23. Les troubles liés à l’utilisation de substances
Daniel Bailly
Si la consommation de drogues parmi les jeunes générations a pu apparaître, dans les années soixante-soixante-dix, comme une flambée subite et peut-être passagère, elle doit maintenant être considérée comme une donnée permanente à laquelle il faut faire face. De nos jours, beaucoup d’adolescents expérimentent ou consomment plus ou moins régulièrement de l’alcool et des drogues. Vingt pour cent d’entre eux environ vont développer un abus ou une dépendance. Les conduites de consommation parmi les jeunes générations se sont aussi beaucoup modifiées. À la consommation centrée sur un produit donné des années soixante-soixante-dix s’est substituée de nos jours une conduite de consommation polymorphe, associant plusieurs produits ou sautant, au hasard des circonstances, de l’alcool aux drogues et aux médicaments psychotropes [10, 49, 55]. Parallèlement, des études de plus en plus nombreuses mettent en évidence la forte comorbidité observée chez l’adolescent entre les troubles liés à l’utilisation de substances et d’autres troubles mentaux [15, 55, 75]. Cette évolution, à la fois quantitative et qualitative, n’est pas sans poser d’importants problèmes aux psychiatres d’enfants et d’adolescents, en termes certes de santé publique, mais aussi d’approche clinique et de stratégies thérapeutiques [9, 40].
DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
En matière d’épidémiologie, les questions de phénoménologie et de prévalence sont inextricablement liées, dans la mesure où la fréquence retrouvée d’un trouble dépend directement de la manière dont il est défini. Ceci apparaît particulièrement vrai pour ce que l’on appelle encore trop souvent l’alcoolisme et la toxicomanie. Une analyse des données de la littérature montre, par exemple, que la proportion d’adolescents considérés comme présentant un abus d’alcool peut varier, selon les références théoriques utilisées, dans un rapport de 1 à 3 [12]. Les études utilisant une méthode d’évaluation standardisée basée sur les critères diagnostiques des nouvelles classifications internationales sont encore rares chez l’enfant et l’adolescent. Elles montrent cependant clairement que la prévalence des troubles liés à l’utilisation de substances (abus/dépendance) augmente régulièrement avec l’âge: extrêmement faible durant l’enfance, elle atteint des chiffres comparables à ceux retrouvés chez l’adulte à la fin de l’adolescence (tableau 23.1) [10]. Ces résultats sont à rapprocher de ceux issus des études épidémiologiques réalisées en population générale qui montrent que le taux d’incidence des troubles liés à l’utilisation de substances est de loin maximal entre 15 et 19 ans [17]. De même, si toutes les études montrent que les troubles liés à l’utilisation de substances concernent essentiellement les garçons, cette prédominance masculine ne s’établit cependant que progressivement avec l’âge: chez l’enfant et le jeune adolescent, le sex-ratio est de l’ordre de un garçon pour une fille; il atteint environ deux garçons pour une fille à la fin de l’adolescence [10]. Enfin, toutes les études soulignent la fréquence de l’association alcool-drogues: le fait de présenter un trouble lié à l’utilisation de l’une de ces deux catégories de substances multiplierait par 7 environ le risque de présenter un trouble lié à l’utilisation de l’autre catégorie de substances [47, 64].
*Si le cannabis représente toujours la première substance incriminée, l’hétérogénéité des chiffres retrouvés peut s’expliquer, en partie, par la nature des autres substances considérées. | ||
Âge | Alcool | Drogues* |
---|---|---|
≤ 13 ans | 0 | < 0,5 |
14-16 ans | 3-3,5 | 2-5 |
17-20 ans | 8-14,5 | 4-9 |
Toutes les études montrent qu’environ 75% des adolescents présentant un trouble lié à l’utilisation de substances présentent également au moins un autre trouble mental associé. Les études réalisées en population générale montrent que c’est dans la tranche d’âge 15-24 ans que la plus forte comorbidité troubles liés à l’utilisation de substances-autres troubles mentaux est observée. Les catégories diagnostiques les plus fréquemment retrouvées sont, par ordre de fréquence décroissante, les comportements perturbateurs (trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDA/H), trouble oppositionnel avec provocation, et surtout trouble des conduites), les troubles de l’humeur et les troubles anxieux [22, 33, 41, 44, 45].
ASPECTS CLINIQUES
DIAGNOSTIC DES TROUBLES LIÉS À L’UTILISATION DE SUBSTANCES
Dans les nouvelles classifications internationales (DSM, CIM), l’abus et la dépendance sont considérés comme ayant des expressions cliniques identiques chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Certes, les critères retenus dans le DSM-IV [4], centrés avant tout sur la dépendance comportementale (celle-ci pouvant ou non s’accompagner d’une dépendance physique), apparaissent plus adaptés à l’enfant et à l’adolescent que ne l’étaient les critères antérieurement proposés dans le DSM-III [2], le DSM-III-R [3] ou la CIM-10 [9, 79]. Ces critères n’ont cependant jamais fait l’objet d’études d’évaluation de leur fiabilité et de leur validité à cet âge de la vie, et leur adéquation à l’enfant et à l’adolescent reste discutée [36]. Si, pour certains auteurs, les manifestations de tolérance (à l’inverse des symptômes de sevrage) ne seraient pas exceptionnelles chez l’adolescent [51], pour beaucoup, la dépendance physique est un phénomène très rarement observé chez l’enfant et l’adolescent. La faible durée d’exposition aux substances et le passage fréquent d’une substance à l’autre pourraient en rendre compte. En fait, les symptômes affectifs (humeur dépressive, colère, anxiété) apparaissent comme les manifestations de sevrage les plus fréquemment observées, traduisant plus une dépendance comportementale qu’une dépendance physique [69]. Par ailleurs, les critères diagnostiques en rapport avec les manifestations comportementales de la dépendance et l’existence d’un handicap du fonctionnement social impliquent que soit établi un lien de causalité directe entre la consommation excessive de substances et les troubles observés. Or, un tel lien apparaît extrêmement difficile à affirmer chez l’enfant et l’adolescent: d’une part parce que les attitudes et les comportements des enfants et des adolescents sont tributaires de tous les facteurs qui influencent la maturation et le développement à cet âge de la vie; d’autre part parce que les conduites d’usage abusif de substances chez l’enfant et l’adolescent s’inscrivent le plus souvent dans un pattern comportemental général incluant divers comportements à problèmes [5, 38]. Enfin, l’introduction d’une notion de durée pose aussi problème. À partir de quel moment, par exemple, doit-on considérer les conduites d’intoxication massive et intermittente, entrecoupées d’intervalles libres, fréquemment rencontrées chez l’adolescent, comme témoignant d’un abus ou d’une dépendance? Chez l’enfant et l’adolescent, les conduites d’alcoolisation et d’usage de drogues, comme en général les attitudes et les comportements observés à cet âge de la vie, apparaissent extrêmement fluctuantes et mobiles [20, 53]. Toutes ces données montrent bien les difficultés et les risques d’un repérage diagnostique basé sur une nosographie fixée et délimitée en fonction de la pathologie de l’adulte. Pour beaucoup d’auteurs, ces classifications auraient l’inconvénient non négligeable de ne permettre qu’un diagnostic tardif, au moment où les troubles constatés sont comparables à ceux observés chez l’adulte [6, 7, 16, 30, 36, 73].
Les problèmes soulevés par les conduites de consommation chez l’enfant et l’adolescent rejoignent, en fait, ceux concernant plus généralement l’évaluation des troubles du comportement à cet âge de la vie. Chez l’enfant et l’adolescent, la distinction entre les stress normaux temporaires et les troubles psychiques peut être difficile si l’on ne prend en considération qu’un phénomène isolé, une conduite ou un comportement donné: seule l’évaluation du fonctionnement global de la personnalité permet en général de saisir les interférences et de préciser le risque qu’elles puissent entraver la poursuite de l’évolution vers l’âge adulte [48]. Dans cette perspective, certains auteurs suggèrent que les conduites de consommation chez l’enfant et l’adolescent doivent être considérées comme pathologiques à partir du moment où elles interfèrent de façon significative avec les processus dynamiques du développement [28, 52]. Cette notion un peu floue, parce que trop générale, a cependant le mérite de bien montrer que toute tentative de délimitation entre les conduites de consommation «normales» et pathologiques chez l’enfant et l’adolescent ne saurait s’appuyer sur la seule évaluation de la consommation d’alcool et de drogues: elle doit aussi tenir compte de l’ensemble des facteurs témoignant du fonctionnement de l’enfant et de l’adolescent, considéré dans sa totalité et relié à ses environnements. Ce qui importe, ce n’est pas le comportement en lui-même, mais bien la place que tient ce comportement dans l’économie psychique du sujet et dans sa vie. C’est dire qu’il convient de s’intéresser aussi à l’image que l’enfant et l’adolescent a de l’alcool et des drogues, à l’image que l’enfant ou l’adolescent consommateur d’alcool et de drogues a de lui-même, et à l’image que lui renvoient les autres (adultes, groupe des pairs) [19, 42]. Des études ont ainsi montré que les adolescents consommateurs abusifs d’alcool apparaissent déjà conditionnés vis-à-vis de certains substantifs et qualificatifs de l’alcool et qu’ils ont déjà réalisé une intégration mentale plus favorable de certaines expressions ressenties comme péjoratives par les abstinents. Certes, ils ne se reconnaissent peut-être pas encore comme des «alcooliques», mais tout compte fait, être un «ivrogne» ne leur est pas aussi désagréable qu’on pourrait le penser et être «bourré» de temps en temps ne leur renvoie pas obligatoirement une mauvaise image d’eux-mêmes [63].
En pratique, cela signifie que l’évaluation devra porter:
— sur le type et l’intensité du lien avec l’alcool et les drogues (nature, quantité, voie d’administration des produits utilisés; ancienneté et progression de la consommation; complications éventuelles; problèmes judiciaires ou sociaux liés à l’utilisation de substances);
— mais aussi sur le degré d’autonomie de l’adolescent, la variété et la qualité de ses investissements affectifs, relationnels et sociaux, que l’on pourra analyser à travers la nature de ses rapports avec sa famille et ses pairs, son adaptation au milieu scolaire, sa participation à des activités de loisirs, son identification et son degré d’insertion réelle au groupe déviant des adolescents consommateurs abusifs de substances, etc.
Seule l’appréciation, nécessairement diachronique, de ces diverses composantes toxicologiques, comportementales, relationnelles et affectives peut permettre d’évaluer la nature et la profondeur des conduites d’utilisation de substances et de faire ainsi la différence entre simple consommation, abus et dépendance. C’est dire que des informations devront être recueillies auprès de sources multiples: adolescent lui-même, parents, enseignants, éducateurs, informations provenant du système judiciaire et des instances sociales s’ils sont impliqués. Divers instruments visant au dépistage des enfants et des adolescents à haut risque d’abus d’alcool et de drogues ou présentant déjà des troubles liés à l’utilisation de substances ont été élaborés. Ces instruments ne permettent cependant pas de faire l’économie d’une évaluation plus approfondie [1, 6, 11, 55, 73]. Les examens toxicologiques ne permettent que de détecter la présence de substances psychoactives. Leur seul intérêt, sur le plan diagnostique, est d’aider à préciser la nature des produits utilisés par le sujet [62].
DIAGNOSTIC DES TROUBLES MENTAUX ASSOCIÉS
Compte tenu du niveau élevé de comorbidité observé chez les adolescents présentant des troubles liés à l’utilisation de substances, la recherche d’autres troubles mentaux associés doit faire partie intégrante du bilan d’évaluation. Le diagnostic des troubles mentaux associés est souvent difficile. L’intoxication et le sevrage peuvent partager avec d’autres troubles mentaux de nombreux symptômes communs, d’ordre émotionnel ou comportemental. Certains troubles mentaux peuvent aussi être directement liés à l’utilisation de substances psychoactives [8, 11]. Il convient donc de retracer avec le plus grand soin l’histoire clinique du sujet, en essayant de préciser la chronologie d’apparition des troubles par rapport à la consommation de substances et leur réponse éventuelle à des traitements antérieurs. De même, il est nécessaire de pouvoir observer le sujet durant une période suffisamment longue d’abstinence, ou d’avoir un rapport fiable et valide des symptômes observés durant ces périodes. Là encore, les informations devront être recueillies auprès de sources multiples: adolescent lui-même, parents, médecins traitants (généraliste, psychiatre) [1].
PRISE EN CHARGE: PRINCIPES GÉNÉRAUX
Le traitement des troubles liés à l’utilisation de substances chez l’enfant et l’adolescent n’apparaît ni simple, en raison de la surdétermination des conduites d’abus d’alcool et de drogues à cet âge de la vie, ni bien codifié[9, 40]. De nombreuses stratégies ont été proposées. Ces différentes stratégies vont pouvoir s’intégrer dans des projets thérapeutiques multiples et variés, qui diffèrent essentiellement sur les objectifs et les moyens. En ce domaine, tout est possible. Schématiquement cependant, Hoffmann et al. [37] distinguent deux modèles extrêmes: le modèle type Alcooliques Anonymes et le modèle multidisciplinaire.
Le modèle type Alcooliques Anonymes est centré uniquement et spécifiquement sur le problème des conduites d’abus d’alcool ou de drogues. Très structuré, il implique une progression dans la prise en charge thérapeutique: reconnaître la réalité de l’abus et ses conséquences; admettre la nécessité d’une aide; identifier ce qui nécessite d’être changé; effectuer ces changements et développer un nouveau mode de vie sans alcool et sans drogues.
Le modèle multidisciplinaire se donne pour objectif de prendre en charge la totalité des problèmes rencontrés chez l’enfant et l’adolescent. Il implique l’intervention de plusieurs spécialistes: psychiatres, psychothérapeutes, médecins somaticiens, assistants sociaux, éducateurs, enseignants, etc., appartenant ou non à la même structure. Si chacun de ces spécialistes est responsable de son action dans son domaine propre, celle-ci doit s’articuler avec les autres dans le cadre d’un projet thérapeutique «sur mesure», élaboré en commun en fonction des besoins propres à chaque sujet.
Ces deux modèles posent de manière exemplaire la question de la philosophie générale des soins aux sujets en difficulté avec l’alcool et les drogues: se centrer exclusivement sur les conduites d’abus d’alcool et de drogues, ou prendre en charge globalement les difficultés du sujet dont les conduites d’abus d’alcool et de drogues ne représentent qu’un des aspects. Cette question revêt une importance toute particulière chez l’enfant et l’adolescent, en raison du risque de stigmatisation souligné par plusieurs auteurs: intégrer d’emblée et systématiquement tous les adolescents consommateurs abusifs d’alcool et de drogues dans un même programme thérapeutique élaboré a priori, les intégrer d’emblée dans le circuit des centres spécialisés, peut aussi renforcer leur identification et leur degré d’insertion au groupe marginal des «toxicomanes», les enfermer dans ce «faux personnage» et les empêcher d’évoluer. C’est dire que si l’évolution et le pronostic dépendent du contexte individuel et environnemental dans lequel s’inscrivent l’abus ou la dépendance, la place faite à l’adolescent consommateur abusif d’alcool et de drogues et les mesures adoptées peuvent aussi influencer cette évolution dans un sens soit favorable, soit défavorable [12].
TRAITEMENT DES TROUBLES LIÉS À L’UTILISATION DE SUBSTANCES
Dans ce contexte, si la plupart des auteurs s’accordent sur la rareté des indications de la cure de sevrage et de l’hospitalisation en milieu spécialisé en raison de la rareté des phénomènes de dépendance physique observés à cet âge de la vie, débats et controverses restent vifs quant aux objectifs à atteindre. Certains, à l’instar des groupes néphalistes, préconisent d’emblée une abstinence totale sur la vie entière. D’autres préconisent une abstinence temporaire, limitée à la période de résolution des troubles associés à l’abus d’alcool et de drogues, celle-ci devant «presque naturellement» aboutir à l’amélioration des troubles liés à l’utilisation de substances. D’autres encore, compte tenu des difficultés rencontrées pour obtenir l’abstinence totale chez les jeunes consommateurs abusifs d’alcool et de drogues, suggèrent d’apprendre aux adolescents à contrôler leur consommation, afin de limiter la fréquence et la sévérité des rechutes [9, 40].
PLACE DES INTERVENTIONS PSYCHOSOCIALES
Quels que soient les objectifs avancés, les interventions psychosociales tiennent une place prépondérante dans la prise en charge des enfants et des adolescents consommateurs abusifs d’alcool et de drogues. Diverses stratégies peuvent être utilisées [1, 9, 40, 56].
Thérapies cognitivocomportementales
Le but des thérapies cognitivocomportementales est d’apprendre à l’adolescent à maintenir son abstinence ou à contrôler sa consommation. Cet apprentissage repose d’abord sur une information concernant les produits, les mécanismes sous-tendant le développement des phénomènes de tolérance et de dépendance, et les complications somatiques, psychiques et sociales liées à l’abus d’alcool et de drogues. Mais il nécessite aussi la définition et l’acceptation par l’adolescent d’un «seuil» dangereux à ne pas dépasser, notion extrêmement relative qui peut varier suivant les individus et chez un même individu en fonction des circonstances dans lesquelles il boit ou se drogue. Dans cette perspective, beaucoup d’auteurs préconisent d’apprendre à l’adolescent à reconnaître les situations dans lesquelles il a tendance à augmenter sa consommation. Celles-ci peuvent être liées à des facteurs d’ordre affectif (anxiété, timidité, ennui, etc.), interpersonnel (rencontre avec des amis, etc.) ou environnemental (sortie entre copains, aller au café après l’école, etc.). Diverses techniques peuvent être utilisées: autocontrôle, sensibilisation interne, arrêt de la pensée, feedback, relaxation, affirmation de soi, désensibilisation systématique, imitation, etc. Toutes ces techniques nécessitent une évaluation préalable exhaustive des modalités de la consommation d’alcool et de drogues. Certains auteurs suggèrent aussi de favoriser la participation de l’adolescent aux résultats thérapeutiques par la notation journalière sur un cahier de sa consommation, de ses modalités et de ses conséquences. D’autres enfin insistent sur l’intérêt d’une évaluation préalable du fonctionnement familial et de l’intégration de la famille dans le programme thérapeutique dès que cela s’avère nécessaire et possible.
Psychothérapies d’inspiration analytique
Beaucoup d’auteurs soulignent l’intérêt d’une prise en charge psychothérapique individuelle. Tous ces auteurs insistent cependant aussi sur la nécessité d’adapter la technique psychanalytique aux besoins des jeunes consommateurs abusifs d’alcool et de drogues. Certes, il s’agit toujours de travailler sur le caractère ambivalent du comportement (plaisir/destruction) et sur les facteurs de vulnérabilité (difficultés affectives et relationnelles, faible estime de soi), manifestes lorsqu’il existe des troubles psychopathologiques associés. Mais plutôt que de s’interroger sur le «pourquoi», ces auteurs recommandent de travailler sur le «comment ici et maintenant», ce qui implique une participation active du thérapeute au processus de changement (sous la forme, par exemple, de gratifications ou de solutions alternatives suggérées).
Thérapies de groupe
Les thérapies de groupe apparaissent également fréquemment indiquées, en particulier lorsque l’adolescent présente des difficultés relationnelles interpersonnelles. Quelles que soient les références et les techniques utilisées, les thérapies de groupe auraient l’avantage d’offrir aux adolescents des modèles d’identification stables et directement accessibles leur permettant d’apprendre à faire face aux pressions sociales et à leurs difficultés affectives sans avoir obligatoirement besoin de recourir à l’alcool ou aux drogues. Certains auteurs recommandent cependant de constituer des groupes spécialement destinés aux adolescents et aux adultes jeunes, afin d’éviter de renforcer leurs difficultés de communication par leur confrontation à d’autres «alcooliques» ou «toxicomanes» plus âgés.
Thérapies familiales
Les conduites d’abus d’alcool et de drogues chez l’enfant et l’adolescent s’inscrivent le plus souvent dans un contexte familial perturbé (fréquence des antécédents familiaux d’alcoolisme ou d’autres troubles mentaux, violences intrafamiliales, difficultés au niveau du couple parental, etc.). À ce titre, elles ne concernent pas seulement l’enfant ou l’adolescent en tant qu’individu, elles mettent aussi en cause le fonctionnement de l’ensemble du groupe familial. Aussi, de nombreux auteurs insistent sur l’intérêt d’une prise en charge globale de la famille, afin de renforcer les effets de la prise en charge individuelle et d’éviter les pressions contraires aux objectifs du traitement.
Prise en charge sociale
Tous les auteurs soulignent enfin la nécessité d’une prise en charge sociale, tant au niveau financier que sur les plans administratif, légal et occupationnel (scolaire ou professionnel), afin d’aider l’adolescent à retrouver des conditions de vie et un statut social stables.
PLACE DE LA PHARMACOTHÉRAPIE
En dehors du syndrome de sevrage, rare à cet âge de la vie et dont le traitement ne diffère pas de celui habituellement utilisé chez l’adulte, la place de la pharmacothérapie dans la prise en charge des troubles liés à l’utilisation de substances chez l’enfant et l’adolescent apparaît limitée, même si ces 10 dernières années ont vu un accroissement des études publiées en ce domaine [1, 40, 74]. De manière générale, les traitements médicamenteux ont ici pour but d’aider au sevrage et/ou au maintien de l’abstinence, en se substituant à la drogue d’origine ou en contrecarrant ses effets physiologiques et subjectifs.