19. Stress et Traumatisme. Facteurs de Risque et Troubles Réactionnels ou de L’adaptation
STRESS ET TRAUMATISME
POINT DE VUE PHÉNOMÉNOLOGIQUE-DESCRIPTIF
D’un point de vue purement descriptif, un traumatisme psychique (nous excluons de ce paragraphe les conséquences neuropsychologiques des traumatismes physiques en particulier traumatisme crânien) correspond à un événement susceptible d’entraîner la mort, impliquant des menaces de mort, entraînant des blessures et des lésions corporelles majeures sur le sujet ou ses proches. L’événement traumatique peut être une catastrophe naturelle (tremblement de terre, incendie ou inondation brutale, etc.), une catastrophe humaine (accident d’avion, de train, de car, de voiture), un acte délinquant (acte de terrorisme, prise d’otage, enlèvement, viol) ou une situation de guerre. Chez l’enfant plus particulièrement, on insistera sur les événements traumatiques touchant les proches et dont l’enfant est le spectateur: mort brutale dans un accident, blessures graves, événement spectaculaire type incendie, arrivée des pompiers ou du SAMU, etc.
Rappelons que pour Selye cette réaction (physique et psychique) au stress correspondait à une programmation génétique et que la pathologie provenait d’un excès de production de substances spécifiques (adrénaline, etc.).
POINT DE VUE PSYCHODYNAMIQUE
Toute autre est la conception du traumatisme d’un point de vue psychodynamique. Déjà P. Janet interprétait la fréquente expérience dissociative consécutive à un traumatisme comme le résultat d’un débordement physiologique, un hyper-éveil, à l’origine des troubles de la mémoire. Avec S. Freud, la notion de traumatisme occupe une place centrale dans la théorie psychanalytique. Il définit le traumatisme d’abord comme une expérience vécue, source d’une excitation telle que les moyens psychiques normaux et habituels ne peuvent suffire, ce qui entraîne l’apparition de troubles (définition économique). Le «pare-excitation» a subi, à cause du traumatisme, une effraction que toute l’énergie psychique tentera d’endiguer. Ainsi, la première théorie de la névrose fait jouer au traumatisme infantile réel un rôle crucial: la séduction sexuelle réelle exercée par un adulte sur l’enfant sera d’abord refoulée, mais ultérieurement, à l’âge adulte, un événement fortuit peut «après coup» lui donner une signification traumatique. Cependant Freud renoncera ensuite à la réalité externe du «traumatisme»: en effet tous les enfants subiraient-ils une séduction sexuelle réelle de la part des adultes?
Dans Inhibition, symptôme et angoisse, la situation traumatique devient interne: est appelée traumatique la situation où le Moi craint d’être sans recours. L’angoisse est le signal d’alarme: son rôle est d’éviter la survenue de cette situation traumatique. Par conséquent, les excitations pulsionnelles internes deviennent aussi «traumatiques» que les menaces externes. Dans cette dernière hypothèse, l’accent est mis sur les fantasmes eux-mêmes et non sur la vie réelle. Désormais, la situation traumatique se caractérise par le fait que le Moi est débordé dans ses capacités de défenses: «l’essence d’une situation traumatique tient à la détresse éprouvée par le “Moi” en face de l’accumulation de l’excitation, qu’elle soit d’origine externe ou interne» (A. Freud). La névrose traumatique (d’origine externe) est l’illustration clinique de la première théorie, la névrose infantile (d’origine interne) l’illustration de la deuxième.
Ce dernier modèle, celui de la névrose infantile (cf.chap. 15) prendra par la suite une importance telle qu’il aura tendance à occulter le modèle de la névrose traumatique, cette dernière étant d’ailleurs conceptuellement rabattue sur la précédente: l’excitation débordante et non liée secondaire au traumatisme prend «après coup» le sens d’une crainte de castration et renvoie ainsi à l’organisation fantasmatique interne.
Chez l’enfant, l’expérience clinique montre la fréquence des situations dites traumatiques et la désorganisation psychique qui peut en résulter. Lorsqu’on veut repérer les situations traumatiques on retrouve les deux définitions données par Freud: excès de stimulation et débordement des capacités d’adaptation du Moi, ou prévalence des fantasmes qui menacent l’intégrité du Moi.
En conséquence, seront dits «traumatiques» deux types d’événements:
D’une part, sont traumatiques les situations et événements qui entrent en résonance avec les désirs ou craintes fantasmatiques actuels de l’enfant en fonction de son niveau de maturation. Ainsi une mésentente ou une séparation parentale, en pleine période oedipienne, peut aller directement dans le sens du désir oedipien et susciter une culpabilité intense (cf.chap. 20, Séparation, divorce, mésentente parentale). Dans ce cas la réalité vient malencontreusement renforcer l’imaginaire (créant une confusion entre dedans/dehors, fantasmes/réalité), ce qui peut entraîner une régression et même une désorganisation grave. «Ces traumatismes extérieurs deviennent intérieurs s’ils entrent en rapport, ou coïncident, avec la réalisation d’angoisses profondes ou de fantasmes de désirs ou encore lorsqu’ils les symbolisent» (A. Freud). De nos jours, on tend à récuser le terme «traumatique » pour décrire ces situations et leurs conséquences qu’on appelle plus volontiers pathologies réactionnelles ou troubles de l’adaptation (cf.Pathologie réactionnelle et trouble de l’adaptation) afin d’éviter la confusion avec les suivantes.
D’autre part, sont traumatiques les événements de nature ou d’intensité tels qu’ils débordent les capacités adaptatives du Moi de l’enfant. Cette définition qui tient compte de l’organisation psychique interne conduit à subdiviser cette catégorie d’événements en distinguant:
– ceux qui, du fait de leur brutalité, massivité et violence, paraissent submerger de façon systématique, les capacités du sujet à «faire face» (coping). C’est à ces dernières situations que les termes de stress et traumatismes devraient être réservés.
ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE CHEZ L’ENFANT
Introduit depuis 1980 dans les classifications DSM, l’état de stress posttraumatique (ESPT) survient dans les semaines qui suivent un traumatisme grave que l’enfant a subi (par exemple enlèvement) ou dont il a été le spectateur. Les paramètres à prendre en compte pour évaluer la réaction sont nombreux: nature du traumatisme, intensité et durée de l’exposition, répétition éventuelle, âge et sexe de l’enfant (les filles présenteraient plus de symptômes que les garçons), niveau de maturité psychologique, qualité des liens familiaux, niveau socio-économique et culturel, réaction individuelle ou groupale (quand l’ensemble d’une classe subit un traumatisme: accident de car…) (Pfefferbaum B., 1997).
Les enquêtes épidémiologiques évaluent la prévalence ponctuelle chez l’enfant de l’ESPT aux États-Unis entre 1 et 14% (Kessler et al., 1995) et la prévalence vie entière jusqu’à 18 ans à 6% environ (Giaconia et al., 1995).
Comme chez l’adulte, cet état associe trois ordres de manifestations:
– un syndrome de répétition;
– des manifestations d’évitement;
– des symptômes d’hyperréactivité neurovégétative qui cependant chez l’enfant peuvent avoir des particularités sémiologiques.
Rappelons que ces perturbations durent plus d’un mois et commencent dans les trois mois suivants le traumatisme. L’ensemble aboutit à un état de souffrance psychique qui entrave les capacités d’adaptation.
Les manifestations d’évitement
Il s’agit des:
– refus de prendre un mode de transport particulier;
– refus d’un trajet, d’un lieu qui ressemble ou peut conduire au lieu du traumatisme;
– refus de se séparer des figures d’attachement avec une angoisse de séparation pouvant prendre l’aspect de véritables phobies scolaires.
Les autres manifestations décrites chez l’adulte (diminution de l’intérêt, sentiment de détachement, émoussement affectif, sentiment d’avenir bouché, etc.) sont plus rarement observés.
L’hyperréactivité neurovégétative
Comme chez l’adulte, on peut observer:

– des difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes;

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