1° Les phénomènes d’environnement. — Le problème de l’environnement a été traité objectivement par les spécialistes de la biologie animale qu’on appelle les « éthologistes », ou observateurs des mœurs. Dépassant l’histoire naturelle à la manière de Fabre, ils ont cherché à comprendre l’environnement propre à chaque espèce, c’est-à-dire ce que l’animal perçoit. Les études de Lorenz (1935) ou de Tinbergen (1948), par exemple, ont montré l’existence chez les animaux de stimuli spécifiques, les déclencheurs ou évocateurs de comportements, qui sont de véritables signaux sociaux. De tels signaux ne jouent pas seulement un rôle dans la survie de l’animal, ils ont aussi une importance pour la constitution de sa personnalité : la morphologie de l’animal, son émotivité, certains comportements anormaux, dépendent de la manière dont les animaux ont été élevés par leurs mères.
Des expériences très précises ont été faites en particulier par Harlow (1958-1959) sur rattachement de jeunes singes à des « substituts maternels ». « L’analyse expérimentale de la genèse de l’attachement de l’enfant singe à un substitut maternel inanimé démontre l’énorme importance du contact corporel doux qui caractérise la mère habillée (par rapport à un substitut en fil de fer non habillé de fourrure). L’alimentation ne joue qu’un rôle secondaire ou nul en ce qui concerne le lien affectif, la réaction à la peur et la motivation à chercher et à voir » (Harlow).
Les expériences de Harlow chez les jeunes singes.
2° Les phénomènes de groupe. — Des travaux récents ont montré, à la suite des premières découvertes de Lorenz et Tinbergen, le rôle des facteurs sociaux dans le développement et le comportement des animaux. On en trouvera des relations détaillées dans l’ouvrage collectif (A. Brion, H. Ey et coll.) sur la
Psychiatrie animale, 1968.
Les phénomènes de groupe et de hiérarchie sociale chez les animaux.
C’est ainsi que des rats ou des souris élevés isolément sont moins résistants, moins agressifs, moins adaptables, plus émotifs que les animaux élevés en groupe. La richesse des stimulations pendant la première période de la vie joue un rôle pour les possibilités ultérieures d’adaptation.
Le comportement sexuel et la fécondité varient en fonction du nombre d’individus dans un espace donné, toutes choses égales d’ailleurs (Crew et Mirskaia, 1931 ; Calhoum, 1948). Il semble bien s’agir d’un effet de groupe, d’une « pression sociale » qui agirait sur les glandes endocrines : la tension émotionnelle déclenche une hypertrophie surrénalienne qui à son tour inhibe les gonades. Il paraît démontré, à la suite de nombreuses expériences de ce type, que les stimulations sociales induisent des réponses spécifiques du comportement, qui peuvent modifier, par voie endocrinienne, des fonctions physiologiques et les perturber parfois jusqu’à la maladie (sensibilité aux infections, aux intoxications ou aux stress de toute nature).
D’autres faits intéressants concernent la structure des groupes sociaux. On sait que chez les choukas, par exemple, étudiés par Lorenz, et chez beaucoup d’autres oiseaux, il existe une hiérarchie sociale assez stricte, déterminée par une sorte de lutte de prestance à l’arrivée d’une nouvelle unité dans le groupe. Cette hiérarchie est assez stable, mais elle est remaniable. Il existe des « leaders » et des « parias », parmi lesquels se recrutent les sujets de comportement « névrotique », qui compensent leur infériorité par l’agressivité (P. C. Blin, J.-A. Favreau et M. Meyer-Holzopfil in Psychiatrie animale, 1968).