Premier. Éléments de Psychologie Médicale

(Développement et Organisation Psychiques)




Elle est, en d’autres termes, la science des fonctions, opérations, comportements, idées et sentiments dont le développement et l’organisation constituent les modalités de son adaptation au milieu physique, social et culturel dans lequel se déroule son existence.

On comprend qu’elle soit attirée en sens inverse, tantôt vers la Neuro-physiologie, tantôt vers la Sociologie où elle se perd également. Car l’Homme, « objet » de la Psychologie, c’est l’être, l’existant, en tant qu’il est spécifiquement et individuellement organisé pour vivre en relation avec « son » milieu (celui qui l’entoure et celui qu’il crée). Et c’est cette organisation de l’homme en tant que personne que vise la Psychologie.



Définition de la Psychologie

On comprend aussi que le médecin dont le savoir et l’action consistent à connaître l’Homme malade pour le soigner doit considérer la Psychologie, la science du « corps psychique », comme une des bases de la Médecine. On appelle Psychologie médicale, non pas un type particulier de Psychologie mais les aspects de la Psychologie qui sont nécessaires à la compréhension totale de la maladie et à la relation du médecin et de son malade. Conçue de la sorte — et contrairement au mot de McDougall (La Médecine n’a rien à apprendre de la Psychologie, ni la Psychologie de la Médecine) — la Psychologie étant la science de la charnière psycho-somatique (entre le Physique et le Moral) est une science de base de la Médecine.



et de la Psychologie médicale.


I Les Grands Problémes de la Psychologie


La psychologie doit donc étudier les formes d’intégration des fonctions neuro-physiologiques nécessaires à l’organisation psychique. Mais la psychologie a pour objet particulier l’être humain en tant que celui-ci se construit comme une totalité individuelle qui subordonne à ses actions et réactions les fonctions corporelles et spécialement les fonctions basales du système nerveux. Si la psychologie suppose la physiologie et la neurophysiologie, elle ne saurait se confondre avec elles.



La Psychologie ne se confond pas avec la Psysiologie.


Pour si manifeste et important que soit le « Milieu culturel » pour la formation et le système relationnel de l’Homme avec son monde, les problèmes psychologiques sont et doivent demeurer circonscrits dans ce système pour autant qu’il est concrètement individuel et situationnel. Toute extension de la Psychologie vers la Sociologie dilue son objet propre dans les problèmes structuraux des institutions humaines.



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… elle ne se confond pas non plus avec la Sociologie.

A propos des phénomènes qui constituent la vie psychique (instincts, émotions, passions, mémoire, intelligence, volonté, etc.), un certain nombre de problèmes philosophiques fondamentaux sont classiques et naturellement toujours d’actualité. De l’exposé élémentaire que nous allons en faire se dégageront les principes fondamentaux d’une psychologie dynamique, c’est-à-dire d’une psychologie qui, sans se confondre avec la neuro-physiologie se fonde sur la corporéité de la structure basale de la vie psychique et qui, sans se réduire aux simples relations de l’Homme avec son Milieu, se fonde sur l’organisation structurale interne et progressive de la Personne humaine.



MONISME ET DUALISME (RAPPORTS DU PHYSIQUE ET DU MORAL)


La pensée en tant que connaissance et action peut être considérée comme une essence différente du corps (pour Descartes, l’ordre de la pensée et l’ordre de l’étendue étaient absolument hétérogènes), de telle sorte que la psychologie supposerait une philosophie dualiste et une théorie paralléliste des rapports du physique et du moral.

Le monisme suppose au contraire une unité substantielle du corps et de l’esprit, soit que l’âme soit une émanation du corps (Spinoza), soit que le corps comme la nature en général soit une manifestation de l’essence idéale (Platon) ou de l’esprit (Hegel).



Le dualisme et le monisme


C’est en tant que soumis à la « logique du vivant » (Fr. Jacob) que le corps est organisé selon un programme de génétique ; mais le « corps psychique », ni séparé du corps physique ni confondu avec lui, est lui-même organisé, intégré, en tant que Sujet de son propre programme personnel.



NATIVISME ET EMPIRISME


L’organisation de la vie psychique, la structure de la conscience, la construction de la personnalité, les opérations qui sont à la base et au sommet de notre connaissance du monde objectif et de nos communications avec autrui, tous nos sentiments, toutes nos idées, toutes nos actions sont tout à la fois dépendants et de notre organisme et du milieu extérieur. De telle sorte que, à propos de l’intelligence, du caractère, des sentiments, de la conception du monde et des relations avec l’univers qui nous entoure, on ne cesse de se poser, en psychologie, la question de savoir ce qui est inné, préformé, constitutionnel, instinctif (ou a priori), ou ce qui est acquis, consécutif à l’expérience et à l’action du milieu — ce qui est la nature de l’homme ou, comme disent les Anglo-Saxons, sa nurture. C’est pourquoi l’esprit philosophique des psychologues a toujours flotté entre d’une part l’innéisme ou le nativisme (« Idées » platoniciennes et cartésiennes, « formes a priori » de l’entendement de Kant, etc.), et d’autre part, l’empirisme (Locke). Certains (Leibniz) se sont évertués à combiner l’inné et l’acquis dans la formation même de l’être psychique ; après le sensationnisme empirique (Hume, Condillac) du siècle dernier, la psychologie s’est orientée vers une conception plus dynamique de la vie psychologique qui n’en fait pas le simple effet de l’expérience, mais qui suppose une organisation de l’expérience par l’activité qui la reçoit et la forme. A cet égard, comme nous le verrons plus loin, les aspects modernes de la psychologie (Husserl, Brentano, W. James, Bergson) ne s’accommodent guère de l’idée que se font certaines écoles behavioristes (Watson) ou réflexologiques (Pavlov) et surtout le grand mouvement de socio-psychologie (écoles psychanalytiques de M. Mead, de Ruth Benedict, école sociologique, culturaliste et structuraliste de Linton, D. G. Leighton, Cl. Lévi-Strauss, D. Cooper, R. Laing, etc.) qui considèrent que l’homme est le produit du milieu — et spécialement de l’institution culturelle — dans lequel il est né et où il vit. Il paraît pourtant bien difficile de considérer que l’être humain ne se forme que du dehors de lui-même et n’est « conditionné » que par le milieu. Force est d’admettre que la formation même de cette expérience dépend de l’activité propre du sujet. On peut même dire que la psychologie pourrait se définir comme la science de l’organisation de l’individu qui tout à la fois permet et reflète son expérience, car la vie psychique n’est ni pure virtualité, ni pur réflexe.



ni entièrement formé par le Milieu




il se structure en fonction de sa constitution et de son expérience.



SUBJECTIVISME ET OBJECTIVISME


Le même problème se retrouve dans l’opposition entre le sujet et le monde des objets comme centre ou origine de la vie psychique. Sur le plan métaphysique et « gnoséologique » (théorie de la connaissance), cette opposition doctrinale fonde le rationalisme idéaliste (Platon, Berkeley, Descartes) et le réalisme empirique (Hume). Sur le plan de la psychologie, à propos de la conscience, de la perception, du Moi, etc., le problème se pose de savoir si la conscience, la perception, le Moi, etc., doivent être considérés comme gouvernés par les formes de l’organisation interne du sujet, ou considérés comme des effets de l’action formatrice du monde des objets. Autrement dit, la vie psychique doit-elle être considérée sur le modèle de l’expérience intime de la pensée du sujet ou sur celle de l’expérience objective du milieu naturel ou social ? Mais là encore depuis Kant, les deux termes de cette antinomie sont le plus souvent dépassés dans une conception plus totaliste de la vie psychique (Bergson, W. James, Husserl, Nicolai Hartman) qui ne s’accommode ni d’un idéalisme transcendantal ni d’un réalisme naïf. C’est dans des notions dynamiques comme « structures », « formes » qui font intervenir l’activité psychique comme intégration du subjectif et de l’objectif, que la psychologie contemporaine, soit dans certains de ses aspects « gestaltistes » (Krueger, Ehrenfeld, Meinong) ou structuralistes (Dilthey, Brentano), soit dans des démarches phénoménologiques (Husserl, Jaspers, Heidegger, Sartre, Merleau-Ponty), soit encore dans son orientation bio-psychologique totaliste (Monakow et Mourgue, v. Weizsäcker, etc.), a soumis à une révision profonde le problème de l’objectif et du subjectif. Elle a mis en effet au premier plan de ses préoccupations l’unité même du subjectif et de l’objectif, du Moi et de son Monde, comme le sens même ou si l’on veut le fonctionnement de l’activité psychique.



L’Homme n’est ni un pur sujet




ni seulement un objet.




« Je ne suis qu’en étant dans le monde. »




n’en déplaise à certaines écoles structuralistes qui réduisent les choses aux mots et les mots aux paroles de personne.

Un certain néo-positivisme appelé parfois « structuraliste » tend, dans certains milieux idéologiques, à contester jusqu’à l’existence du « Sujet », de la « Personne », considérés comme des mythes ou réductibles à des chaînes d’atomes. Il est curieux, à cet égard, de se retrouver dans ces discussions et lectures interminables au temps d’Épicure et de Zénon, ou des luttes des Nominalistes contre les Réalistes dans la grande querelle des Universaux… Hélas ! dans ces controverses, les « antinomies de la raison » demeurent aussi obscures dès que l’on partage la relation ontologique du Moi à son monde.



DÉTERMINISME ET LIBERTÉ


Comme notre vie psychique est incorporée dans la physique de notre corps et par conséquent dans la nature, comme elle est prise dans le réseau idéo- verbal du monde humain dont elle ne forme qu’une partie, il semble qu’elle soit déterminée par les lois de la nature et celles de la société. Comme d’autre part un être vivant se distingue d’un objet physique par son autonomie vitale et que le psychisme est la plus haute expression de cette autonomie, force est d’admettre que la vie psychologique se déroule non pas comme un enchaînement de phénomènes qui se déterminent mais comme le déroulement des actes d’un Sujet selon la dynamique interne de son libre arbitre. Déterminisme (Spinoza) qui fait de la liberté une illusion, ou indéterminisme qui fait du libre arbitre la loi interne de notre raison (Leibniz, Kant), ce problème — autre forme de ceux que nous venons d’exposer — demeure également en suspens dans la psychologie contemporaine où s’affrontent, d’une part, les behavioristes, psychosociologues ou réflexologistes (de Watson à Russell, de Freud à Pavlov), et les spiritualistes idéalistes (de Bergson à Maurice Blondel). Mais le conflit de la transcendance ou de l’immanence de la vie psychique relativement à sa corporéité ou à ses déterminants socio-culturels est dépassé par la dialectique (Hegel) impliquée dans la notion du devenir historique de la personne. Celle-ci en effet comme objet dernier de la psychologie ne peut être comprise que comme une construction qui arrache le sujet à ses déterminations. De telle sorte que la vie psychique doit être envisagée comme l’ensemble de phénomènes qui constituent l’histoire personnelle (Spranger, W. Stern, Mounier) de l’homme constituant par ses idées et son langage un système de valeurs qui devient son Monde. La « réalité » de son Monde et la réalité de sa liberté se confondent.



Ni enchaînée aux réflexes inconditionnels ou conditionnés,




ni absolument libre,




la personne humaine construit par son organisation sa relative autonomie.

— Tels sont les principaux problèmes fondamentaux de la psychologie. Dans l’exposé sommaire et presque simpliste que nous en faisons ici, le médecin voudra bien reconnaître que la psychologie médicale en tant que Psychologie dynamique n’est ni une fausse psychologie ni une fausse médecine comme le laissait entendre le mot de McDougall que nous avons cité plus haut. Car la psychologie médicale constitue cette « Anthropologie » où se fondent et s’intègrent les perspectives neuro-biologiques et les perspectives psychiques d’une véritable science de l’homme, de sa « nature » et de sa « culture », l’une et l’autre entrelacées.



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II Esquisse du DéVeloppement de la Vie Psychique


Les formes structurales de la vie psychique s’organisent au cours du développement ontogénique, de telle sorte que ses structures fondamentales intégrées par l’évolution et l’organisation du système nerveux arrivent à maturité à l’âge adulte tandis qu’au cours de toute l’existence les structures supérieures et labiles poursuivent leur organisation fonctionnelle, dynamique et intégrative.



L’organisation psychique suppose la maturation du système nerveux.


A. — DÉVELOPPEMENT MORPHOLOGIQUE ET MATURATION DU SYSTÈME NERVEUX





I. — DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE


En même temps que se développe le système nerveux cérébro-spinal (neuro-embryologie anatomique) se construisent des systèmes fonctionnels réflexes (neuro-embryologie physiologique ou fonctionnelle).



Des formations du tronc et de la base du cerveau


Ce n’est que plus tardivement que le processus de télencéphalisation s’accentue par le développement des grandes formations qui proviennent des vésicules hémisphériques. La portion axiale du cerveau antérieur (Télencéphale) donne naissance aux corps striés, au globus pallidus et à la capsule interne, tandis que les vésicules latérales constituent les premières ébauches hémisphériques.

Dans la série animale comme dans l’ontogenèse nerveuse humaine, le rhinencéphale ou mieux le système limbique, constitue un vaste système cortical (allo-cortex) formé par la corne d’Ammon, le lobe limbique, la circonvolution godronnée, etc. Il se développe vers le 6e mois de la vie intra-utérine.



Importance du « vieux cerveau » : le rhinencéphale.

L’étude fonctionnelle des embryons (M. Minkowski) a permis de suivre le développement des fonctions nerveuses qui manifestent ce développement morphologique. A une phase purement musculaire et aneurale de la motilité embryonnaire primitive succède une phase de transition neuro-musculaire où les mouvements sont moins rythmiques. C’est alors (2e mois) que se constitue l’arc nerveux spinal dont la fonction est essentiellement rythmique et alternante (déjà virtuellement locomotrice) que l’on peut observer sous l’influence de stimuli internes ou experimentaux au niveau du tronc, de la tête et des extrémités. Ces mouvements sont à leur tour des stimuli pour une série de mouvements (excitation neuroceptive). Un peu plus tard les stimuli labyrinthiques engendrent des mouvements bilatéraux et symétriques qui présentent des caractères de réflexes de défense ou de fuite (réflexes nociceptifs de Sherrington) caractérisés par leur irradiation étendue. Cette phase correspond au développement des formations rhombencéphaliques (bulbe). A cette époque apparaissent les réflexes buccaux (occlusion des lèvres, succion). Progressivement en effet à l’arc réflexe spinal se superposent et se combinent des éléments fonctionnels qui manifestent l’action de la calotte du mésencéphale, du cervelet et, plus tard, des noyaux gris centraux.



Les premières fonctions sensori-motrices et toniques.


II. — DÉVELOPPEMENT POST-NATAL. LA MATURATION DU SYSTÈME NERVEUX


Le système nerveux central est, à la naissance, incomplètement développé ; comme, et plus que le reste du corps, il est en état de prématuration.



Formation du matériel neuronique.


Mais cet amoncellement du matériel neuronique, de soutien et de vascularisation de l’appareil cérébral ne constitue qu’une organisation spatiale préalable au fonctionnement que les conditions de la vie de relation extra-utérine (stimuli du monde extérieur, problèmes de coordination sensori-moteurs et de construction des formes adaptatives, etc.) vont rendre désormais à la fois indispensable et possible. La maturation du système nerveux commence avec l’expérience et va former et entretenir avec elle des liens entre le subjectif et l’objectif dont nous avons plus haut noté qu’il constituait le fondement et le sens de la vie psychique. Cette maturation peut être envisagée sous quatre aspects :

1° La myélogenèse. — C’est vers le 4e mois de la vie intra-utérine que la myéline fait son apparition dans le protoplasme qui entoure le cylindraxe des neurones. Le processus de myélinisation intervient selon des lois constantes (Flechsig) qui permettent de suivre la maturation des diverses portions du systeme nerveux. L’ « instinct format» » du systeme nerveux subit à la naissance une forte poussée. Tandis qu’à la fin de la vie intra-utérine la myélinisation s’étendait dans les parties pallido-mésencéphalocéré-bello-tégumento-bulbospinales, après la naissance, de sous-corticale elle devient corticale. Pendant les 8 premières semaines, elle s’étend à la masse des axones des neurones des hémisphères cérébraux. Elle débute par les champs primordiaux, puis elle gagne les centres intermédiaires selon le fameux schéma que Flechsig a établi. C’est alors que l’influence de l’écorce cérébrale commence à s’exercer en tant que différenciation, inhibition et conditionnement des réflexes sous-corticaux et spinaux (myélinisation de la grande voie pyramidale ou cortico-spinale et des analyseurs perceptifs corticaux).



Le processus de myélinisation (Flechsig)




de l’écorce et des centres du langage.

Il y a lieu d’insister spécialement sur la myélogenèse des centres du langage qui se développent à partir du 5e mois de la vie fœtale après l’apparition de la scissure de Rolando. Leur maturation myélinique est déjà réalisée à la naissance pour l’opercule rolandique, pour T1 et pour F3. Mais les fibres tangentielles ne sont myélinisées dans ces centres que 6 ou 8 mois après la naissance et leur maturation ne sera atteinte que lentement, seulement à l’âge adulte et en dernier lieu. C’est d’ailleurs de 3 à 5 ans que les champs myélogéniques, correspondant à l’exercice du langage et des grands systèmes des gnosies et praxies, parviennent à une maturation complète. C’est le moment où sont rendues possibles les opérations de coordination sensori-motrices et l’intégration des schèmes idéo-verbaux ou moteurs dans le temps et l’espace où se déroule processus linguistique et des communications inter-subjectives.



Chez le prématuré (de 6 mois à 8 mois d’âge conceptuel), il n’y a pas de différence entre le tracé de veille et de sommeil.



Différenciation au tracé E. E. G. de veille.

Chez le nouveau-né à terme (de 1 à 3 mois de la vie extra-utérine), les potentiels électriques sont de faible voltage avec prédominance des grapho-éléments de basse fréquence. L’occlusion des yeux ne modifie pas le tracé.

Chez le nourrisson de 3 mois, le tracé de veille cesse d’être uniforme et on note une première ébauche de la réaction d’arrêt.

Vers l’âge de 6 mois, l’activité occipitale devient rythmique au moment où l’enfant acquiert la préhension volontaire.

Vers un an, apparaissent les premières formes d’hypersynchronie paroxystique d’endormissement. Les tracés manifestent une certaine différenciation topographique (pointes lentes frontales, pointes diphasiques centrales).

Vers l’âge de 3 ans, le tracé ressemble à celui de la phase d’endormissement de l’adulte (aplatissement, décharges thêta).

Toute cette période de 1 à 3 ans est caractérisée enfin par le rythme delta (recherche du repos et de la tranquillité, d’après Grey Walter). De 3 à 8 ans, c’est le rythme thêta (correspondant à un comportement où dominent les frustrations et la recherche des plaisirs) qui constitue la forme d’organisation caractéristique. Enfin de 8 à 10 ans, c’est le rythme alpha (8 à 12c/s) à prédominance postérieure qui, comme chez l’adulte (sorte de tonus de repos de l’activité psychique), caractérise la veille et la « disponibilité ».



Rythme delta, puis thêta




enfin rythme alpha.

Nous pouvons arrêter là cette description de l’évolution des fonctions nerveuses. Chacun sait que les neurones ne se renouvellent pas et qu’entre eux, par leurs connexions synaptiques, ne cesse de se construire un système relationnel ou fonctionnel qui intègre l’expérience dans l’histoire de l’individu. Nous verrons plus loin, dans le chapitre que nous consacrerons dans la Quatrième Partie de cet ouvrage à la Neuro-biologie, comment fonctionne l’ensemble des systèmes et sous-systèmes d’intégration du « Système nerveux central ».


B. — LE DÉVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE DE L’ENFANCE A L’AGE ADULTE



Dans cette perspective nous ne pouvons guère distinguer les fonctions sensorielles ou intellectuelles, les sentiments et les jugements, le langage et les idées que la Psychologie traditionnelle isole comme des fonctions ou des phénomènes distincts les uns des autres. Nous verrons au contraire comment se structure chaque « phase » de cette croissance psychique en intégrant, à chacun de ces stades, les modalités propres à son existence.



avec ses stades ou phases de la structuration psychique.

Le nouveau-né (de 1 à 6 mois). — Pour lui il n’y a ni jour ni nuit, ni sommeil ni veille, ni objets, ni personnes (1). Il est tout entier dans l’expérience originelle du plaisir (jouir et écarter la douleur), et comme enfermé dans la seule recherche de cette satisfaction (narcissisme primaire, auto-érotisme). Réflexes et émotions ne sont que tâtonnements vers le premier « objet », le sein maternel. Celui-ci est sucé, puis mordu, et c’est la première relation qui lie le nouveau-né à son monde, celui du bon objet gloutonnement incorporé et du mauvais objet extérieur (Freud, Abraham, M. Klein) qui se refuse. Le stade d’impulsivité motrice se résume dans cette existence orale qui se saisit de l’objet. Mais dès ce moment, à propos du sein, des parties du corps maternel, des perceptions vagues et fragmentaires, se constituent des associations, des « réactions circulaires primaires » (Piaget) qui déjà conditionnent des comportements. De même se développent des émotions différenciées selon les seules expériences du plaisir et de la douleur, de la frustration et de la gratification, de l’angoisse et de la satisfaction, à ce « stade objectif » (Ch. Buhler) où le sujet n’existe pour ainsi dire pas, où il est seulement désir lié à son objet. Peu à peu cette première relation objectale se complique sous forme de schémas intentionnels de réactions circulaires secondaires (Piaget) où le regard et la préhension tendent à remplacer, dans 1′ « assimilation » du milieu, l’avidité labio-buccale, tandis que les stimuli sont activement recherchés et non plus seulement passivement vécus.



Premières ébauches en circuit fermé.



De 10 à 20 mois. — Le développement sensori-moteur se poursuit avec des moyens nouveaux : les premiers pas dans le monde éveillent et satisfont la curiosité et l’intérêt pour les objets, le regard et les actions des autres. C’est au début de ce stade que se constitue l’image spéculaire de soi (le stade du miroir sur lequel Preyer, Wallon et Lacan ont particulièrement insisté). La connaissance vient à l’enfant avec la connaissance de sa propre image distincte de celle des autres et pourtant semblable à elle. Et c’est dans ce plan de clivage institutif de l’identification et de ses problèmes que, avant même le langage qu’il conditionne, il convient de voir la première véritable relation humaine avec autrui et la première rencontre avec soi. C’est le moment où se forme le Moi, où la subjectivité en tant qu’expérience préverbale se constitue comme affirmation de soi et soumission à autrui (Sur-Moi) dans un ensemble de relations qui constituent une ébauche de la co-existence. Déjà l’enfant va au-devant du langage et s’ouvre aux relations symboliques et significatives de l’appel muet, du jeu et des histoires sans paroles.



L’image d’autrui et l’image de soi.

De 20 mois à 2 ans 1/2 (Stade de l’apparition du langage). — Au bour-geonnement verbal succède la possibilité du deuxième système de signalisation (Pavlov), c’est-à-dire la possibilité d’introduire dans l’existence comme un reflet de celle des autres et du Monde commun à tous. Désormais avec les mots, les noms, les verbes et les premiers rudiments syntaxiques, l’enfant fait entrer le monde en lui, le tient à sa disposition pour en jouir et en jouer. Cette intervention des schèmes d’action et de représentation (Piaget) est l’avènement de l’enfant au stade proprement humain. Cette verbalisation de l’existence est contemporaine de l’organisation des grandes fonctions praxiques et gnosiques (schéma corporel, discipline sphinctérienne).



Le langage transforme l’ « infans ».















































































Tableau I. Le Développement de L’enfant D’après Diverses Écoles (1) (Développement de l’enfant de 1 à 8 ans)

Age Charlotte Buhler Gesell H. Wallon S. Freud et les psychanalystes J. Piaget
1 an Stade objectif
Ouverture au Monde extérieur.
Liaison subjective avec l’objet.
Connaissance du corps propre.
Distinction entre figures familières et étrangères.
Début de la marche.
Début du jeu manipulatif.
Stade d’impulsivité motrice
Intégration des fonctions toniques et motrices dans des réflexes conditionnels.
Importance vers 6 mois du comportement devant le miroir(1).
A la naissance: Narcissisme et auto-érotisme primaire.
De 6 à 12 mois : Stade oral (prégénital).
Premières relations avec le bon objet partiel maternel (sein) selon les modalités de l’incorporation de l’objet (sucer) et de sa réjection (mordre).
Perceptions frustrantes et anxiogènes des mauvais objets.
Première intégration des objets dans le schéma corporel.
Période sensori-motrice Premier mosi : Activité réflexe et premières réactions á des signaux.
De 1 à 3 mois : Réactions circulaires primaires (associations).
De 4 à 6 mois : Réactions circulaires secondaires (schèmes intentionnels).
De 6 à 8 mois : Coordination des schèmes secondaires.
Classement des objets et du schématisme sensori-moteur en genres et espèces.
De 8 à 12 mois : Réactions circulaires tertiaires.
Tâtonnements à la recherche de moyens nouveaux.
De 12 à 15 mois : Invention de moyens nouveaux.
Ouverture au signe et au symbole.
2 ans Stade de l’extension des relations avec le milieu grâce au langage
Primauté du Moi qui par son activité subjective conquiert le monde des objets.
Notion de sa personnalité (prénom, image dans le miroir, photographie).
Stade d’opposition.
Développement considérable du langage).
Début de sociabilisation (disciplines sphinctériennes).
Stade émotionnel
Réactions émotionnelles en circuit fermé (subjectivisme et symbiose affective avec la Mère).
3 ans Stade de la contradiction et de l’intérêt pour autrui Stade sensori-moteur
Comportement d’orientation et d’investigation. Activitiés circulaires globales puis latéralisées et verbalisées. Activité ludique progressive.
Stade sadique-anal (prégénital)
Objectivation de l’objet extérieur relativement au corps. Importance capitale des fonctions d’excrétion (expulsion et rétention de l’object). Investissement par la libido et par les pulsions agressives des objets sur le modèle de l’objet privilégié de ce stade: le cylindre fécal. La discipline sphinctérienne d’origine parentale établit un système primaire de contre-pulsions (interdictions).
4 ans Stade de la coopération et des disciplines sociales Stade du personnalisme
Indépendance progressive du Moi (emploi du « Je »).
Affirmation séductrice de la personnalité (grâce et jeu).
Acquisition du rôle d’un personnage par le jeu de l’imitation.
5 ans Stade de l’objectivation
L’objectivation correspond à la construction du réel et à l’adaptation au cadre social familial.

Stade phallique ou génital
Identification du Moi et premières relations objectales (parents).
Développement du complexe d’Œdipe exigeant une acceptation du corps sexué (phallus comme sexe masculin et absence de phallus comme sexe féminin). Angoisse de castration.
Intelligence représentative prèopèratoire De 2 à 4 ans B9782294711589500011/u01-01-9782294711589 is missing Apparition de la fonction symbolique (langage et jeu symbolique).
Intérioration des schémas d’action et de représentation.
De 4 à 5 ans B9782294711589500011/u01-02-9782294711589 is missing Organisations représentatives fondées sur des configurations statiques et des assemblages d’actions.
De 5 à 7 ans B9782294711589500011/u01-02-9782294711589 is missing Organisation de la fonction représentative (articulation et régulation) de formes mentales semi-réversibles.
Caractéristiques de ce stade :



a) Pensée égocentrique et syncrétique.


b) Réalisme intellectuel sans raisonnement.


c) Intrication affective et intellectuelle.
6 ans Crises avec tendances aux attitudes extrêmes.
7 ans Affirmation et organisation du Moi. Phase de latence Organisation de l’appareil psychique
Constitution du Moi et de la structure de l’appareil psychique inconscient (Ça ou système instinctif et Sur-Moi ou système contre-pulsionnel. Organisation de ces trois instances).
Le système inconscient s’organise par son refoulement.
Le Moi exerce ses fonctions de défense contre les phantasmes et d’adaptation au système de la réalité.
Au cours de cette longue phase se construit en effect la pensée sociale, logique et morale qui soustrait définitivement la vie psychique au principe du plaisir pour la placer sous l’influence du système de la réalité.
8 ans Intérêt pour la vie sociale.
9 ans Stade du retour à la subjectivité et à la primauté du Moi
Éloignement du Monde extérieur.
Dénigrement et critique de tout ce qui en vient.
L’enfant devient progressivement membre du groupe social. Stade scolaire
Le syncrétisme de la personne et de l’intelligence fait place à une différenciation des comportements sociaux et des actes intellectuels.
La pensée devient « catégorielle ».
Prépuberté
Réactivation des tendances infantiles refoulées (pulsions génitales surtout).
Réactualisation du choix objectal (identification sexuelle et choix de l’objet libidinal).
Problème de la fixation libidinale sur le sexe opposé.
Masturbation et homosexualité
Intelligence concrète Constitution des schèmes opératoires
Opérations simples.
Achèvement de systèmes d’ensemble coordonnés et avec références temporo-spatiales réversibles.
Construction des nombres des objets.
Premières exécutions de la loi de causalité.
Caractéristiques de ce stade :



a) Caractère concret des opérations intellectuelles.


b) Constitution d’un système de valeurs relativement fixes (règles du jeu, code accepté, etc.).
10 ans
11 ans
12 ans
13 ans Différence d’évolution sexuelle
Chaque sexe développe sa personnalité avec un retour vers l’extérieur, autrui et constitution des valeurs culturelles et sociales.
Puberté
Poussée libidinale assurant définitivement le choix de l’objet hétérosexuel.
Opérations logiques formelles La pensée opère sa construction rationnelle sur des modèles idéo-verbaux (abstractions et opérations logiques).
Constitution d’une logistique axiomatique (raison) régie par les règles de la pensée constructive et discursive.
14 ans
15 ans Intégration du choix objectal dans l’organisation du Moi social, intellectuel et moral.
(1)L’importance du comportement devant le miroir déjá notée par Preyer a été soulignée par Lacan. Pour lui, le stade du miroir vers le 6e mois fournit avec l’image spéculaire de soi et d’autrui la clé de l’identification affective.






























Tableau II. Les relations objectales de la première année (d’après R. Spitz)

Deux premiers mois Stade pré-objectal Stade narcissique primaire.
État subjectif d’insatisfaction ou de quiétude en fonction des stimuli immédiats.
Réponse à des « signaux » de la sensibilité profonde (afférences en relation avec l’équilibre).
De la fin du 2e mois à la fin du 3e mois Stade de l’objet précurseur (premier organisateur) « Signal » de la nourriture.
Perception visuelle de l’être humain d’abord vague puis discriminatrice du visage.
Passage de la « réception » interne à la perception externe.
De 3 mois à 6 mois Communication mère-enfant sur une base affective (affects de plaisir et de déplaisir).
Réactions à la présence et à l’absence.
De 6 mois à 7 mois Réponses significatives à l’égard de la qualité des visages amis ou étrangers.
Réactions de peur.
8e mois Stade de l’objet libidinal (deuxième organisateur) Réaction d’angoisse véritable à l’absence de la mère car l’objet libidinal (la mère) est constitué et identifié.
De 8 mois à 10 mois Imitation sur la base affective des relations avec la mère.
Lallation (balbutiement) en relation avec l’objet libidinal.
Les « relations objectales étudiées par les psychanalystes lient le comportement à l’égard du monde des objets et l’investissement libidinal d’une personne (objet = mère).
D’abord de 2 à 7 mois se constitue un objet vague (quelqu’un), puis à 8 mois l’objet identifié dans la perception et la relation affective. Spitz, en faisant de l’objet vague puis de l’objet le centre de l’organisation génétique de la vie psychique, emprunte à l’embryologie la notion d’ « organisateur » (nexus d’organisation).


Nous donnons ci-dessous un rappel des grandes étapes du développement de l’enfant, pour la période que nous venons de décrire, dû à S. Saint-Anne Dargassies (Périnatalité, Masson et Cie, édit., Paris, 1972) qui a bien voulu nous autoriser à le reproduire.




Rappel des grandes étapes du développement du nourrisson.


1er mois. — Apparition de la vision, qui va commander les réactions oculo-céphalogyres permettant la poursuite oculaire de l’objet dans les quatre directions de l’espace.


3 mois. — Les automatismes primaires ont disparu, tout au moins pour leur plus grande part. La statique de la tête permet à l’enfant de maintenir sa tête dans la direction du tronc et de Vorienter vers une source d’intérêt. Le réflexe de convergence est là et la découverte de sa main apporte à Venfant des possibilités nouvelles ; il arrive à la maintenir dans le champ visuel et recherche des sensations de contact en approchant une main avec l’autre.


L’étape suivante, qui s’inscrit de 3 à 6 mois, va être dominée par le bouleversement du tonus musculaire : l’hypertonie physiologique qui portait sur les muscles fléchisseurs peut subir une accentuation qui ne doit pas en faire accroire pour une raideur globale (elle est intensément renforcée au moment où l’enfant joue, pleure où rit). Mais à quatre mois elle s’atténue pour faire place à une véritable hypotonie entre cinq et six mois. Cette hypotonie touche exclusivement les quatre membres et non pas l’axe corporel. Elle doit être vérifiée au niveau des angles décrits par le rapprochement main- épaule ou pied-oreille.

La préhension volontaire domine cet âge et le stade du sauteur est net : lorsque l’enfant est soutenu debout sur ses pieds, il y a alternance de flexion et d’extension des jambes sur les cuisses, car un vestige de redressement statique persiste encore, alors que l’hypotonie de cette nouvelle étape s’est déjà installée. Ceci est transitoire et dure de l’âge de cinq mois jusqu’à six mois.

Vers 7–8 mois. — L’enfant est capable de soutenir tout le poids de son corps soutenu par les poignets. La station assise apparaît et dans cette position lors des légères pubions latérales, l’enfant réagit en étendant le bras et la main correspondante sur la table tTexamen où il est assis : c’est l’aptitude statique des mains qui s’accompagne d’une autre fonction : la réaction parachutiste (extension des deux bras, ouverture des mains) lorsqu’on incline brusquement l’enfant vers la table d’examen.

De 8 à 10 mois. — La prise du petit objet par la pince pouce-index est une acquisition très fine. Puis apparaît la station debout. Mais pour être valable l’on doit exiger une bonne synergie entre les mains et les membres inférieurs : ce qui permet le maintien de la position verticale, grâce à la prise spontanée d’un appui, à l’aide des mains.

Entre 10 et 14 mois. — Survient l’équilibration qui, successivement, va permettre la station debout sans appui et la marche libérée.

15 mois-2 ans. — Citons la possibilité de course, la propreté diurne, une affectivité devenue élective, le début du langage et la personnalité qui se fait jour.

Ce faisant, nous avons suivi pas à pas la ligne évolutive du développement de l’enfant, sachant que :


1° les acquisitions fonctionnelles doivent être progressives et qu’il faut ne pas tenir rigueur d’un simple décalage, en plus ou en moins, dans leur courbe chronologique ascendante ;


2° quelques anomalies ont pu être décelées lors de l’examen neurologique strict ; mais l’essentiel est qu’il n’y ait pas de fixité, de stabilité ou d’aggravation des signes observés. Leur mouvance permet de penser que l’enfant a pu être porteur d’une lésion dont il guérit progressivement.

Les remaniements, toujours possibles au cours de la première année de la vie, empêchent d’avoir des signes de certitude absolue si précocement.

En dehors des cas extrêmement graves d’atteinte globale qui s’installe dès les six premiers mois, les signes observés ne sont que des signes de suspicion, de présomption à la fois diagnostique et pronostique.

De 2 ans 1/2 à 4 ans (Complexe d’Œdipe et formation du Moi). — Il arrive que infant à force de parler, dise « je ». C’est alors qu’il se constitue définitivement lui-même en personne. Mais cette identification de soi, cette identité, ne s’établit que par une tragédie qui est celle de l’origine même de son humanité. Le Moi ne peut se constituer que comme personne sexuée, et c’est le premier problème des « relations objectales » avec les parents représentant les deux sexes qui caractérisent cette « phase génitale » ou phallique (Freud, Abraham) du développement. La sexualisation du corps, c’est-à-dire le problème du pénis, est vécue dans un conflit d’identification ou de fixation aux imagos paternelles et maternelles (envie du pénis chez la fille, crainte de le perdre chez le garçon, image phallique de la mère, peur de la castration par le père, etc.). Tels sont les thèmes et les péripéties de ce drame où l’identification au parent de même sexe et le choix du parent du sexe opposé comme objet libidinal interfèrent en développant l’angoisse œdipienne. C’est à ce moment qu’interviennent les jalousies et les fixations incestueuses. C’est dans cette atmosphère « mythologique » des premières relations libidinales avec Autrui, dans cette situation triangulaire, que le Moi dégage sa primauté (Ch. Buhler) et que, aux yeux des psychanalystes, il se dégage des instances instinctives (Ça) et des premières répressions instinctives qui avaient automatiquement obéi aux interdits absolus de la pression du milieu social (Sur-Moi) pour désormais penser, parler et agir. A cette constitution de l’Ego correspond la première ébauche égocentrique (Piaget) du monde enfantin ; le jugement de l’enfant mêle « syncrétiquement » le désir et la réalité dans une mythologie idéo-verbale qui fait de son existence et de son intelligence un jeu.



L’identification personnelle et le problème œdipien.




Jeu.

De 4 ans à 7 ans. — Après la poussée libidinale qui a marqué tumultueusement la naissance du Moi, c’est-à-dire son identité, survient une sorte de latence des tendances instinctivo-affectives. Tout se passe comme si l’enfant à partir de ce moment devait oublier les problèmes et les conflits de son existence affective pour former sa raison. C’est le stade de l’intelligence représentative préparatoire (Piaget). Au cours de ce stade les notions fondamentales que le langage lui permet d’acquérir et de « travailler » dans sa pensée (nombres, classes, genres, exercices sur des représentations concrètes, construction d’un réel représentatif) permettent à l’enfant de se poser les premiers problèmes sociaux, ceux de l’école ou du jeu collectif. Mais son Monde social comme son monde de la réalité est peu étendu, fermé et comme ramené sans cesse aux proportions domestiques du groupe social, à sa cellule familiale. C’est dans ce milieu « privé » que se manifeste sa turbulence ludique et capricieuse.



Phase de latence des pulsions.

De 7 à 10 ans. — La phase de latence instinctive est caractérisée par deux traits fondamentaux de la pensée et des conduites sociales. Tout d’abord la raison s’ébauche dans sa forme proprement logique, mais seulement en tant que leçon apprise, et c’est l’âge « scolaire » par excellence. Ensuite, la contrainte des disciplines morales et sociales (famille, école, religion) exerce une pression accrue dans Tordre des sentiments, des actions et des règles de la pensée. Le jeu devient lui-même plus hiérarchisé et social.



Age de raison.












































Tableau III. Gradients de croissance psychique des 4 premières années (d’après Gesell et Ilg).

Mois Temps Espace Langage
12 mois Instantanéité. Discrimination du « debout » et « allongé ». « Papa », « maman ». Gestes d’au revoir et marionnettes.
18 mois Vague notion du temps (maintenant).
Attente de ce qui va arriver.
Exploration de l’espace.
Notions de direction et de localisation des objets et personnes.
Début du jargon.
Vocabulaire d’une dizaine de mots.
Usage fréquent du « non ».
24 mois Notion du maintenant.
Compréhension d’une succession simple sans référence au passé.
Distinction du « haut » et du « bas », dehorsdedans. Disparition du jargon.
Début de phrases de 3 mots.
Le vocabulaire passe de 20 à plusieurs centaines de mots.
30 mois
Ordre des objets familiaux.
Représentation de l’espace vers lequel se dirige l’action.
Le langage devient utile.
Langage rythmique et répétitif.
Emploi du « Je » et de mots-clés en rapport avec les parents (il ne faut pas, etc.).
36 mois Vocabulaire d’une dizaine de mots désignant le temps (passé, présent et futur). Notion du lieu de l’habitation.
Orientation dans les itinéraires simples.
Le langage sert à commander et à obéir.
Intérêt pour les mots nouveaux.
42 mois Notion d’une durée des situations.
Concept d’heure.
Notion de la ville et de la rue habitées.
Représentation mentale des itinéraires.
Compréhension des discours d’autrui.
Rèfèrences verbales à la mère.
48 mois Complication du vocabulaire portant sur les durées et intervalles de temps. Emploi assez exact du vocabulaire spatial. Description d’un itinéraire à suivre. Déchaînement verbal.
Questions incessantes.
Monologues.

De 10 à 12 ans (prépuberté). — C’est l’âge où s’organisent les opérations logiques formelles (Piaget). L’enfant atteint presque sa maturité intellectuelle en disposant désormais des modèles idéo-verbaux dont le maniement va constituer l’exercice de la véritable pensée abstraite. C’est ainsi que se forme alors un système de techniques (jugements, raisonnements, construction et opérations déductives) qui constituent l’appareil logistique de la pensée pour autant que la logique suppose des algorithmes, des schèmes qui sont l’instrument, la loi de la pensée discursive. Les principes rationnels (causalité, contradiction) deviennent les fonctions normatives ou axiomatiques de la connaissance. Naturellement l’organisation de ce niveau, exigeant une ambiance culturelle qui apprend et forme l’intelligence et qui lui fournit un savoir indispensable à son développement, n’est pas toujours atteinte dans les milieux incultes et les sociétés « primitives ». Nous voyons ici dès ce stade se séparer pour ainsi dire les aptitudes et les acquisitions, car l’intelligence ne se construit que par l’intégration de celles-ci par celles-là. A cette rationalisation de la vie psychique correspond à la fin de ce stade une plus large communication avec le Milieu, et la conception du Monde s’ébauche sous forme d’idéaux et de projets : tandis que la maturation intellectuelle avant 10 ans éloignait le monde extérieur en conférant à l’existence une sorte d’atmosphère imaginative et contemplative, vers 11 ans l’ouverture au monde s’établit définitivement et cette fois par la constitution d’un système personnel de valeurs idéales et logiques. Le comportement social, familial et scolaire de l’enfant est de plus en plus dirigé vers l’intégration aux valeurs sociales et cosmiques.



Construction de l’appareil logique.

De 12 à 14 ans (puberté). — C’est la puberté et la fin de la période de latence. Tant que l’organisation de la connaissance intellectuelle, du Moi et des relations éthico-sociales avait refoulé les pulsions instinctives, les tendances affectives de la première enfance, celles-ci avaient pour ainsi dire disparu de l’existence de l’enfant. Mais avec la forte poussée pubertaire les problèmes affectifs du choix objectai définitif (la fixation sur l’individu du sexe opposé) reviennent au premier plan de l’actualité de l’adolescent. Comme désormais il vit dans son monde intelligible où la coexistence avec autrui est bien différenciée et identifiée, il sort avec la puberté de sa solitude affective pour rechercher l’amour de l’autre. Mais cet amour de l’objet est comme enveloppé dans le souvenir et la répétition du narcissisme qui lie le désir et la volupté sexuelle au propre corps (masturbation). Les hésitations ou régressions du choix objectai (homosexualité, angoisse sexuelle, reviviscence de la situation œdipienne, etc.) constituent l’émoi typique à cet âge. L’agressivité contre le milieu social, familial et scolaire se manifeste comme l’expression de ce trouble intérieur. C’est l’époque des sublimations exaltées, des conflits familiaux, des lubies et des foucades. Cette « crise » éclipse la formation et les progrès de l’intelligence (crise de scolarité et de discipline).



La poussée de la puberté




et les premières expériences amoureuses (choix de l’autre sexe).


Il n’est plus possible de retracer le développement typique de la vie psychique quand celle-ci a atteint l’âge adulte, car alors l’individu crée lui-même son histoire dans la mesure où il est sorti de son enfance et où, cessant d’obéir à la typicité des lois spécifiques du développement, il s’engage dans son destin personnel.



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Nous devons au terme de cette psychologie génétique ou psychologie du développement de la personne humaine, faire trois remarques capitales :


1° Le développement psychique ne doit pas être conçu sur le modèle d’une série linéaire. A chaque niveau, à chaque phase ce n’est pas un anneau qui s’ajoute, mais c’est une organisation structurale qui se construit. Chacun de ces niveaux structuraux implique un progrès dans les capacités fonctionnelles d’intégration et dans la constitution d’une existence caractérisée par la formation du Moi et de son Monde.


2° Il est aussi vain de se représenter le développement comme déterminé par l’expérience (les stimuli et événements du milieu naturel et social extérieur) que de se le représenter à vide comme déterminé par les lois de son organisation interne.

May 31, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Premier. Éléments de Psychologie Médicale

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