13. Retard Mental, Infirmité Motrice Cérébrale et Épilepsie
Dans ce chapitre se trouve réuni un ensemble de pathologies pouvant entraîner des tableaux cliniques assez disparates, mais dont les points communs sont pourtant nombreux. Premièrement, il existe le plus souvent une anomalie dans le développement du système nerveux central dont la cause n’est pas toujours retrouvée et qui entraîne une ou plusieurs déficiences. Deuxièmement, s’il peut exister dans certains cas une relation forte entre expression clinique et étiologie, la plupart des causes reconnues peuvent induire les trois principaux tableaux cliniques retenus pour ce chapitre, soit le retard mental, l’infirmité motrice cérébrale et l’épilepsie. Troisièmement, les déficits, quelle qu’en soit la nature (sensorielle, motrice, cognitive et/ou épileptique), retentissent profondément sur le processus maturatif habituel de l’enfant, entraînent d’importantes modifications de la dynamique familiale (centrées autour de l’acceptation ou du refus du handicap) et suscitent secondairement des difficultés dans l’élaboration de l’image de soi de chaque enfant. Quatrièmement, ces pathologies se compliquent du coup de «troubles réactionnels» qui, par leur intensité, peuvent être au premier plan. L’analyse rigoureuse de ces divers niveaux est indispensable avant d’attribuer globalement l’ensemble des manifestations constatées à une étiologie ponctuelle. Certains auteurs (Dykens, 1995) distinguent même des signes cliniques spécifiques et d’autres non spécifiques. Bien que fréquemment associés, nous avons choisi de traiter dans un autre chapitre les déficiences sensorielles (cf. chap. 23) dans la mesure où lorsqu’elles sont isolées, ces déficiences ne posent pas les mêmes problèmes cliniques. Néanmoins, au plan des échos sur la dynamique familiale et le développement psycho-affectif de l’enfant, des rapprochements sont possibles.
Sur le plan épidémiologique, la fréquence d’un handicap sévère dans la population générale est de 14 pour 1 000 (Salbreux et coll., 1979). Parmi l’ensemble des enfants handicapés, la répartition est la suivante:
– déficience mentale profonde et sévère: 21%;
– atteinte motrice: 19%;
– comitialité: 18%;
– troubles sensoriels: 17% (dont 4,6% d’amblyopies, 2,4% de cécités, 4,8% d’hypoacousies et 5,5% de surdités). Des chiffres tout à fait similaires sont avancés dans les pays anglo-saxons (Szymanski et Bryan, 1999).
Dans l’analyse factorielle de ces enfants un élément est constant: la fréquence des polyhandicapés (42% des enfants handicapés sévères souffrent d’un polyhandicap: déficience mentale sévère, infirmité motrice cérébrale, comitialité, troubles du comportement, etc.). Cette constatation pose d’importants problèmes de santé publique car la majorité des institutions accepte avec réticence ces enfants polyhandicapés. Or les mêmes enquêtes épidémiologiques (Duplant et coll., 1979; Zafiropoulos et coll., 1979) montrent l’importance de la première orientation: la majorité des enfants reste dans la «filière de départ» (82,5%), rares étant ceux où une réorientation est envisagée. Le choix de cette filière dépend certes de la nature du (des) handicap(s), mais elle est également corrélée au niveau socio-économique de la famille.
LE RETARD MENTAL
Le retard mental touche environ 1 à 3% de la population. Si dans de nombreux cas aucune étiologie précise ne peut être retrouvée, surtout lorsque le retard mental est léger, plus il est important plus la probabilité de retrouver une étiologie identifiable est grande. Pratiquement toutes les encéphalopathies s’accompagnent d’un retard mental. La liste des étiologies identifiables comprend des centaines de causes (Luckasson, 1992), en particulier, plus d’un millier d’étiologies génétiques ont été identifiées comme pouvant conduire à un déficit intellectuel isolé (Harris, 1995; Tolmie, 1998). À titre d’exemple, 95 syndromes de retard mental liés au chromosome X ont été identifiés. La trisomie 21, le syndrome de l’X fragile et la fœtopathie alcoolique représentent à eux trois 30% des causes identifiées.
Cependant, les rapports entre une déficience intellectuelle d’étiologie déterminée et l’organisation psychopathologique que présente un enfant particulier sont loin d’être simples. Longtemps limité à la seule mesure du déficit, l’abord psychopathologique d’enfants déficients intellectuels profonds ne peut plus ignorer de nos jours le poids de divers facteurs (environnement, famille, institution, histoire de l’individu) venant moduler l’expression clinique de cette pathologie.
Dans le chapitre consacré à la psychopathologie des fonctions cognitives (cf. chap. 9), nous avons déjà tenté de montrer la nature de la démarche clinique: après l’évaluation de l’efficience intellectuelle et le repérage des conduites pathologiques associées (niveau sémiologique), il convient de comprendre comment ces conduites s’articulent entre elles (analyse psychopathologique synchronique) ou de les restituer dans le processus maturatif propre à l’enfant (analyse psychopathologique diachronique); enfin, pour terminer, il faut rechercher les facteurs qui ont contribué à cet état, qu’ils soient externes ou internes (niveau étiologique). Les deux premiers niveaux ayant déjà été analysés, de même que le rôle des facteurs d’environnement (familiaux, socioéconomiques entre autres), nous ne présenterons ici qu’un résumé des principales étiologies organiques responsables des retards intellectuels, ne retenant pour chacune d’elles que les seuls éléments distinctifs. Nous détaillerons d’abord la démarche multidisciplinaire qui peut mener au diagnostic causal.
L’ÉVALUATION D’UN ENFANT PRÉSENTANT UN RETARD MENTAL
Devant un enfant qui présente un retard mental, les habituelles questions que se pose le clinicien sont celles de l’étiologie et des investigations cliniques nécessaires. Quand commencer à entreprendre des explorations complémentaires et où s’arrêter? Bien que cette question soit aisée à formuler, il n’est pas toujours facile d’y répondre. C’est cette démarche essentiellement pratique que nous envisagerons rapidement. Insistons sur le fait que le premier temps est toujours clinique.
L’interrogatoire
L’interrogatoire reste un temps essentiel et doit porter sur:
Les antécédents de l’enfant qui peuvent à eux seuls être révélateurs: souffrance néonatale, antécédent d’encéphalite, de traumatisme crânien.
Les antécédents familiaux qui doivent être soigneusement analysés:
– cas identiques dans la fratrie, chez les ascendants ou collatéraux (cousins);
– trait morphologique particulier;
– consanguinité.
L’examen clinique
Il consiste en:
– l’observation du comportement spontané: gestualité, tonicité, mouvements anormaux;
– l’examen neurologique: mesure du périmètre crânien, étude du tonus, déficit moteur, atteinte sensorielle ou sensitive, paires crâniennes, recherche d’une comitialité;
– la recherche de malformation particulière de la face, des extrémités, des membres; mais également la vérification de l’état de la peau (naevus, adénomes sébacés, angiomes); la recherche d’hépatosplénomégalie, de cardiopathie, etc.;
– l’examen ophtalmologique et/ou auditif à la recherche d’une déficience sensorielle est réalisé au moindre doute.
Au terme de cette exploration purement clinique, certaines étiologies se dégagent avec une quasi-certitude: IMC, trisomie, Bourneville, Crouzon, etc. Les explorations doivent alors être réduites au strict nécessaire. Souvent, en particulier lorsque l’on retrouve un contexte familial, lorsque l’on note une évolutivité, des explorations complémentaires s’avèrent nécessaires. Si ces explorations débouchent rarement sur un traitement spécifique, en revanche elles peuvent conduire la famille à un conseil génétique et/ou à des mesures préventives de plus en plus fréquentes (diagnostic prénatal).
Les examens complémentaires
Tomodensitométrie et RMN (cf. chap. 3, Tomodensitométrie par rayons X, imagerie par résonance magnétique) ont révolutionné la démarche diagnostique par leur innocuité et la valeur des renseignements obtenus au plan morphologique. À elles seules, elles permettent le diagnostic des tumeurs cérébrales, des hydrocéphalies, de certaines neuro-ectodermoses, des leucodystrophie diverses (Schilder, Krabbe). Elles représentent de nos jours le premier temps avant tout autre investigation du SNC.
L’électroencéphalogramme, de pratique si courante, apporte en réalité peu de renseignements, sauf exception (maladie de Van Bogaert) en dehors de l’épilepsie proprement dite.
Enfin, le caryotype haute résolution est systématique en l’absence d’orientation diagnostique, tout comme la recherche d’X fragile en biologie moléculaire chez le garçon. Les techniques de recherche d’anomalies chromosomiques par sonde génétique spécifique (technique par FISH) seront elles pratiqués à partir des éléments de présomption clinique en recherchant une anomalie précise.
LES PRINCIPALES CAUSES DE RETARD MENTAL
L’objectif de ce paragraphe n’est pas de donner une description détaillée et exhaustive des diverses causes de retard mental qu’un pédopsychiatre, un psychologue et leurs collaborateurs (psychomotricien, orthophoniste, infirmier, éducateur, etc.) peuvent être amenés à rencontrer. L’exploration somatique, la recherche d’une étiologie relève d’une démarche très spécialisée (pédiatre généticien, neuropédiatre, etc.). Il est néanmoins nécessaire de connaître les principaux signes d’appel qui doivent alerter tout clinicien et conduire à la réalisation d’un bilan étiologique dans la mesure où les progrès de la génétique peuvent déboucher sur des attitudes pratiques (conseil génétique) même si à ce jour les traitements spécifiques restent exceptionnels. Avant de les passer en revue un peu plus loin et de détailler la trisomie 21, nous en présentons une vue synthétique dans le tableau 13-I.
1Le changement dans le matériel génétique n’est pas toujours hérité des parents. | ||
Classification | Exemples | Étiopathogénie |
---|---|---|
Causes prénatales d’origine génétique1: 32% | ||
Aberrations chromosomiques | Syndrome de Down ou Mongolisme | 95%: trisomie 21 (non transmise); 5%: translocation (peut être transmise) |
Mutations monogéniques | X Fragile Phénylcétonurie Sclérose tubéreuse | Lié à l’X; répétition CGG > 230 Autosomique récessif; déficit enzymatique Autosomique dominant |
Multifactoriel | Retard mental «familial» | Mixte: génétique, environnementale, etc. |
Microdélétion | Syndrome vélo-cardio-facial | Délétion sur le chromosome 22 (q11) |
Syndrome de Prader-Willi | Délétion sur le chromosome 15 (q11-q13) d’origine paternelle | |
Syndrome d’Angelman | Délétion sur le chromosome 15 (q11-q13) d’origine maternelle | |
Syndrome de Williams-Beuren | Microdelétion du chromosome 7 (q11.23) | |
Causes prénatales d’origine externe: 12% | ||
Infections maternelles | Infection VIH | Encéphalopathie virale |
Causes toxiques | Syndrome d’alcoolisme fœtal | Exposition in uteroà l’alcool |
Causes obstétricales | Prématurité | Variable, multifactorielle |
Malformations d’origine inconnue: 8% | ||
Malformations du SNC | Non fermeture du tube neural | Parfois associé à une hydrocéphalie |
Syndrome poly-malformatifs | Syndrome de Cornelia de Lange | Inconnue |
Causes périnatales: 11% | ||
Infections | Encéphalite | Infection au virus Herpès Simplex 2 |
Problèmes pendant la délivrance | Anoxie néonatale | Variable, infarctus cérébral |
Autres | Hyperbilirubinémie | Incompatibilité Rhésus mère enfant |
Causes post natales: 8% | ||
Infections | Encéphalite | Infection virale ou bactérienne |
Causes toxiques | Saturnisme | Intoxication au plomb |
Psychosocial | Pathologie de déprivation | Malnutrition, abus, négligence, dépression anaclitique |
Autres | Traumatismes ou tumeurs cérébrales | Variable, atteinte du SNC |
Causes inconnues: 25% |
LA TRISOMIE 21
Bien que le tableau clinique soit connu depuis le milieu du XIXe siècle (Seguin, 1846), c’est en 1959 qu’il fut rattaché par Turpin, Lejeune et Gauthier à une anomalie chromosomique: chromosome 21 supplémentaire (47 XY + 21 ou 47 XX + 21). Dans 95% des cas, il s’agit d’un chromosome libre, dans 3% des cas, il s’agit d’une translocation, et dans 2% des cas, d’une mosaïque. On sait maintenant que seule une partie du matériel génétique en excès est responsable de la maladie comme l’atteste quelques cas d’enfants ne présentant qu’une duplication d’une partie du chromosome 21. La partie incriminée se situerait dans la zone proximale du bras long du chromosome 21 (q 22.3).
Nous ne décrirons pas le tableau clinique, mais en raison de sa fréquence, nous envisagerons les traits comportementaux les plus fréquemment retrouvés chez l’enfant trisomique. Précisons d’emblée qu’il n’existe pas un mongolien-type, mais que chaque enfant reste, quelle que soit sa pathologie somatique, le produit d’une conjonction entre un équipement neurophysiologique de base et un vécu particulier, pouvant moduler presque à l’infini cet équipement de base. Cette constante interaction rend compte de la diversité individuelle où s’observent des enfants profondément déficitaires, d’autres dont le comportement se rapproche d’organisations psychotiques, d’autres enfin qui se conduisent comme des «débiles harmonieux» et gentils avec un déficit modéré. Les traits que nous allons rapporter constituent la toile de fond que l’histoire individuelle viendra colorer diversement.
Développement psychomoteur
Il est globalement ralenti, les acquisitions étant entravées par l’hypotonie et l’hyperlaxité ligamentaire toujours présentes. Dans la petite enfance, ce sont des nourrissons calmes, tranquilles, pleurant peu, aimant se faire dorloter, dormant beaucoup, silencieux dans la journée, capables de rester de longues heures inactifs sans réclamer: la passivité, la lenteur et l’inertie dominent le tableau, mais la demande affective rend ces nourrissons très gratifiants pour leurs mères. Celles-ci peuvent prendre un réel plaisir avec cet enfant particulièrement facile. La marche est acquise entre 2 et 3 ans. La parole apparaît vers 4–5 ans, elle se développe assez rapidement, mais parvient vite à un palier. Les troubles articulatoires, le bégaiement sont assez fréquents. Cette période de «maternage heureux» semble être à l’origine de l’habituelle demande affective du mongolien: plaisir à la relation duelle, demande régressive, en particulier besoin de gratification orale.
Développement cognitif
Le retard intellectuel est constant, mais de profondeur variable. Sur une importante population (Moor), la courbe des QI semble observer une répartition gaussienne analogue à la population générale, mais avec un décalage de 50–60 points environ. On rencontre ainsi des mongoliens «doués» avec des quotients de 70, et d’autres dont le quotient est inférieur à 20. La moyenne se situe autour d’un quotient de 40–45. Les résultats sont dans l’ensemble homogènes avec une faible dispersion des résultats, tant dans les échelles verbales que dans celles des performances (WISC).
Les acquisitions pédagogiques sont importantes mais resteront réduites: accession aux rudiments de la lecture, ébauche d’opérations mathématiques simples (addition). Ce niveau est rarement dépassé, le stade des opérations logiques n’étant généralement pas atteint. Ces éléments sont importants car ils situent le cadre évolutif de l’enfant mongolien: apprentissage certes possible mais qui restera limité. Or ce sont des enfants particulièrement sensibles au conditionnement, surtout lorsqu’il est renforcé par une gratification (affective, alimentaire ou autre): un tel conditionnement peut permettre d’obtenir d’étonnantes «performances» pédagogiques mais qui ne sont pour l’enfant d’aucune signification ni utilité, et qui nécessitent un perpétuel renforcement, souvent au prix de l’équilibre affectif.
Développement affectif
À partir de 6–7 ans, après la petite enfance, le comportement change comme nous l’avons vu. Cependant, l’enfant mongolien reste le plus souvent un enfant gai, un peu «clown», imitant les autres, ayant besoin de contacts physiques, sociable, aimant les jeux dont il saisit souvent très vite les règles. Il est classique de signaler qu’il aime la musique, mais il semble s’agir plutôt de la mélodie et du contact maternel régressif qui l’accompagne. Il est gourmand, l’obésité est fréquente. Il est très sensible au rejet et devient alors volontiers opposant, entêté, boudeur et coléreux. Avec l’âge, à partir de 12–13 ans, il semble que ce versant caractériel puisse dans certains cas devenir prévalent. La frustration reste difficilement acceptée et suscite soit un mouvement régressif vers une demande affective ou la recherche d’une compensation orale, soit une réaction coléreuse.
Les conduites plus directement témoins de perturbations psychopathologiques sont assez rares: on a signalé des conduites obsessionnelles et ritualisées, parfois difficiles à distinguer des réponses au conditionnement, des états d’apragmatismes, de mutisme. L’intensité de l’instabilité, de l’éparpillement, l’intolérance extrême à la frustration avec des manifestations secondaires de repli et le retard de développement font parfois évoquer un trouble envahissant du développement associé. Bien que seulement 5% des trisomique 21 présentent des signes autistiques le plus souvent dans un contexte de retard mental profond, la trisomie 21 demeure, vu sa fréquence, une des pathologie génétiques les plus souvent associée à l’autisme (Cohen et coll., 2005). Dans les formes moins sévères, ceci pose le problème des états déficitaires ou des dysharmonies à versant psychotique (cf. chap. 9, Analyse discriminative des fonctions intellectuelles et abord psychosomatique).
LES AUTRES CAUSES D’ORIGINE GÉNÉTIQUE
Si l’identification d’une anomalie chromosomique ou génétique représente un progrès évident et majeur, il reste beaucoup à faire pour comprendre par quel mécanisme cette anomalie s’exprime et de quelles natures sont les étapes qui conduisent du niveau génique-moléculaire au niveau symptomatiquecomportemental. Si pour certains auteurs, l’existence d’un trait comportemental particulier constitue un «phénotype comportemental» caractéristique d’une étiologie génétique spécifique et unique, pour beaucoup d’autres auteurs un trait comportemental particulier augmente simplement la probabilité de retrouver une anomalie génétique (Dykens, 1995).
En raison des nombreuses études actuelles, des problèmes cliniques et théoriques posés, nous décrirons brièvement certains de ces syndromes que nous avons classés selon le type étiopathogénique.
Les mutations instables
Syndrome de l’X fragile
L’adolescence constitue souvent un palier dans les capacités développementales et adaptatives avec pour certains sujets une régression ultérieure.
La prévalence serait de 0,5 à 1 pour 1 000 dans la population générale et parmi les sujets autistes, on retrouverait 5% d’X fragile.
L’anomalie génétique a été identifiée en 1969 puis un locus a été repéré (FMR-1) marqué par une fragilité structurelle (en Xq 27.3) d’une chaîne de nucléotides due à l’anormale répétition d’une séquence de trinucléotide cytosine-guanine-guanine (CGG) qui chez le sujet normal peut se répéter 0 à 50 fois, chez les sujets avec «prémutation» (asymptomatique) se répètent de 50 à 200–500 fois et chez les sujets atteints (mutation complète) se répète plus de 3 000 fois. D’une génération à l’autre, il semble que l’anomalie puisse passer de la «prémutation» à la «mutation complète» définissant ainsi un modèle de «mutation dynamique» qui explique les difficultés d’analyse de la transmission génétique selon les modèles classiques.
Ce type de transmission a servi de modèle pour d’autres pathologies avec mutation dynamique (chorée de Huntington, dystrophie myotonique, etc.).
Dystrophie myotonique de Steinert
La dystrophie myotonique de Steinert (DM) est la plus fréquente des affections musculaires héréditaires non liées au sexe (incidence 1/8 000). Le gène a été identifié sur le bras long du chromosome 19, et correspond à une mutation instable avec l’expansion d’un triplet CTG. La maladie s’exprime avec un phénomène d’anticipation, c’est-à-dire une expression clinique de plus en plus sévère en fonction des générations. Par ailleurs, les formes transmises par la mère sont volontiers plus sévères que celles transmises par le père (Angeard et coll., 2004).
Au plan clinique, on distincte quatre présentations:
– une forme pauci-symptomatique (cataracte) tardive;
– une forme classique de l’adulte avec myotonie et faiblesse musculaire;
– une forme infantile objectivée récemment;
– une forme congénitale grave.
Les syndromes microdélétionnels
Syndrome vélocardiofacial
Il s’agit du syndrome microdélétionnel le plus fréquent (1/5 000 naissances). L’anomalie génétique (délétion 22q11) est associée à différents phénotypes cliniques qui étaient considérés avant la découverte de l’anomalie chromosomique comme des syndromes indépendants (syndrome de Di George, syndrome vélocardiofacial, syndrome de Takao). Les études cliniques dans de larges échantillons d’enfants porteurs de l’anomalie retrouvent le pattern symptomatique suivant: dysmorphie (100%) dont l’expression varie avec l’âge et qui peut être discrète; malformations cardiaques (84%); malformations buccales (49%), incluant fente palatine (14%), et insuffisance vélaire (20%); malformations urinaires (36%); hypocalcémie transitoire (60%) surtout dans la petite enfance et associée à un hypoparathyroidisme; des convulsions (21%); un déficit immunitaire (1%) qui fonde le pronostic. La délétion 22q11 intéresse aussi le psychiatre: la très grande majorité des enfants présentent un trouble du développement du langage et de la motricité, un retard mental discret, un déficit de la coordination des mouvements et des difficultés scolaires. Ils présentent aussi volontiers des troubles du comportement avec hyperactivité et déficit attentionnel. Enfin, à l’adolescence, un nombre élevé de sujets porteurs de la délétion vont présenter une pathologie psychotique de type schizophrénique (Pinquier et coll., 2001).
Syndrome d’Angelman
Décrit par Angelman en 1965, ce syndrome atteint garçons ou filles et associe:
– une débilité mentale profonde avec une absence de langage;
– des troubles du comportement particuliers avec des accès de rires fréquents et un «comportement joyeux» habituel. Des symptômes d’allure autistique sont fréquents: stéréotypies, hyperactivité, etc.;
– des troubles de la communication non verbale avec une incapacité à fixer l’attention.
On note également un syndrome dysmorphique (microcéphalie, brachycéphalie, prognathisme, etc.) parfois discret, des anomalies neurologiques (ataxie, troubles du tonus, épilepsie), ophtalmologique (hypopigmentation, strabisme, nystagmus, etc.).
L’évolution est variable et semble dépendre de la qualité de la prise en charge en particulier de l’efficacité des traitements symptomatiques (anticomitiaux). Des stabilisations et de lentes reprises du développement paraissent possibles.
L’anomalie génétique retrouvée dans 70 à 80% des cas concerne les chromosome 15 dans la région 15 q11-q13. Il s’agit du chromosome d’origine maternelle contrairement à l’anomalie génétique retrouvée dans le syndrome de Willi-Prader (cf. ci-dessous). Cette région 15 q11-q13 contient des gènes soumis au phénomène de «l’empreinte génomique» (phénomène expliquant qu’un allèle n’est actif que sur le chromosome paternel ou sur le chromosome maternel). Un autre mécanisme dit de «disomie uniparentale» survient dans 3 à 4% des cas quand les deux chromosomes 15 sont hérités du père. Dans les deux cas (délétion et disomie), il n’y a pas de contribution maternelle au locus considéré.
Syndrome de Willi-Prader
Ce syndrome associe une hypotonie infantile, une hyperphagie avec recherche avide de nourriture, une obésité pathologique et un retard mental léger ou moyen. Quelques troubles du comportement (instabilité émotionnelle, crise de colère, anxiété, troubles de l’humeur, symptômes obsessionnels compulsifs) sont parfois associés (State et coll., 1997).
L’anomalie génétique identifiée siège sur le chromosome 15: microdélétion en 15 q11-q13. Il s’agit du chromosome 15 d’origine paternelle (contrairement au syndrome d’Angelman: microdélétion en 15 q11-q13 sur le chromosome d’origine maternelle).
Syndrome de Williams
Ce syndrome rare (1 cas pour 20 000) associe un retard mental, une sténose supravalvulaire aortique, un faciès d’elfe, une hypercalcémie infantile et un retard de croissance.
Ce syndrome est intéressant en raison des particularités du retard mental. Il existe un écart entre les performances cognitives et linguistiques: la langage est de bon niveau tant au plan lexical que syntaxique, il est même décrit comme abondant, pseudomature et «mondain»; en revanche, on note un déficit qui peut être sévère dans le domaine visuospatial avec des performances hétérogènes: de faible capacité de représentation picturale et d’orientation spatiale coexistant avec une très bonne capacité à reconnaître les visages et les lettres. Les capacités de raisonnement logico-mathématiques sont déficitaires.
Par ailleurs, on observe une instabilité émotionnelle, une hyperactivité fréquente, une inattention, une sensibilité exacerbée aux bruits, des troubles de la coordination motrice, d’inconstants troubles du comportement.
Le tableau clinique n’est pas sans rappeler celui des enfants dyspraxiques (cf. chap. 5, Dyspraxies de l’enfant) (Meljac et Bailly, 1994).
L’anomalie génétique concerne une délétion sur le chromosome 7, en 7 q11–23 impliquant, entre autre, le gène de l’élastine mais pas uniquement.
Les anomalies métaboliques liées à un déficit enzymatique
Sans les décrire, nous énumérons les plus fréquentes.
Phénylcétonurie
Oligophrénie progressive avec parfois convulsions ou spasmes en flexion. Sur le plan clinique, signalons l’hypopigmentation des cheveux (enfants blonds aux yeux bleus). Fréquence 1 pour 20 000 naissances. Diagnostic néonatal par test de Guthrie.
Galactosémie ou fructosémie congénitale
On note une hépatomégalie, des accidents hypoglycémiques. Diagnostic orienté par l’existence d’une méliturie.
Citons la maladie de Hartnup, la leucinose, l’homocystinurie (groupe des amino-acidopathies).
Maladies de surcharge
Elles correspondent à des blocages métaboliques entraînant l’accumulation d’une substance située en amont du blocage: cette accumulation progressive rend compte de l’existence d’un intervalle libre fréquent de durée variable (quelques mois, même quelques années) et de l’aggravation progressive des symptômes marquée par une régression portant en particulier sur les acquisitions psychomotrices (sourire, préhension, marche, etc.). Citons parmi ces maladies:
– les sphingolipidoses:
– maladie de Tay-Sachs: début néonatal, existence de clonies audiogènes, tache rouge au fond d’œil à partir de 2–3 mois,
– maladie de Gaucher dans ses deux formes précoce ou juvénile,
– maladie de Niemann-Pick,
– leucodystrophie métachromatique: maladie de Scholz-Greenfield apparaissant vers 12–18 mois; maladie de Krabbe (début entre 4–7 mois);
– les mucopolysaccharidoses:
– maladie de Hurler: début pendant la deuxième année, débilité progressive, hydrocéphalie et atteinte sensorielle possible (surdité, amblyopie),
– maladie de Hunter, de San Filippo;
Les autres causes d’origine génétique ou d’étiologie inconnue
Groupe des neuro-ectodermoses
On désigne sous ce nom un ensemble de maladies héréditaires où sont associés un syndrome neurologique et des manifestations cutanées. Le déficit intellectuel est fréquent. Citons:

– la neurofibromatose de Recklinghausen: les signes cutanés sont des tumeurs mollasses ou surtout des taches café au lait. Les signes neurologiques sont les plus variables, témoins de neurinomes de localisations diverses (nerfs crâniens, médullaire);
– la sclérose tubéreuse de Bourneville: les signes cutanés, faits d’adénomes sébacés en «ailes de papillon» autour de la racine du nez, sont très caractéristiques; dans 50% des cas, on retrouve un tableau d’autisme avec retard mental;

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