inflammatoires de l’enfant et de l’adolescent : aspects cliniques et orientations thérapeutiques actuelles: Inflammatory rheumatism in children and adolescents: clinical aspects and current treatment approaches

Rhumatismes inflammatoires de l’enfant et de l’adolescent : aspects cliniques et orientations thérapeutiques actuelles


Inflammatory rheumatism in children and adolescents: clinical aspects and current treatment approaches



image T. Odent1, 1 Faculté de Médecine Paris-Descartes, Service d’orthopédie et de traumatologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants-malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris.



Résumé


Des progrès considérables ont été réalisés dans la prise en charge des maladies rhumatismales de l’enfant ces dernières années. Ces progrès ont été réalisés à la fois dans le diagnostic et dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques où sont impliqués des phénomènes génétiques et immunologiques complexes et multifactoriels.


Ceci s’est traduit par une évolution de la nomenclature de ces maladies qui a été possible grâce au rapprochement des groupes de travail européens et nord-américains sur ces pathologies pour aboutir à une classification commune avec trois grands types d’affections : l’arthrite juvénile idiopathique, les maladies auto-inflammatoires et les maladies auto-immunes.


Le groupe des arthrites juvéniles est un groupe hétérogène de plusieurs maladies caractérisées par une arthrite qui, par définition, débute avant l’âge de 16 ans avec des symptômes persistant plus de 6 semaines. La forme idiopathique d’arthrite juvénile est la cause la plus fréquente de rhumatisme chez l’enfant dans les pays développés. Le groupe des maladies auto-inflammatoires comprend la fièvre méditerranéenne et des entités plus rares comme le syndrome d’hyper-IgD, le CINCA (syndrome chronique infantile neurologique, cutané et articulaire), le syndrome PAPA (arthrite à pyogène, pyoderma gangrenosum et acné ou arthrite familiale récurrente). Les maladies auto-immunes regroupent principalement le lupus et d’autres connectivites.


Il n’y a pas actuellement de traitement curatif de ces pathologies. Cependant, des progrès considérables ont été faits dans la prise en charge de l’inflammation articulaire, avec une meilleure utilisation des traitements anti-inflammatoires par voie générale et locale. En seconde intention, de nouveaux traitements pharmacologiques (biothérapies) ciblant les cytokines impliquées dans l’inflammation articulaire ont été développés, maintenant utilisés de façon régulière. Le but est d’obtenir un contrôle maximal de l’inflammation articulaire pour limiter les destructions à long terme et de minimiser les répercussions des traitements sur le tissu osseux en croissance. D’un point de vue orthopédique, les progrès ont également été importants dans la prévention des déformations et en cas de séquelles grâce aux arthroplasties, avec de véritables programmes de reverticalisation des patients grabataires.



Summary


Substantial advancess have been made in the management of paediatric rheumatic disease during the last few years, both in the diagnosis and in the understanding of the physiological mechanism, which involves complex and multifactorial genetic and immunologic processes.


An evolution in the disease classification due to the combined work of the American and European rheumatic disease study group has lead to the current classification with three distinct disease groups: juvenile idiopathic arthritis, autoinflammatory diseases and autoimmune diseases.


Juvenile idiopathic arthritis encompasses a group of diseases characterized by an arthritis which begins before 16 years of age, persists for more than 6 weeks and is of unknown cause. Juvenile idiopathic arthritis is the most common cause of autoimmune musculoskeletal disease in developed countries. The autoinflammatory group disease encompasses Mediterranean fever and other less frequent diseases such as hyper-IgD syndrome and the cryopyrine associated periodic syndrome group. The autoimmune group encompasses lupus and other connective tissue disorders.


Although none of the currently available drugs has a curative potential, the prognosis has greatly improved as a result of substantial progress in disease management. The treatment aim is to optimize the control of joint inflammation so as to prevent its long-term consequences, while being alerted to the possible side effects from therapy. The most important new development has been the introduction of drugs such as anticytokine agents (biotherapy) which constitute a valuable treatment option for patients who are resistant to conventional anti-inflammatory agents. Improvements have also been made in the orthopaedic management, in terms of prevention of deformities and, in cases with invalidating sequellae, with joint replacements which are highly beneficial for these disabled patients.



Introduction


Des progrès considérables ont été réalisés dans la prise en charge des maladies rhumatismales de l’enfant ces dernières années. Nous sommes maintenant loin des premières descriptions de ces pathologies, dont les premiers cas ont été rapportés en France au xixe siècle par Cornil, puis par Still en Angleterre. Ces progrès ont été réalisés à la fois dans le diagnostic, dans la compréhension des mécanismes où sont impliqués des aspects génétiques et immunologiques complexes et multifactoriels et dans la prise en charge thérapeutique. Ceci a été possible grâce à la constitution d’équipes multidisciplinaires centrées sur l’expression de ces pathologies de l’appareil locomoteur.


Une évolution de la nomenclature de ces affections a été rendue possible grâce au rapprochement des groupes de travail européens (EULAR : European League Against Rheumatism) et nord-américains (ILAR : International League of Association of Rheumatologist) sur ces pathologies pour aboutir à une classification commune [19]. Trois grands groupes de pathologies sont décrits actuellement : les arthrites juvéniles dont l’arthrite juvénile idiopathique (AJI), les maladies auto-inflammatoires et les maladies auto-immunes. Même si ces classifications seront sûrement remises en cause dans les prochaines années, elles permettent de se retrouver dans ce dédale d’affections.


Le terme « arthrite juvénile » recouvre un groupe hétérogène de plusieurs maladies caractérisées par une arthrite qui débute avant l’âge de 16 ans avec des symptômes persistant plus de 6 semaines. Cette maladie est la cause la plus fréquente de rhumatisme chez l’enfant dans les pays bénéficiant d’un bon système de santé, entraînant souvent à court ou moyen terme un handicap moteur. Le groupe des maladies auto-inflammatoires comprend la fièvre méditerranéenne familiale, le syndrome d’hyper-IgD, les cryopyrinopathies dont le CINCA (syndrome chronique infantile neurologique, cutané et articulaire) et le syndrome PAPA (arthrite à pyogène, pyoderma gangrenosum et acné ou arthrite familiale récurrente). Les maladies auto-immunes regroupent principalement le lupus et d’autres connectivites, auxquels on rattache des maladies de système ainsi que diverses vascularites.


Il n’y a pas actuellement de traitement curatif de ces pathologies (sauf quelques cas de greffes de moelle osseuse réalisées dans des situations sélectionnées et exceptionnelles), mais des progrès importants ont été faits dans la prise en charge des manifestations inflammatoires avec l’utilisation de nouvelles molécules pharmacologiques. Ceci pour permettre un meilleur contrôle de la maladie et éviter les manifestations secondaires comme les troubles de croissance et l’ostéoporose. Les progrès ont également été importants dans la prise en charge orthopédique des séquelles avec le recours aux arthroplasties chez des jeunes patients avec des programmes de reconstruction intéressant plusieurs articulations.



Formes cliniques



Arthrite juvénile idiopathique


Les arthrites chroniques juvéniles (ACJ) ont récemment changé de dénomination en raison d’une grande confusion d’appellations entre les différents tableaux cliniques et les différents pays. Par exemple, le terme de « maladie de Still » était utilisé pour qualifier à la fois les formes systémiques et polyarticulaires dans les pays anglo-saxons, mais seulement les formes systémiques dans les pays Européens. Cette évolution de la nomenclature s’est faite après plusieurs réunions entre les sociétés européennes et américaines de rhumatologie pédiatrique. Ces discordances d’appellation ont été résolues après l’organisation d’un comité international pédiatrique de l’ILAR qui a eu lieu au Canada en 2001 [19]. La classification ainsi obtenue est maintenant la seule reconnue et à utiliser. Il fut convenu de parler d’arthrite ayant duré au moins 6 semaines au niveau d’au moins une articulation, juvénile, c’est-à-dire le premier signe clinique ayant débuté avant le 16e anniversaire, et idiopathique, sans cause après avoir éliminé toutes les causes connues (JIA pour juvenile idiopathic arthritis). Ce terme n’est pas parfait, mais il a le mérite d’être reconnu par toute la communauté rhumatologique. Six groupes homogènes ont été ainsi définis, un dernier groupe comprenant les arthrites non classées (tableau 1).


Tableau 1 Définition des arthrites juvéniles idiopathiques suivant les propositions d’Edmonton





























* Critères d’exclusion dans les catégories d’AJI :


a. présence de psoriasis ou histoire de psoriasis chez le patient ou chez un parent du premier degré


b. arthrite chez un garçon HLA B27 positif débutant après le 6e anniversaire


c. spondylarthrite ankylosante, enthésite en rapport avec une arthrite, sacro-iliite avec colopathie inflammatoire, syndrome Fiessinger-Leroy-Reiter ou uvéite antérieure aiguë ou antécédent de l’une de ces pathologies chez un parent du premier degré


d. présence de facteur rhumatoïde de type IgM à au moins deux occasions à au mois 3 mois d’intervalle


e. AJI de type systémique


Bien que la pathogénie de cette maladie soit très différente pour chacun des sous-types, l’AJI est généralement considérée comme une maladie auto-immune, sauf peut-être en ce qui concerne les formes systémiques. Il s’agit probablement d’une maladie multifactorielle combinant des facteurs environnementaux (infections) et immunogénétiques (antigènes HLA spécifiques). Il n’y a pas de signe pathognomonique clinique ou paraclinique pour faire le diagnostic de ces maladies. Le diagnostic se fait sur un faisceau d’arguments cliniques, sur l’évolution et sur l’association de signes biologiques non spécifiques.


L’incidence annuelle des AJI est d’environ 20 pour 100 000 enfants de race blanche âgés de moins de 16 ans (au moins 2000 enfants en France). La distribution entre les différents sous-types (tableau 2) varie selon les pays. Les oligoarthrites sont plus fréquemment retrouvées en Europe. Leur fréquence est moindre en Inde et en Nouvelle-Zélande, où les atteintes polyarticulaires sont plus fréquentes. La forme systémique atteint surtout l’enfant jeune, avec un âge médian de 5 ans, et ne représenterait pas plus de 10 % des AJI. Elle est exceptionnelle avant 9 mois et ne survient jamais avant 6 mois. Avant 12 mois, elle survient presque exclusivement chez les filles [14].



L’évolution à l’âge adulte est difficile à définir en raison du peu d’antériorité de la classification et des discussions sur les critères de rémission, ce qui explique l’hétérogénéité des études disponibles. L’évolution diffère suivant le type d’atteinte. Le suivi de cohorte montre que globalement, seuls un tiers des patients sont en rémission après 10 ans d’évolution. Les taux de rémission sont meilleurs dans les formes oligoarticulaires (40 %), moins bons dans les formes polyarticulaires (25 %) et presque nuls dans les formes avec facteurs rhumatoïdes. La probabilité de rémission est réduite après 10 ans d’évolution et chez les patients n’ayant pas eu de phases de rémission avant l’âge de 16 ans.



Formes systémiques


La forme systémique est considérée comme une forme particulière d’AJI [19]. Pour beaucoup d’experts, prenant en compte les particularités cliniques de la maladie mais également les avancées récentes de la physiopathologie et les principales cytokines impliquées (interleukine [IL] 1 et 6), la forme systémique (FS-JIA) de l’enfant pourrait plutôt appartenir aux maladies auto-inflammatoires [12].


Aux critères généraux s’ajoutent les caractéristiques suivantes : fièvre d’une durée d’au moins 2 semaines prenant un aspect caractéristique sur au moins 3 j, avec des pics hyperthermiques, typiquement 1 à 2 fois par jour, entrecoupés d’un retour de la température à la normale voire d’une hypothermie, précédant ou accompagnant l’arthrite et s’accompagnant d’au moins un des signes suivants : éruption fugace érythémateuse, adénopathies généralisées, hépatomégalie et/ou splénomégalie, épanchement séreux. Les myalgies et les douleurs abdominales peuvent survenir au cours des pics fébriles. L’atteinte articulaire est généralement symétrique et polyarticulaire. Les examens biologiques retrouvent une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, une augmentation importante de la vitesse de sédimentation, de la C reactive protein (CRP) et une thrombocytose. L’anémie est fréquente et serait expliquée par la séquestration du fer dans le système réticuloendothélial induite par l’IL6. Le diagnostic différentiel de la forme systémique d’AJI peut être difficile, notamment au début (tableau 3).


Tableau 3 Diagnostic différentiel des formes systémiques d’arthrite juvénile idiopathique

















Infection :
Pathologies malignes :
Rhumatisme articulaire aigu
Connectivites :
Syndrome de Castelman
Colopathies inflammatoires
Maladie auto-inflammatoire (fièvre méditerranéenne, ou syndrome TRAPS, maladie de Behcet)

Environ 5 à 8 % des enfants ayant une forme systémique développent une complication dénommée « syndrome d’activation macrophagique » qui peut menacer le pronostic vital. Ce syndrome se traduit par l’apparition soudaine d’une fièvre, d’une pancytopénie, d’une hépatosplénomégalie et d’une insuffisance hépatique avec un syndrome hémorragique et des symptômes neurologiques. Les examens sanguins retrouvent une augmentation des concentrations en triglycérides, une baisse de la concentration en sodium et une augmentation importante de la concentration en ferritine. Cette complication est à reconnaître rapidement. L’étude de la moelle sanguine retrouve des manifestations de phagocytose active des cellules hématopoïétiques par les macrophages.



Formes polyarticulaires


Par définition, il s’agit de polyarthrite atteignant cinq articulations ou plus pendant les 6 premiers mois d’évolution. Ce groupe comporte de rares formes avec présence de facteur rhumatoïde et les formes à début polyarticulaire sans facteur rhumatoïde, hétérogènes. Les diagnostics différentiels sont nombreux.



Formes polyarticulaires avec présence de facteur rhumatoïde


Elles atteignent essentiellement les filles à partir de l’âge de 8 à 10 ans. Elles sont similaires à la polyarthrite de l’adulte, dont elles représentent en fait le début précoce. Il s’agit d’une polyarthrite symétrique à prédominance distale, atteignant les petites articulations des pieds et des mains et souvent les grosses articulations [23]. La synovite peut être discrète au début. Les nodules rhumatoïdes sont très rares. Hormis la révélation d’un syndrome inflammatoire souvent intense, les signes biologiques révèlent la présence de facteurs rhumatoïdes et, fréquemment, celle d’anticorps antipeptides cycliques citrullinés (CCP). L’antigène HLA DR4 est souvent associé à cette forme. La présence de facteurs rhumatoïdes positifs est moins spécifique chez l’enfant et se retrouve dans de nombreuses situations pathologiques (dans le lupus et dans la population générale). Les lésions radiologiques sont sévères et apparaissent rapidement avec une ostéopénie, des appositions périostées puis un pincement des interlignes qui peut aller jusqu’à la fusion des interlignes articulaires. L’atteinte du rachis cervical peut aboutir à une instabilité C1-C2. Le pronostic est sévère avec une évolution chronique et une atteinte articulaire déformante dès les premières années d’évolution.





Spondylarthropathies


Les spondylarthropathies sont classées parmi les AJI. Par extension, le rhumatisme psoriasique, les ostéites multifocales avec le SAPHO (synovite, acné, pustulose, hyperostose et ostéite) ont été intégrés dans ce groupe, car il existe un chevauchement entre ces maladies : elles peuvent s’exprimer de façon variable avec un versant « articulaire » plus ou moins prononcé et des passages entre ces entités sont fréquemment rencontrés au cours de leur évolution.


Les spondylarthropathies juvéniles touchent principalement les patients de sexe masculin après l’âge de 6 ans. Elles représentent 15 à 20 % de l’ensemble des JIA. Elles associent une enthésite à l’atteinte articulaire et au moins deux des critères suivants : douleurs sacro-iliaques et/ou rachialgies inflammatoires, uvéite antérieure aiguë, présence de l’antigène HLA B27, antécédents familiaux d’uvéite, de spondylarthropathie ou de sacro-iléite avec entéropathie inflammatoire chez un parent du premier degré. Les enthèses touchées sont principalement l’insertion calcanéenne du tendon d’Achille, l’aponévrose plantaire et la région tarsienne. De 80 à 90 % des patients sont HLA B27 positifs, alors que cet antigène n’est retrouvé que dans 10 % de la population caucasienne [26]. Des antécédents familiaux sont retrouvés dans 30 % des cas. Des facteurs environnementaux sont également retrouvés (infections à bacille à Gram négatif) dans les modèles expérimentaux. L’atteinte articulaire affecte le plus souvent les articulations des membres inférieurs. Contrairement aux autres sous-types d’AJI, l’atteinte de la hanche est fréquente au début de la maladie. Un aspect particulier associé aux spondylarthropathies est celui d’orteil ou de doigt en saucisse, conséquence d’une arthrite interphalangienne et/ou d’une ténosynovite du fléchisseur. L’atteinte de la hanche domine le pronostic fonctionnel avec l’évolution possible vers une coxite destructrice. Sur les radiographies, il faudra rechercher des lésions caractéristiques qui sont des lésions érosives osseuses et cartilagineuses.


L’atteinte du squelette axial est rare au stade initial [13]. L’examen du squelette axial recherchera une atteinte des sacro-iliaques et vérifiera la mobilité de la charnière dorsolombaire. L’évolution des spondylarthropathies se fait la plupart du temps par poussées successives de durée variable de quelques semaines à plusieurs mois, entrecoupées de périodes de rémission partielle.


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Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on inflammatoires de l’enfant et de l’adolescent : aspects cliniques et orientations thérapeutiques actuelles: Inflammatory rheumatism in children and adolescents: clinical aspects and current treatment approaches

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