et Syndrome D’apnées Obstructives du Sommeil

Chapitre 15 Ronflements et Syndrome D’apnées Obstructives du Sommeil




Le ronflement prête à rire et semble davantage une gêne sociale source de conflit conjugal qu’un problème médical. Il se complique pourtant de surdité et, plus redoutable, dans 10 % des cas, d’un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, insidieux et d’autant plus grave qu’il demeure longtemps ignoré. Burwell en 1956 décrit un cas « d’une obésité extrême associée à une hypoventilation alvéolaire, une insuffisance cardiaque droite et une somnolence », qu’il a dénommé « syndrome de Pickwick » en souvenir du personnage de Dickens, Joe, cocher obèse, qui s’endormait partout. En 1965, Gastaut décrit les pauses respiratoires nocturnes d’un cas de syndrome de Pickwick. Même si le syndrome de Pickwick ressemble peu au syndrome d’apnées du sommeil dont il constitue le tableau clinique le plus évolué et le plus rare, il a permis d’attribuer la somnolence diurne à un trouble respiratoire nocturne. Par la suite, les enregistrements nocturnes de patients somnolents ont montré que des sujets ni très obèses ni atteints d’insuffisances cardiaque ou respiratoire pouvaient, eux aussi, s’arrêter de respirer pendant la nuit. Grâce aux ordinateurs qui rendent plus simple et plus rapide l’interprétation des enregistrements du sommeil, un réel essor a été donné au dépistage du syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), à son traitement et à la recherche clinique. Le SAOS est aujourd’hui considéré comme la cause la plus fréquente de somnolence diurne, en particulier au volant d’un véhicule, ce qui en fait un problème de Santé publique majeur. L’arrêté de loi publié le 7 mai 1997 interdit la conduite automobile aux sujets atteints de pathologie du sommeil.



SOMMEIL ET MÉCANISME DU SAOS


Le SAOS est actuellement défini par la répétition d’occlusions complètes (apnées) ou incomplètes (hypopnées) du pharynx. Dès l’endormissement, les muscles du pharynx, dont le tonus est réduit par le sommeil, sont littéralement «aspirés» dans les voies aériennes sous l’effet de la pression négative intrathoracique et les bloquent comme le ferait un corps étranger. La respiration cesse, c’est une «apnée», ou elle est très réduite, c’est alors une hypopnée. Le cerveau envoie, plus ou moins vite, l’ordre aux muscles du thorax et de l’abdomen de se contracter pour augmenter la pression thoracique et lever l’obstacle. Cette contraction musculaire provoque un «microéveil» (un éveil bref d’une durée d’une seconde environ) qui ne réveille pas complètement le patient, mais qui empêche la progression du sommeil vers les stades profonds. Le patient se rendort, le même phénomène se reproduit : aspiration des muscles, blocage de la respiration et microéveil. Cela se traduit par un sommeil de nuit fragmenté, mal organisé et peu profond.


Le sommeil normal est organisé en 4 à 6 cycles de 60 à 90 minutes, comportant, dans l’ordre, les stades 1 et 2, stades légers du sommeil, puis les stades 3 et 4, stades profonds du sommeil, puis le sommeil de rêve, appelé sommeil paradoxal. Après le sommeil paradoxal, un nouveau cycle commence avec les stades 1 puis 2, etc. Le SAOS, qui provoque des microéveils, déstructure l’architecture du sommeil, altère sa continuité et réduit l’abondance des stades profonds et du sommeil paradoxal. Dans les cas sévères, il ne reste qu’une succession de stades 1 et 2 et de microéveils, les stades profonds et le sommeil paradoxal ayant totalement disparu.


Ce sommeil, qui n’est pas récupérateur, est même devenu dangereux, car, lors de chaque apnée, survient une hypoxie. Fait aggravant, la fin d’une apnée s’accompagne d’une réponse de stress (sécrétion de catécholamines), qui à son tour provoque des troubles du rythme cardiaque et de la pression artérielle. Au cours du SAOS, les muscles pharyngés sont soumis à la fois à des efforts locaux constants et à un contrôle central perturbé par l’hypoxie et la somnolence. Leur dynamique et leur structure histologique en sont modifiées. Spontanément, le SAOS, non réversible, ne peut que s’aggraver.



ÉPIDÉMIOLOGIE DU SAOS


La meilleure étude épidémiologique a été réalisée aux États-Unis, parmi une population saine d’employés de l’État du Wisconsin, âgés de 30 à 60 ans : un SAOS peu sévère (indice d’apnées < 5/heure) était présent chez 1 adulte sur 5 et un SAOS modérément sévère (indice d’apnées > 15/heure) chez 1 adulte sur 15. Cette étude montrait aussi que le diagnostic du SAOS est encore très sous-estimé et que, parmi les patients somnolents, 93 % des femmes et 82 % des hommes n’avaient pas été reconnus.


L’existence d’une anomalie anatomique maxillofaciale congénitale ou acquise, le sexe masculin et l’âge sont des facteurs de risque clairement identifiés de survenue du ronflement et du SAOS. Mais, dans la majorité des études épidémiologiques, l’obésité reste le facteur prédictif le plus sûr.


Certaines conditions favorisent l’apparition d’apnées chez la femme : l’obésité morbide tronculaire, la grossesse et la ménopause. La distribution graisseuse joue un rôle, les obésités tronculaires entraînant plus d’apnées que les obésités gynécoïdes. Ces femmes représentent environ 12 % de la population apnéique totale. Pendant la grossesse, le ronflement s’installe, surtout pendant les trois derniers mois. La prise de poids, les changements hormonaux, la congestion nasale et l’œdème pharyngé peuvent expliquer ces modifications respiratoires. Chez la femme enceinte, le ronflement paraît être un risque, indépendant du poids, de l’âge et du tabagisme, de développer une hypertension artérielle et une prééclampsie. Après la ménopause, le sommeil se désorganise, l’insomnie devient très fréquente. Le ronflement et le SAOS sont également plus fréquents et favorisent l’apparition d’hypertension artérielle. L’âge, les modifications hormonales, le gain de poids et l’utilisation de médicaments anxiolytiques, hypnotiques ou antidépresseurs sont autant de facteurs à l’origine des anomalies respiratoires du sommeil chez les femmes ménopausées. Dans ce groupe, la prévalence du SAOS est évaluée à au moins 2,5 %


Chez l’homme comme chez la femme, le SAOS est parfois secondaire à une hypothyroïdie qui provoque une infiltration des tissus mous de l’oropharynx et une macroglossie. Lors du diagnostic d’un SAOS, il est conseillé de demander un dosage de la TSH. Dans notre population de patients 6 % d’entre eux souffraient d’une hypothyroïdie qui n’avait pas été reconnue. Des études montrent toutefois que la prévalence de l’hypothyroïdie chez la femme apnéique est comparable à celle de femme du même âge non apnéique, c’est-àdire environ 5,9 %. L’acromégalie est classiquement associée au SAOS, car elle provoque, entre autre, une macroglossie et une modification de la structure oropharyngée. La chirurgie de l’adénome hypophysaire responsable n’améliore pas toujours le SAOS, ce qui suggère que certaines anomalies structurales ou biochimiques dues à l’acromégalie et responsables du SAOS ne sont pas réversibles.


Le SAOS idiopathique est considéré comme une maladie génétique complexe. L’étude de familles de plusieurs pays a montré l’agrégation familiale de l’indice d’apnées-hypopnées et des symptômes cliniques chez les adultes et les enfants. Aux facteurs génétiques sont associés certains marqueurs phénotypiques déjà cités tels que les anomalies des voies aériennes supérieures, les troubles du contrôle ventilatoire et l’obésité. La composante génétique du SAOS apparaît influencée par l’ethnie. Dans les familles caucasiennes ont été identifiées des liaisons génétiques sur la carte du génome humain commun au SAOS et à l’obésité.


Un continuum physiopathologique entre ronflement et SAOS de sévérité croissante est une hypothèse attrayante : après 10 ans de ronflement, la structure des muscles oropharyngés s’est modifiée, ce qui les rend à la fois plus volumineux et plus faciles à se collaber.



DIAGNOSTIC






COMPLICATIONS DU SAOS



inline Complications neurologiques



inline Somnolence


La somnolence, c’est-à-dire la survenue d’endormissements involontaires et inappropriés est le premier symptôme d’un SAOS chez un ronfleur. Il ne s’agit ni de fatigue ni de manque d’énergie, ces deux plaintes survenant de façon indépendante. Les endormissements dans la journée n’ont aucun caractère irrépressible ou récupérateur. La somnolence est évaluée en questionnant le patient ou, de façon plus formelle mais toujours subjective, en lui faisant remplir des échelles analogiques (Karolinska, Stanford, etc.) ou plus circonstancielles dans lesquelles le pouvoir soporifique de chaque situation intervient directement, comme l’échelle d’Epworth, par exemple. Celle-ci a le mérite de permettre une forme de « pondération » de la somnolence, plus acceptable si l’endormissement survient dans des circonstances passives et monotones (long voyage en transport public, par exemple) que lors d’une situation plus stimulante comme une discussion avec un ami. Même l’échelle d’Epworth n’est pas infaillible et son utilité dépend beaucoup de l’honnêteté et de la motivation du patient. Il existe des tests plus objectifs, comme ceux de latence multiple d’endormissement et de maintien d’éveil, bien codifiés et valables dans leurs résultats, mais ils sont plus lourds et onéreux. La pupillométrie repose sur l’observation qu’une vigilance intacte s’accompagne d’une pupille dilatée et stable, tandis qu’une baisse de vigilance entraîne une pupille petite et instable. Elle a été testée en aéronautique et en conduite automobile, mais sa valeur est incertaine pour le dépistage de la somnolence, puisque plusieurs conditions médicales et médicamenteuses modifient aussi le diamètre pupillaire.

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May 26, 2020 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on et Syndrome D’apnées Obstructives du Sommeil

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