Particularités de L’exercice Pédiatrique en Maternité dans les Pays en Voie de Développement

13. Particularités de L’exercice Pédiatrique en Maternité dans les Pays en Voie de Développement




Ces conditions amènent les soignants à recourir à des gestes thérapeutiques simples, fondés sur du bon sens et une vraie connaissance des problèmes auxquels sont exposés les nouveau-nés.

Chaque année, ce sont 4,3 millions de nouveau-nés qui meurent dans le mois qui suit leur naissance, dont 3 millions dans les premiers jours de leur vie, et pour chaque décès néonatal précoce il y a naissance d’au moins un enfant mort-né.

Dans ce chapitre, nous traitons de la prise en charge des nouveau-nés dans les situations caractérisées par la limitation des moyens matériels et humains, que l’accouchement ait lieu à domicile ou dans une structure médicalisée quel que soit son niveau de soins.



Organisation des systèmes de soins

L’organisation de la prise en charge médicale autour de la naissance est très variable au sein d’un même pays en fonction des zones géographiques, du milieu rural ou urbain, des contraintes socio-économiques. De l’accouchement traditionnel à domicile à l’accouchement médicalisé en maternité, la qualité et la rigueur des soins dispensés varient surtout en fonction de l’état de développement sanitaire et social de la zone considérée.

Chaque système a ses propres limites et avantages. Ainsi, le regroupement des nouveau-nés dans des nurseries à distance de leur mère, souvent la règle dans les maternités, permet un meilleur suivi médical des nouveau-nés, en particulier de faible poids, par une équipe spécialisée. En revanche, la séparation d’avec la mère impose des déplacements répétés des enfants, pour leur allaitement par exemple ; le regroupement, et donc la promiscuité, exposent plus particulièrement les enfants aux infections nosocomiales.

L’accouchement à domicile, inscrit dans une dynamique communautaire, a montré des résultats similaires à l’accouchement en maternité en termes de diminution de la mortalité néonatale. Un tel programme inclut la formation médicale des accoucheuses traditionnelles, l’implication maternelle précoce dans les soins au nouveau-né (en particulier en utilisant la chaleur maternelle en peau à peau pour les nouveau-nés de FPN), la prévention du tétanos néonatal par la vaccination systématique des gestantes et des femmes en âge de procréer.



Hygiène des soins

L’hygiène des soins constitue un des points faibles de la prise en charge des nouveau-nés dans les PVD. Il est indispensable d’enseigner au personnel de santé à tous les niveaux les règles et les procédures d’hygiène simples:


– le lavage des mains à l’eau propre et au savon ordinaire pour le personnel et les parents ;


– le séchage des mains lavées à l’air en les secouant plutôt qu’avec une serviette réutilisable ;


– l’utilisation correcte de l’eau de javel (disponible et accessible mais souvent mal utilisée) ;


– les principes de traitement du matériel réutilisable que sont la décontamination, le lavage et le rinçage, la désinfection (suivie de rinçage et de séchage) ou la stérilisation (quand elle est indiquée et possible), puis le stockage ;


– l’hygiène des locaux et de certains équipements comme les incubateurs.

On veillera à limiter l’accès des visiteurs dans l’espace réservé aux nouveau-nés.


Prévention de la transmission mère-enfant du VIH

C’est devenu un impératif majeur dans de nombreux PVD. Chez l’enfant 90 % des cas de VIH/sida proviennent d’une transmission de la mère à l’enfant. Le risque de transmission mère-enfant du VIH est de 5 à 10 % durant la grossesse, 10 à 20 % durant le travail et l’accouchement, et 10 à 20 % durant l’allaitement maternel. En l’absence de toute intervention, le risque global est de 15 à 30 % lorsque la mère n’allaite pas, et de 20 à 45 % lorsqu’elle allaite.


La prévention de la transmission mère-enfant du VIH repose sur plusieurs mesures, fondées sur le conseil et le dépistage de l’infection à VIH au cours de la grossesse:


– la prophylaxie par les antirétroviraux à la mère pendant la grossesse et l’accouchement ainsi qu’au bébé pendant la période néonatale ;


– des pratiques obstétricales sans risque chez la mère au cours du travail et de l’accouchement ;


– des pratiques de soins à moindre risque chez l’enfant au moment de la naissance ;


– une alimentation à moindre risque pour le nouveau-né et le nourrisson.


La prophylaxie par les ARV chez la mère et l’enfant

Une prophylaxie commençant au troisième trimestre de la grossesse et basée sur l’utilisation de plusieurs ARV chez la mère et l’enfant peut réduire le risque de transmission au cours du travail et de l’accouchement à moins de 5 %. Le tableau 13.I. présente les différents régimes de prophylaxie par les ARV chez la mère et l’enfant en fonction des situations cliniques recommandés par l’OMS. Ils diffèrent sensiblement de ceux recommandés en France (cf. p. 208).





















































Tableau 13.I Situations cliniques et recommandations pour les ARV chez la mère et l’enfant durant la grossesse, le travail, l’accouchement et le post-partum
(d’après les recommandations de l’OMS, 2006)
–(a)AZT (zidovudine) sirop : 4 mg/kg toutes les 12 heures ;
–(b)AZT (zidovudine) comprimés à 300 mg :1 cp. matin et soir ;
–(c)AZT/3TC : combinaison fixe de AZT 300 mg + lamivudine 150 mg dans un comprimé : 1 comprimé toutes les 12 heures ;
–(d)névirapine 200 mg : 1 comprimé en monodose à la mère ;
–(e)névirapine sirop: 2 mg/kg soit 0,2 ml/kg en dose unique à l’enfant. Si la naissance survient moins de 2 heures après la prise de névirapine par la mère, l’enfant doit recevoir la névirapine immédiatement à la naissance. La névirapine est donnée au nouveau-né le plus tôt possible après la naissance, ou à défaut dans les 72 heures ;
–(f)si la mère a reçu l’AZT pendant moins de 4 semaines avant l’accouchement, l’AZT doit être donné à l’enfant pendant 4 semaines ;
–(g)si l’accouchement est imminent, ne pas donner de nevirapine à la mère et traiter l’enfant comme celui de mère n’ayant reçu les ARV ni durant la grossesse ni durant le travail.
Situation Durant la grossesse Durant le travail Après l’accouchement Observation



Chez la mère Chez le nouveau-né
La mère reçoit une trithérapie ARV Trithérapie selon les recommandations nationales Trithérapie selon les recommandations nationales Trithérapie selon les recommandations nationales AZT x 7 jours (a)
La mère n’a pas d’indication de mise sous trithérapie Commencer l’AZT(b)à 28 semaines de grossesse ou dès que la mère consulte après 28 semaines AZT/3TC (c)+ une dose unique de névirapine (d) AZT/3TC x 7 jours Névirapine(e) dose unique + AZT x 7 jours (f) Dans les situations de nonfaisabilité d’un protocole ARV complexe, donner une dose unique de névirapine à la mère au cours du travail et à l’enfant en post-partum
La mère n’a pas reçu de prophylaxie par ARV durant la grossesse ou sa séropositivité n’a été découverte que lors du travail
AZT/3TC + une dose unique de névirapine (g) AZT/3TC x 7 jours Névirapine dose unique + AZT x 4 semaines
La mère n’a reçu de prophylaxie par ARV ni durant la grossesse, ni durant le travail


Névirapine dose unique + AZT x 4 semaines Commencer les ARV chez l’enfant immédiatement après la naissance


Les pratiques obstétricales à moindre risque au cours du travail et de l’accouchement

Elles visent à éviter la contamination de l’enfant au cours de l’accouchement par voie cutanée ou muqueuse (digestive ou respiratoire) à partir des virus contenus dans le sang et les sécrétions génitales de la mère:


– désinfecter la vulve à la chlorhexidine à 0,25 % (12,5 ml de chlorhexidine pour 5 litres d’eau) dès l’arrivée en salle de travail ;


– désinfecter le vagin avec la même solution avant chaque toucher vaginal ;


– éviter la rupture artificielle des membranes, les épisiotomies, les manœuvres obstétricales (version interne) et les accouchements instrumentaux (par forceps ou ventouse) pouvant entraîner des lésions cutanées du fœtus.


Les pratiques de soins sans risque chez le nouveau-né à la naissance

Aspirer le nouveau-né seulement si cela est strictement nécessaire (absence de cri spontané ; présence de mucosités épaisses gênant la respiration, nécessité d’une assistance respiratoire).


Nettoyer le cordon avec la chlorhexidine avant de le sectionner. Il ne faut ni retarder la section du cordon ni le traire.

Ne pas nettoyer le nouveau-né avec des objets pouvant être traumatiques (éponge végétale).

Donner un bain à l’enfant avec de la chlorhexidine diluée à 2,5 %, ou à défaut à l’eau tiède et au savon.

Bien désinfecter la peau avant toute injection (vitamine K1).

Les autres soins de routine se font comme d’habitude.


L’ALIMENTATION À MOINDRE RISQUE POUR LE NOUVEAU-NÉ ET LE NOURRISSON

L’allaitement maternel accroît le risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant, comme nous l’avons vu plus haut. L’allaitement artificiel exclusif comporte un risque nul de transmission, mais il expose l’enfant à des risques de diarrhée, de malnutrition (lait donné en quantité insuffisante ou trop dilué), de perte des autres bénéfices de l’allaitement maternel ; et la mère à un risque de stigmatisation. Un conseil en alimentation du bébé sera donné à la mère au cours de la grossesse, et à défaut au cours du travail ou du post-partum, afin de l’aider à choisir librement le mode d’alimentation à moindre risque pour son bébé et elle. Ce conseil sera répété à toutes les visites de suivi du bébé. Le choix de l’allaitement artificiel doit tenir compte de sa faisabilité (compréhension des règles d’hygiène et de dilution, disponibilité en temps), de son accessibilité (coût du lait et des accessoires), de son acceptabilité (risque de stigmatisation, acceptation par le partenaire), de sa durabilité (disponibilité du lait au moins jusqu’à 6 mois), et de certains risques liés à sa préparation (risques de diarrhée, de malnutrition).

La mère doit être soutenue dans son choix du mode d’allaitement pendant toute la période de suivi du bébé. En particulier, si elle choisit l’allaitement maternel, les points suivants doivent bien lui être expliqués:


– l’allaitement maternel doit être exclusif pendant 6 mois (l’adjonction de lait artificiel ou d’un autre aliment ou boisson favorise la contamination du bébé par le VIH) ;


– il faut prévenir ou soigner rapidement les situations qui favorisent la transmission: infections mammaires (mastites) et les lésions du mamelon chez la mère, les lésions buccales (stomatites, candidoses) et les diarrhées chez l’enfant ;


– le chauffage du lait permet de minimiser les risques de transmission (le lait est exprimé dans un bocal, puis on place l’ensemble dans une marmite. On ajoute de l’eau dans la marmite jusqu’à ce que le niveau de l’eau ajoutée dépasse celui du lait contenu dans le bocal de 2 travers de doigts. L’eau est chauffée jusqu’au moment où elle commence à frémir. On la laisse frémir au feu pendant 30 minutes et le processus est terminé). Mais sa faisabilité en routine rend la pratique difficile pour les mamans ;



– il est possible de recourir à l’allaitement par une nourrice séronégative ou par son lait exprimé. Mais, outre la rupture de confidentialité, la possibilité de contamination de la nourrice par l’enfant lui-même ou une autre source au cours de l’allaitement représente un risque.

Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on Particularités de L’exercice Pédiatrique en Maternité dans les Pays en Voie de Développement

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