La chirurgie antérieure dans les fractures récentes du rachis thoracolombaire
Anterior surgery for recent thoracolumbar fractures
Historique
Le traitement chirurgical des fractures du rachis s’est longtemps réduit à l’excision des fragments osseux endocanalaires et aux laminectomies décompressives isolées dont la première description, par Paul d’Égine (625–690), date du viie siècle. Après une longue période de traitement passif par décubitus dorsal rapportant des taux de mortalité jusqu’à 90 % [5], les modalités du traitement orthopédique (corset de Boehler) ont été bien codifiées. Devant les insuffisances de ce traitement, de nombreux auteurs ont proposé l’ostéosynthèse du rachis. Ainsi, en 1953, Holdsworth stabilisa le rachis avec deux plaques fixées l’une à l’autre à travers les épineuses [38], puis Harrington en 1958 utilisa pour la première fois son matériel pour traiter une fracture du rachis [35]. Toutefois, ces matériaux étaient inadaptés à la traumatologie et imposaient la pratique de longues fixations. C’est finalement à Paris, en 1963, que fut implantée par Raymond Roy-Camille la première plaque vissée à travers les pédicules vertébraux [66]. À la fin du xixe siècle, si Lannelongue et Miccelli furent à l’origine de la thoraco-phréno-lombotomie, c’est Mikulicz qui la pratiqua pour la première fois en 1896. Hodgson réalisa en 1950 la première thoraco-phréno-lombotomie pour une pathologie rachidienne afin de drainer mais aussi de fusionner un mal de Pott thoracolombaire [37]. Par la suite, certains ont utilisé ces voies antérieures en traumatologie rachidienne pour réaliser une décompression médullaire par résection corporéale suivie d’une stabilisation par greffon tricortical isolé, car aucun matériel de synthèse antérieur spécifique adapté au rachis n’avait encore été développé [21,65]. Ces techniques aboutirent à un important taux de pseudarthrose et de cyphose résiduelle. De ce fait, une ostéosynthèse postérieure a parfois été réalisée après le temps antérieur de décompression alors que d’autres utilisèrent les plaques diaphysaires destinées aux os longs pour pratiquer une ostéosynthèse antérieure afin de tout faire en un temps par-devant [33]. Par la suite, diverses techniques de fixation antérieure ont été développées, tout d’abord principalement pour la chirurgie de la scoliose (Dwyer) puis plus spécifiquement pour la traumatologie rachidienne (système de Kaneda ou de Kostuik-Harrington). Ces implants ne sont plus utilisés aujourd’hui, au bénéfice de matériaux plus performants (tableau 1) [21,27,42,48] qui se sont finalement adaptés aux techniques chirurgicales endoscopiques comme le système MACS TL™ (B Braun Aesculap) [71] ou la plaque Vantage™ (Medtronic Sofamor Danek) [7]. Parallèlement, plusieurs auteurs ont rapporté les résultats des doubles abords : postérieur pour réduction-synthèse ± décompression puis antérieur pour greffe osseuse ± ostéosynthèse complémentaire associée ou non à une corporectomie de décompression médullaire [7,71,73].
HMA System™ | B Braun Aesculap |
MACS TL™ | B Braun Aesculap |
Vantage Anterior Fixation System™ | Medtronic Sofamor Danek |
Xantus™ | Medtronic Sofamor Danek |
CD Horizon™ | Medtronic Sofamor Danek |
LDI Anterior Spinal System™ | Medtronic Sofamor Danek |
Z Plate ATL™ | Medtronic Sofamor Danek |
Plaque Profile™ | DePuy Acromed |
Plaque Lyra™ | Scient’x |
Ventrofix™ | Mathys |
KASS Instrumentation antérieure de Kaneda™ | DePuy Acromed |
Plaque de Goutallier™ | Medicalex |
Techniques chirurgicales
Installation de l’opéré
L’installation de l’opéré en décubitus dorsal est prônée par certains auteurs classiques [28,51], tout particulièrement dans les voies conventionnelles et pour éviter la fixation du rachis en scoliose, mais également pour pouvoir utiliser une traction lourde et un billot ou le cassage de la table afin de faciliter la réduction de la cyphose traumatique. Une réduction-ostéosynthèse postérieure première règle ce problème et laisse libre le choix de l’installation que certains réalisent systématiquement en décubitus latéral [52,55].
Abord chirurgical
Thoraco-phréno-lombotomie gauche conventionnelle
Ses principes ont été parfaitement décrits par René Louis [50,51]. La charnière T12-L1 se projette habituellement au niveau de la terminaison antérieure du 8e espace intercostal. Son abord de T10 à L2 se fait classiquement par une thoraco-phréno-lombotomie gauche dont l’incision se situe au bord supérieur de la moitié antérieure de la 9e ou 10e côte gauche débordant sur l’abdomen, suivie de l’ouverture de la cavité pleurale mais sans ouverture de la cavité péritonéale (figure 1). L’abord jusqu’en L1 peut toutefois rester rétropleural [43]. Le côté gauche est le plus souvent choisi car l’aorte est beaucoup moins fragile que la veine cave. Néanmoins, certains préfèrent un abord droit pour éviter le contact entre le matériel d’ostéosynthèse et l’aorte battante, qui peut être à l’origine d’une érosion de la paroi artérielle [20,21].
Les nerfs intercostaux émergent par les trous de conjugaison pour rejoindre les espaces intercostaux où ils peuvent servir de fil conducteur pour l’abord du canal rachidien. À l’inverse, les nerfs lombaires ayant un trajet vertical dans l’angle situé entre les corps vertébraux et les apophyses transverses dans la profondeur des insertions des muscles psoas, ils ne peuvent jouer aucun rôle de repère et doivent au contraire être évités pour ne pas être blessés [50].
Abords mini-invasifs vidéoassistés
De nombreuses équipes ont précisé les différentes modalités possibles des abords mini-invasifs vidéoassistés [7,39,55,57,71]. Il est possible de combiner la thoracoscopie et la rétropéritonéoscopie pour atteindre la charnière thoracolombaire. Ces techniques endoscopiques nécessitent néanmoins de connaître parfaitement les voies d’abord conventionnelles, car une conversion peut devenir nécessaire sans retard en cas de saignement incontrôlable.
Plusieurs techniques d’abord mini-invasifs ont été décrites selon l’étage fracturé. Les fractures de T11 et T12 sont faciles à aborder, car il n’est pas nécessaire d’ouvrir le diaphragme pour atteindre L1, qui est situé dans le cul-de-sac diaphragmatique postérieur. Il est en revanche plus difficile d’atteindre le corps de L2. Deux techniques d’abords mini-invasifs sont utilisées depuis la fin des années 1990 : soit une minithoracotomie associée à deux trocarts pariétaux (figure 2) [39,57,71], soit un abord thoracoscopique vrai, à l’aide de trois trocarts [7]. En l’absence d’une bonne expérience de la chirurgie vidéoscopique, ce dernier expose aux risques de la visualisation en deux dimensions qui rend difficile le contrôle de l’angulation et de la profondeur de pénétration des instruments potentiellement dangereux.
Figure 2 Fracture de T12. Thoracotomie mini-invasive associée à deux trocarts de travail.
Photo : J. Delecrin.
Comme la majorité des auteurs [55], notre préférence va donc à la minithoracotomie où le contrôle peut être effectué selon les temps opératoires soit en direct, soit via le moniteur (utilisé dans tous les cas par les aides). Un repérage radioscopique précis est nécessaire pour inciser exactement à l’aplomb de la fracture en suivant le bord supérieur de la côte pour éviter de léser le pédicule intercostal. Le trocart pour l’optique (angulé à 30°) est introduit deux ou trois espaces plus haut dans l’axe du rachis et celui pour l’écarteur à diaphragme, le rétracteur à poumon et l’aspiration 5 à 10 cm en avant de la thoracotomie (antérieurement à la ligne axillaire antérieure). L’abord du rachis se fait pour T11-L1 au-dessus du diaphragme, alors qu’une incision partielle en périphérie de 4 à 6 cm du diaphragme sera réalisable sous thoracoscopie pour étendre l’abord à la seconde vertèbre lombaire. Cette phrénotomie doit parfois être pratiquée sur 2 cm pour implanter des vis dans le corps de L1 [7].
Décompression
La corporectomie doit être débutée en laissant initialement en place le mur antérieur (lorsqu’il n’est pas totalement détruit) et le mur postérieur du corps vertébral. Ceci a deux avantages : ne pas débuter la corporectomie par l’exérèse de la partie toute postérieure au contact du fourreau dural limite le saignement, car ce geste correspond au temps le plus hémorragique du fait des veines épidurales, tandis que la conservation du mur antérieur protège les vaisseaux prérachidiens en cas d’échappement en avant d’une curette. Un petit mur osseux controlatéral peut également être respecté [50].
On utilise le ciseau-frappé, les ciseaux ou pinces-gouges et des curettes droites ou courbes pour les deux tiers antérieurs du corps vertébral, mais certains utilisent une fraise à os [55]. On peut mettre régulièrement de la cire sur l’os spongieux pour limiter le saignement. Le disque sus-jacent ou les deux disques adjacents au corps vertébral fracturé seront retirés, ainsi que le ligament commun vertébral postérieur (LCVP), ce qui permet de voir la dure-mère. Les plateaux des deux vertèbres adjacentes à la fracture seront avivés pour obtenir la consolidation du greffon.
Il faut entrer par le foramen qui est repéré au niveau thoracique bas en suivant le nerf intercostal. Partant du foramen, la résection commencera par le pédicule gauche qui permettra de visualiser la dure-mère puis d’exciser les différents fragments protrus dans le canal (figure 3). À l’inverse, pour Dunn, il est très important de commencer la décompression par le côté opposé à l’abord car en commençant au plus proche, la moelle s’expand progressivement en avant et gêne la visualisation des fragments incarcérés du côté opposé [21].
Ce temps doit être assez rapide, car il s’accompagne presque toujours d’un saignement important par les veines épidurales déchirées lors de la fracture et mobilisées pendant la décompression. Il faut avoir à sa disposition deux aspirateurs en cas d’utilisation du Cell Saver® dont le débit est faible. Des lames de Surgicel® recouvertes de compresses humides tièdes peuvent aider à obtenir l’hémostase, mais elles ne doivent pas être laissées en fin d’intervention au contact de la dure-mère, d’où l’intérêt d’autres hémostatiques locaux sous forme liquide (Surgiflo®, Ethicon). À la fin de la décompression, toute la face antérieure du sac dural doit être vue, du plateau vertébral de la vertèbre sus-jacente à celui de la vertèbre sous-jacente (figure 4). Ce n’est que lorsque la base du pédicule opposé est visualisée que l’on peut être sûr que la décompression est complète [42].
Si l’abord antérieur est prévu pour la réparation d’une perte de substance sans sténose canalaire, la résection osseuse corporéale et discale se limitera à la partie antérieure et moyenne du corps vertébral, le mur postérieur pouvant être respecté [50].
Réduction
Pour restaurer la hauteur du corps vertébral, Kaneda et Been utilisent un distracteur s’appuyant sur les têtes de vis [6,44]. Cette technique expose toutefois à une ouverture asymétrique de l’espace intersomatique, puisque les vis sont antérolatérales. Louis et Goutallier, opérant en décubitus dorsal, préfèrent la traction, le billot et le cassage de la table [50,64]. En cas de chirurgie en décubitus latéral, c’est principalement la poussée manuelle directe sur les épineuses qui permet de réduire la cyphose [55]. Cette technique approximative ne semble ni très précise, ni très reproductible. Le Huec a bien démontré l’intérêt pour la correction de la cyphose de l’utilisation d’un distracteur spécifique prenant appui sur les plateaux vertébraux adjacents de façon symétrique tout en ne gênant pas l’introduction de la greffe dans l’espace intersomatique [55]. Le gain sur la cyphose locale et sur l’angulation régionale était deux fois plus important que par manœuvres externes isolées.
L’introduction d’une cage de reconstruction corporéale (cage Pyramesh™, Medtronic Sofamor Danek) permet ensuite de maintenir la hauteur et la lordose de façon probablement plus efficace qu’un greffon costal isolé [55,71]. En cas de chirurgie différée avec une cyphose fixée, le ligament longitudinal antérieur devra être sectionné pour obtenir une réduction satisfaisante.
Greffe
Afin d’éviter les pertes de correction secondaire, plutôt que de vouloir combler le vide corporéal en y impactant la greffe, il est préférable de l’encastrer entre les deux plateaux vertébraux adjacents au corps vertébral fracturé préalablement correctement avivés [14]. Il existe peut-être une indication pour une greffe corporéale isolée lorsqu’un montage postérieur très stable a été préalablement réalisé. La 12e côte est le plus souvent trop grêle et trop fragile pour servir de greffe intersomatique [42]. Nous préférons utiliser un prélèvement tricortical iliaque (figure 5) qui doit si possible être positionné du côté opposé à la plaque, proche des pédicules, pour améliorer la stabilité du montage [30,42]. De l’os spongieux voire des substituts osseux peuvent remplacer ce greffon en les introduisant dans une cage de reconstruction corporéale [55]. En cas d’intervention sous traction, celle-ci devra être relâchée après positionnement du greffon.
Instrumentation
Les différents matériaux utilisés actuellement reposent sur des ancrages corporéaux introduits préalablement, sur lesquels viennent se fixer des barres ou des plaques (système MACS TL™, B Braun Aesculap, ou plaque Vantage™, Medtronic Sofamor Danek). Cette solution présente l’avantage de positionner les vis corporéales avant le temps hémorragique de la corporectomie et de ne pas devoir les introduire à travers les orifices de la plaque alors qu’un saignement parfois important perturbe la vision du foyer opératoire. En cas d’utilisation du roulis lors de l’abord, celui-ci devra être enlevé au moment de l’introduction des vis pour repérer plus facilement le plan frontal et pour avoir de vrais contrôles de face et de profil à l’amplificateur de brillance. Selon les systèmes, la balistique de visée est soit libre (CD [Cotrel-Dubousset]), soit imposée par l’ancillaire fixé sur le matériel corporéal (système de Kaneda). L’avantage des plaques est d’être beaucoup plus minces alors que le CD est plus épais mais autorise un placement plus libre des implants. En dehors des vis creuses type HMA (Hollow Modular Anchorage), les vis sont le plus souvent de diamètre 5,5. Après un avant-trou sur 5 à 10 mm à la mèche de 3,2 en direction du pédicule opposé, deux à trois vis de 30 à 50 mm de longueur sont introduites dans chaque corps vertébral. Pour Ghanayem, Kaneda, Le Huec, Sasso et Goutallier, ces vis doivent être bicorticales [27,30,42,55,69]. Du ciment peut être utilisé pour améliorer la tenue des vis en cas d’ostéoporose [27]. La face antérolatérale du corps vertébral étant plus ou moins concave, il faut parfois effondrer ses reliefs supérieurs et/ou inférieurs au ras du disque pour que la plaque s’adapte bien. En cas de contact étroit, un matériel d’interposition peut être utilisé pour séparer la plaque de l’aorte [43].
Résultats
Ils seront donnés à partir de 19 séries de la littérature regroupant 1054 cas de chirurgie par voie antérieure pour traumatismes du rachis dorsolombaire, dont les principales caractéristiques sont résumées dans le tableau 2. La grande majorité de ces séries comportent des voies antérieures exclusives, mais certaines incluent quelques patients opérés également par voie postérieure soit avant, soit après le geste antérieur. Nous n’avons conservé que les séries où les atteintes de la charnière dorsolombaire représentent la totalité ou la quasi-totalité des localisations fracturaires.
Complications per- et postopératoires
Les risques spécifiquement liés à l’abord antérieur du rachis thoracolombaire comportent les plaies vasculaires artérielles ou veineuses des gros vaisseaux prérachidiens [7,14,21] et du canal thoracique, qui sont exceptionnelles. Elles sont moins rares en cas de reprise chirurgicale [7]. Des séquelles fonctionnelles peuvent découler de lésions de la chaîne sympathique dorsale secondaires à la dissection (diarrhée chronique). Les complications septiques profondes sont très rares malgré le contexte de cette chirurgie traumatique chez des patients parfois polytraumatisés et séjournant souvent en réanimation. Sur les 12 publications où sont détaillées l’ensemble des complications, 5 infections profondes sont survenues pour 549 cas, ce qui correspond à un taux de 0,95 % [6,7,14,20,33,44,48,55,61,69,70,71]. Ce taux était de 0,7 % dans la méta-analyse de Verlaan portant sur 607 voies antérieures, contre 2 % dans la chirurgie par voie postérieure [80].
Le saignement peropératoire moyen varie de 0,6 à 2,5 l (tableau 3). Dans la méta-analyse de Verlaan, le saignement moyen était de 1,3 l, concordant avec nos résultats [80]. En l’absence de chirurgie stabilisatrice postérieure première, le temps moyen de l’intervention varie entre 2,5 et 5,5 h (4,5 h dans la méta-analyse de Verlaan). Il est important de prévenir l’équipe anesthésique que cette chirurgie peut être très longue (tableau 3), régulièrement 5 h, voire bien plus [7], et saigne parfois plus de 5 l [20,78]. Toute insuffisance de l’équipe d’anesthésie peut en effet avoir des conséquences dramatiques voire fatales [50]. Le délai entre l’accident et le geste chirurgical influence ce saignement : très précoce (avant 24–48 h), l’intervention comportera un saignement fracturaire difficile à contrôler, mais trop tardive (après 25 j), un début de consolidation imposera de libérer des ponts osseux et des adhérences qui seront eux-mêmes à l’origine d’un saignement parfois important, voire de plaies vasculaires [43]. Il est utile de noter que dans notre expérience, une grande partie du saignement se tarit spontanément une fois le segment fracturé stabilisé.
Le matériel doit être latéral et ne pas entrer en contact avec les vaisseaux artériels. En effet, quelques cas d’érosions tardives (plusieurs années après l’intervention) de l’aorte thoracique sur plaque saillante ou sur vis ont été rapportés [12,20] et ont imposé une reprise pour ablation du matériel et réparation vasculaire. Il faut donc utiliser un matériel peu saillant (nous avons dans notre pratique arbitrairement fixé la limite de l’épaisseur totale de la plaque à 10 mm) en évitant les dessins avec des reliefs trop marqués. Pour d’autres, ce risque justifie un abord droit à distance des vaisseaux pulsatiles.
La survenue d’une hernie diaphragmatique est une complication possible en cas de phrénotomie, mais elle est exceptionnellement rapportée. Les complications pulmonaires postopératoires incluent principalement les atélectasies, les pneumothorax, les hémothorax et les pneumopathies. Elles sont retrouvées dans 5 à 15 % des cas [7,43,55,69]. Bien entendu, l’existence d’une paraplégie favorise par elle-même leur survenue. Leur fréquence et leur gravité doivent être limitées par la qualité de la réexpansion pulmonaire lors de la fermeture [50], la pose systématique d’un drainage pulmonaire efficace en cas de voie transpleurale ou de fuites lors de l’expansion et l’utilisation de techniques mini-invasives.
Néanmoins, si les techniques vidéoassistées semblent limiter efficacement le saignement peropératoire, elles n’éliminent pas le risque d’atélectasies pulmonaires postopératoires [55]. Celles-ci doivent être évitées par des réexpansions peropératoires régulières du poumon exclu et en limitant autant que faire se peut le temps opératoire. Elles sont dues à une obstruction bronchique qui peut nécessiter une endoscopie de désobstruction. Nous partageons l’avis de Le Huec et préconisons aujourd’hui, en l’absence de difficultés techniques (sujet longiligne, fracture de T11 ou T12, absence de geste de décompression médullaire, chirurgie peu hémorragique), de démarrer cette chirurgie par un abord mini-invasif vidéoassisté sans exclusion pulmonaire pour tenter d’en limiter encore la morbidité en diminuant le risque d’atélectasie pulmonaire [55]. L’exclusion pourra toujours être réalisée en cas de difficulté peropératoire.
Problème de l’artère spinale antérieure
D’une des artères pariétales naît le rameau pénétrant dans un des foramen intervertébraux pour donner naissance à l’artère radiculomédullaire d’Adamkiewicz, vascularisant la moelle. Son origine se fait le plus souvent entre la 8e dorsale et la 2e lombaire, avec une nette prédominance pour le côté gauche. Certains auteurs (tous français) imposent la réalisation d’une artériographie médullaire avant de pratiquer un abord antérieur du rachis thoracolombaire pour corporectomie-arthrodèse [29]. Ceci peut se justifier par le fait que les branches verticales qui anastomosent plusieurs branches métamériques les unes aux autres, et qui sont donc capables de suppléer à l’artère intercostale d’où naît l’Adamkiewicz, sont situées au niveau des trous de conjugaison. De ce fait, même en respectant la règle de la ligature des artères pariétales près de l’aorte, ces anastomoses risquent d’être interrompues lors du temps endocanalaire de décompression médullaire, pouvant théoriquement entraîner une ischémie médullaire définitive.