Tableau 7-1 Ordre de grandeur des doses délivrées à l’utérus par les clichés standard (en mGy) Tableau 7-2 Ordre de grandeur des doses délivrées au volume exploré et à l’utérus par les examens tomodensitométriques (en mGy, pour une seule série) Tableau 7-3 Ordre de grandeur des doses délivrées à l’enfant par les explorations de médecine nucléaire réalisées chez la mère
Grossesse et exposition médicale
Doses délivrées par l’exposition médicale
En radiodiagnostic
Radiologie conventionnelle
Incidences
Dose à l’entrée
Dose à mi-épaisseur
Rachis lombaire de face
15
1,5
Rachis lombaire de profil
30
2,5
Abdomen sans préparation
12
1,5
Bassin de face
12
1,5
Pelvimétrie
50
6
Urographie intraveineuse (10 clichés)
100
12
Lavement baryté (10 clichés)
120
15
Artériographie abdomen et membres inférieurs
200
15
Tomodensitométrie (TDM)
Région explorée
Dose au volume
Dose à l’utérus
Tête
40
< 0,01
Thorax
15
0,1
Abdomen (pelvis non exploré)
20
5
Pelvimétrie TDM
3
3
Pelvis
25
25
Rachis lombaire
15
10
En médecine nucléaire
Radio élément
Examen
Activité administrée à la mère (en MBq)
Dose reçue par l’enfant début de grossesse (mSv)
Dose reçue par l’enfant fin de grossesse (mSv)
99mTc
scintigraphie osseuse
750
5
2
99mTc
perfusion pulmonaire
200
0,5
0,8
99mTc
ventilation pulmonaire
40
0,2
0,1
99mTc
thyroïde
400
4
4
99mTc
fonction rénale
750
7
4
67Ga
abcès, tumeur
190
16
25
123I
captation thyroïdienne
30
0,5
0,3 (30 mGy à la thyroïde)
131I
recherche métastases
40
3
11 (30 Gy à la thyroïde)
En radiothérapie
Effets des rayonnements sur la grossesse
Effets malformatifs (tératogenèse)
Effets potentiels d’une exposition en fonction du stade de la grossesse (fig. 7-1)
Avant l’implantation (J8 ou une semaine post-conception)
Pendant l’organogenèse (du 9e jour au début de la 9e semaine post-conception)
Stay updated, free articles. Join our Telegram channel
Full access? Get Clinical Tree
Grossesse et exposition médicale
7
L’exposition aux RX d’une femme enceinte, patiente ou professionnelle engendre très souvent une inquiétude disproportionnée au risque et des conduites inadaptées. La plus extrême de ces conduites aboutira à une interruption de grossesse demandée par une patiente, sinon préconisée par un médecin, pour une exposition en réalité sans risque pour l’enfant à naître. Parfois, au nom d’un principe de précaution dévoyé, on pourra priver une femme enceinte du bénéfice d’un examen diagnostique qui n’aurait eu aucun effet sur l’enfant à naître, au risque de retarder un diagnostic et de laisser évoluer une affection qui ne pourra manquer de retentir sur l’enfant qu’elle porte. Pour les femmes professionnellement exposées, la « mise hors rayons » désorganise parfois le fonctionnement de petites structures et peut engendrer une discrimination à l’embauche et au travail. Ce chapitre envisage les ordres de grandeur de l’exposition en radiodiagnostic, la physiopathologie des risques encourus par l’enfant à naître en fonction de la période de la grossesse, puis la conduite à tenir dans les différentes situations d’exposition, fondée sur les récentes recommandations de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR 84).
Le tableau 7-1 donne quelques exemples de doses délivrées par des examens courants, pouvant intéresser, au moins partiellement, l’abdomen d’une femme enceinte.
Les doses délivrées au volume exploré en TDM sont en règle plus importantes et plus homogènes qu’en radiographie conventionnelle, en raison de la rotation du tube autour du patient. La dose délivrée doit être appréciée dans le volume entier.
Les résultats des publications de dosimétrie du scanner présentent aussi une grande variabilité, moins dispersés cependant que ceux de la radiologie conventionnelle. Ici encore nous fournissons un ordre de grandeur de la dose délivrée au volume exploré par chaque type d’exploration (tableau 7-2 ).
L’avènement des scanners ultrarapides, multicoupes en acquisition hélicoïdale a fait disparaître un frein naturel à l’exposition qui était le facteur temps ; une exploration du thorax et de l’abdomen peut être effectuée aujourd’hui en 30 secondes et il n’est pas rare de voir des examens ayant comporté trois passages sur le même volume, délivrant ainsi à ce volume des doses supérieures à 60 mGy. Pour ce qui concerne l’exposition utérine, il faut noter que le scanner, utilisant un faisceau étroitement collimaté ne délivre de dose significative que lorsque le volume exploré contient l’utérus. Ainsi, un scanner de la tête ou du cou ne délivre pas de dose significative à l’utérus, un scanner thoracique tel qu’il peut être pratiqué pour recherche d’une embolie pulmonaire chez une femme enceinte, délivre, en fin de grossesse, moins de 0,2 mGy à l’utérus. En revanche, si le volume exploré contient l’utérus, l’intégralité de la dose sera délivrée à l’embryon ou au fœtus. Par exemple, pour un scanner pelvien qui délivre 25 mGy au volume, la dose efficace reçue par l’enfant in utero sera de 25 mSv. Si l’examen comporte trois séries, la dose totale sera de 75 mSv.
En médecine nucléaire, les doses reçues par l’enfant in utero sont différentes en début et en fin de grossesse. Le tableau 7-3 montre que pour la plupart des examens, la dose reçue à l’organisme entier reste faible, inférieure à 5 mSv mais que le réel problème se situe à la thyroïde en cas d’administration d’iode 131. La glande thyroïde est fonctionnelle après la 8e semaine suivant la conception. Une scintigraphie à l’iode 131 réalisée de la 9e semaine au 9e mois induira une insuffisance thyroïdienne aux conséquences très graves sur le fœtus.
Pour la médecine nucléaire se pose en outre le problème de l’exposition des personnes de l’entourage, donc éventuellement d’une femme enceinte, lorsque le patient n’est plus hospitalisé. En fait, le calcul montre qu’une personne se tenant en permanence à 50 cm d’un patient ayant reçu une dose thérapeutique pour cancer de la thyroïde recevrait une dose totale, jusqu’ à décroissance complète (10 semaines), un peu inférieure à 7 mGy. Il est donc très improbable que les conditions de proximité avec une femme enceinte soient telles que la dose reçue par l’enfant in utero puisse atteindre la limite (arbitraire) de 1 mSv fixée pour le public. Néanmoins, pour éviter toute exposition inutile, on recommande à ces personnes d’ éviter un séjour prolongé à proximité des femmes enceintes et des enfants.
La survenue d’un cancer au cours de la grossesse est une éventualité rare mais non exceptionnelle. La fréquence est d’environ 1 pour 1 000 grossesses, ce qui amène à discuter une éventuelle radiothérapie chez plusieurs centaines de femmes enceintes chaque année en France.
Pour les champs de traitement éloignés du pelvis (tête, cou, membre), les doses reçues par l’enfant sont relativement faibles. Elles sont beaucoup plus élevées lorsque le pelvis – ou l’abdomen en fin de grossesse – se trouve en bordure du champ d’irradiation, particulièrement lorsqu’on utilise le rayonnement du cobalt 60, moins bien délimité que celui des accélérateurs. À titre d’exemple, l’exposition fœtale totale due au rayonnement diffusé sera de 30 mGy environ lors de l’irradiation d’une tumeur cérébrale de la mère mais elle pourra atteindre, pour certaines parties du fœtus, 0,5 à 1 Gy lors de traitement d’une maladie de Hodgkin. À l’extrême, les doses délivrées à l’utérus pour le traitement d’un cancer du col sont telles qu’elles pourront entraîner la mort fœtale.
Ces effets sont de deux types : un risque malformatif et l’induction de cancer à long terme.
Trois notions très importantes sont à retenir d’emblée :
• ce sont des effets déterministes, qui procèdent de mécanismes de mort cellulaire et qui n’apparaissent qu’au-dessus d’un seuil ;
• la sensibilité de l’enfant en formation n’est pas constante au cours de la grossesse ;
• l’incidence spontanée de malformations est élevée, 3 % des grossesses. Le retard mental, associé ou non à un syndrome malformatif, a la même incidence de 3 %.
Au stade de pré-implantation l’ œuf est au stade de morula. Chacune des cellules qui le constituent est capable de produire un embryon normal. Si une ou plusieurs d’entre elles sont tuées, la multiplication des autres permet de compenser. L’effet d’une exposition obéit donc à la loi du tout ou rien : si toutes les cellules ont été lésées la grossesse s’arrête et n’est même pas décelée (pas de retard de règles). Si les lésions ne portent que sur une partie des cellules, la grossesse se poursuit normalement.
C’est pendant cette période que la radiosensibilité est la plus forte, particulièrement entre la 3e et la 5e semaine post-conception. Les cellules sont différenciées et se divisent rapidement. La mort d’un groupe de cellules peut occasionner à ce stade l’arrêt de développement, partiel ou total, d’un organe ou d’un membre, engendrant une malformation majeure. Il s’agit d’un risque déterministe qui n’apparaît qu’au-dessus d’un seuil, que la plupart des auteurs situent aux environs de 200 mGy.