de l’insuffisance rénale aiguë en réanimation

Imagerie de l’insuffisance rénale aiguë en réanimation

L. Lemaitre, M. Hazzan, P. Puech, F. Provot and C. Noël



Quand et comment l’imagerie peut-elle aider les réanimateurs pour les patients en insuffisance rénale aiguë en milieu de réanimation ?

Deux situations sont à distinguer : l’insuffisance rénale présente dès l’entrée du patient et l’insuffisance rénale se pérennisant ou apparaissant au décours, alors que le patient est stabilisé.


Définition, épidémiologie et étiologies de l’insuffisance rénale aiguë en réanimation


L’insuffisance rénale aiguë (IRA) est un syndrome défini par une détérioration rapide de la fonction rénale [1]. Un travail prospectif en estime l’incidence à 209 cas par million d’habitants, correspondant à 5 % de la totalité des patients hospitalisés. Dans les services de réanimation, cette fréquence peut atteindre 40 % et l’IRA n’y a pas le même visage que dans les unités de néphrologie [2]. En effet, elle s’intègre alors fréquemment dans un contexte clinique complexe, chez des patients présentant souvent une défaillance multiviscérale et soumis à de nombreuses thérapeutiques potentiellement néphrotoxiques. Ces éléments expliquent en partie : 1) la sévérité de l’IRA qui requiert l’épuration extrarénale dans 70 % des cas ; 2) l’importance du taux de mortalité qui approche 75 %, contre 30 à 50 % dans les unités de néphrologie ; 3) les différences existant quant à la répartition des étiologies d’IRA.

Ainsi, une récente étude a pu montrer que 75 % des IRA en réanimation étaient en rapport avec une nécrose tubulaire aiguë (NTA) et 18 % étaient d’origine prérénale, tandis qu’en néphrologie ces deux étiologies représentent respectivement 38 et 28 % des IRA. L’IRA prérénale se définit comme une IRA hémodynamique, et la NTA correspond, sur le plan histologique, à une desquamation, une vacuolisation puis une nécrose souvent partielle des cellules tubulaires. Classiquement, la guérison est la règle dans ce type histologique. En fait, la pérennisation ou l’absence de guérison rapide est un facteur de mauvais pronostic concernant la guérison ad integrum. Les atteintes glomérulaires, interstitielles ou vasculaires qui comptent pour 9 % des IRA en néphrologie sont peu fréquentes en réanimation (3 %). Enfin, l’obstruction, qui est cause de 15 % des IRA observées en dehors des unités de soins intensifs, est rarement à l’origine de l’IRA en réanimation (1 % des cas). C’est dire que l’objectif sera de repérer rapidement certains éléments du contexte clinique permettant d’orienter le bilan étiologique, et notamment radiologique, pour ne pas laisser échapper la possibilité d’un mode interventionnel spécifique.


Approche diagnostique de l’insuffisance rénale aiguë en réanimation


Par définition, ce qui indique une hospitalisation en réanimation est la nécessité d’une prise en charge rapide sur le plan thérapeutique dans le contexte d’une défaillance grave autre que rénale. Même s’il s’y associe une démarche diagnostique simultanée, le traitement d’urgence symptomatique est la règle : maintien des constantes hémodynamiques, oxygénation voire ventilation, correction d’une hyperkaliémie ou de troubles dysmétaboliques. Dans ce contexte, l’IRA en réanimation est le plus souvent considérée comme un facteur de gravité et n’entraînera une réflexion diagnostique que dans des cas très particuliers.

La réflexion et l’indication d’examens complémentaires concernant la cause de l’IRA viennent donc naturellement de façon secondaire, d’autant qu’il est exceptionnel qu’une défaillance rénale initiale soit la cause de l’hospitalisation en milieu de réanimation.

Cependant, quel que soit le contexte, il faut toujours essayer de répondre à deux questions devant la mise en évidence d’une IRA :




– S’agit-il d’une IRA sur rein sain antérieurement ou de l’aggravation de l’insuffisance rénale chronique (IRC) ?


– Existe-t-il une obstruction de la voie excrétrice ?

L’échographie devrait pouvoir apporter une réponse immédiate concernant la notion d’une IRC déjà présente et précisera d’emblée la possibilité d’une obstruction. La présence d’une diminution de taille des reins est un des rares paramètres qui peut affirmer la notion d’une IRC. En revanche, des reins de taille normale n’éliminent pas ce diagnostic et encore moins celui d’une éventuelle néphropathie sous-jacente. Lorsque les reins sont de petite taille, cela indiquera au clinicien que la gravité éventuelle de l’IRA est peut-être en rapport avec un état rénal déjà pathologique, ce qui relativise en réanimation la notion de facteur de mauvais pronostic global que représente l’IRA. Par ailleurs, la dilatation de la voie excrétrice oriente d’emblée vers une obstruction dont il faudra préciser le mécanisme et pour laquelle un traitement de dérivation des urines doit être envisagé.

Existe-t-il des éléments cliniques qui peuvent orienter vers une pathologie rénale directement responsable de l’hospitalisation en réanimation et qui sous-entendraient de plus une prise en charge spécifique rapide ? Ces situations sont très rares.




– Le premier cas de figure que l’on doit envisager est celui d’une hémorragie d’origine rénale, suffisamment importante pour avoir entraîné un choc hypovolémique. Il existe dans ce cas un abdomen symptomatique en rapport avec un saignement rétropéritonéal ou péritonéal associé ou non à une hématurie macroscopique. Il peut s’agir d’un polytraumatisme avec fracture du rein ou, plus rarement, d’une rupture d’une malformation artérielle ou artérioveineuse. L’artériographie est dans ce cas d’une indication urgente.


– Un état septique avec choc, des antécédents urinaires quels qu’ils soient ou des urines franchement purulentes peuvent orienter le diagnostic et doivent faire évoquer un état suppuratif décompensé. L’IRA sera le plus souvent en rapport avec une NTA associée à l’état septique, mais la présence d’une lithiase obstructive peut faire décider d’un drainage de la voie excrétrice urinaire. Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) peuvent être précieux dans ces circonstances [3].

Il existe un certain nombre de situations où une pathologie rénale peut être responsable de l’hospitalisation en réanimation mais où l’imagerie n’intervient que de façon secondaire.




– Une décompensation cardiaque avec œdème aigu du poumon peut nécessiter une hospitalisation en réanimation du fait d’une association avec une IRA, notamment chez des sujets âgés ou fragilisés. Chez des patients aux antécédents athéromateux, on peut évoquer une sténose de l’artère rénale, responsable de la décompensation cardiaque, une embolie artérielle sur trouble du rythme, ou encore des embolies de cholestérol, en particulier chez les patients sous antivitamine K (AVK), ou après des gestes endoluminaux. L’angioscanner ou l’angioIRM posent le diagnostic immédiat, mais il y a rarement de place pour une radiologie interventionnelle, du moins dans l’immédiat.


– Une défaillance respiratoire avec hémoptysie et IRA peut faire évoquer chez un sujet jeune une pathologie alvéolaire sur une glomérulopathie rapidement progressive. La présence d’une protéinurie flagrante à la bandelette urinaire (+++), associée ou non à une hématurie microscopique, doit faire réaliser rapidement une biopsie rénale à la recherche notamment d’un syndrome de Goodpasture, ce qui permet parfois de poser l’indication d’échanges plasmatiques associés à un traitement immunosuppresseur. L’imagerie, dans le cas présent, sert essentiellement à guider le geste biopsique.

Les autres situations rentrent dans le cadre de la réflexion concernant la persistance d’une insuffisance rénale après correction de la pathologie initiale.




– Une anurie persistante peut faire évoquer une nécrose corticale, par exemple dans les pancréatites graves ou en postpartum, ou encore la nécrose papillaire chez un éthylique chronique. L’angioscanner ou l’angioIRM permettent de fixer le pronostic.


– Lorsque la diurèse est conservée, la biopsie rénale peut aider à faire le diagnostic de persistance d’une NTA et fixer le potentiel de récupération. Elle peut également mettre en évidence une néphropathie interstitielle immunoallergique ou secondaire à une néphrite bactérienne. L’opportunité de la corticothérapie doit être discutée dans le premier cas, alors qu’un traitement antibiotique est souvent justifié dans le second. Là aussi, l’imagerie peut aider à guider le geste biopsique [4].


Techniques d’imagerie : place et limites en réanimation



Échographie


L’échographie a bénéficié des derniers perfectionnements technologiques concernant les sondes, les traitements de l’image, la miniaturisation et les capacités informatiques. Les sondes multifréquences ou à large bande (2 à 5 MHz) sont actuellement les mieux adaptées, car elles permettent d’optimiser la fréquence d’exploration aux conditions anatomiques au cours de l’examen. Elles équipent les machines de dernière génération et sont indispensables aux modalités d’imagerie harmonique.

L’échographie permet une étude morphologique et une étude de la vascularisation du rein en modes doppler pulsé, couleur et énergie.

L’examen échographique en mode B explore l’ensemble de l’appareil urinaire. Il comprend une analyse comparative du parenchyme des deux reins (mesure du diamètre bipolaire, épaisseur du cortex, échogénicité et différenciation corticomédullaire), et une analyse de l’ensemble de la voie excrétrice par toutes les voies d’abord possibles : latérale, postérieure, antérolatérale, antérieure (sujets maigres) pour l’étage lombaire, suspubienne pour l’étage pelvien.

L’examen peut être complété par une analyse comparative de la vascularisation des deux reins en mode doppler, en analysant le régime circulatoire dans les branches principales de l’artère rénale et en mesurant les résistances périphériques par l’index de résistance. L’utilisation du doppler couleur est actuellement indispensable pour une étude complète des artères rénales, et le mode puissance (ou énergie) facilite dans certains cas l’étude morphologique des artères rénales ainsi que l’évaluation de la vascularisation corticale.

Dans le cadre de l’IRA en réanimation, il faut garder en mémoire certaines limitations de l’examen échographique : l’accessibilité et la mobilité du patient sont faibles et ne facilitent pas la réalisation de l’examen ; le contexte (postopératoire, ventilation assistée) interfère également dans la qualité des informations fournies. La miniaturisation des sondes et des appareils améliore néanmoins les capacités de cette technique non invasive, réalisée au lit du patient, et permet un monitorage potentiel.

Quelle est la place de l’échographie dans l’IRA ?

Le premier objectif de l’échographie est de rechercher une néphropathie chronique avec les réserves émises plus haut : l’IRA ne correspond, dans ce cas, qu’à une dégradation aiguë de la fonction rénale chez un patient présentant au préalable une IRC. Les reins sont de petite taille, souvent très échogènes, sans différenciation entre le cortex et la médullaire, avec une atrophie parenchymateuse sévère : l’atteinte est bilatérale (figure 1). La qualité des renseignements morphologiques permet de rapidement orienter le diagnostic de cette catégorie d’IRA (figure 2).








B9782842998219500217/f21-01-9782842998219.jpg is missing
Figure 1
Insuffisance rénale aiguë correspondant à la détérioration brutale d’une insuffisance rénale chronique : en échographie, deux petits reins (7 cm de diamètre) avec atrophie parenchymateuse sévère et parenchyme très échogène sans différenciation corticomédullaire.









B9782842998219500217/f21-02-9782842998219.jpg is missing
Figure 2
A, B : Insuffisance rénale aiguë avec nécrose tubulaire aiguë : reins de grande taille avec cortex plus échogène accentuant la différenciation corticomédullaire.


L’appréciation de la taille et du volume des reins en échographie présente néanmoins quelques difficultés d’analyse et de réalisation :




– le caractère très échogène des reins peut rendre difficile leur délimitation par rapport à la graisse adjacente ;

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on de l’insuffisance rénale aiguë en réanimation

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access