine sont neurotoxiques et perturbent la fonction et la structure synaptique [420, 491]. À ce stade, les effets sont encore réversibles. La dégénérescence se manifeste sous forme de plaques séniles, qui consistent en un noyau de β-amyloïde (et d’autres protéines), de névrites dégénérées et de cellules inflammatoires (microglie, astrocytes) [543]. Ces plaques séniles «mûres» sont aussi appelées plaques névritiques à cause des névrites dégénérées. Dans la maladie d’Alzheimer, les plaques névritiques sont présentes dans le cortex associatif et dans l’hippocampe en beaucoup plus grande densité que chez des sujets âgés sains [298], et cela bien qu’il existe un chevauchement entre les sujets déments et sains [35]. Le noyau d’amyloïde des plaques névritiques est également constitué par la protéine β-amyloïde qui, contrairement aux plaques diffuses, a une structure d’amyloïde (double hélice, congophile) et n’est pas soluble. On suspecte que les plaques névritiques se développent à partir des plaques diffuses [711]. Dans l’ angiopathie amyloïde, la même β-amyloïde forme des dépôts dans la paroi des vaisseaux corticaux et leptoméningiaux, en particulier le long de la membrane basale.



PATHOGENÈSE


Des progrès importants ont été réalisés dans la compréhension de la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer. On suspecte que la β-amyloïde joue un rôle décisif [106, 333, 656]. La protéine, qui est codée sur le chromosome 21, naît par scission d’une protéine précurseur, la protéine précurseur de l’amyloïde, l’APP (Amyloid Precursor Protein). Il s’agit d’une protéine membranaire qui est impliquée, entre autres, dans les interactions de cellule à cellule [711]. La fraction qui peut donner naissance à la protéine β-amyloïde se trouve du côté C-terminal, extra-cellulaire, de l’APP (voir figure 9.3). La protéine β-amyloïde toxique a 42 acides aminés (Aβ-42). Elle est produite si l’APP est scindée par deux enzymes spécifiques, la β-sécrétase, suivie par la γ-sécrétase [333, 574]. L’β-sécrétase, en revanche, scinde l’APP de façon qu’il n’y ait pas de Aβ-42. Des oligomères de cette protéine sont toxiques et perturbent la fonction synaptique [420, 491]. La β-amyloïde non soluble, la partie importante du noyau des plaques névritiques, se développe par des processus jusqu’à présent non connus de la forme soluble de β-amyloïde. L’accumulation de β-amyloïde pourrait mener à la lésion de synapses et névrites. Une séquence pathogénétique possible serait que la β-amyloïde amène à une phosphorylation pathologique de la protéine tau, induite par du calcium, et par conséquence à la formation des dégénérescences neurofibrillaires [333, 574].


FACTEURS DE RISQUE



Des facteurs génétiques ont récemment gagné en importance. Une personne de parenté du 1 er degré avec un patient ayant souffert de la maladie d’Alzheimer a un risque 4 fois plus élevé de souffrir de cette maladie; dans ce cas, la probabilité de développer la maladie durant sa vie (lifetime risk) est de 23-49 % [260, 458]. Bien que la maladie d’Alzheimer familiale soit extrêmement rare, son étude a contribué de façon décisive à la compréhension des facteurs génétiques dans la pathogenèse de la maladie. Le tableau 9.VI résume les points importants de la génétique de la maladie d’Alzheimer familiale [160, 458]. La reconnaissance de mutations du gène de l’APP sur le chromosome 21 a souligné l’importance de l’APP pour la pathogenèse de la maladie, mais elle n’a été mise en évidence que dans 5 % des cas avec hérédité autosomale dominante. Les mutations du gène de la préséniline-1 (également appelé S182) sur le chromosome 14 sont de loin les plus fréquentes. Cette forme est caractérisée par un début précoce de la maladie et des particularités cliniques telles qu’une aphasie précoce, des myoclonies et des crises épileptiques. La mutation du gène de la préséniline-2 (aussi appelé STM-2) sur le chromosome 1 est extrêmement rare. Les deux gènes de la préséniline sont exprimés de façon ubiquitaire, mais dans le cerveau presque exclusivement par des neurones. Les porteurs du gène muté de la préséniline ont apparemment une forme plus longue de l’APP (42 au lieu de 40 acides aminés), qui est plus amyloïdogène [458]. Il existe une hypothèse postulant que la préséniline-1, elle-même, pourrait être la γ-sécrétase ou un cofacteur nécessaire pour son activité [574].

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 13, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Syndromes Démentiels

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access