Chapitre 11 Pectus excavatum
correction chirurgicale par la mise en place d’une prothèse pariétale en silicone sur mesure
GÉNÉRALITÉS
Épidémiologie
Incidence
L’incidence varie entre 1/300 et 1/1000 naissances selon les publications [8,13,15,17,25,39]. Il s’agit donc d’une pathologie relativement fréquente. Elle est cinq fois plus fréquente qu’une autre malformation thoracique : le pectus carinatum ou thorax en bréchet. À noter que le pectus excavatum est rare chez les populations africaine, latine et asiatique.
Prédisposition génétique
Une histoire familiale est retrouvée à l’interrogatoire dans 37 % des cas environ [6]. Un caractère familial a été retrouvé, avec un mode de transmission de type mendélien. Dans le cadre de l’association clinique pectus excavatumscoliose idiopathique de l’adolescent, un locus chromosomique a pu être mis en évidence sur le chromosome 18 q [20]. Il s’agit d’un argument fort en faveur d’une origine génétique.
Chronologie du pectus excavatum : dates clés
Dates clés | Événements |
---|---|
1594 | Première description clinique par Bauhinus |
1882 | Ebstein : dénomination « thorax en entonnoir » |
1911 | Première correction chirurgicale par Meyer |
1949 | Correction chirurgicale par la technique de Ravitch |
1957 | Classification de Chin |
1965 | Correction chirurgicale par la technique de comblement par prothèse (Murray) |
1987 | Correction chirurgicale par la technique de Nuss |
Étiopathogénie
Bauhinus émet le premier l’hypothèse selon laquelle la morphologie du thorax, si particulière, serait due à une traction anormale du diaphragme. La configuration ostéocartilagineuse du thorax serait modifiée par les forces de traction musculaire de ce muscle. De 1594 avec Bauhinus à 1957 avec Chin [10], cette hypothèse étiologique était acceptée et soutenue par la majorité des auteurs. La présence d’un tendon entre le diaphragme et la face dorsale du sternum expliquait la dépression de la paroi thoracique antérieure. La cure chirurgicale de cette malformation avait donc pour objectif la correction de cette aberration anatomique.
Cependant, d’autres hypothèses sont actuellement à l’étude. Une équipe de chercheurs chinois [14] s’est intéressée aux cartilages costaux de pectus excavatum et les a comparés à une population témoin. Contrairement aux cartilages témoins, les résultats objectivent une résistance en tension, flexion et compression, inférieure dans le groupe cartilages pectus. Alors qu’en microscopie optique la structure du collagène est la même dans les deux groupes, la microscopie électronique révèle des différences dans la répartition du collagène au sein du cartilage. Cette équipe soumet donc l’hypothèse d’une anomalie primitive du cartilage.
Histoire naturelle de la déformation
La progression de la dépression est difficile à prévoir. Dans 86 % des cas, la déformation est visible dès la naissance [31]. Elle se majore progressivement avec la croissance du sujet. La disgrâce esthétique se fait de plus en plus ressentir avec la scolarisation du patient et la demande de correction intervient généralement à l’adolescence.
Seuls 15 % des patients porteurs de cette malformation auront recours à la chirurgie [16]. Ce dernier chiffre est très intéressant car il soulève indirectement la question du retentissement fonctionnel cardiopulmonaire. Si seulement 15 % des patients porteurs de pectus excavatum ont recours à la chirurgie, les 85 % restants ne doivent pas avoir de retentissement fonctionnel tel qu’il y ait besoin d’un traitement fonctionnel de cette malformation.
ANATOMIE CHIRURGICALE
Anatomie clinique
Le pectus excavatum est défini par un enfoncement du plastron sternochondrocostal à grand axe vertical le plus souvent, médian ou latéralisé [9]. Il intéresse la deuxième partie du sternum, allant de la troisième à la huitième côte. La profondeur de la dépression est plus ou moins importante. Les auvents costaux et le cartilage commun des côtes inférieures peuvent être relevés, majorant ainsi la profondeur de la dépression.
Le fond de la déformation correspond au corps sternal et à l’articulation corpoxiphoïdienne.
La berge craniale correspond à l’articulation entre manubrium et corps sternal.
La berge caudale correspond à la paroi abdominale antérieure.
Évaluation clinique
Classification de Chin
Évaluation objective : index radiologique
Ainsi, l’index de Haller [21] est calculé à partir d’une coupe transversale de scanner. La coupe sélectionnée correspond à celle où la dépression est la plus marquée. L’index correspond au rapport diamètre transversal interne du thorax divisé par la distance entre la face dorsale du sternum et la face ventrale du corps vertébral (figure 11.4).
D’autres index radiologiques ont été développés [24], mais seul l’index d’Haller est utilisé en pratique courante dans la littérature.
INDICATION CHIRURGICALE
Disgrâce esthétique, retentissement psychologique et social
Vis-à-vis du monde extérieur et des relations interindividuelles, les malformations thoraciques en général (pectus excavatum, arcuatum et carinatum) ne génèrent pas, à la différence des malformations des mains ou de la face, de sentiment de sympathie, mais plutôt un sentiment de curiosité déplacé [40].
Mise au point sur le retentissement cardiopulmonaire
Evidence-based medicine et retentissement pulmonaire
La recherche d’une altération des paramètres ventilatoires est le thème de nombreuses communications scientifiques plus ou moins rigoureuses dans leurs méthodologies. Les données de la littérature sont délicates à interpréter, car les résultats sont divergents. Alors qu’Aronson et al. [2] retrouvent une stabilité de la fonction pulmonaire après chirurgie, les études menées par Kubiak et al. [26], Haller et Loughlin [22] ou Borowitz et al. [4] objectivent clairement une amélioration. De même, si les premières données à moyen terme de l’équipe de Sigalet [3,41,42] objectivent une altération des paramètres ventilatoires, le suivi à plus long terme retrouve une amélioration des capacités aérobies. Tant la méthodologie employée que l’objectif à démontrer diffèrent… En effet, les techniques chirurgicales sont différentes (Nuss, Ravitch ou autre), le recul varie d’une étude à l’autre, l’âge moyen des patients d’une série est grandement variable. Les groupes de patients sont hétérogènes quant à l’âge et à la sévérité de la malformation, souvent non renseignée. Toutes ces études ont été classées en grade B ou C selon l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) [1]. Elles ne correspondent donc qu’à de simples présomptions scientifiques.
Un seul article est intéressant et de bon niveau de preuve, celui de l’équipe de Malek publié en 2006 [28]. Il s’agit d’une revue systématique de la littérature, réalisée de 1960 à 2005, incluant 13 études dans la méta-analyse. Elles ont toutes une méthodologie rigoureuse et stricte, garantes théoriquement d’un bon niveau de preuve.
Evidence-based medicine et retentissement cardiaque
Il n’existe actuellement aucun consensus dans la littérature sur le retentissement cardiaque. De multiples études ont été menées avec des résultats divergents sur l’amélioration apportée par la chirurgie sur le coeur. Ces études comportent souvent très peu de cas et ne permettent pas à elles seules d’avancer dans la discussion. Une récente méta-analyse sur le retentis sement cardiaque a été publiée dans l’American Journal of Cardiology [19].
CHIRURGIE REMODELANTE THORACIQUE : PRÉSENTATION DES DEUX TECHNIQUES
Intervention de Ravitch modifiée [11,12,34]
Généralités
Historiquement, la première description de la technique revient à Brown en 1939 [7]. Elle a été successivement modifiée par Ravitch en 1949 [38] et améliorée par Welch en 1958 [44].
Description de la technique
Voie d’abord
Classiquement, l’incision cutanée est sous-costale bilatérale. Dans la description originale de Ravitch [38], elle s’étendait latéralement, de la ligne axillaire antérieure de chaque côté, et remontait médialement en décrivant une courbe convexe vers le haut, avec à son sommet l’appendice xiphoïde. Cette voie d’abord s’est progressivement minimisée, avec actuellement un abord épigastrique convexe vers le haut et descendant latéralement vers le sillon sous-mammaire.
Relèvement de l’auvent musculoaponévrotique
La dissection sous-périchondrale permet de relever les deux muscles pectoralis major en monobloc, facilitant ainsi leur réinsertion ultérieure (figure 11.5). La préservation du périchondre et du périoste améliore la consolidation. Le plan chirurgical sternochondrocostal apparaît alors. Caudalement, les muscles rectus abdominis et leurs aponévroses sont désinsérés.
11.5 Exposition du plastron sternochondrocostal jusqu’aux troisièmes cartilages.
(D’après Conti M, Benhamed L, Porte H, Wurtz A. Traitement chirurgical des malformations de la paroi thoracique antérieure par sternochondroplastie. Encyl Méd Chir [Elsevier Masson, Paris]. Tecniques chirurgicales – Thorax, 42–483. 2008 : 10 p.)