de réparation du cartilage du genou par plastie en mosaïque: Chondral repair of the knee joint with mosaicplasty

Techniques de réparation du cartilage du genou par plastie en mosaïque


Chondral repair of the knee joint with mosaicplasty



image H. Robert1, 1 Service d’orthopédie-traumatologie, Centre hospitalier du Nord-Mayenne, 229, boulevard Paul-Lintier, 53100 Mayenne, France.



Résumé


La greffe en mosaïque réalise le transfert d’un ou de plusieurs cylindres ostéochondraux d’une zone peu contrainte du genou vers la zone lésionnelle, habituellement condylienne. Elle suppose la connaissance préalable de nombreuses études biomécaniques, histologiques, animales et humaines qui permettent d’apporter des réponses à différents problèmes techniques. Le bilan préopératoire repose sur l’évaluation de la gêne fonctionnelle, l’axe, la stabilité du genou et l’imagerie (arthoscanner ou IRM avec des séquences cartilagineuses). L’intervention comprend un temps de prélèvement des greffons par une miniarthrotomie centrée sur la trochlée médiale ou latérale et un temps d’implantation sous arthroscopie. La lésion est évaluée selon la classification ICRS (International Cartilage Repair Society ; siège, profondeur, localisation), mesurée avant, puis après débridement. Nous prélevons des greffes de grand diamètre, en petit nombre, sur la trochlée, du côté opposé à la lésion. Les greffes sont implantées de niveau avec le cartilage, selon un axe convergent, en press-fit et dans un puits ayant strictement la même profondeur. Chaque étape, prélèvement, creusement et implantation, est répétée jusqu’à couvrir toute la perte de substance. En postopératoire, la mobilisation est libre, mais l’appui est différé de 2 à 4 semaines. La plastie en mosaïque est indiquée chez des patients jeunes (avant 50 ans), présentant une lésion chondrale ou ostéochondrale en zone portante du condyle, symptomatique et de surface inférieure à 3 cm2. La préarthrose est une contre-indication absolue. Toute désaxation (supérieure à 5°) ou instabilité sagittale sera traitée simultanément. Il s’agit d’une technique difficile et exigeante.



Summary


Autologous osteochondral transplantation consists of transferring one or several osteochondral cylinders from a weight bearing area of lesser importance in the knee to a condylar or patellar cartilage defect. Preliminary biomechanical, human and animal studies have provided answers to a number of technical questions. The preoperative evaluation is based on the assessment of functional impairment, axis, stability of the knee and imaging (arthroscan or MRI with cartilage sequences). The osteochondral grafts are harvested through a miniarthrotomy centered over the medial or lateral trochlea; they are implanted using an arthroscopic technique. The lesion is evaluated using the ICRS classification (International Cartilage Repair Society; site, depth, location), and is measured before and after debridement. We harvest a limited number of large-diameter grafts from the trochlea opposite the lesion. The grafts are implanted flush with the surrounding cartilage, with a convergent axis of the recipient holes. Each graft is delivered in press-fit fixation into a hole with exactly the same depth. Each step, graft harvesting, drilling of the recipient hole and implantation of the graft, is repeated until the whole cartilage defect has been covered. Postoperatively, rehabilitation includes immediate full range of motion, 2 to 4 weeks non-weight-bearing followed by 2 weeks of partial weight-bearing. Mosaicplasty is indicated in young patients (up to 50 years), with a symptomatic chondral or osteochondral lesion in the weight-bearing area of a femoral condyle, with a surface inferior to 3 cm2. Any misalignment (varus or valgus more than 5°) or instability should be treated simultaneously. The procedure is technically difficult and demanding.



Introduction


Le cartilage articulaire a un faible potentiel intrinsèque de réparation spontanée, connu depuis de nombreuses années [12,27]. Le risque d’évolution arthrosique des lésions chondrales profondes, en zone portante, est très élevé [36,41]. La fréquence des lésions chondrales est de 63 %, mais seules 5 % sont des lésions profondes (grades III et IV de l’International Cartilage Repair Society [ICRS]) chez les sujets de moins de 40 ans [15]. Le traitement des pertes de substance cartilagineuse focales du genou reste un sujet difficile et controversé en 2010. Depuis 50 ans, de nombreuses techniques ont cherché à réparer une lésion focale en zone portante du genou pour obtenir un tissu le plus proche possible du cartilage hyalin, dit hyaline like. Au début des années 1960, les perforations multiples de l’os sous-chondral ont cherché à stimuler les cellules souches pour favoriser une régénération essentiellement fibrochondrale. Cette technique a été relancée par Richard Steadman sous le nom de « microfractures » [56]. Celles-ci ne s’appliquent qu’à des pertes de substance de petite taille, récentes chez des sujets jeunes [21]. À partir de 1983, se sont développées les cultures de chondrocytes autologues sous l’impulsion de Mats Brittberg et Lars Peterson en Suède [10]. Les cultures cellulaires obtenues par repiquage dans un laboratoire de thérapie cellulaire étaient ensuite injectées sous un lambeau périosté. Les résultats étaient satisfaisants, mais la technique était difficile et imparfaite (prélèvement et suture du lambeau difficiles, mauvaise répartition spatiale des cellules). Actuellement, des chondrocytes ou des cellules souches autologues sont implantées dans une matrice, sous arthroscopie. Les greffes ostéochondrales multiples se sont développées à partir des années 1990, et restent largement utilisées car elles sont plus faciles à mettre en œuvre et moins onéreuses. Cette technique peut s’appliquer à de nombreuses articulations : genou, cheville, hanche, coude, épaule, etc., mais nous limiterons notre présentation au genou.



Historique


Plusieurs auteurs ont développé des greffes ostéochondrales massives, à partir de la rotule [45], du condyle postérieur [44], de la trochlée médiale [62]. Ces techniques n’apportent pas un greffon congruent, sont invasives et peuvent perturber la biomécanique articulaire. Ces greffes massives, uniques, semblent excessives pour la réparation d’une perte de substance de surface modérée.


L’utilisation de plusieurs cylindres ostéochondraux permet de pallier ces inconvénients, et le premier cas a été réalisé en 1988 puis publié en 1993 par Matsusue et al. [40]. Il s’agissait d’une lésion chondrale condylienne de 15 mm de diamètre, concomitante d’une rupture du ligament croisé antérieur. Trois greffes de 5 mm de diamètre et 9 mm de long ont été prélevées sur la trochlée et l’échancrure intercondylienne antérieure, et implantées sous arthroscopie. Le contrôle scopique à 2 ans a montré une bonne couverture et intégration. Bobic [8] a publié ses résultats en 1996 et Hangody a développé la technique de greffes multiples ou mosaicplasty à partir de 1992, avec une instrumentation spécifique, et rapporté ses premiers résultats en 1997 [23].


Les études expérimentales chez le chien [20] et le cheval ont montré qu’à 4 semaines, il existe une intégration osseuse, mais il persiste un clivage au niveau du revêtement cartilagineux entre zone donneuse et zone receveuse ; à 8 semaines, le tissu situé au niveau de la jonction entre les cylindres est de type fibrocartilagineux ; à 1 an, la structure cartilagineuse couvre 60 à 70 % de la zone greffée [22].



Bases biomécaniques et histologiques des greffes ostéochondrales


Plusieurs questions se posent.



Quel est le diamètre lésionnel minimal pour envisager une greffe chondrale ?


Une étude biomécanique sur genou de cadavre a mis en évidence un pic de pression sur les berges de la lésion à partir de 10 mm de diamètre [19]. Une lésion d’un plus petit diamètre n’a pas d’incidence sur la pression marginale. Une valeur seuil de 9 mm a été définie par Convery et al. chez le cheval [14]. Ce seuil lésionnel de 10 mm est celui adopté par de nombreux auteurs pour envisager une réparation chondrale en zone portante [10,41]. Le pic de pression sur les berges est proportionnel à la taille de la lésion et au poids du sujet.





Quelle est la zone idéale de prélèvement ?


Théoriquement, il faut prélever dans une zone de faible pression, de courbure et d’épaisseur voisines de celles de la zone receveuse.



Zone la moins contrainte


Garretson et al. [18] ont étudié les pressions sur les berges de la trochlée avec des capteurs électriques plans, lors de mouvements de flexion de 0 à 105°. La pression était faible sur la trochlée médiale et sur la trochlée latérale basse. Compte tenu des largeurs différentes de ces deux zones, ils ont suggéré de prélever des petits greffons sur la trochlée médiale et des greffons plus gros sur la trochlée latérale basse. Pour Guettler et al. [19], des greffons de 5 mm de diamètre prélevés sur la trochlée latérale n’ont pas d’effet sur la pression marginale. Nous n’avons pas la réponse pour des greffons plus gros.




Zone d’épaisseur la plus favorable


L’épaisseur du cartilage est très variable selon la zone et elle est proportionnelle aux contraintes. Plusieurs études ont mesuré l’épaisseur de cartilage des différentes zones donneuses : trochlées médiale et latérale, échancrure, à partir d’arthroscanners [58] ou de genoux de cadavres [1]. Pour Thaunat et al., l’épaisseur de la zone donneuse est en moyenne de 1,8 mm (1,33 à 1,97 mm), donc inférieure à celle de la zone d’appui des condyles, zone receveuse habituelle, qui est de 2,5 mm (2,41 à 2,69 mm). L’épaisseur est supérieure sur les berges de la trochlée par rapport au pourtour de l’échancrure, surtout latérale [58].




Quelle est la technique de prélèvement la plus fiable ?


L’étude de Keeling et al. [29] a comparé le prélèvement par arthrotomie et par arthroscopie. Les greffons (de 7 mm de diamètre) présentaient une incongruence inférieure à 1 mm dans 57 et 69 % des cas respectivement. Si la technique arthroscopique semble plus fiable, elle est plus difficile, notamment sur la trochlée latérale, et expose aux fractures marginales. Le défaut de congruence en surface, pour un même défaut d’angle, augmente avec le diamètre de la greffe.



Quels facteurs influencent la stabilité des greffons ?




Stabilité verticale selon la longueur du puits receveur


Sur une étude cadavérique, Kock et al. [31] ont comparé la stabilité en poussée axiale de greffons parfaitement adaptés à la longueur du puits et de greffons plus courts. Les greffes ajustées à la longueur étaient 2 à 3 fois plus stables [31].





Quel est le risque sur la viabilité cellulaire de l’impaction des greffes ?


Sur une étude cadavérique, Patil et al. [46] ont montré que la force d’impaction de greffes de 8 mm de diamètre n’avait pas d’incidence sur la viabilité cellulaire sous réserve de rester sous le seuil de 400 N (pression < 10 MPa) et d’avoir la même longueur pour le greffon et le puits receveur. Si la greffe était plus longue que le puits, la pression d’insertion dépassait 15 MPa, ce qui est nocif pour les chondrocytes. La répétition de plusieurs impacts de faible énergie était moins dangereuse pour les chondrocytes que peu d’impacts à forte énergie.



Quel est le devenir des greffons transplantés ?


Lane et al. [33] ont réalisé des transplantations de 2 greffons de la trochlée sur le condyle chez 6 chèvres adultes. À 3 mois, la surface de 10 greffes sur 12 apparaissait normale ; dans 2 cas, ils notaient des fibrillations en surface. La partie osseuse du greffon était parfaitement consolidée dans son plot ; en revanche, il n’y avait pas de cicatrisation cartilagineuse en surface. En microscopie confocale, 95 % des cellules des greffons étaient vivantes et synthétisaient des glycoaminoglycanes. Cependant, la dureté des greffes mesurée par un test d’indentation était très supérieure à celle du cartilage avoisinant. Au total, les modifications de dureté des greffes semblent secondaires et restent inexpliquées ; s’agit-il d’un remodelage secondaire ?


Kock et al. [32] ont pu analyser histologiquement un cas de mosaïque à l’aide de 3 greffons sur le condyle médial chez un homme de 49 ans. En raison d’un échec clinique, à 3 ans postopératoires, l’ensemble du condyle greffé prélevé lors de la pose d’une prothèse totale du genou a pu être étudié. L’intégration osseuse était bonne, le cartilage hyalin en surface était viable, la tide mark était continue, mais la jonction chondrale avec la zone receveuse ne s’était pas faite. La viabilité des greffes à 1 an de recul a été confirmée par Barber et al. [3].




Quel est le devenir de la zone donneuse ?


Habituellement, la zone donneuse est laissée vide et des contrôles arthroscopiques secondaires ont montré une surface déprimée avec du tissu fibreux en profondeur [2, 3]. Certains auteurs ont cherché à combler cette zone par un plot ostéopériosté prélevé sur le tibia [60]. Ces tentatives n’ont pas permis d’obtenir un comblement osseux de qualité. Aucune étude expérimentale n’a étudié le devenir du greffon provenant de la zone receveuse et reposé dans la zone donneuse.




Bilan préopératoire




Imagerie des lésions ostéochondrales


Le bilan comprend au minimum une radiographie de face et profil en charge pour objectiver un éventuel pincement fémorotibial, qui serait une contre-indication à la réparation, et préciser les dimensions d’une ostéochondrite. L’incidence fémoropatellaire à 30° apprécie le centrage rotulien et l’épaisseur des berges de la trochlée qui pourront servir de zone donneuse. L’analyse de la surface et de la profondeur des pertes de substance ostéochondrale repose sur l’arthroscanner, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou l’arthro-IRM. Le bilan permettra de classer la lésion selon les 4 grades de profondeur de l’ICRS. L’arthroscanner spiralé procure si nécessaire des coupes inframillimétriques, une reconstruction dans tous les plans mais impose une lecture très attentive. Les atteintes de plus de 50 % de l’épaisseur du cartilage et les fissurations sont mieux dépistées en arthroscanner qu’en IRM [11] et la spécificité de cette technique serait meilleure [58]. L’IRM avec les séquences « classiques » (écho de spin T1, écho de gradient T1 ou T2) ne permet pas de dépister plus de 55 % des lésions chondrales [11,21], mais sa spécificité est toujours élevée ; ce sont les lésions superficielles qui sont méconnues. L’atteinte de l’os sous-chondral, en l’absence de traumatisme récent, permet de suspecter une lésion profonde (grade 3 ou 4). Les séquences spécifiques du cartilage sont les suivantes : l’écho de gradient 3D avec saturation des graisses, permettant des coupes de 3 à 4 mm d’épaisseur et des reconstructions dans les trois plans de l’espace, et le fast spin-echo (FSE) avec saturation de graisse (fat-sat) permettent d’améliorer les performances [10]. Pour des lésions de grades 2 à 4, comparativement à l’arthroscopie, la sensibilité est de 93 % et la spécificité de 94 %, avec des séquences 3D fat-sat [11]. L’arthro-IRM est indiquée dans le bilan d’une ostéochondrite pour connaître l’état du spongieux receveur et dans celui d’une lésion traumatique pour connaître sa surface [7]. En effet, ces lésions sont « cratériformes », bordées de lambeaux instables, et seule leur partie profonde sera décelée et mesurée par la seule IRM, ce qui conduit régulièrement à une sous-estimation de la surface [49].


Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on de réparation du cartilage du genou par plastie en mosaïque: Chondral repair of the knee joint with mosaicplasty

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