6. Diététique et Nutrition
ALLAITEMENT MATERNEL
Choix et situation épidémiologique
Enfin, la Haute Autorité de Santé a émis des recommandations en juin 2006 sous forme d’une fiche de présentation s’intitulant « Favoriser l’allaitement maternel – Processus – Évaluation » à destination de tous les professionnels de la périnatalité, dans le cadre de la démarche qualité autour du soutien à l’allaitement maternel.
Lactation
Le sein
Durant la grossesse, le lobule, qui regroupe plusieurs acini (ou alvéoles mammaires) autour d’un canal excréteur galactophore, se développe et devient l’unité fonctionnelle de la lactation. Chaque alvéole est en contact étroit avec le réseau vasculaire capillaire artérioveineux et lymphatique, et avec les cellules myoépithéliales (fig. 6.1).
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Fig. 6.1 Structure de la glande mammaire, d’après M. Thirion. |
L’aréole contient des récepteurs sensitifs et une zone pigmentée, riche en tubercules de Montgomery qui lubrifient la peau à ce niveau, et, par l’odeur de leurs sécrétions, guident le bébé dans sa recherche du sein.
La tétée
La tétée au sein diffère totalement de la prise du biberon. La langue d’un bébé au sein fait un mouvement de protrusion et d’ondulation, assurant massage et étirement de l’aréole et de la base du mamelon, qui atteignent la jonction du palais dur et du palais mou. Le lait est éjecté. S’en suit une déglutition, strictement coordonnée au rythme de la langue, qui permet au bébé de pouvoir avaler et respirer sans avoir à lâcher le sein. Cette déglutition diffère de la déglutition (de type adulte) observée lors de la prise du biberon : la langue étant en arrière, le bébé pince la tétine entre ses deux gencives, et aspire le lait. L’introduction de biberons « de complément » risque donc d’induire une confusion sein-tétine.
Le lait est sécrété en continu dans les alvéoles où il est stocké jusqu’à l’expulsion dans les canaux galactophores et vers le mamelon au cours du réflexe d’éjection. Dans sa mise au point, G. Gremmo-Feger explicite les deux mécanismes, l’un central ou endocrine, l’autre local ou autocrine prédominant dans le contrôle des deux niveaux de régulation : synthèsesécrétion et éjection du lait. Il semble que la vitesse de synthèse du lait soit inversement proportionnelle au degré de remplissage alvéolaire, mécanisme intrinsèque à la glande mammaire à type de rétrocontrôle négatif, qui inhibe la synthèse lactée tant que le volume de lait alvéolaire résiduel est important. La production de lait est ainsi régulée de façon indépendante pour chaque sein, de manière ponctuelle. Ceci explique notamment que la production de lait varie d’une tétée à l’autre, d’un jour à l’autre et d’un enfant à l’autre, que ce qui entrave l’extraction et la demande de lait, un engorgement sévère, une diminution d’efficacité et de fréquence des tétées entraînent une baisse de production de lait.
La tétée se déroule en quatre phases:
– en réponse à la succion du bébé ou stimulation aréolaire et mamelonnaire, l’antéhypophyse sécrète la prolactine sous forme de pic se rajoutant au taux sérique basal élevé au moment de l’accouchement (au cours du nycthémère, pic sérique entre 0 et 4 heures et entre 14 et 16 heures) et la posthypophyse, l’ocytocine:
– au niveau des deux seins, la prolactine déclenche la sécrétion du lait et l’ocytocine la contraction des fibres myoépithéliales et l’érection du mamelon et de l’aréole (ce qui peut provoquer des douleurs locales et des contractions utérines, vésicales et intestinales parfois également douloureuses): le lait jaillit et l’enfant déglutit ;
– plusieurs flux d’éjection du lait surviennent en 20 à 30 minutes (chez certaines mères, une seule éjection de lait est possible, de durée alors supérieure à la moyenne des éjections des mères en ayant plusieurs), avec alternance de périodes de tétée et de pause.
En conséquence, le sein n’est pas un réservoir de lait. Le bébé est l’agent principal de régulation de la production de lait, les tétées doivent être efficaces, et en particulier le bébé dans un « état optimal » en terme d’éveil et de succion ; il doit pouvoir avoir accès au sein sans restriction (pas de rigidité ni d’horaire, ni de nombre, ni de durée, ni d’espacement des tétées) pour pouvoir autoréguler ses besoins nutritionnels. La « montée de lait » n’existe pas: une possible phase de congestion mammaire d’origine vasculaire et œdémateuse, induisant douleur et tension des seins, est traitée par massage strictement aréolaire, qui aide au déclenchement des premiers flux.
Allaitement
La lactation survient d’autant plus vite et plus efficacement que la mère est confiante et sereine.
Succès de l’allaitement
Dix conditions pour le succès de l’allaitement maternel (AM) ont été énoncées par l’OMS et l’Unicef en 1991 (tableau 6.I) et reprises dans les recommandations de l’ANAES en 2002. L’« Initiative Hôpitaux amis des bébés » (IHAB) a été lancée par l’Unicef et l’OMS en 1992. Ces dix conditions doivent être réunies pour en obtenir le label, qui fait l’objet d’une réévaluation par le Comité scientifique de la Coordination française pour l’allaitement maternel (CoFAM) tous les 4 ans. En 2007, on dénombre 20 000 hôpitaux dans le monde, 650 maternités en Europe, 5 en France qui ont le label « Hôpitaux amis des bébés » décerné par l’OMS et l’UNICEF. 17 pays européens ont des CHU labellisés.
Tous les établissements qui assurent des prestations de maternité et des soins aux nouveau-nés devraient : 1. Adopter une politique d’allaitement maternel formulée par écrit et systématiquement portée à la connaissance de tous les personnels soignants. 2. Donner à tous les personnels soignants les compétences nécessaires pour mettre en œuvre cette politique. 3. Informer toutes les femmes enceintes des avantages de l’allaitement au sein et sa pratique. 4. Aider les mères à commencer d’allaiter leur enfant dans la demi-heure suivant la naissance. 5. Indiquer aux mères comment pratiquer l’allaitement au sein et comment entretenir la lactation même si elles se trouvent séparées de leur nourrisson. 6. Ne donner aux nouveau-nés aucun aliment ni aucune boisson autre que le lait maternel, sauf indication médicale. 7. Laisser l’enfant avec sa mère 24 heures par jour. 8. Encourager l’allaitement au sein à la demande de l’enfant. 9. Ne donner aux enfants nourris au sein aucune tétine artificielle ou sucette. 10. Encourager la constitution d’associations de soutien à l’allaitement maternel, et leur adresser les mères dès la sortie de l’hôpital ou de la clinique. |
Nous insistons sur neuf points fondamentaux :
1. L’éveil intense du nouveau-né, pendant la première heure de vie, doit inciter à favoriser une tétée précoce. Il est recommandé de laisser le nouveau-né sur le ventre de sa mère dès la naissance, et de favoriser le peau à peau moyennant deux conditions:
– absence de complications maternelle et néonatale immédiates ;
– surveillance étroite, par l’équipe, du nouveau-né plutôt en décubitus latéral, (ventral réservé à la tétée) ; veiller, en particulier, à bien dégager le nez, tête sur le côté. La séparation précoce inhibe l’apprentissage de la succion du mamelon. En cas de césarienne, tout doit être mis en œuvre pour ne pas retarder cette première tétée ;
2. Préconiser l’AM à la demande, « à l’éveil », comme l’explicite notamment Ingrid Bayot de l’Institut Co-Naître (dont le site Internet propose de nombreuses mises au points sur l’allaitement maternel) pour l’enfant eutrophique à terme ; respecter le rythme de chaque enfant et la variabilité de sa « consommation de lait » d’une tétée à l’autre ;
3. La préhension correcte du sein (responsable d’une tétée efficace) correspond à une bonne position du nouveau-né et de sa mère (fig. 6.2). Le corps du nouveau-né est : face au corps de sa mère et non de profil tête tournée ; ventre à ventre ; visage strictement de face par rapport au sein ; menton collé au sein, ce qui permet de dégager le nez ; lèvre inférieure éversée ; mamelon et majeure partie de l’aréole dans la bouche ;
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Fig.6.2 Bonnes positions de l’enfant et de sa mère, d’après M. Thirion. |
5. L’observation du nouveau-né, la disponibilité maternelle à son égard sont fondamentales, la mère apprend à répondre aux signaux de son enfant grâce au soutien adéquat d’une équipe formée. Les pleurs répétés en particulier de fin de journée sont souvent vécus par la mère comme un stress entraînant un effet inhibiteur sur l’hypothalamus et l’hypophyse ; il faut informer la mère de leur caractère habituel correspondant au rythme chronobiologique du bébé, la rassurer. Proposer alors le sein plus souvent, au moins un, le deuxième sein étant proposé au nouveau-né à la suite ou après une petite pause (il en dispose à sa guise) est la réponse adaptée. G. Gremmo-Feger (2006) rappelle que les tétées peuvent se faire soit :
– sur un seul sein,
– sur les deux: on parle de « tétée couplée »,
– sur les deux puis de nouveau sur le premier sein moins de trente minutes après la fin de la tétée du deuxième sein : on parle de « tétée groupée », et ceci peut varier dans le temps.
6. L’utilisation de sucettes (tétines) est le facteur prédictif le plus important d’un AM de courte durée : une étude longitudinale américaine sur 265 couples mère-enfant montre que l’introduction d’une sucette avant l’âge de six semaines est associée à un risque × 1,6 d’une durée d’AM ≤ 6 mois ; résultats confirmés par une étude suédoise sur plus de 500 couples mère-enfant (risque × 2), alors que la durée d’AM n’est pas influencée par la succion du pouce ;
7. L’indication des compléments doit rester médicale : ils sont réservés aux nouveau-nés hypotrophes, prématurés, hypoglycémiques, ou fatigables ou, quel que soit le terme et le poids, au nouveau-né à risque de déshydratation aiguë évaluée sur l’état clinique du bébé, la perte de poids > 10 %, l’existence d’un retard à la mise en route de la lactation objectivé chez la mère ;
8. La surveillance et l’encadrement jusqu’à 72 heures du post-partum au moins des couples mères-enfants ayant un des facteurs de risque de difficultés de mise en place de l’AM : primiparité, absence d’expérience antérieure d’allaitement, mamelon plat ou rétracté, nécessité de compléments, perte de poids > 10 %, retard à la « montée de lait » ≥ 72 heures, comportement non optimal de l’enfant au sein (CNOS), jugé sur une échelle d’évaluation telle que l’Infant BreastFeeding Assessment Tool (IBFAT) ≤ 10 (voir tableau 6.II);
Score | 3 | 2 | 1 | 0 |
---|---|---|---|---|
Qualité de l’éveil au moment de la tétée | Bien éveillé (éveil au stade III-IV) Prêt à téter | A besoin d’être légèrement stimulé pour commencer à téter | A besoin de stimulations importantes pour se réveiller et commencer à téter | Ne peut pas être réveillé |
Recherche du sein = Réflexe de fouissement | Recherche activement le sein : se redresse, tourne la tête, bouche grande ouverte | A besoin d’être stimulé, pour chercher le sein | Faible recherche du sein même en étant stimulé | N’essaie pas de prendre le sein |
Prise du sein | Commence à téter immédiatement | Commence à téter au bout de 3 à 10 minutes | Commence à téter après > 10 minutes | Ne prend pas le sein |
Type de succion | Bonne succion sur 1 ou 2 seins | Mouvements de succion alternant avec des pauses A besoin d’être stimulé | Succion faible, brèves périodes de mouvements de succion avec pauses | Ne tète pas |
Total / 12 |
9. Les marqueurs de difficultés de mise en place de l’AM et leurs facteurs de risque sont à prendre en compte pour décider ou non d’une sortie précoce.
Le personnel des maternités doit être disponible et attentionné
L’utilisation d’un programme de soins individualisés, NIDCAP® dans certaines équipes, comme celle du Pr Sizun au CHU de Brest, en France, est un acquis particulièrement intéressant dans le cadre de la démarche de soutien à l’allaitement maternel, dans un service de néonatalogie.
Complications locales de l’allaitement
Elles sont très bien développées sur le site internet: www.santeallaitementmaternel.com de Marie Thirion qui fait référence pour les données qui suivent.
CREVASSES
Elles forment, au stade initial, une simple gerçure du mamelon, puis des fissures radiées, plus ou moins profondes, saignotantes et douloureuses. Elles sont plus fréquentes chez les femmes à peau très sèche, fragile, qui résiste moins aux efforts mécaniques de la tétée. Mais la principale cause est un traumatisme direct par la bouche du bébé, soit parce qu’il est mal positionné, soit parce que sa technique de succion est perturbée.
Le traitement est d’abord préventif:
– préparation du mamelon en fin de grossesse avec protection lipidique de la peau chez les femmes à peau sèche. Les manœuvres mécaniques d’étirement du mamelon n’ont pas la preuve de leur efficacité.
– contrôle de la position de l’enfant et de la technique de sa succion ; penser à changer la position au cours des tétées lorsque le sein devient douloureux sur une zone.
– bonne hygiène générale maternelle sans décaper la lubrification naturelle de l’aréole (une douche chaque jour suffit) ;
– éviter tous les frottements, sectionner un frein de langue serré.
Le traitement curatif comporte des mesures simples:
– corriger la position et la prise du sein : favoriser les positions d’allaitement avec lèvres du bébé parallèles à la crevasse ;
– laisser le sein à l’air, au sec ou proposer le port de coquilles d’allaitement entre les tétées (effet cicatrisant du lait frais), éviter les frottements, utiliser des protège-mamelons ;
– désinfecter la plaie et la recouvrir d’un corps gras type lanoline purifiée: Purelan, Prelan, Lansinoh, ou de quelques gouttes de lait de la femme. Si nécessaire: suspendre la tétée du côté atteint mais faire alors couler le lait par expression manuelle sans mobiliser la plaie, pendant 6 à 12 heures, l’enfant tétant du côté sain.
L’application de pommade antibiotique, anti-mycosique, anti-inflammatoire (Mycolog) n’est préconisée qu’en cas de crevasses suintantes ne réagissant pas au traitement classique, ou en cas de candidose avérée.
ENGORGEMENT LOCALISÉ OU SYNDROME DU «CANAL BOUCHÉ»
Souvent méconnu, il peut être à l’origine de mastites inflammatoires récidivantes. Les mères consultent au stade avancé. Les signes à rechercher sont: une zone de sein indurée, ± douloureuse, une possible petite «perle» blanche assez rigide sur le mamelon en regard d’un pore. Fièvre et atteinte de l’état général sont classiques si la consultation est tardive. Le signe le plus évocateur est celui d’un engorgement localisé plus ou moins inflammatoire, récidivant toujours dans la même zone du sein.
ENGORGEMENT
Observable dans le premier mois, il diffère de la simple congestion mammaire, fréquente dans les trois à cinq premiers jours par l’association d’un sein tendu, dur, douloureux et chaud, et d’une possible fièvre à 38°C. Le traitement est d’abord préventif: mise au sein précoce, allaitement à la demande, tétées fréquentes et répétées, climat favorable pour la mère (détendre, rassurer : douche tiède, relaxation). Le traitement curatif comporte: repos au lit, et application de poche de glace ou d’un gant froid en périphérie de la glande, mises au sein rapprochées, traitement antalgique par paracétamol, et anti-inflammatoire par voie générale. Les plus compatibles avec l’allaitement sont l’ibuprofène et ses dérivés. La durée courte de traitement (entre 2 et 5 jours) ne nécessite aucune précaution particulière concernant le passage dans le lait. Enfin: massage aréolaire favorisant le flux d’éjection du lait ± administration d’ocytocine IM. L’efficacité de l’application d’anti-inflammatoires locaux n’est pas démontrée.
LYMPHANGITE AIGUË OU MASTITE INFLAMMATOIRE DE TYPE 1
Complication des trois pathologies précédentes, c’est une inflammation superficielle du réseau lymphatique dermo-épidermique de la glande souvent observée 5 à 10 jours après l’accouchement. Le début est brutal, associant fièvre à 39°C, frissons et syndrome pseudo-grippal. Un placard rouge, chaud, douloureux, formant une traînée rouge se prolongeant dans l’aisselle, ou localisé à un quadrant est associé à une adénopathie axillaire douloureuse satellite. Le traitement préventif et étiologique est celui des mesures précédentes. Le traitement curatif est symptomatique : repos au lit 48 heures, tétées fréquentes des 2 côtés, glace sur le sein, entre les tétées, antipyrétiques et antalgiques ± anti-inflammatoires par voie générale (cf. supra). Il n’y a pas lieu d’arrêter l’AM (le lait n’est pas infecté) ; l’antibiothérapie n’est pas justifiée d’emblée. Si la fièvre persiste après 24 à 48 heures, si les signes se majorent, s’il existe une crevasse infectée, ou si le tableau est bilatéral, débuter l’antibiothérapie active sur le staphylocoque doré, compatible avec l’AM durant minimum 10 jours. Puisqu’il ne s’agit que d’un phénomène inflammatoire, les prélèvements chez le bébé ne sont pas justifiés, sauf cas exceptionnels (prématurés, contexte infectieux néonatal…).
MASTITE INFLAMMATOIRE DE TYPE 2 INFECTIEUSE OU GALACTOPHORITE
Les signes sont variables: de début moins brutal que la mastite de type 1, les signes peuvent être bilatéraux, dans un tableau septicémique ; à l’inverse on peut observer une fièvre traînante avec altération de l’état général en contexte de mastite de type 1 traitée, ou une fièvre intermittente inexpliquée, une reprise de signes infectieux après arrêt de l’antibiothérapie. Le signe de Budin: présence de pus lors du recueil de lait sur un coton est peu fiable. Le diagnostic de certitude est bactériologique ; le prélèvement de lait est réalisé après désinfection rigoureuse du mamelon (port de masque et hygiène des mains pour le soignant) dans les conditions suivantes : laisser les premiers jets de lait, puis recueillir le lait directement dans le flacon stérile. Les résultats de l’examen cytobactériologique confirment le diagnostic (germes en culture pure > 1 million /ml).
Le traitement comporte: un drainage régulier par tire-lait, massage aréolaire, mais surtout maintien de l’AM du côté atteint (les éléments antiinfectieux du lait maternel potentialisent l’action de l’antibiothérapie) ; une antibiothérapie anti-staphylococcique, selon antibiogramme: Péni M (ex : Bristopen, Orbénine), macrolide (Rovamycine), synergistine (Pyostacine), céphalosporine durant 10 à 15 jours (contrôle la négativité de l’ex cytobactériologique), le repos strict au lit.
Un examen médical vérifie le bon état clinique du bébé, au moindre doute pratiquer un dosage de CRP et des hémocultures.
ABCÈS DU SEIN
Collection purulente enkystée, il est exceptionnel. Il se manifeste par une altération de l’état général, et une douleur locale pulsatile, insomniante, augmentant à la palpation d’un possible noyau dur, fluctuant, souvent periaréolaire, avec adénopathies satellites douloureuses. Le diagnostic est échographique, montrant clairement la collection purulente, son volume et sa localisation exacte.
Le traitement chirurgical n’est utile qu’en cas de localisations atypiques, abcès postérieur par exemple. Il consiste en une incision, suivie de nettoyage, puis drainage. La ponction directe de la collection puis ponctions-lavages avec instillations d’antibiotiques locaux préconisés dans les équipes anglosaxonnes en cas d’abcès superficiel est la solution de choix. L’allaitement peut être poursuivi du côté sain. Du côté malade, soit l’arrêt complet de l’allaitement pour certains, la poursuite en tirant et jetant le lait pour d’autres jusqu’à vérification de la négativité du prélèvement bactériologique du lait sont préconisés. Une antibiothérapie générale adaptée à l’antibiogramme (prélèvement de pus et hémocultures), d’une durée minimale de 15 jours, avec contrôle bactériologique du lait y est associée.
Le lait de femme est inégalable
Le lait maternel est une matière vivante
Adapté aux besoins de l’enfant tout au long de la lactation, il comporte notamment :
– des facteurs de croissance: IGF1, TGF, G-CSF, Epidermal Growth Factor, EGF (action trophique sur les muqueuses gastrique et intestinale) polyamines, etc. ;
– des facteurs de maturation du tube digestif: motiline, etc. ;
– des facteurs de défense immunitaire: des cytokines pro-inflammatoires (IL1, IL6, IL8, IL12, IL18), cytokines anti-inflammatoires, Pancreatitis-associated Protein, nucléotides. Il contient en outre plus de 130 oligosaccharides, véritables prébiotiques dont le rôle est essentiel dans la mise en place de l’écosystème bactérien colique (notamment les bifidobactéries) qui participent à l’effet de barrière contre les agents infectieux du tube digestif. Chez des nourrissons âgés de six mois allaités au sein par rapport à ceux non allaités, on observe une meilleure maturité du système immunitaire avec une augmentation significative des lymphocytes Natural Killer (NK), une diminution des CD4, une augmentation des CD8 et une baisse du rapport CD4/CD8, alors que les taux sanguins des lymphocytes B et T ne diffèrent pas ;
– des AG polyinsaturés à chaîne longue (DHA et ARA).
La composition du lait maternel varie
AU COURS DE LA LACTATION
Le colostrum est le premier lait reçu par l’enfant, jusqu’au 4–5e jour de vie. Il se caractérise par sa richesse particulière en protéines, sels minéraux, acides gras, oligosaccharides (22 à 24g/l) et surtout ses facteurs immunologiques. Il est particulièrement riche en anticorps de type immunoglobulines A (100g/l), en cellules immunitaires : lymphocytes B et T, macrophages et polynucléaires neutrophiles, enfin en différents facteurs comme la lactoferrine, le lysozyme, le facteur bifidus, la protéine de liaison B12, la fibronectine, les mucines, l’interféron γ, les facteurs de croissance, une lipase particulière et des hormones. Autant d’éléments qui assurent la protection immunitaire du nouveau-né contre les infections.
Le lait mature continue à s’enrichir en lipides et lactose ainsi qu’en vitamines B, alors que la concentration en protéines et oligo-éléments diminue très progressivement, s’adaptant aux besoins de l’enfant, en particulier à sa croissance cérébrale.
AU COURS DE LA TÉTÉE ET DU NYCTHÉMÈRE
La teneur en lipides peut varier au cours de la journée, de 0,5 % en début à 10 % en fin de tétée. L’accroissement de la concentration en graisses au cours de la tétée se fait proportionnellement à l’extraction du lait alvéolaire. La richesse en lipides du lait de « fin de tétée » est toutefois remise en cause. Selon G. Gremmo-Feger, l’augmentation de concentration en graisses est surtout déterminée par le degré de remplissage du sein (alvéolaire), la concentration en graisses peut être plus élevée au début d’une tétée qu’à la fin d’une autre tétée sur un sein beaucoup plus plein, tout dépend du stade de drainage alvéolaire. Ainsi: « il ne faut pas trop s’occuper du lait de début et de fin de tétée » sauf en cas de lait surabondant. La teneur en protides est multipliée par 1,3 en fin de tétée. Les taux de lipides, sodium, potassium et fer sont plus élevés la nuit que le matin.
FACTEURS GÉOGRAPHIQUES ET NUTRITIONNELS
Le lait de femme garde une constance remarquable pour les teneurs en protéines et en lactose, malgré les différences de statut nutritionnel maternel (même en cas de malnutrition chronique). Les acides gras et les vitamines du lait reflètent le régime alimentaire maternel. Une alimentation riche en glucides et pauvre en lipides augmente la teneur en acides gras (AG) saturés ; en revanche, une alimentation riche en AG polyinsaturés précurseurs, tels que l’acide linoléique ou l’acide α-linolénique, augmente les taux d’acide arachidonique (ARA) et d’acide docosahexaénoïque (DHA), composants particulièrement importants pour la constitution des membranes cellulaires, notamment cérébrales et rétiniennes. La présence dans le lait de protéines intactes de l’alimentation maternelle (notamment protéines du lait de vache) a été clairement établie, source éventuelle d’IPLV, paradoxale chez un enfant exclusivement nourri au sein !
PRODUCTION DE LAIT
La production moyenne de lait est très peu différente en fonction de l’âge de l’enfant, que l’on se situe dans les pays industrialisés ou en voie de développement. La production de lait chez les mères de jumeaux est proche du double de celle de mère n’allaitant qu’un singleton.
COMPOSITION DU LAIT DE MÈRE DE NOUVEAU-NÉ PRÉMATURÉ
Avantages de l’allaitement maternel
AVANTAGES POUR LA MÈRE
Les avantages semblent nombreux. Les suites de couches sont facilitées, avec un risque d’infection du post-partum moindre et un utérus qui se rétracte plus vite. La perte de poids plus rapide dans les 6 premiers mois du postpartum est discutée. L’allaitement diminue l’incidence des cancers du sein et de l’ovaire avant la ménopause. Le risque d’ostéoporose n’est pas accru après la ménopause, la densité osseuse revient à la normale après le sevrage.
La pratique de l’AM est une motivation supplémentaire pour arrêter un éventuel tabagisme.
LES AVANTAGES MÉDICAUX POUR L’ENFANT SONT MULTIPLES
C’est le cas aussi bien dans les pays en voie de développement que dans les pays industrialisés.
• Mortalité et morbidité
Elles sont moindres chez les enfants allaités au sein, concernant notamment :
– les infections: septicémies néonatales, infections urinaires, méningites bactériennes, gastro-entérites surtout à rotavirus (cinq fois moindres), otites (deux fois moindres), pneumopathies et bronchiolites (avec diminution des consultations et hospitalisations si AM de 3 mois ou plus, même en cas d’AM partiel), infections à Haemophilus influenzae, entérocolites ulcéronécrosantes. Cet effet est d’autant plus net que l’AM est exclusif, et de plus de trois mois ; il tend à s’estomper à l’arrêt de l’AM.
– les manifestations allergiques, surtout si la durée de l’AM atteint au moins six mois, avec une diversification alimentaire tardive (cf. p. 165).
– les maladies chroniques : bénéfice modeste mais prouvé pour le risque d’obésité chez l’enfant et l’adolescent, à confirmer à l’âge adulte. En ce qui concerne le diabète insulinodépendant, l’AM est recommandé actuellement par l’AAP pour les fratries comprenant un enfant diabétique de type 1. Le Trial to Reduce type I diabetes in the Genetically at Risk (TRIGR), étude prospective multicentrique et multinationale, débutée en 2002 et qui sera achevée en 2012, en réévaluera l’intérêt. Pour la maladie cœliaque, la rectocolite hémorragique, la sclérose en plaques, le bénéfice est possible mais incertain.
– un effet protecteur est rapporté pour la mort subite du nourrisson.
• Développement cognitif
Les enfants allaités exclusivement et longtemps (plus de 6 mois) ont un développement cognitif ultérieur supérieur par rapport aux non allaités.
Une étude néo-zélandaise menée auprès de 1 265 enfants nés en 1977, et suivis annuellement jusqu’à l’âge de 16 ans, puis à 18 ans, montre le bénéfice d’un AM prolongé. Après ajustement sur les covariables confondantes, âge maternel, éducation maternelle, statut socio-économique de la famille, sexe, tabagisme, il y a une petite augmentation des performances scolaires (lecture, mathématiques) et cognitives chez les enfants allaités plus de huit mois par rapport à ceux non allaités.
La méta-analyse de onze études, ajustant plus de cinq covariables qui pourraient être confondantes sur l’évaluation cognitive, montre, après ajustement et par rapport aux enfants nourris artificiellement :
– une augmentation de la fonction cognitive de 3,16 points ;
– une augmentation plus importante chez les enfants allaités à 6–24 mois, qui persiste à tous les âges ;
– une augmentation plus importante chez les enfants de faible poids de naissance: 5,18 points, par rapport à ceux de poids normal, 2,66 points.
Le lien de causalité entre ce bénéfice et les qualités nutritionnelles et immunologiques du lait de femme est actuellement discuté. Il semble que le statut intellectuel maternel soit le critère principal expliquant les différences de QI entre enfants allaités et non allaités.
G. Der et al en 2006 étudient une population de 5 475 enfants nés de 3161 mères, en utilisant les données de la « US national longitudinal survey of Youth 1979 » la mesure du QI se faisait par le PEABODY Individual Achievment Test (PIAT). Les résultats après ajustement des facteurs confondants (le QI maternel est hautement prédictif du fait d’être allaité) montrent peu ou pas d’effet de l’AM en soi sur l’intelligence des enfants. Avant ajustement, l’AM était associé à une augmentation de 4 points des capacités mentales des enfants, en rapport avec le niveau intellectuel maternel. Ces résultats sont confirmés par l’étude des jumeaux et la métaanalyse.
• Autres effets bénéfiques de l’allaitement maternel
La mise aux seins procure un effet analgésiant chez le nouveau-né, lors de gestes douloureux tels que les ponctions de sang.
• Allaitement maternel et prématurité
L’AM est l’alimentation de choix pour le prématuré, améliorant la morbidité globale, la croissance staturo-pondérale, le développement psychomoteur avec notamment l’amélioration de la perception, la cognition, l’activité motrice grâce à la pratique précoce du « peau à peau ».
ÉCONOMIE AU PLAN FAMILIAL ET DE LA SANTÉ PUBLIQUE
La moindre morbidité s’accompagne d’une diminution des consultations médicales et des hospitalisations et de la consommation médicamenteuse, avantage économique certain dans tous les pays. En terme de budget pour une famille, l’économie réalisée par rapport à l’achat de lait artificiel et du matériel nécessaire à sa préparation peut être évaluée, en France, à environ trois quarts d’un SMIC mensuel au cours de la première année. Une étude américaine a évalué le surcoût de soins inhérent aux trois pathologies principales, otites, infections respiratoires basses et troubles gastrointestinaux, à 305–430 euros par année et par enfant non allaité. Ceci correspond à une dépense publique pour la France de 183–244 millions d’euros.
L’ALLAITEMENT RENFORCE LE LIEN MÈRE-ENFANT
Il s’établit une relation mutuelle de plaisir entre la mère et le nouveau-né. Ce « jardin des délices » (selon le docteur Marie Thirion) est riche d’échanges, de regards, rires, jeux, caresses pendant les tétées, et donc d’amour !
Les contre-indications à l’allaitement maternel sont rares :
– La séropositivité pour le VIH, chez la mère dans les pays industrialisés (faute de disposer d’une alternative acceptable dans les autres pays, l’allaitement maternel exclusif est préférable à l’allaitement partiel, si la mère est séropositive pour le VIH) ;
– la galactosémie chez le nouveau-né.
LES AUTRES CONTRE-INDICATIONS:
– La chirurgie mammaire peut empêcher l’allaitement si l’acte a comporté une lésion des canaux excréteurs ou une destruction de l’innervation aréolaire.
– Les maladies maternelles chroniques (cancers) demandent une étude individuelle, en tenant compte des thérapeutiques.
– Les infections cutanées du mamelon ou de l’aréole herpétiques ou mycosiques sont une contre-indication temporaire, de même que la varicelle maternelle. Les autres infections virales et les médicaments sont traités au chapitre 7.
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