4. Méthodologie de validation d’ordonnance
Jean Calop
Professeur de pharmacie clinique, UFR de pharmacie de Grenoble, pharmacien praticien hospitalier, responsable du pôle pharmacie, CHU de Grenoble, France
Étienne Brudieu
Pharmacien praticien hospitalier au CHU de Grenoble, France
Benoît Allenet
Maître de conférences en pharmacie clinique, UFR de pharmacie de Grenoble, pharmacien praticien hospitalier, CHU de Grenoble, France
INTRODUCTION
Cinq éléments sont particulièrement importants à prendre en considération:
– les exigences d’une qualité de service avec en particulier ce qui se passe au niveau hospitalier et le concept d’accréditation où l’on demande à toutes les unités de soins d’avoir une traçabilité des actions entreprises au niveau des services rendus au patient, les organismes payeurs se substituant à l’individu;
– l’augmentation du nombre de plaintes lorsque des défaillances professionnelles sont ou non constatées;
– la contrainte économique qui conduit les organismes sociaux «payeurs» à orienter fortement les pharmaciens vers un «devoir» de substitution, de vérification des respects des référentiels scientifiques et à les impliquer dans des actions d’économie de santé;
– le concept du «soin pharmaceutique» (voir les chapitres Définition de la pharmacie clinique et soins pharmaceutiques) où l’idée-force vise à convaincre les professionnels que le patient est au centre de l’activité et non pas uniquement le médicament. Ce dernier peut s’avérer inutile voire nuisible s’il n’est pas adapté à une pathologie pour un patient précis. Il s’agit bien de la prise en compte du patient dans sa globalité avec ses difficultés économiques, sociales, ses représentations, son niveau socioculturel, ses attentes, l’histoire de sa maladie et comment elle a été traitée, le suivi, l’évaluation des bénéfices que le patient tire de son traitement;
– l’avénement du contrat de bon usage des médicaments1et des dispositifs médicaux et qui lie l’assurance-maladie (payeur avisé) les praticiens hospitaliers et les administrations hospitalières. Ce contrat oblige le prescripteur à un respect des référentiels scientifiques, et la collectivité hospitalière à mettre en place des éléments techniques (informatisation de la prescription, etc.), organisationnels (sécurisation des circuits, etc.) et économiques (suivi des consommations des médicaments onéreux prescrits en sus des coûts calculés pour les groupes homogènes de séjour [hors GHS]).
Il reste que fondamentalement parmi de nombreuses activités, le pharmacien est essentiellement préoccupé par la dispensation des médicaments au patient soit dans le domaine des médicaments conseils, pour aider à traiter un épisode pathologique passager et de courte durée, soit par le biais d’une ordonnance par le processus de validation afin d’assurer au patient que tout a été vérifié avant la délivrance. L’avènement en France en 2007 du dossier médical partagé (DMP) est une initiative bénéfique qui va permettre de connaître l’historique médicamenteux du patient à partir de n’importe quelle pharmacie.
Revenons au processus de validation d’ordonnance; nous l’avons conceptualisé en essayant d’étudier le processus et de modéliser ce qui se passait; cela a donné lieu:
– à un algorithme dans lequel chaque professionnel peut reconnaître les étapes qu’il franchit avec plus ou moins de rapidité selon la pression de la clientèle et selon l’orientation technique ou commerciale qu’il souhaite donner à son exercice professionnel;
– à un schéma plus classique dans lequel figure une corrélation entre la validation d’ordonnance et les fonctions des 5e AHU. Ce schéma a moins besoin de commentaires.
Il nous reste à commenter l’algorithme.
DÉMARCHE LORS D’UNE PREMIÈRE DISPENSATION À UN PATIENT
Tout d’abord, il est important d’identifier le patient car celui qui vient chercher les médicaments à la pharmacie peut ne pas être le patient. Il est vraisemblable que si ce dernier est invalidé par la maladie il n’aura pas pu se déplacer pour aller chercher ses médicaments. Ce patient est-il un enfant? Un nouveau-né? Un nourrisson? Un adolescent? Un adulte? Une personne âgée? Nous savons que l’élément âge est particulièrement important en terme de conséquences pharmacocinétiques. Il y aura également des conséquences sur les posologies et le plan de prises. Certaines contre-indications peuvent aussi apparaître. Le problème se présente différemment en milieu hospitalier lorsque le patient est hospitalisé. Pour la dispensation aux patients en ambulatoire (rétrocession hospitalière), le problème peut être le même que pour le pharmacien d’officine.
Le pharmacien doit ensuite s’intéresser à la thérapeutique médicamenteuse.
S’agit-il d’une première prescription?
Première question à poser au patient et nécessitant pour les patients atteints d’une pathologie chronique l’ouverture d’un véritable dossier patient.
La vigilance du pharmacien doit donc être dans un premier temps centrée sur le patient avec le contexte physiopathologique et l’historique médicamenteux du patient; ceci est particulièrement valable pour des patients souffrant d’une pathologie chronique. Cette première approche sera considérablement facilitée avec le dossier médical partagé mais qui devrait comporter des éléments physiopathologiques pour vérifier qu’il n’existe pas de contre-indications.
À l’hôpital l’historique médicamenteux qui s’inscrit dans l’observation pharmaceutique doit permettre de comprendre pourquoi un patient traité est hospitalisé. L’entretien avec le patient et/ou sa famille doit être ciblé sur le rapport du patient avec son traitement médicamenteux. Il doit permettre de comprendre si l’observance au traitement est bonne, si le patient a bien compris son traitement, si les posologies sont adaptées, si les effets bénéfiques sont ressentis, si des interactions médicamenteuses peuvent entraîner des effets indésirables, si une automédication se surajoute et laquelle? Cette fonction peut être confiée après une formation à l’étudiant de cinquième année hospitalo-universitaire. La préoccupation d’une aggravation d’un état physiopathologique ou l’apparition d’une pathologie ne concerne pas l’étudiant en pharmacie mais il est fortement souhaitable qu’il prenne connaissance ensuite de l’observation médicale pour rendre plus pertinente la rédaction de sa conclusion à l’intention des médecins prescripteurs.
Les médicaments prescrits correspondent-ils aux indications pathologiques?
Cet aspect préoccupe actuellement les payeurs avisés qui ont lié ces trois dernières années le remboursement de certains médicaments au respect de ce qu’il convient d’appeler les référentiels scientifiques (AMM, consensus scientifiques 1, références médicales, recommandations pour la pratique clinique, rapports d’experts, recommandations de la Haute autorité de santé, publications scientifiques dans des revues à comité de lecture, etc.). Le prescripteur en son âme et conscience peut à titre exceptionnel s’écarter des référentiels scientifiques à condition d’une part qu’il puisse prouver que l’état physiopathologique de son patient le nécessitait et d’autre part qu’il soit capable de s’en expliquer devant ses pairs et d’apporter les publications scientifiques pour prouver que sa prescription reste pertinente. C’est ce que l’on appelle le droit de transgression.