Chapitre 3 Orthodontie parodontale
L’orthodontie a évolué depuis vingt ans de façon spectaculaire, en grande partie à cause du nombre croissant de patients adultes traités en pratique orthodontique. Depuis ces dix dernières années, les patients adultes représentent au moins 50 % de la patientèle. Selon une enquête réalisée en 2000 par la Société dentaire espagnole concernant la santé buccale de cette population, 35 à 40 % de ces patients nécessitaient un traitement pluridisciplinaire [12]. Ce seul aspect a transformé la conception de notre exercice quotidien. Pour quelles raisons ? Parce que les adultes présentent bien d’autres problèmes qu’un mauvais alignement des dents. Cela rend les traitements plus difficiles mais aussi beaucoup plus intéressants. Quand on traite un enfant on ne craint pas la maladie parodontale et ses conséquences : pertes de dents, égressions, migrations, trauma occlusal, abrasions dentaires et, bien sûr, perte osseuse. Les enfants présentant rarement d’autres problèmes que le mauvais alignement des dents, dans la plupart des cas, l’orthodontiste peut les traiter sans l’aide d’un autre spécialiste. C’est malheureusement impossible chez l’adulte en raison des multiples difficultés rencontrées dans cette population, et le concept du travail en équipe est une absolue nécessité.
Plan de traitement
Observations avant traitement
Cas des traumatismes occlusaux
Prenons par exemple l’importance du trauma occlusal chez ces patients adultes, surtout s’ils présentent des problèmes parodontaux, ce qui peut compromettre le résultat final. En cas de maladie parodontale avancée, le trauma occlusal est un cofacteur de destruction où inflammation et forces occlusales peuvent jouer un rôle. Le processus inflammatoire est, sans aucun doute, le facteur essentiel et les forces occlusales un facteur secondaire. Par conséquent, le premier objectif est d’éliminer l’inflammation parodontale puis de contrôler les forces occlusales. Pour résoudre le problème de trauma occlusal, il est intéressant de visualiser des modèles montés en articulateur de façon à mettre en évidence le premier contact, le degré de décalage entre la relation centrée et l’intercuspidie maximale et d’éventuelles interférences lors du mouvement de fermeture mandibulaire. Comme Heasman et Millett l’indiquent dans leur ouvrage The Periodontium and Orthodontics in Health and Disease, les séquences de traitement de l’adulte consistent tout d’abord à établir et à maintenir la santé parodontale puis à mettre la mandibule en position centrée [10].
Une fois les causes possibles de traumas occlusaux diagnostiquées, on peut recourir à des meulages occlusaux, à des extractions ou utiliser des plans de désocclusions antérieurs permettant de modifier le schéma occlusal en l’absence de forces occlusales réversibles, tout en corrigeant les causes des traumas occlusaux.
L’utilisation de bite plane est très utile pour éliminer les forces de jiggling (aller et retour), comme l’indiquent Ericson et Lindhe : « le type de force le plus complexe auquel une dent peut être soumise est une force de jiggling » [5]. Celui-ci agit successivement dans deux directions opposées en empêchant la dent de s’éloigner de la force appliquée. Une expérimentation réalisée sur des chiens beagle a montré qu’une force de jiggling associée à une parodontite marginale agit comme un facteur de co-destruction et le taux d’atteinte parodontale est augmenté. Ainsi, l’orthodontiste doit faire tout son possible pour éliminer les forces occlusales destructrices et faire de son mieux pour éliminer les forces de jiggling.
Mise en place du traitement
Mouvement dentaire
Comme l’indique Vannarsdal, l’un des moyens les plus spectaculaires à notre disposition pour améliorer l’environnement est le mouvement dentaire [18].
Tel que Van Venrooy l’affirme, « l’éruption ou l’extrusion de dents, dont on réduit la hauteur de la couronne clinique au fur et à mesure de l’égression, aide à diminuer les défauts infra-osseux et la profondeur de la poche » [17]. Ce type de mouvement améliore non seulement l’esthétique puisque l’attache gingivale est améliorée, mais également l’état des dents affectées parondontalement. C’est parce que les fibres gingivales du ligament parodontal manquent d’élasticité que l’on obtient cet effet : quand elles sont étirées pendant le mouvement dentaire cela transmet une tension à l’os alvéolaire. Cette tension stimule le dépôt d’os au niveau de la crête alvéolaire.
Ingression
Un autre aspect de l’orthodontie parodontale est l’ingression de dents parondontalement atteintes en association avec des dérivés protéiniques de la matrice amélaire qui induit une régénération des tissus mous et de l’os. Ceci se fait en collaboration avec le parodontiste et le temps est un facteur décisif car il faut patienter environ douze mois après le début du processus de régénération avant de procéder à l’ingression. Des études ont démontré la possible régénération d’une nouvelle attache en utilisant ces protéines ainsi que la régénération de l’os alvéolaire précédemment perdu [3, 4].
L’utilisation de protéines est principalement indiquée dans les cas suivants : recouvrir la racine, corriger les défauts verticaux et les atteintes de la furcation.
Extraction
L’orthodontie parodontale implique également des extractions orthodontiques qui consistent à égresser la dent jusqu’à ce qu’elle soit hors de son support afin d’amener de l’os ou des tissus mous et préparer le site implantaire. Ceci est fait dans le cas de dent à « extraire » parce que, comme le dit Salama « les dents à extraire ne sont pas forcément des dents inutiles » [16], le principal avantage offert par ces dents réside dans ce qui reste de leur attache, du ligament parodontal, du cément et de l’os. Déployer autant d’efforts pour régénérer ces précieux tissus peut paraître inutile comparé à la rapidité avec laquelle ils sont abîmés dans une stratégie d’extraction. Par conséquent, on utilise pleinement l’avantage du ligament parodontal et, plutôt que d’extraire une dent de façon traditionnelle en éliminant le ligament parodontal avec tout son potentiel de régénération, on l’extruse par une égression douce ; l’os et la gencive vont alors « descendre » avec la dent, ce qui est idéal pour préparer un site implantaire.
Occlusion
Enfin, il ne faut pas oublier que l’on est très souvent en présence de dentures mutilées, avec de nombreuses dents absentes et des pertes osseuses. Nos objectifs, comme le dit Kokich, « seront réalistes et non idéaux » [11].
La fameuse description d’Amsterdam distingue l’occlusion physiologique de l’occlusion pathologique : « une occlusion physiologique n’est pas nécessairement une occlusion idéale de classe I, c’est plutôt une occlusion avec la capacité de s’adapter au stress occlusal et de rester stable indéfiniment ; à l’inverse, une occlusion pathologique ne peut pas fonctionner sans contribuer à sa propre autodestruction » [1].
Exemples cliniques
TRAITEMENT ORTHODONTIQUE D’UNE PATIENTE PRÉSENTANT UNE PERTE OSSEUSE HORIZONTALE GÉNÉRALISÉE
Femme de 40 ans avec des antécédents familiaux de maladie parodontale présentant une parodontite agressive sévère au niveau des premier et troisième quadrants. Il existe une perte osseuse horizontale généralisée, des dents absentes, des diastèmes, des mobilités et un trauma occlusal.