Chapitre 4 Palpitations
Les palpitations correspondent à la perception anormale des battements cardiaques, qui habituellement ne sont pas perçus. Elles représentent un motif fréquent de consultation auprès du cardiologue.
Toute la difficulté consiste à différencier les palpitations bénignes, favorisées par le stress, d’un trouble du rythme nécessitant un traitement spécifique.
DIAGNOSTIC
Interrogatoire
Il est déterminant pour l’orientation diagnostique.
On recherche d’abord les éventuels antécédents cardiaques personnels (notion de cardiopathie congénitale, de souffle cardiaque) ou familiaux (notion de trouble du rythme, de cardiopathie ou de mort subite dans la famille), le mode de vie du patient (sportif ou sédentaire), et on évalue son anxiété vis-à-vis du symptôme.
Il est nécessaire de faire expliquer au patient de la façon la plus précise possible ce qu’il ressent. On lui demande donc de décrire les palpitations :
des palpitations rapides et prolongées évoquent, si elles sont irrégulières, une fibrillation auriculaire ou, si elles sont régulières, une tachycardie jonctionelle, voire une tachycardie ventriculaire ; des palpitations lentes et régulières orientent plutôt vers une bradycardie et un trouble conductif ;
Examen clinique
L’auscultation cardiaque recherche la présence d’uns souffle ou d’un galop, pouvant orienter vers une cardiopathie. Elle permet peut-être d’orienter le diagnostic vers des extrasystoles, ou vers une fibrillation auriculaire si le rythme est très irrégulier, voire vers une bradycardie. On recherche également une hypertension artérielle (HTA) et des signes pouvant évoquer une endocrinopathie, notamment une dysthyroïdie.
Examens complémentaires
Leur stratégie dépend de la gravité des symptômes et de la présence ou non d’une atteinte cardiaque sévère sous-jacente : en cas de symptômes peu inquiétants, on privilégie la documentation de l’arythmie par les moyens non invasifs, alors qu’en cas d’atteinte cardiaque sévère sous-jacente, de symptômes inquiétants (malaises, syncope), ou d’antécédents familiaux de mort subite, on adopte une stratégie plus agressive pour ne pas négliger un trouble du rythme grave.
En cas de palpitations persistant une heure ou plus, on peut également inciter le patient à consulter en urgence pour obtenir un ECG pendant une crise.
Électrocardiogramme
Il est l’examen de première intention, mais n’est que rarement contributif. En effet, le plus souvent, les patients n’ont leurs symptômes que de façon intermittente, et il est rare que cela se produise au moment de la consultation.
Néanmoins, il est indispensable, car il permet de diagnostiquer une fibrillation auriculaire, un flutter persistant, ou une bradycardie (bloc auriculoventriculaire ou bloc sinoauriculaire). Il permet également de porter le diagnostic de syndrome de Wolf Parkinson White. La présence d’extrasystoles, auriculaires ou ventriculaires, est fréquente et banale, et ce diagnostic ne doit être retenu qu’après avoir éliminé les autres causes de palpitations.
Enregistrement Holter rythmique
En cas de palpitations survenant de manière quotidienne, l’enregistrement Holter des 24 heures peut être contributif. Il consiste à enregistrer un électrocardiogramme pendant 24 à 48 heures, sur un support magnétique contenu dans un appareil de petite taille, qui se porte en bandoulière et permet au patient de vaquer à ses occupations habituelles. Le tracé est ensuite analysé à l’aide d’un système informatique. Le patient tient un journal de ses symptômes et à la possibilité de placer des marqueurs sur le tracé au moment des symptômes.
Enregistreur d’événement
Ce sont des appareils très miniaturisés, avec une autonomie importante, pouvant être confiés au patient pour des périodes de 15 jours à 1 mois pour les modèles externes, ou implantés sous la peau du patient, avec une autonomie de 18 mois. Ils sont utiles en cas de symptômes peu fréquents. L’enregistrement peut être activé par le patient en cas de symptôme, ou se faire automatiquement selon une programmation décidée par le médecin, en fonction du trouble du rythme recherché. Les données enregistrées sont ensuite analysées par un système informatique.
Épreuve d’effort
Elle est particulièrement utile en cas de palpitations survenant à l’effort : tachycardie jonctionelle, tachycardie ventriculaire sur coeur sain, fibrillation auriculaire adrénergique. Elle est également utile en cas de syndrome de Wolf Parkinson White ou pour diagnostiquer un trouble conductif ne survenant qu’à l’effort, ainsi qu’une insuffisance coronaire.
Échographie cardiaque
Elle n’est pas systématique mais est réalisée dès que l’on suspecte l’existence d’une cardiopathie sous-jacente : cardiopathie hypertensive ou valvulaire souvent associée à de la fibrillation auriculaire, cardiopathie ischémique.
Exploration électrophysiologique
Il s’agit d’un examen invasif qui n’est réalisé qu’en cas de forte suspicion de palpitations liées à une arythmie qui n’a pas pu être documentée par les autres examens. Cette exploration consiste à introduire des sondes dans les cavités droites par voie veineuse fémorale droite pour tenter de provoquer un trouble du rythme auriculaire ou ventriculaire, reproduisant la symptomatologie du patient. Elle peut être complétée d’une ablation endocavitaire, qui consiste à détruire la zone responsable de l’arythmie.
ÉTIOLOGIE
Extrasystoles
Les extrasystoles sont très fréquentes dans la population générale, mais sont ressenties de manière très variable selon les individus, allant d’une perception intense et douloureuse chez certains à l’absence complète de symptôme chez d’autres. Elles constituent sans doute le motif le plus fréquent de consultation pour palpitations. Le patient ressent une irrégularité de son rythme avec « un battement qui manque » (l’extrasystole qui n’est pas directement ressentie) et « un battement plus fort » (la systole qui fait suite à l’extrasystole est plus intense).
Le diagnostic peut se faire au pouls ou à l’auscultation, et est confirmé par l’ECG qui permet d’établir s’il s’agit d’extrasystoles auriculaires (Fig. 1) ou ventriculaires. Un Holter des 24 heures peut être réalisé pour quantifier ces extrasystoles, et rechercher des formes répétitives (doublets, triplets ou salves), voire des arythmies soutenues.

Figure 1 Extrasystoles auriculaires (ESA).
À noter le repos compensateur (pause postextrasystolique) que ressent le patient et la présence d’ESA non conduites.
En cas d’extrasystoles « bénignes », en l’absence de cardiopathie sous-jacente, on commence par rassurer le patient, sans proposer de traitement, ce qui le plus souvent permet l’atténuation de symptômes. En cas de persistance de symptômes, on peut proposer au patient un traitement bêtabloquant ou anxiolytique léger.
En revanche, des extrasystoles ventriculaires nombreuses avec des salves en cas de cardiopathie sous-jacente, notamment ischémique, doivent amener à poursuivre les examens, ces extrasystoles pouvant être la « gâchette » initiant un trouble du rythme plus grave. Des extrasystoles survenant chez un patient sans cardiopathie, mais chez qui on retrouve la notion de malaise, de perte de connaissance ou de mort subite dans la famille, doivent amener à poursuivre les investigations. En effet, elles peuvent révéler un trouble du rythme lié à une maladie génétique responsable d’anomalie du fonction-nement électrique du coeur par une perturbation des mouvements ioniques dans les cellules cardiaques (canalopathies), dont les plus connues sont le syndrome de Brugada et le syndrome du QT long congénital. Le diagnostic est en général établi par l’ECG.
Ces maladies peuvent comporter un risque de mort subite et nécessitent une prise en charge spécifique.

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