Sinusites nosocomiales
L. Holzapfel, J. Frija, B. Marchand and X. Tchénio
Introduction
Les sinusites nosocomiales sont une complication de la ventilation mécanique avec intubation trachéale. Il s’agit d’une infection des sinus maxillaires, souvent associée à celle des sinus ethmoïdaux, sphénoïdaux et frontaux.
Une sinusite aiguë radiologique est définie par la présence d’une opacité ou d’un niveau liquide au niveau d’un sinus. Chez un malade fébrile présentant une sinusite radiologique, une ponction du sinus maxillaire peut être réalisée. Une sinusite infectieuse est définie par la présence de liquide purulent à la ponction, avec une croissance bactérienne à la culture.
Les sinus frontaux, maxillaires et ethmoïdaux sont des cavités qui communiquent entre elles et avec les fosses nasales. L’inflammation de la muqueuse sinusienne peut entraîner en quelques heures une hypertrophie muqueuse, une hypersécrétion, une obstruction de l’ostium et une rétention des sécrétions dans la cavité sinusienne. La sinusite est secondaire à une rhinite. Celle-ci est favorisée par la présence d’un corps étranger dans la narine (sonde trachéale ou gastrique) et par la stase des sécrétions chez les malades intubés par le nez ou par la bouche. Cette stase est provoquée par l’absence de ventilation des fosses nasales. Ces malades ne peuvent se moucher ou éternuer afin de libérer leurs fosses nasales. Chez ces malades de réanimation, les cavités oropharyngées sont rapidement colonisées par des micro-organismes hospitaliers. Il se produit une infection des cavités nasales par contiguïté, puis cette infection peut se propager aux sinus. L’intubation nasale favorise la survenue d’une sinusite, mais cette complication survient aussi chez les patients intubés par voie orale, en raison de l’absence de ventilation au niveau des fosses nasales [1].
Les signes classiques de sinusite sont souvent absents chez le malade de réanimation et la fièvre a peu de valeur d’orientation. Une sinusite est évoquée chez un patient intubé en présence d’une fièvre inexpliquée ou qui persiste malgré un traitement adapté. L’examen le plus fiable pour affirmer le diagnostic est la scanographie. Les signes radiologiques de sinusite sont la présence d’un niveau liquide et/ou d’un comblement. L’échographie mode B possède une bonne sensibilité et spécificité. La présence de signes radiologiques ou échographiques de sinusite chez un malade fébrile doit faire réaliser une ponction de sinus. Une sinusite infectieuse peut être affirmée sur la présence de micro-organismes à la culture, avec ou sans seuil quantitatif.
Le traitement préventif repose sur l’intubation trachéale et gastrique pratiquée par voie orale [1, 2]. Le traitement curatif repose sur le drainage des sinus et l’antibiothérapie par voie générale.
La sinusite nosocomiale favorise la survenue d’une pneumopathie nosocomiale et d’une bactériémie. La recherche systématique des sinusites chez les patients fébriles et leur traitement permettent de prévenir l’apparition d’une pneumopathie et de diminuer la mortalité [3].
Les moyens d’imagerie permettant d’explorer les sinus comprennent la radiographie conventionnelle, la tomodensitométrie (TDM), l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les ultrasons.
Radioanatomie normale
Fosses nasales
Les fosses nasales constituent la partie la plus haute des voies respiratoires. Elles forment deux cavités ouvertes en avant sur l’extérieur par les orifices narinaires, en arrière sur le nasopharynx par les choanes [4].
Figure 1 |
Figure 2 |
– La paroi supérieure est constituée de trois portions différentes : antérieure, moyenne, postérieure. La portion antérieure est formée par l’os nasal et le processus nasal du frontal. La portion moyenne correspond à la lame criblée de l’ethmoïde. La portion postérieure répond au corps du sphénoïde en contact en arrière et en dedans avec le vomer, en arrière et en dehors avec la lame verticale du palatin et le processus ptérygoïde.
– La paroi médiale est formée par la cloison nasale ostéocartilagineuse. Celle-ci est constituée de l’avant vers l’arrière par le cartilage quadrangulaire, la lame perpendiculaire de l’ethmoïde et le vomer.
– La paroi inférieure est constituée dans ses deux tiers antérieurs par le processus palatin du maxillaire, et dans son tiers postérieur par la lame horizontale du palatin.
– La paroi latérale est complexe car formée de nombreuses pièces osseuses. En considérant une vue frontale, les différents constituants de la paroi latérale s’ordonnent en trois plans, du dehors vers le dedans :
• le plan latéral est formé par le processus frontal et le corps du maxillaire en avant, l’aile médiale du processus ptérygoïde en arrière ;
• le plan moyen répond à l’os lacrymal (unguis) en avant et la lame verticale du palatin en arrière ;
• le plan médial est constitué par la masse latérale de l’ethmoïde en haut et le cornet inférieur en bas.
Des lames osseuses ou cornets, allongés dans un plan antéropostérieur, augmentent la surface muqueuse des fosses nasales. Les cornets sont au nombre de trois : supérieur, moyen, inférieur. Les cornets supérieur et moyen sont d’origine ethmoïdale et le cornet inférieur est indépendant des deux premiers. Les cornets délimitent des méats où va se drainer l’ensemble des cavités de la face.
On définit trois méats : un méat supérieur où se drainent les cellules ethmoïdales postérieures et le sinus sphénoïdal ; un méat moyen où se drainent le sinus maxillaire, le sinus frontal et les cellules ethmoïdales antérieures ; et un méat inférieur où débouche le canal lacrymonasal. Le méat moyen est subdivisé par de nombreux reliefs osseux, en particulier ethmoïdaux, tels le processus unciforme en avant et en bas et la bulle ethmoïdale en arrière.
L’orifice postérieur ou choane est limité en haut par le corps du sphénoïde, en bas par la lame horizontale du palatin, en dehors par l’aile médiale du processus ptérygoïde, et en dedans par le vomer. L’orifice antérieur est limité en haut par l’os nasal, le processus frontal du maxillaire et le bord antérieur du maxillaire. En avant, on trouve le squelette cartilagineux des narines (cartilage triangulaire, cartilage alaire).
Sinus
Les sinus constituent un ensemble de cavités pneumatiques disposées autour des orbites (figures 1, 2 et 3).
Figure 3 |
Sinus frontaux
Le développement des sinus frontaux varie d’un sujet à l’autre et chez un même sujet d’un côté à l’autre, à l’inverse des cellules ethmoïdofrontales qui sont symétriques. L’agénésie des sinus frontaux n’est pas exceptionnelle. Leur corticale est d’épaisseur variable, mais doit être continue sans déhiscence. La paroi antérieure du sinus frontal est en regard de la peau, répondant notamment aux muscles frontal et sourcilier. La paroi postérieure est en regard du lobe frontal. La paroi inférieure comprend un segment externe orbitaire et un segment interne ethmoïdonasal.
Sinus maxillaires
Les sinus maxillaires sont souvent symétriques, mais une asymétrie n’est pas rare. Chaque sinus peut être comparé à une pyramide triangulaire avec un sommet répondant au processus zygomatique du maxillaire, une base ou paroi médiale qui correspond à la moitié inférieure de la fosse nasale, une face supérieure orbitaire, une face antérieure jugale, une face postérieure ou tubérosité maxillaire qui répond à la fosse ptérygopalatine.
Cellules ethmoïdales
Au nombre de 3 à 18 de chaque côté, les cellules ethmoïdales sont situées entre la partie haute des orbites et des fosses nasales. On distingue des cellules ethmoïdales antérieures (qui sont proches des sinus frontaux avec lesquels elles partagent parfois leur drainage) et des cellules ethmoïdales postérieures qui sont en rapport étroit avec les sinus sphénoïdaux.
Sinus sphénoïdaux
La forme est irrégulière du fait de l’asymétrie de la cloison centrale intersinusienne. Une agénésie uni- ou bilatérale est possible mais rare. Une pneumatisation partielle est fréquente. La paroi antérieure répond à la cloison nasale et à la face postérieure des masses latérales de l’ethmoïde. La paroi inférieure répond au nasopharynx. La paroi supérieure répond à l’hypophyse et au chiasma optique. La paroi postérieure répond à la partie basilaire de l’occipital, au sommet des rochers, au tronc basilaire, au nerf moteur oculaire externe et à la protubérance. La paroi latérale répond au sinus caverneux, à l’artère carotide interne, au canal optique, à l’extrémité interne de la fissure orbitaire supérieure et à l’extrémité postérieure de la paroi médiale de l’orbite.
Radiologie conventionnelle
Les radiographies conventionnelles pratiquées au lit du malade (incidence de Blondeau) sont difficiles à réaliser chez le patient de réanimation et, en général, de qualité médiocre. Cela s’explique par la nécessité d’utiliser un appareil portable et la difficulté de mettre le patient en position verticale. Les radiographies conventionnelles ne sont plus indiquées actuellement car remplacées par la scanographie [5].