L’enfant Migrant

22. L’enfant Migrant



Il va sans dire que l’enfant migrant venant d’un pays étranger devra faire face aux mêmes problèmes, avec en outre les changements linguistiques, culturels, climatiques même, dans des conditions socio-économiques le plus souvent médiocres.


DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES

Depuis une dizaine d’années le nombre d’étrangers vivant en France s’est stabilisé. Les grandes communautés étrangères restent les mêmes (pays de l’Europe du Sud, Maghreb). Toutefois certaines communautés ont émigré plus récemment: Turcs, Cambodgiens, Laotiens, Vietnamiens, etc. Le recensement de l’INSEE (1990) évalue la population étrangère vivant en France à 3,7 millions. En fonction des pays d’origine on observe la répartition suivante : Portugais 17,6%; Algériens 16,6%; Marocains 15,4%; Italiens 6,8%; Espagnols 5,8%; Tunisiens 5,6%; Turcs 5,3%. Les autres nationalités ou communautés viennent ensuite loin derrière (Belges, Yougoslaves, Africains). Par ailleurs, le nombre de Français nés hors de France ayant acquis la nationalité française est de 1,3 million don’t 57% sont originaires de la Communauté Européenne, 14% du reste de l’Europe, 29% de l’Asie (Cambodge, Laos, Viêt-nam).


Dans sa majeure partie, l’immigration répond à une recherche de travail, mouvements anciens et traditionnels dans l’Europe elle-même (Italiens, Espagnols, Portugais actuellement et peut-être Yougoslaves demain?), mais aussi avec les pays francophones (Algérie, Maroc, Afrique noire). Dans l’ensemble, ces familles migrantes sont de niveau socio-économique défavorisé, facteur qui n’est pas sans incidence sur la morbidité de la population infantile. Plus récemment une migration politique est réapparue, Sud-Américains, Asiatiques entre autres. Pour ces derniers, le niveau socio-économique est souvent plus élevé.


BICULTURALISME ET BILINGUISME

Entre les deux termes, biculturalisme et bilinguisme existe souvent une confusion entretenue par le fait que le bilinguisme est en lui-même une illustration des divers conflits intrafamiliaux, scolaires ou sociaux. Si le biculturalisme paraît englober une problématique plus vaste, le bilinguisme représente le premier problème auquel l’enfant de migrant se trouve confronté du fait de la scolarisation.


LE BICULTURALISME

De façon schématique on pourrait dire que les parents vont souffrir de l’écart entre culture d’origine et culture d’accueil, tandis que pour l’enfant les difficultés paraissent se concentrer sur l’écart entre la langue familiale et la langue sociale. En revanche, l’adolescent retrouvera de manière aiguë et exacerbée dans sa quête d’identité, les tensions résultant de la confrontation des deux cultures.

Avant d’aborder les difficultés de l’enfant lui-même, il convient de décrire rapidement son environnement familial, en particulier ce que vivent les parents lors du passage de la frontière: la rupture du mode de vie habituelle, de l’espace socioculturel traditionnel (famille, amis, maison) ravivée des sentiments de perte et de deuil en même temps que l’insécurité éprouvée dans le pays d’accueil, suscite des craintes que la réalité, hélas, vient souvent confirmer. Le souci d’être «en règle», d’avoir tous ses papiers, représente la caricature de ce besoin d’identité nouvelle. Ces deux mouvements affectifs, sentiments de perte et crainte paranoïde sont habituellement compensés par l’espoir que sous-tend l’exil: espoir financier (la construction de la maison dans le village natal), espoir politique (la gloire de l’exil). Mais le prix à payer s’avère en général plus lourd que celui escompté, avec pour risque d’aboutir alors à un repli défensif sur la cellule familiale, et le refus d’une intégration culturelle, même partielle.


À toutes ces difficultés s’ajoutent les problèmes liés à des conditions de vie économique très médiocres qui situent un grand nombre de familles migrantes dans ce que les épidémiologistes appellent «les familles à risques».

L’enfant est le vecteur privilégié des risques ainsi dénoncés, ceux du biculturalisme d’abord qui peut aboutir à une véritable fragmentation de la vie sociale, ceux ensuite du médiocre niveau socio économique avec toutes les carences qu’il implique (cf.chap. 20), enfin ceux des remaniements familiaux secondaires aux nouvelles conditions de vie. Ainsi le père qui a perdu son rôle social traditionnel, physiquement absent par le nombre élevé d’heures de travail accomplies, ne représente plus ni la force, ni la protection, ni la sécurité habituelles. La mère ne semble plus lui faire confiance. L’enfant vite acculturé en apparence, détenteur de la langue nouvelle devient le médiateur, l’intercesseur auprès de la culture d’accueil: il accompagne et traduit le discours parental à la mairie, chez le médecin, à la Sécurité sociale, etc. On assiste ici à une sorte d’inversion des rôles parents enfants, qui ne sera pas sans poser des problèmes ultérieurs, en particulier à l’adolescent migrant.

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Jun 8, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on L’enfant Migrant

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