Techniques des sutures. Considérations sur la reconstruction méniscale
Meniscus reconstruction: Technical aspects
Introduction
Le mot d’ordre « conserver le ménisque » est fondé sur l’histoire naturelle de ce « disque en tissu mou » de l’articulation du genou. Ce « disque » est considéré à tort par certains comme une structure vestigiale du « système de transmission » de cette articulation. L’ontogenèse des cartilages semi-lunaires du genou et leur évolution démontrent en effet que les ménisques ne sont nullement des structures vestigiales. Leur configuration anatomique individuelle les rend irremplaçables du fait de leur fonction biomécanique. Le tissu méniscal de chaque individu doit donc être préservé dans la mesure du possible, afin de sauvegarder avec lui les cellules qui assurent la « maintenance » de ce système de transmission du genou [53]. En effet, il a été bien démontré que la fonction principale des ménisques est la transmission des charges du fémur au tibia. Ce mécanisme de transmission intervient tout au long du mouvement de flexion-extension du genou. Les ménisques sont en effet attachés au tibia, essentiellement par des ligaments attachés au niveau de leurs cornes mobiles, ce qui permet leur déplacement dans toutes les directions. Le ménisque externe est plus mobile que le ménisque interne.
Classification des lésions méniscales
Les techniques d’imagerie sont indispensables. Les techniques les plus utilisées sont la tomodensitométrie (CT-scan) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM), avec ou sans produit de contraste [11].
Indications des sutures méniscales
Une suture méniscale est généralement pratiquée pour trois types d’indications.
- • La suture du corps méniscal est l’indication la plus fréquente, principalement les ruptures verticales des cornes postérieures et les ruptures en anse de seau. Les ruptures horizontales ou radiaires font plus rarement l’objet d’une suture. En effet, une suture de rupture horizontale n’est en règle envisagée que pour des délaminations du segment moyen du ménisque externe, souvent en combinaison avec le débridement d’un kyste méniscal externe. Les ruptures radiaires sont extrêmement rares ; elles sont parfois observées chez l’enfant.
- • Les ruptures de la périphérie du ménisque au niveau de la jonction ménisco-synoviale sont moins fréquentes que celles décrites précédemment. Elles sont plus difficiles à diagnostiquer lors de l’arthroscopie et sont donc parfois méconnues. La suture de ces ruptures s’effectue généralement au moyen de techniques de suture classiques.
- • Les désinsertions osseuses des ligaments ménisco-tibiaux (déchirures de l’insertion méniscale) entraînent une perte complète de la capacité du ménisque à convertir les forces de compressions axiales en forces circonférentielles, comme après méniscectomie totale [3]. Ces lésions sont rares et des techniques de suture qui leur sont adaptées n’ont été que récemment décrites (figure 1) [47].
- • Les ruptures de la périphérie du ménisque au niveau de la jonction ménisco-synoviale sont moins fréquentes que celles décrites précédemment. Elles sont plus difficiles à diagnostiquer lors de l’arthroscopie et sont donc parfois méconnues. La suture de ces ruptures s’effectue généralement au moyen de techniques de suture classiques.
Technique des sutures méniscales
Les bases biomécaniques de la suture du ménisque et les techniques de suture elles-mêmes ont nettement progressé depuis l’étude de Kohn et Siebert [32] de 1989.
Principes
Présentation arthroscopique
Le ménisque interne est vascularisé sur 20 à 30 % de sa périphérie, et le ménisque externe est vascularisé sur 10 à 25 % de sa périphérie [7]. Arnoczky et Warren ont établi une classification des déchirures selon la zone dans laquelle elles sont situées [7]. La zone 0 correspond à la jonction méniscosynoviale périphérique, la zone 1 à la zone rouge-rouge, la zone 2 à la zone rouge-blanc, et la zone 3 à la zone blanc-blanc. Pour DeHaven, les déchirures méniscales situées à 3 mm de la périphérie sont situées en zone vascularisée, celles situées à 5 mm ou plus de la périphérie en zone avasculaire, et celles situées entre 3 et 5 mm en zone de vascularisation variable [16]. Les ruptures situées dans les zones rouge-rouge et rouge-blanc sont réparables. Une suture de déchirure méniscale située dans la zone blanc-blanc ne présente qu’un faible potentiel de cicatrisation.
Il faut évaluer l’apparence macroscopique du tissu méniscal (normal ou dégénératif).
Avivement (ou « débridement »)
Pour éliminer le tissu fibreux, il faut aviver les parois de la déchirure avec un rongeur, une râpe ou un grattoir (figure 2). L’avivement doit être particulièrement énergique au niveau de la partie périphérique du ménisque afin de favoriser une réponse cicatricielle et de préserver le tissu méniscal de la partie centrale. Dans certains cas, on peut pratiquer de multiples perforations avec une aiguille à la périphérie du ménisque afin de stimuler la vascularisation de la zone de suture par le biais de canaux vasculaires. Le débridement du segment médial postérieur peut être difficile. L’utilisation d’une voie d’abord postérieure améliore la qualité de l’avivement, comme Pujol et al. l’ont montré [43].
Technique
Première génération : technique à ciel ouvert
Les techniques de suture de la première génération nécessitaient une intervention à ciel ouvert [5]. La technique de réparation méniscale à ciel ouvert a été bien décrite par DeHaven et al. [17] ; elle nécessite une arthrotomie avec un abord rétroligamentaire (figure 3). S’il s’agit d’une rupture périphérique longitudinale et verticale, il faut inciser la capsule en arrière du ligament collatéral et ouvrir la synoviale pour obtenir un accès direct au segment postérieur du ménisque et à la déchirure. En cas de déchirure horizontale, il faut disséquer le bord méniscosynovial pour exposer le bord périphérique du ménisque et le clivage horizontal (figure 3).
Figure 3 Une arthrotomie postéromédiale rend la suture de la rupture horizontale du ménisque plus aisée.
- • sutures orientées verticalement dans la capsule et nouées en dehors de l’articulation ;
- • sutures orientées horizontalement insérées dans la capsule et nouées hors de l’articulation ;
- • utilisation d’un matériau de suture résorbable ou non résorbable.
- • sutures orientées horizontalement insérées dans la capsule et nouées hors de l’articulation ;
Une réparation du segment antérieur (particulièrement du côté latéral) nécessite un abord antérieur.
Le principal inconvénient est le risque de lésion neurologique du nerf saphène ou de ses branches.
Deuxième génération : technique arthroscopique « de dedans en dehors » ou de « dehors en dedans »
Réparation méniscale de dehors en dedans (figure 5)
En 1985, Warren [54] a décrit une technique de dehors en dedans, initialement destinée à réduire le risque de compression du nerf péronier du côté latéral. Une aiguille à ponction lombaire canulée de 18 gauges est passée dans la déchirure, de dehors en dedans. Dès que l’extrémité coupante de l’aiguille est visible, le chirurgien passe le fil de suture (monofilament de PDS résorbable 0) par la lumière de l’aiguille et le retire par la voie d’abord arthroscopique homolatérale. On noue ensuite un nœud d’interférence à l’extrémité de la suture et on tire la suture vers l’arrière. Le procédé est répété et les extrémités libres sont nouées deux par deux sur la capsule par une incision cutanée accessoire, jusqu’à obtention de la stabilisation de la déchirure. Les sutures peuvent être placées en alternance du côté fémoral et du côté tibial du ménisque afin d’équilibrer la suture.