Chapitre 12 Impuissance et Dysfonction Érectile
DÉFINITION
L’insuffisance érectile touche un tiers de la population de plus de 60 ans. Handicap social et relationnel, elle représente par ailleurs un marqueur précurseur de la maladie cardiovasculaire dont elle doit provoquer le bilan. La recherche d’une étiologie est effectuée par l’interrogatoire et l’examen clinique. Il n’y a que très peu de place pour les investigations complémentaires en dehors du bilan hormonal. Le développement des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type V a permis une révolution dans la prise en charge de cette pathologie.
Le terme d’impuissance doit être abandonné au profit de « dysfonction érectile » ou de « dysérection » ou mieux encore d’« insuffisance érectile ». En effet, le terme d’impuissance porte une lourde connotation péjorative et peut entraîner un sentiment de culpabilité. L’impuissance virile est en fait vécue par l’homme souffrant de cette dysfonction comme un handicap social et relationnel.
En pratique, l’insuffisance érectile se définit comme une rigidité pénienne insuffisante pour permettre d’obtenir un rapport sexuel satisfaisant. Elle peut être modérée, se manifestant par une diminution de la rigidité, de la taille ou de la durée de l’érection, ou bien plus sévère, allant jusqu’à l’absence totale de rigidité et une flaccidité rebelle.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Elle peut se rencontrer à tout âge : au début de l’activité sexuelle souvent en relation avec une anxiété de performance des premiers rapports, ou à l’opposé apparaître avec l’âge. En fait, son incidence croit avec la sixième décennie.
Le rapport Kinsey en 1948 avait déjà posé le problème de la dysfonction érectile en fonction de l’âge en observant un déclin progressif de l’activité sexuelle masculine à partir de 40 ans. Cette étude avait conclu que 70 % des couples avaient une sexualité active à 70 ans, la fréquence moyenne des rapports à cet âge étant de 0,3 rapport par semaine. Depuis de nombreux travaux ont permis de mieux étudier la sexualité humaine, en particulier, les travaux de Master et Johnson dans les années 1960 et dans les années 1990, une étude d’une cohorte de population masculine avait montré que la prévalence des dysérections était au alentour de 10 % dans la population générale (de 18 à 59 ans), de 20 % dans une tranche plus âgée (de 50 à 59 ans) et mettait en évidence un lien manifeste entre la dysfonction sexuelle et le vieillissement mais également une corrélation avec les problèmes de santé générale. En 1994, Feldman a permis d’étudier 1 290 hommes âgés de 40 à 70 ans et a défini la prévalence cumulée des troubles érectiles à 52 % repartis en trois degrés d’impuissance : minime (17,2 %), modéré (25,2 %) et complète (9,6 %). En France, l’étude SPIRA (1993) sur près de 9 000 sujets masculins révèle 19 % de dysérection sur une population générale. Schématiquement, nous retiendrons qu’au moins un tiers de la population française âgée de 60 à 80 ans présente une insuffisance érectile totale ou partielle.
La prise en charge des dysfonctions érectiles ne doit pas être considérée comme un traitement de confort. La plainte sexuelle est authentique, une angoisse, une douleur, une lésion intime, et touche à l’intégrité de l’être masculin et par conséquent entraîne des dysfonctions du couple. Elle doit être considérée comme un réel problème médical dont nous devons prendre conscience et l’intégrer dans la prise en charge globale de la santé sexuelle. Ce concept a été défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1972 comme devant comprendre trois éléments de base :
Il est important de toujours se souvenir que la dysfonction érectile reste un symptôme relationnel et il faut le prendre en charge dans la perspective de la relation du partenaire.
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE
Le concept moderne de l’érection repose sur le principe de l’éponge active. Anatomiquement, les corps caverneux sont remplis d’espaces vasculaires (aréoles) qui sont inclus dans une masse de muscles lisses s’insérant sur un squelette conjonctif abondant. Lors de la myorelaxation des fibres musculaires lisses, le sang pénètre de manière active dans les aréoles, ces aréoles forment un réel réservoir sanguin qui permet de faire varier le volume et la rigidité de la verge. Lorsque les aréoles sont gorgées de sang, le corps caverneux se rigidifie amenant la verge en érection. L’enveloppe externe des corps caverneux également appelée albuginée est riche en collagène. Ces fibres collagènes sont peu extensibles, elles permettent néanmoins à la verge de doubler de volume en érection, et leur solidité permet la rigidification des corps caverneux à haute pression.
Les phénomènes d’érection sont sous la dépendance directe de la vascularisation par les artères honteuses internes (ou artères pudendales) qui donnent pour les corps caverneux les artères intracaverneuses et les artères dorsales de la verge. Les artères intracaverneuses donnent des artérioles qui vont se répartir jusqu’aux aréoles. Au niveau veineux, les veines du gland forment un plexus rétrobalanique se drainant dans les veines dorsales superficielles et profondes de la verge. Les veines des corps caverneux sont représentées par des veines émissaires issues du plexus veineux sous-albuginéal extrêmement développé. Ce plexus joue un rôle très important dans le verrouillage du drainage caverneux. Ces veines se drainent ensuite dans le plexus de Santorini, puis dans les veines honteuses internes.
L’état physiologique habituel des fibres musculaires lisses du corps caverneux est d’être contracté 20 heures sur 24 heures mettant ainsi la verge en flaccidité et en repos. L’érection qui dure en général 4 et 6 heures par jour chez l’homme entre 20 et 40 ans est un phénomène transitoire et réflexe qui correspond à un état de myorelaxation de la fibre musculaire lisse.
Ce contrôle implique le système nerveux central, la moelle épinière et un ensemble de nerfs périnéaux. L’ensemble des structures neurologiques permettent d’individualiser trois types d’érection :
Cette distinction permet de mieux comprendre les dysfonctions érectiles d’origine neurologiques qui peuvent toucher un ou plusieurs des trois types d’érections que nous venons de décrire. Par exemple, chez l’homme castré, les érections nocturnes sont nettement altérées alors que les érections provoquées par stimulations visuelles érotiques sont conservées. En cas de lésions spinales, il peut y avoir des érections réflexes alors que les érections psychogènes ont complètement disparu.
ÉTIOLOGIE
Schématiquement les érections péniennes nécessitent un climat hormonal favorable (androgènes), une intégrité de la commande nerveuse (du cortex aux fibres élastiques), un système vasculaire opérationnel, des corps caverneux normaux et surtout un état psychologique clément. Même si tous ces éléments sont très intimement liés, il est possible pour chacun d’entre eux de rechercher une anomalie soit primitive, soit acquise, soit induite (iatrogène). La séparation artificielle entre les étiologiques organiques et psychogéniques est de plus en plus caduque. En effet, l’origine des dysfonctions érectiles est le plus souvent multifactorielle et même chez le patient à forte composante organique, il existe toujours un facteur psychogène dû au sentiment d’impuissance virile.
Hormonale
Les androgènes principalement sécrétés par les testicules stimulent la libido et favorisent l’érection (augmentation de la concentration de monoxyde d’azote [NO] au niveau des muscles bulbocaverneux).
Atteinte hypothalamo-hypophysaire
L’hypogonadisme hypogonadotrophique par atteinte de l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire peut être congénital ou acquis (tumeur, traumatisme cérébral, dégénération). L’hypogonadisme hypergonadotrophique peut quant à lui être le résultat d’atteintes variées bilatérales des testicules (chirurgie scrotale ou inguinale, cryptorchidie, Klinefelter, traumatismes périnéaux).
En diminuant le taux de testostérone, l’hyperprolactinémie par adénome hypophysaire entraîne, non seulement, des troubles de l’érection et une chute de la libido mais aussi une gynécomastie, voire une galactorrhée.
Dysthyroïdies
L’hypothyroïdie peut être également à l’origine d’une diminution de la sécrétion de la testostérone et par conséquent des troubles de l’érection. Plus rarement, l’hyperthyroïdie et l’hyperchromatose peuvent être en cause par les œstrogènes circulants.
Déficit androgénique lié à l’âge
On regroupe généralement sous le terme DALA (déficit androgénique lié à l’âge) les conséquences de la diminution des androgènes avec l’âge. Il s’agit d’un hypogonadisme périphérique dont la cause principale semble être un trouble de la vascularisation testiculaire avec raréfaction des cellules de Leydig associée à une modification enzymatique au niveau des cellules cibles. Le DALA survient en général après 60 ans et associe cliniquement une baisse de la libido, des troubles de l’érection, une diminution du volume de l’éjaculation, une augmentation du temps réfractaire entre deux érections, une asthénie et parfois un syndrome dépressif. Sur le plan biologique, il existe alors une diminution de la testostéronémie (en particulier testostéronémie biodisponible) et une augmentation de la LH.
Neurogène
Toute atteinte du cortex cérébral, de la moelle, des nerfs honteux et des nerfs honteux caverneux peut entraîner une dysfonction érectile.
Pathologies en cause
Les maladies dégénératives du système nerveux (maladie de Parkinson, sclérose en plaques, maladie d’Alzheimer) mais aussi les traumatismes crâniens et les tumeurs centrales peuvent entraîner les troubles de l’érection. Dans les atteintes médullaires, la dysfonction dépend de la nature et du niveau lésionnel. Une érection réflexe est conservée dans près de 95 % de section complète haute. L’alcoolisme chronique et les déficits en vitamines peuvent également engendrer des neuropathies périphériques avec atteinte de l’érection.
Le diabète est responsable de troubles de la sexualité. Le dysfonctionnement érectile peut avoir une origine mixte neurogène (neuropathie périphérique), vasculaire (atteinte artérielle distale), tissulaire (frein à la libération de NO) ou psychogénique (anxiété par connaissance de la maladie et de ses conséquences). En fait, il s’agit le plus souvent d’une étiologie multifactorielle englobant tous ces facteurs.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

