Ictères

Chapitre 9 Ictères





L’ictère est caractérisé par la coloration jaune des téguments. Il est le plus souvent visible au début sur la conjonctive, endroit le plus clair du tégument. Il est lié à l’augmentation de la bilirubine plasmatique et apparaît généralement lorsque celle-ci dépasse 40 μmol/L. Nous ne traiterons pas ici la cholestase gravidique (cf. supra, chapitre Dermatoses de la grossesse) ni l’ictère du nouveau-né.



DIAGNOSTIC


Devant l’ictère, le praticien doit éliminer une urgence (ictère fébrile, ictère avec insuffisance hépatique, ictère par obstacle d’apparition brutale) et déterminer l’étiologie, en distinguant les ictères à bilirubine libre et ceux à bilirubine conjuguée.


Devant un ictère à bilirubine libre prédominante, les urines sont claires et une hémolyse est recherchée (NFS plaquettes, réticulocytes, LDH, haptoglobine).


Devant un ictère à bilirubine conjuguée, les urines sont foncées et une cholestase est recherchée (présence d’un prurit cliniquement). En sa présence, un examen d’imagerie est à effectuer afin de déterminer la présence ou non d’un obstacle sur les voies biliaires. Les ictères à bilirubine conjuguée sont les plus fréquents, mais la cholestase n’est qu’une des causes des ictères. La présence de douleurs à type de colique hépatique est un argument pour une origine lithiasique de l’ictère.


Les autres colorations jaunes des téguments sont exceptionnelles et souvent d’origine alimentaire.


La démarche diagnostique repose tout d’abord sur l’interrogatoire et l’examen clinique.





inline Examens complémentaires


Les examens à demander en première intention sont biologiques et échographiques.




inline Examens d’imagerie



Échodoppler


En première intention, en cas d’ictère à bilirubine conjuguée, il s’agit d’une échographie-Doppler abdominal à demander et à obtenir en urgence. Cet examen permet de déterminer s’il existe un obstacle sur les voies biliaires extrahépatiques, nécessitant une prise en charge chirurgicale ou endoscopique urgente, en visualisant une dilatation des voies biliaires extrahépatiques. Il permet aussi souvent de déterminer la nature de l’obstacle (tumeur, adénopathie, etc.).


La lithiase biliaire s’observe sur l’échographie par la présence de formations hyperéchogènes avec cône d’ombre postérieur dans la vésicule ou les grosses voies biliaires. Rappelons que la lithiase biliaire est fréquente dans la population générale et qu’elle n’est pas forcément en cause dans la pathologie.


Le siège de la dilatation des voies biliaires permet de déterminer celui de l’obstacle, en se souvenant que celles-ci se dilatent au-dessus de l’obstacle. En cas d’obstruction de la convergence des canaux hépatiques, les voies biliaires intrahépatiques sont dilatées harmonieusement. En cas d’obstruction sur la voie biliaire principale, le canal hépatique commun est dilaté. En cas d’obstruction cholédocienne, la vésicule et le canal hépatique sont dilatés. En cas d’obstacle pancréatique, le cholédoque et le canal hépatique commun sont dilatés.


L’échographie permet de plus de rechercher des signes en faveur d’une cirrhose (anomalies morphologiques hépatiques, ascite, signes d’hypertension portale), d’un foie cardiaque (dilatation des veines sus-hépatiques et de la veine cave inférieure), d’étudier l’état du système veineux portal et sus-hépatique, de rechercher des lésions suspectes, en particulier pancréatiques, une lithiase biliaire ou des adénopathies profondes.







URCENCES 1 : ICTÈRES FÉBRILES


Les ictères fébriles relèvent de l’urgence.




inline Ictère à bilirubine conjuguée


La cholestase peut être ici intra- ou extrahépatique. L’enquête étiologique devra s’accompagner d’un diagnostic de gravité, afin de ne pas retarder la prise en charge des pathologies urgentes (angiocholite, choc septique, hépatite fulminante, etc.).


L’interrogatoire recherche :









inline Voies biliaires dilatées



Angiocholite


Le premier diagnostic à évoquer est celui d’une angiocholite. L’ictère est ici à bilirubine conjuguée. Le malade est hospitalisé en urgence.


Il s’agit d’une infection des voies biliaires d’origine bactérienne. Une septicémie est souvent associée, principalement à bacilles gram négatif, d’origine intestinale.


Les symptômes caractéristiques sont la succession dans l’ordre d’une douleur de l’hypochondre droit, d’une fièvre puis de l’ictère.


L’angiocholite survient d’abord sur un terrain de lithiase de la voie biliaire principale ou des gros canaux biliaires. Plus rarement, l’angiocholite est secondaire à un obstacle non lithiasique prolongé, comme un cancer ou une cholangite sclérosante primitive.


Biologiquement, il existe un syndrome inflammatoire (hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, élévation de la CRP), une cholestase. Des hémocultures sont réalisées, particulièrement au moment des pics fébriles. Une insuffisance rénale est recherchée.


L’échographie pratiquée en urgence montre le plus souvent une dilatation des voies biliaires signant l’obstacle. Les douleurs de l’hypochondre droit précédant la fièvre et l’ictère évoquent un obstacle, même si les voies biliaires ne sont plus dilatées au moment de l’échographie.






inline Voies biliaires non dilatées



Sepsis graves


Les sepsis graves peuvent s’accompagner d’un ictère. Il faut se méfier d’un choc septique, nécessitant le transfert en urgence par SAMU en réanimation et la perfusion en urgence d’un soluté de remplissage. Les germes le plus souvent en cause sont les bacilles gram négatif.



Leptospirose

Un ictère fébrile peut se voir lors de la forme ictérique pluriviscérale de la leptospirose, plus souvent due à Leptospira ictero- haemorraghiae. Cliniquement, on observe un ictère au 3e jour classiquement d’un syndrome grippal chez un patient avec des facteurs de risque (baignade en eau douce, pêche, canoë-kayak, égoutier, vétérinaire, pisciculture, employé d’entretien des réseaux d’eau, etc.). Il existe un ictère à bilirubine conjuguée, souvent associée à une insuffisance rénale par néphrite tubulo-interstitielle. Des douleurs thoraciques, des hémoptysies, des myocardites ou péricardites peuvent également s’observer. Il peut exister un syndrome hémorragique en rapport avec une thrombopénie. Il faut craindre un choc septique, cardiogénique ou un syndrome de détresse respiratoire de l’adulte.


Le patient doit être hospitalisé. Le traitement antibiotique probabiliste est débuté en urgence. En l’absence d’insuffisance rénale, on peut proposer la doxycyline à la dose de 200 mg/j. Les autres thérapeutiques possibles sont l’amoxicilline 100 mg/kg/j en intraveineuse ou la ceftriaxone 1 g/j en intraveineuse pendant 7 à 10 jours. Les complications sont recherchées. Le diagnostic est confirmé par la sérologie, positive à partir du 8e/10e jour d’évolution.


Il faut contacter le centre de référence national des leptospires (Laboratoire des Spirochètes, Institut Pasteur, 25-28 rue du Dr Roux 75724 Paris CEDEX 15 France, 01 45 68 83 37, spiro@ pasteur.fr).


En cas de profession exposée, il s’agit d’une maladie professionnelle. Le traitement préventif repose sur la protection lors du contact avec l’eau possiblement souillée (gants, bottes, lunettes, combinaisons), la protection des plaies et les mesures d’hygiène en cas de plaie (lavage et antisepsie). Il existe une vaccination (vaccin Spirolept) à proposer particulièrement aux professions exposées.


Les infections graves à salmonelles, légionelle, pneumocoque, les mycobactérioses, la brucellose, la fièvre Q, les bartonelloses peuvent entraîner également un ictère fébrile à bilirubine conjugué, sans dilatation des voies biliaires et avec une cytolyse.


Les septicémies à Clostridium perfringens se voyaient après les avortements clandestins et ne se voient pratiquement plus.


Les thromboses (portale, Budd-Chiari, plus rarement de l’artère hépatique) peuvent également entraîner un ictère fébrile à bilirubine conjuguée, sans dilatation des voies biliaires.

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May 26, 2020 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on Ictères

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