Les choix thérapeutiques


Les choix thérapeutiques


Nous aborderons de façon succincte les divers modes d’approche thérapeutique de l’adolescent. Il est difficile de formaliser avec rigueur les indications thérapeutiques car elles dépendent d’un nombre de paramètres assez grand, mais de nos jours une tendance se dégage assez nettement portant sur trois points (A. Braconnier, 1999) :



Nous savons aujourd’hui grâce à plusieurs recherches que l’alliance thérapeutique représente l’un des meilleurs facteurs prédictifs de l’issue thérapeutique (A. Braconnier, 2003).


On perçoit aisément que cette alliance varie selon que le modèle de compréhension est de type psychanalytique, de type neurobiologique ou de type systémique familial… De nos jours, beaucoup s’accordent sur la nécessité de disposer et si besoin d’articuler au mieux ces modèles dans une conception dite biopsychosociale. Le travail du clinicien, surtout à la période d’évaluation, consiste à dégager, d’un point de vue pragmatique, l’axe ou les axes de compréhension qui lui paraissent les plus pertinents pour rendre compte des difficultés psychopathologiques observées, puis de choisir une stratégie thérapeutique qui en tienne compte.



L’adolescent et le psychanalyste


La pratique psychanalytique avec des patients adolescents nécessite de prendre en compte les spécificités psychiques de cet âge : l’antagonisme entre investissements objectaux et sauvegarde du narcissisme, la difficulté de trouver la bonne distance relationnelle avec les objets d’investissements. Ces spécificités retentissent sur la pratique psychanalytique qui doit toujours être aménagée en fonction de la capacité de l’adolescent à tolérer et à maintenir la relation thérapeutique. Il convient de distinguer plusieurs attitudes techniques qui peuvent rapprocher un analyste et un adolescent. « Le travail thérapeutique ne peut plus se centrer sur la seule réalité interne en fonction de laquelle on interprêterait l’utilisation faite de la réalité externe. Il passe par un aménagement de celle-ci de façon à renforcer la capacité d’élaboration du Moi et secondairement la progressive reconnaissance de sa réalité interne… » (P. Jeammet, 2002.)


Parmi les différentes techniques psychanalytiques (A. Braconnier, 1998), à l’adolescence, la classique cure-type laisse très largement la place à la psychothérapie d’inspiration psychanalytique et au psychodrame qui sont les deux techniques de loin les plus utilisées.



La psychothérapie d’inspiration psychanalytique (PIP)


La psychothérapie d’inspiration psychanalytique peut se définir comme un système de communication s’établissant dans une relation interpersonnelle grâce à un certain type de travail. Celui-ci consiste à analyser cette relation et porte sur le fonctionnement mental, c’est-à-dire l’ensemble des attitudes internes du sujet (D. Widlöcher). Il utilise la suggestion, l’abréaction, la clarification et l’interprétation alors que le psychanalyste type n’utilise que l’interprétation (R.S. Wallerstein, 1975), point de vue, à notre avis, excessif.


La PIP se distingue également de la « cure type » par la situation de face à face où le patient peut toujours garder un lien perceptif direct avec le praticien, par le nombre de séances (une ou deux fois par semaine) et par sa durée qui varie de quelques mois à un maximum de trois ans. Au-delà de cette limite, il faut reposer l’indication de la PIP (P.B. Schneider, 1976).


Dans l’ensemble, la « cure type » analyse le transfert et la résistance en remontant jusqu’aux racines génétiques et dynamiques alors que la psychothérapie d’inspiration psychanalytique reconnaît le transfert et la résistance en utilisant rationnellement cette reconnaissance pour la thérapie. Nous pouvons alors mieux comprendre que la psychothérapie d’inspiration psychanalytique ait des buts précis, mais évidemment adaptés à chaque adolescent :



L’indication de la PIP, par rapport aux consultations thérapeutiques s’appuie sur la reconnaissance chez l’adolescent, dans sa famille et chez le thérapeute lui-même, d’une part de la gravité de ce qui est arrivé ou arrivera, et d’autre part de la vulnérabilité que suscite pour l’avenir une pathologie grave. Les indications de la PIP ne s’appuient pas tant sur des catégories nosographiques que sur la capacité de l’adolescent à profiter de cette approche, c’est-à-dire à établir une relation et à réaliser un certain travail, ou en d’autres termes à développer une capacité de se préoccuper de son monde interne et d’entrer en contact avec la source de ses conflits. Incontestablement une PIP est souvent plus adaptée que la cure type à l’ensemble des troubles psychiques de l’adolescence en particulier par l’utilisation d’un transfert qui, répétons-le, n’est pas tant analysé que reconnu. L’aspect mouvant et parfois très chaud du transfert établi par les adolescents qui luttent contre « lui », nécessite d’être prudent dans son maniement rendu possible et plus aisé par cette démarche de reconnaissance plus que d’analyse. En outre, le besoin de l’adolescent de rencontrer de nouveaux objets et de faire de nouvelles expériences réelles ou imaginaires trouve à se réaliser dans cette approche. Le travail de verbalisation des situations et des conflits remplit le vide parfois ressenti de façon insupportable dans les silences de la cure type. Enfin, nous insisterons sur la possibilité qu’a l’adolescent d’échanger au niveau du sensorium par la relation établie à travers le regard de l’autre « sorte de Moi auxiliaire permanent » (L. Vaneck, 1978).


La PIP est ainsi volontiers recommandée dans les organisations conflictuelles où dominent la compulsivité et les affects dépressifs ainsi que dans les cas où une cure type n’est pas possible pour des raisons matérielles.



Le psychodrame psychanalytique


Le psychodrame psychanalytique est souvent considéré comme une technique de choix à l’adolescence.


Dérivant de l’intégration du modèle de la cure psychanalytique et du psychodrame de Moréno, le psychodrame psychanalytique est particulièrement intéressant à l’adolescence. On retrouve là les conditions de l’aire transitionnelle de la première enfance et du développement à l’adolescence de l’articulation entre l’interne et l’externe par la médiation des « objets transformationnels » (C. Bollas, 1978 ; A. Braconnier, 1986). Il peut soit s’organiser autour d’un groupe de patients associé à deux ou trois psychanalystes, soit s’adresser à un seul patient parmi un groupe de quatre à six thérapeutes psychanalystes comprenant un directeur de jeu et des cothérapeutes. De toute façon, on propose au patient d’apporter une idée de scène qu’il jouera avec un ou plusieurs participants. Ces modalités représentent évidemment un coût économique dans tous les sens du terme. Toutefois, outre son intérêt thérapeutique, le psychodrame psychanalytique est un mode de formation intéressante et dynamique pour les futurs thérapeutes de l’adolescent. Par rapport aux deux approches précédentes, le psychodrame trouve sa spécificité dans la pluralité des thérapeutes et l’agir à travers le jeu.


P. Jeammet considère le psychodrame psychanalytique comme une technique qui fait de l’aménagement du cadre non pas un préalable acquis, mais justement un des objectifs de l’action psychothérapique. En effet, « le psychodrame induit dans ses règles techniques des paramètres qui vont dans le sens des défenses habituelles des adolescents : défense par l’agir et l’accrochage à la réalité externe, recours ou concret, au percept et à la sensation… » Il a donc pour but de mettre en jeu ces défenses afin de les transformer en des paramètres fondateurs du cadre. La mise en échec de l’énonciation verbale des associations libres de pensée par l’inhibition, le vide de la pensée et l’accrochage au réel au détriment du fantasme est ici déjouée.


De plus, le corps est constamment présent : les mouvements, les positions, l’aisance ou la gêne viennent constituer une toile de fond au discours verbal. Mieux même, ils tissent un discours corporel parallèle qui quelquefois dément ce que dit la bouche, en dit plus ou souligne une parole en apparence banale, qui de ce fait sort de la grisaille. « Le corps du patient s’adresse au regard des thérapeutes et rencontre leur corps » (M. Basquin, 1980.)


Le psychodrame offre également une possibilité de figuration de l’activité psychique grâce à l’étayage sur la réalité externe représentée par les différents participants. Enfin le groupe permet aussi d’éviter l’impact traumatique pour certains adolescents, d’une relation duelle qui accroît l’excitation pulsionnelle, et condense l’ensemble des menaces lié à « l’objet ». Il fragmente le transfert qui va être cristallisé et médiatisé par le directeur de jeu. La pluralité des joueurs permet donc une différenciation des images mais la présence d’un directeur de jeu assure la cohérence de l’ensemble et joue un rôle organisateur pour le Moi de l’adolescent.


Comme pour la « cure type » et la PIP, les indications du psychodrame psychanalytique ne s’appuient pas tant sur des catégories nosographiques que sur le souci de relancer le fonctionnement mental dans des situations où celui-ci semble court-circuité par les affects, envahi par la négation, le clivage ou la collusion des imagos. Cette approche est sans doute particulièrement utilisable dans les troubles psychotiques de l’adolescence ou lorsque la psychothérapie ou la psychanalyse se trouvent bloquées.



La cure type


Le déroulement de la cure avec ses impacts possibles soulève des questions aussi bien métapsychologiques que techniques. Les éléments en cause sont connus : la reviviscence simultanée des conflits archaïques, des conflits œdipiens, des conflits actuels et la remise en cause des assises narcissiques soulèvent le problème de la nature du processus transférentiel susceptible de se développer ; la collusion entre les facteurs internes et externes pose celui des résistances ; enfin le psychanalyste d’adolescents est confronté au poids de la poussée biologique sur l’exacerbation des conflits et sur le remaniement des fantasmes. Il est par ailleurs en face d’un « mode de fonctionnement psychique passé et présent, non pas en soi, mais inséré dans un ensemble spatio-temporel intégrant d’une part, les relations avec le monde (famille, pairs, adultes, etc.) et d’autre part, les dialectiques de l’urgence et de la temporalisation, du passage à l’acte et du projet, de l’initiation et du moratoire… » (R. Cahn, 1980).



Les réserves à la cure type


Les psychanalystes hostiles à l’indication d’une cure type à l’adolescence s’appuient sur les arguments qu’on peut résumer ainsi :



• la régression liée au cadre (position allongée, plusieurs séances par semaine), elle-même conséquence des objectifs de l’analyse (induire un mouvement régressif constituant de la névrose de transfert) est en soi un risque chez un sujet au moi confronté à l’activation pubertaire et au retour du refoulé (en particulier des fantasmes incestueux et des fantasmes d’omnipotence), donc fragilisé et encore insuffisamment organisé de façon stable. L’analyste peut facilement devenir un espion intrusif, persécuteur et menaçant l’identité ;


• les positions narcissiques de l’adolescent favorisent de façon trop facile et rapide le sentiment que l’analyste est un autre soi-même, dont la perte potentielle constitue une menace, particulièrement émergente chez les adolescents dépressifs en raison des particularités et des identifications narcissiques qui les caractérisent (voir chap. 9, L’adolescence : deuil ou dépression) ;


• la tendance à l’agir et le besoin d’ancrage dans la réalité externe menace le cadre analytique alors qu’ils deviendront au contraire des paramètres utiles dans le psychodrame ;


• les résistances extérieures découlant du milieu dans lequel vit le patient (parents, groupes de pairs, milieu scolaire ou professionnel) et par là même les transferts parallèles, parfois massifs (état ou déception amoureuse, relation homosexuelle latente) mettent en échec la psychanalyse car elle reste difficilement interprétable dans et par le processus transférentiel.



L’intérêt de la cure type, ses exigences


À l’opposé certains psychanalystes acceptent l’idée d’une cure psychanalytique chez l’adolescent, surtout les plus âgés. Chacun reconnaît cependant qu’elle doit être réservée à un petit nombre, même si elle reste pour certains une approche particulièrement souhaitable : il ne s’agit pas des adolescents les moins atteints en apparence, mais ceux au contraire pour lesquels l’aide apportée doit chercher à renverser le processus pathologique mis en place. Pour ces psychanalystes, seule la réactivation dans le transfert des fantasmes nodaux (M. Laufer), la répétition des déficiences précoces de l’environnement (holding-environnement allant jusqu’à la psychose de transfert) (F. Ladame) permettent d’atteindre le niveau fantasmatique et le stade archaïque mis en cause, ce qui seul est susceptible de provoquer un réaménagement ultérieur.


Aux réserves émises à propos de la difficulté à établir une névrose de transfert à l’adolescence, ces psychanalystes répondent sur deux modes : d’une part ils reconnaissent et acceptent la possibilité d’envisager des mouvements évoquant plus une psychose qu’une névrose de transfert ; d’autre part, ils estiment qu’avec l’adolescent, le mode de transfert développé ne contient pas seulement des éléments pathologique en termes historiques ou psychogénétiques, mais contient aussi dans l’ici et maintenant la solution pathologique qui est utilisée inconsciemment pour essayer de résoudre un conflit de développement.


De toute façon, la mise en place d’une psychanalyse nécessite des exigences initiales, des préalables pour que puisse se dérouler un tel traitement. Nous en distinguerons trois types :




Les exigences liées à l’adolescent lui-même

L’indication d’une cure type est là aussi un problème difficile. La possibilité chez l’adolescent de supporter un minimum de recul face aux difficultés auxquelles il est confronté est une exigence initiale (E. Kestemberg, 1971). Ceci signifie que l’adolescent doit éprouver une réelle souffrance interne, ne pas être trop projectif, avoir un Moi suffisamment solide pour faire appel à des solutions venant de l’intérieur ; par là même, l’adolescent doit ressentir un net désir de se connaître (L. Vaneck, 1978). Cet ensemble d’exigences amène certains auteurs à n’envisager une cure analytique qu’en fin d’adolescence, mais répétons-le, ce n’est pas le cas de tous les psychanalystes.



Les exigences du psychanalyste

Les difficultés déjà évoquées rappellent ce qui a été dit à propos des cures de patients « états limites » ou « narcissiques ». Chacun sait maintenant que pour le traitement de ces patients, la personnalité réelle du thérapeute joue un rôle beaucoup plus important qu’avec un patient névrotique. Il faut pouvoir accepter d’être un objet partiel pour le patient borderline comme pour l’adolescent, d’être soumis aux attaques de haine et au mouvement d’omnipotence de la part du patient narcissique comme de l’adolescent. À ce prix seulement la thérapie pourra, à la longue, évoluer vers une névrose de transfert analysable. Enfin, « la psychopathologie. de l’adolescent ne peut être prise au sérieux que si nous sommes capables de prendre au sérieux notre propre adolescence et notre passé » (M. Laufer). Cette « prise au sérieux » permet que le traitement de l’adolescent malade ne tourne pas court et ne devienne pas « la répétition de ce que nous avons appris, plutôt que quelque chose à quoi nous croyons ». Cette position explique l’importance qu’accordent certains psychanalystes à l’évaluation et aux exigences initiales pour un tel traitement et explique les indications de la cure type : « troubles graves mais non psychotiques telle que cassure dans le développement ou état limite. » Ceci pose évidemment deux questions :



1. celle de l’étendue des difficultés externes ou internes qui peuvent entraver l’organisation de la cure, mais là encore citons M. Laufer : « si un tel traitement n’est pas possible pour quelque raison que ce soit, je pense qu’il faut dès lors que nous réexaminions le but du traitement et que nous soyons conscients également des limites qui peuvent être inhérentes à nos efforts pour lever la pathologie » ;


2. celle des aménagements techniques : les réponses dépendent trop de chaque situation pour être généralisées, mais le principal risque réside dans la mise en avant de ces difficultés d’aménagements au nom d’un meilleur déroulement du processus analytique, alors qu’il peut s’agir de contre-attitude de la part du psychanalyste. Là réside toute la difficulté.



L’alliance thérapeutique


Le rôle de l’analyste dans le développement d’une alliance thérapeutique est un point important. Chacun connaît les difficultés de mise en place de cette alliance dans la cure analytique à cet âge. Le Groupe de Recherche de l’Adolescent à la Hampstead Clinic a étudié tout particulièrement cette question. M. Laufer l’a plus récemment développée (1981) : « pour créer une alliance thérapeutique, l’adolescent doit être conscient du fait qu’il a besoin d’aide ; il doit avoir le sentiment que l’analyste peut lui apporter de l’aide pour ses conflits internes et qu’il est aussi quelqu’un sur qui il peut compter pour lui prêter secours dans les situations importantes de la vie réelle. » Deux attitudes doivent être plus particulièrement présentes à l’esprit du psychanalyste pour développer cette alliance thérapeutique à l’adolescence :




Les différents types de transferts


Les discussions sur les rapports entre psychanalyse et adolescence abordent aussi la possibilité de voir se développer un transfert analysable.


Bien plus qu’un transfert banal, l’adolescent établira un transfert « chaotique » à la recherche d’un objet évocateur répondant à la fois à la sécurité d’une relation d’objet reconnaissable (lié au développement antérieur des relations d’objets infantiles) et aux nécessaires transformations de ces relations d’objets en représentations nouvellement élaborables (liées au développement actuel du processus « d’adultité »). Si l’évocation est essentiellement régrédiente (d’un point de vue temporel), c’est-à-dire appartenant au monde de l’enfance, elle ne peut être qu’un appui sécuritaire, si elle est essentiellement progrédiente, elle ne peut être que menaçante (A. Braconnier, 1994). On comprend alors mieux la variété des types de transferts généralement rencontrés dans les traitements psychanalytiques des adolescents en difficulté.


L’établissement d’un transfert psychotique se réfère aux aspects archaïques resurgissant à cette période du développement : l’explosion libidinale envahissant dangereusement les fantasmes et les pulsions incestueuses, le rejet des identifications parentales et les inquiétudes relatives à l’identité du sujet, l’angoisse qui s’ensuit concernant la cohésion de la personne, la proximité de tous les possibles et en particulier celui de la réalisation génitale ramenant à la mégalomanie infantile avec la qualité d’angoisse qu’elle suscite, angoisse d’anéantissement et de morcellement. Dans le transfert psychotique, l’analyste dépositaire des objets internes et l’analyste en tant que personne réelle, distincte du patient, sont confondus. L’analyste devient totalement le monde interne du sujet et l’écart entre l’analyste « personne extérieure » et l’analyste « objet » ne peut se travailler.


L’établissement d’un transfert narcissique se comprend tout autant si l’on tient compte des mouvements d’idéalisation de l’adolescent entraînant dans la cure un « transfert idéalisant » sur le Soi-objet idéalisé analyste, et des mouvements d’omnipotence où l’analyste devient l’idole porteur de la projection narcissique de l’adolescent entraînant alors dans la cure un transfert au niveau du Soi grandiose ou « transfert en miroir ». Ces transferts narcissiques se manifestent comme pour les personnalités narcissiques en analyse, par des rages narcissiques, se portant tantôt sur le Soi-objet analyste, tantôt sur le Soi-corporel, sous la forme de manifestations hypochondriaques ou de conduites autodestructrices.


En outre, P. Gutton a décrit le « transfert pubertaire », l’articulant au concept de « scène pubertaire ». Cette scène pubertaire confère à l’adolescent, contrairement à la scène primitive, un rôle central lui permettant d’accentuer la distinction entre objet externe et objet interne et entre objet incestueux et objet homoérotique (P. Gutton, 1991). Une autre manière de concevoir ce transfert pubertaire pourrait renvoyer à ce que M. Laufer a appelé le « fantasme masturbatoire central » : l’adolescent projette la haine de lui-même et de son corps sur le psychanalyste. Celui-ci devient alors fantasmatiquement, par effet transférentiel, le parent dangereux.


Enfin le transfert névrotique évoquant, lui, plus classiquement les modalités largement décrites et reconnues dans les cures types d’adultes névrosés, transfert unissant la névrose de transfert et la névrose infantile.


Ces quatre types de transferts, névrotique, psychotique, narcissique et pubertaire seront tour à tour présents : cette coexistence caractérise pour une grande part la cure analytique des adolescents. Évidemment, selon la pathologie prédominante, l’un sera prévalent par rapport aux autres : par exemple, dans les états dépressifs : le transfert narcissique ; ou dans les états limites : le transfert psychotique.


La prise en compte de ces différents types de transferts, la possibilité de les analyser, l’engagement qu’ils suscitent pour l’analyste et l’analysant seront souvent déterminants pour décider d’une cureh type. Ils expliquent pour une grande part les avis divergents sur le problème de l’« analysabilité » à l’adolescence.




La psychothérapie psychanalytique de relaxation


Bien qu’il existe d’autres méthodes de relaxation, méthodes à visées pédagogiques (Vittoz, Alexander, Jacobson) ou plus psychothérapiques (Schultz, Klotz, et Jarreau, Sapir) pour ne citer que les plus utilisées en France, nous rappellerons brièvement l’intérêt de la psychothérapie psychanalytique de relaxation à l’adolescence.


Elle a pour but de s’intéresser très particulièrement au corps de l’adolescent et de lui proposer essentiellement d’apprendre non pas tant la détente que l’écoute et le ressenti de ce corps. « C’est avant tout une relation où l’on choisit comme lieu de la rencontre, non pas le discours du patient, son langage, ses fantasmes, ses rêves, mais le vécu corporel, les états du corps propre, le ressenti » (M.L. Roux ; 1981).


L’importance du tonus musculaire a été mise en évidence grâce aux travaux d’Ajuriaguerra à propos de la vie émotionnelle et pour la compréhension de la vie affective. Il est incontestable que l’adolescent utilise volontiers la mise en tension de son corps comme mode de défense vis-à-vis de l’angoisse et des conflits qui y sont liés. Le besoin d’agir, d’activité physique ou sportive et leurs valeurs cathartiques à cet âge ont à peine besoin d’être rappelés.


Les buts poursuivis par la psychothérapie psychanalytique de relaxation sont :



Nous voyons ainsi que l’adolescent profite volontiers de cette technique, en particulier lorsque ses conduites sont centrées sur le corps (voir chap. 6).



Les thérapies familiales


La multiplicité des référents théoriques, la variabilité du cadre technique, la diversité des modalités pratiques, tout cela impose de parler, non pas de « la thérapie familiale » comme d’une approche thérapeutique simple et unifiée, mais plutôt « des thérapies familiales ». Depuis quelques années leur pratique est de plus en plus fréquente, les publications sur ce sujet de plus en plus nombreuses.


Historiquement les premières thérapies familiales explicitées comme telles, eurent pour objet des familles où se trouvait un jeune adulte ou adolescent schizophrène. En effet, les tentatives pour traiter la psychose, et plus précisément la schizophrénie d’un sujet jeune, montrèrent combien la structure familiale est impliquée dans la genèse des troubles du patient ; ainsi l’effort thérapeutique se déplaça bientôt du seul patient à la totalité du groupe familial.


L’ensemble de ces méthodes et de ces conceptualisations vit progressivement le jour, d’abord aux États-Unis dans les années cinquante, puis se diffusa ensuite en Europe. D’une façon très simplifiée, et un peu schématique on peut distinguer deux grands courants théoriques : 1) les thérapies familiales reposant sur les théories systémiques et les théories de la communication ; 2) les thérapies familiales s’inspirant des conceptions psychanalytiques.


En ce qui concerne plus précisément l’adolescence, il est évident que cette période de la vie représente une menace potentielle pour la cohésion du groupe familial et le maintien du mythe familial qui l’organise ; cette constatation est d’autant plus évidente si l’on envisage l’adolescence comme une seconde phase de « séparation–individuation » aboutissant à l’autonomisation, puis au départ d’un des membres de la famille.


La pratique de la psychopathologie de l’adolescent rend évidente l’importance des interactions familiales, quel que soit le degré de cette pathologie. La rencontre avec les parents, voire le groupe familial élargi (fratrie, grands-parents) s’avère souvent nécessaire et bénéfique. Nous avons déjà abordé les relations entre l’adolescent et le groupe familial aux chapitres « l’adolescent et sa famille » et « l’entretien avec l’adolescent » au moment de la phase d’investigation. Le lecteur est prié de s’y reporter, l’objet du présent chapitre étant limité au strict abord thérapeutique.



Les thérapies familiales systémiques


Ce cadre regroupe l’ensemble des thérapies dont l’action se centre non pas sur l’individu désigné comme malade par le groupe familial, mais sur l’ensemble des interactions qui président aux échanges entre les divers membres de ce groupe.


Ces thérapies familiales s’inspirent largement des théories systémiques (Bertalanffy, Brodey) qui elles-mêmes puisent leur source dans les concepts de la théorie cybernétique. En effet les notions d’homéostasie, de rétroaction, de boucle régulatrice, de « feed-back » positif ou négatif sont largement utilisées. En cela elles diffèrent du cadre conceptuel de la psychanalyse qui puisait une partie de ses sources dans les théories énergétiques thermodynamiques ou mécaniques.


Les thérapies familiales ont connu leurs premiers succès dans l’approche du psychotique ; très vite en effet il a fallu se rendre à l’évidence que la thérapie centrée sur le seul malade avait toutes les chances d’aboutir à un échec : dans de nombreux cas cette rupture survenait de façon paradoxale au moment précis où le patient semblait s’améliorer. Une étude attentive du contexte familial a alors montré que le patient était pris dans un réseau d’interaction tel que l’apparente maladie de l’individu paraissait nécessaire à la stabilité de l’ensemble.



Théorie des systèmes


Elle repose sur quelques principes simples : 1) le principe de l’homéostasie d’un système : toutes les forces tendent vers une situation d’équilibre stable. Le niveau d’anxiété globale du système tend à croître lorsqu’une menace de dislocation ou de déséquilibre apparaît ; 2) la nécessité de changer les types d’interaction pour retrouver un nouvel équilibre quand l’un des membres du système change : cette notion du changement s’oppose au principe de l’homéostasie et explique la résistance au changement thérapeutique. La fonction familiale du malade est en effet de préserver cette homéostasie. Inversement la croissance de l’enfant implique de la part de la famille saine une capacité de changement dans ses modes d’interaction, surtout lors des phases critiques du développement (naissance, œdipe, adolescence, départ de l’adulte, etc.).


Élément de compréhension essentiel dans l’approche systémique, le système familial ne se réduit pas à la somme de ses parties : le système dans sa totalité est plus que la somme de ses parties, il fonctionne à un niveau différent. La fonction première du système est adaptative : l’équilibre du système lui-même est plus important que l’équilibre des éléments individuels qui le composent.



Théorie de la communication


La théorie de la communication a été initialement élaborée par des psychiatres de l’université californienne de Palo Alto, très imprégnés des théories cybernétiques : celles-ci leurs ont servi de modèle avec les notions de rétroaction positive ou négative, de boucle régulatrice, de système homéostatique, etc.


En effet, d’un modèle explicatif linéaire – modèle de la thermodynamique du XIXe siècle (fig. 23.1a), les théoriciens de la communication sont passés à un modèle circulaire (fig. 23.1b) où chaque terme est déterminé par le précédent, mais détermine aussi le suivant qui rétroagit sur le premier, etc.



Les règles qui régissent les interactions entre les membres de l’ensemble sont soit explicites, soit implicites. Elles servent à établir et structurer les différents rôles ainsi qu’à décoder les messages entre les divers membres. Les théories de la communication (Watzlawick, 1975 ; Selvini, 1980) reposent sur cinq principes :



1. une personne en situation d’interaction ne peut pas ne pas communiquer : refuser de communiquer n’est qu’un type particulier de communication. Tout comportement a valeur de communication ;


2. tout message comporte deux canaux distincts : un canal digital, c’est le message verbal ; un canal analogique, c’est le message non verbal (mimique, gestualité, posture, inflexion de la voix, etc.). La partie du message contenue par un canal peut être en harmonie avec l’autre partie contenue dans le second canal, en dysharmonie ou même en contradiction. La dysharmonie et surtout la contradiction de ces deux niveaux définissent la communication paradoxale ou en « double bind » (voir Les psychoses à l’adolescence) ;


3. le message émis n’équivaut pas au message reçu : le récepteur peut ne recevoir qu’une partie du message, ou utiliser un système de décodage différent de l’émetteur. En particulier, le récepteur peut être particulièrement sensible au canal analogique (mimique, voix, etc.) alors que l’émetteur n’est conscient que du canal digital (le discours lui-même) ;


4. communiquer sur la communication (la métacommunication) n’est possible que si le système est ouvert. Cette ouverture peut provenir soit d’une capacité de chacun des membres à prendre le recul nécessaire, soit de l’introduction d’un nouvel élément incitant à la métacommunication (le thérapeute). Faute de cette métacommunication, le système reste clos et reproduit indéfiniment le même type d’interaction ;


5. il existe deux grands types de communication répondant à deux types de relations : communication symétrique ou en miroir, communication de type complémentarité.


Ce n’est pas ici le lieu de décrire les principaux types de communications normaux et surtout pathologiques (problème de ponctuation, escalade symétrique, complémentarité rigide et surtout communication paradoxale, etc.), mais le travail du thérapeute systémique consiste d’abord à repérer ces types de communication. Ce repérage effectué, il faut choisir la meilleure technique pour créer une ouverture dans le système : ouverture dynamique quand les membres du système semblent pouvoir accéder à un niveau de métacommunication, ouverture contraignante quand le thérapeute est confronté à un système si rigide qu’il en est réduit à adopter délibérément le même système interactif pathologique (c’est l’exemple de la prescription thérapeutique paradoxale de M. Selvini).



Barrière générationnelle et mythe familial


Par-delà l’observation des modes de communication normaux et pathologiques, observation qui ignore délibérément le contenu de la « boîte noire » (laquelle désigne pour les systémiciens, tout ce qui est intrapsychique et par conséquent inaccessible à l’observation), l’attention récente des systémiciens tend à se centrer aussi sur une nouvelle dimension : celle du mythe familial, et de la place respective des générations (enfant, parent, grand-parent). Ainsi J.P. Rabreau (1983) souligne-t-il : « la crise familiale provoquée par un adolescent met en scène un drame avec, au moins sept personnages : un adolescent, deux parents, quatre grands-parents. » La manière dont les générations se succèdent et communiquent l’une par rapport à l’autre en respectant la barrière transgénérationnelle ou au contraire en la contournant, l’annulant, l’augmentant, est de plus en plus finement analysée par les systémiciens. Le « secret » tendu d’une génération à l’autre a été particulièrement étudié, d’où découle la fonction de « délégation » : un individu d’une génération se voyant attribuer, à son insu, le rôle et la fonction d’un membre d’une génération précédente, membre secrètement caché. Autour de ces « secrets » et de ces rapports transgénérationnels se construisent les « mythes familiaux », mythes qui risquent d’enserrer chaque individu à une place inamovible et de rigidifier le groupe familial. Ainsi dans les familles « dysfonctionnelles » J.P. Rabreau distingue : 1) les hyperstructurations verticales ou les liens transgénérationnels sont quasi exclusifs, gênant l’établissement des liens horizontaux. Ces hyperstructurations obéissent en général à des lois émanant d’instances mythiques grand-parentales et ancestrales. Il n’y a pas de place ici pour la « crise de l’adolescence » et le processus d’individualisation qui en découle ; 2) les astructurations familiales où on constate un « enchevêtrement familial » (S. Minuchin, 1979) : les frontières intergénérationnelles, voire même interindividuelles sont estompées au profit de lien symbiotique. La « pseudo-mutualité » (Wynne, 1963) permet de maintenir dans le système familial toutes les sources d’excitation, de masquer les divergences et de conserver une apparence d’uniformité ; 3) les triangulations rigides enfin s’observent quand deux individus s’unissent contre le troisième. Il peut s’agir, selon J.P. Rabreau, de triangulation de persécution quand par exemple le couple parental a besoin pour masquer son conflit conjugal de projeter sur l’un des enfants les menaces persécutives (lorsque l’enfant devient adolescent ce système qui parfois avait pu jusque-là assurer une homéostasie, menace alors de s’effondrer devant la tentative d’autonomie de l’enfant-adolescent, ce qui aboutit à réactiver les manifestations pathologiques de ce dernier). Dans d’autres cas on observe des coalitions transgénérationnelles plus ou moins rigides avec la « parentification » de l’enfant puis de l’adolescent, coalition établie soit pour lutter contre l’autre parent, soit pour soutenir le parent défaillant (dépression maternelle par exemple).


Cet intérêt porté aux rapports entre les générations et aux modalités pratiques qui les règlent, débouche pour certains auteurs sur des attitudes thérapeutiques très concrètes. Ainsi certaines thérapies familiales débutent-elles par l’établissement de l’arbre généalogique, permettant à chaque membre de se situer. De même, il est parfois utile d’étendre la thérapie familiale à un groupe plus large que le noyau réduit adolescent–parents, en y invitant la fratrie, ou les grands-parents lorsque l’un ou l’autre semble jouer un rôle dans le « mythe familial ».



Modalités pratiques et indications


Nous n’entrerons pas dans le détail des divers aménagements pratiques proposés par les auteurs : ceux-ci sont trop nombreux et variables d’un thérapeute à l’autre. Nous signalerons simplement quelques points importants :



• il est essentiel, à partir du moment où le principe d’une thérapie familiale a été accepté par la famille, que le thérapeute systémique ne rencontre jamais un individu isolément, quelles que soient les multiples manœuvres effectuées pour l’y contraindre ;


• la durée des séances est toujours assez longue. Avec le groupe familial, plusieurs thérapeutes sont présents (deux ou même parfois plus), souvent assistés de cothérapeutes ou d’observateurs (dans la même salle, ou dans une salle voisine grâce à une vitre sans tain ou une installation magnétoscopique). Leur rythme oscille entre la quinzaine et le mois. La durée du traitement est variable. Certains thérapeutes conviennent dès le début d’un nombre maximum de séances ou au moins d’une rediscussion régulière de l’indication (selon le principe du « contrat » très utilisé dans les pays anglo-saxons) ;


• la conduite des entretiens exige de la part du thérapeute familial une formation adaptée qui l’a rendu sensible aux diverses modalités d’interactions, tout en étant capable lui-même de contrôler ses propres canaux de communication (digital et surtout analogique). Le thérapeute familial se doit d’être actif, c’est-à-dire d’intervenir, de couper éventuellement la parole, de redistribuer celle-ci à un autre membre : laisser faire la dynamique spontanée du groupe familial revient en effet à laisser perdurer le système clos d’interactions. Même si ces interactions sont chargées de significations symboliques, celles-ci ne peuvent être perçues par les membres du groupe pris dans l’agir de la communication : le rôle du thérapeute familial consiste à permettre aux membres du groupe de découvrir eux-mêmes le sens symbolique de ces interactions en distribuant autrement la communication. Pour ce faire le thérapeute a intérêt à centrer ses interventions sur le récepteur du message et à obtenir que ce dernier explicite son propre système de décodage. Les interventions sur l’émetteur (celui qui parle ou dont la communication analogique prime) risquent en effet d’avoir un effet « sauvage » et d’être sadiquement utilisées ensuite par les autres membres de la famille. Il est souvent préférable d’utiliser un incident mineur de la vie quotidienne, plutôt qu’une discussion sans thème : à propos de cet incident mineur, le thérapeute essaiera d’analyser le niveau implicite d’interactions caché sous le niveau explicite et de décoder les relations de pouvoir (comment est hiérarchisée la parole dans le groupe, qui ponctue les séquences, etc.).


Les indications sont assez larges et n’ont pas de critères limitatifs en dehors des contraintes matérielles. Un certain nombre d’indications sont fréquemment relevées. Citons :




Les psychothérapies familiales d’inspiration psychanalytique


La prise en considération des « résistances familiales » dans le traitement psychanalytique des patients ne date pas d’hier puisque dès 1916, Freud y faisait référence dans « l’Introduction à la Psychanalyse » : « la plupart des insuccès de ces premières années doivent être attribués moins à l’inexpérience du médecin ou au choix inadéquat de l’objet, qu’à des circonstances extérieures défavorables. Nous n’avons parlé jusqu’ici que des résistances intérieures… Mais il y a aussi des obstacles extérieurs : ceux-ci découlant du milieu dans lequel vit le malade, créés par son entourage, n’ont aucun intérêt théorique, mais présentent une très grande importance pratique… Nous sommes armés contre les résistances intérieures qui viennent du malade et que nous savons nécessaires ; mais comment nous défendre contre ces résistances extérieures » (S. Freud : Introduction à la Psychanalyse, 1916–1917).


En effet, la difficulté pour le psychanalyste est fondamentale et de nature épistémologique : comment passer du registre intrapsychique, intrapersonnel, champ d’élaboration et d’application de la psychanalyse, au registre interpersonnel, champ d’application des thérapies familiales ! Utiliser tels quels, sans réflexion et réélaboration les concepts analytiques n’est pas sans risque comme le souligne D. Widlöcher : « le psychanalyste, par la nature même de l’instrument relationnel dans lequel il est engagé, s’intéresse à la réalité intrapsychologique, c’est-à-dire aux jeux internes des introjects et des formations systémiques qui nourrissent cette réalité. Étudier les relations intrafamiliales, n’est-ce pas chercher dans la réalité extérieure le garant objectif de la réalité psychologique ? » (Introduction au livre de Boszormeny-Nagy I. et Framo J. : Psychothérapies Familiales, PUF Éd., Paris, 1965, p. 6). Considérer les modèles d’interactions familiales comme des équivalents directs des séquences fantasmatiques intrapsychiques, qu’il s’agisse de relations d’objets introjectées ou intériorisées, représente une confusion grave aboutissant à un « psychologisme » simpliste et simplificateur.


Ainsi les psychanalystes, surtout lorsqu’ils travaillent avec des enfants et des adolescents ont-ils été conduits à proposer de nouveaux modèles conceptuels pour l’approche familiale. Toutefois, contrairement à l’approche systémique, il ne semble pas se dégager une conceptualisation ou une élaboration théorique d’ensemble.


Concernant plus particulièrement l’adolescent, les thérapeutes familiaux font souvent référence à travers le processus de séparation–individuation, à la notion d’identification. Le concept de « délimitation » proposé par Schapiro en est un exemple. Ainsi F. Ladame considère que dans les familles d’adolescents perturbés, les parents utilisent fréquemment de façon excessive les mécanismes de projection et surtout d’identification projective. Cette utilisation excessive entrave chez l’adolescent la constitution d’une image de soi authentique et individuée, empêche la différenciation entre l’adolescent et ses parents et en fin de compte, empêche toute séparation.


A. Eiguer, de son côté, se réfère à la théorie du « porte-parole » : le groupe familial canalise sa problématique autour d’un personnage qui fait office de porte-parole et qui peut souffrir de cette fonction. Malade ou non, le porte-parole est doté d’un narcissisme défaillant et fragile ce qui lui donne la capacité de se charger de la mission qui protège les autres. On conçoit que l’adolescent soit à même de jouer ce rôle en raison de la fragilité narcissique caractéristique de cette période de la vie (voir chap. 1, Le narcissisme).


Pour S. Lebovici (1981), le pont entre la pratique analytique et la psychothérapie familiale existe à travers l’étude des interactions précoces entre la mère et son bébé : « l’importance des transactions entre ces deux partenaires grâce à ce que nous appelons les anticipations créatrices de la mère, m’ont amené à considérer que le premier type d’approche familial est celui de la mère avec son bébé… ces interactions sont à la fois comportementales et fantasmatiques. » L’apport de l’analyste consiste précisément à tenter de comprendre comment l’organisation fantasmatique de la mère autorise une fluidité et une adaptation satisfaisantes de ses conduites à celles de son bébé, puis à relier cette organisation fantasmatique individuelle au mythe familial où elle peut, ou ne peut pas, prendre place. Ainsi pour S. Lebovici : « on peut dire que le fantasme origine la personne et que le mythe familial origine la relation familiale. » C’est au niveau de ce mythe familial collectif que circulent les fantasmes individuels. « Ainsi peut-on espérer que le psychanalyste s’occupant de la famille sera capable de mettre en évidence l’articulation mythe-fantasme… » en travaillant « sur une généalogie, c’est-à-dire sur la continuité transgénérationnelle d’une histoire qui s’allégorise ».


Divers types de mythes ont été décrits (Stierlin) qui dépassent la psychologie individuelle et assurent l’homéostasie familiale au prix souvent de l’équilibre psychique individuel :


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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Les choix thérapeutiques

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