Chapitre 4 Baisse Brutale de L’acuité Visuelle
Le médecin généraliste doit pouvoir disposer de petits moyens d’examen :
Le médecin généraliste doit également être capable d’apprécier la pression oculaire par une palpation bidigitale du globe (les deux index posés sur le même œil exercent alternativement une pression sur celui-ci, le patient regardant vers le bas). Cela permet d’évaluer la dépressibilité du globe. La comparaison entre les deux yeux permet d’apprécier une élévation pressionnelle unilatérale, comme dans la crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle. Aidé par d’autres signes associés éventuels (cf. infra), on évitera ainsi un retard diagnostique préjudiciable. Un traitement urgent pourra être débuté en attendant la prise en charge ophtalmologique. Le but de cet exposé est d’aider à reconnaître les cas où le symptôme visuel est un signal d’alarme devant amener, notamment, à une prise en charge cardio-vasculaire lorsque le pronostic vital est en jeu ou s’il conduit à évoquer une maladie de Horton chez le sujet âgé. Par contre, ni les urgences traumatiques ni la pathologie pédiatrique ne seront abordées.
BAISSE D’ACUITÉ VISUELLE TRANSITOIRE
Amaurose fugace ou cécité monoculaire transitoire
Chez un sujet âgé ou ayant un terrain vasculaire connu, c’est l’amaurose fugace ou cécité monoculaire transitoire (CMT). Le patient décrit bien la perte totale de la vision de cet œil ou la sensation d’être « comme dans du coton ». L’occlusion de l’autre œil l’aurait rendu incapable de se déplacer. La récupération est totale, généralement en quelques dizaines de minutes, en tout cas en moins de 24 heures. Mais cela ne doit pas rassurer. Il s’agit d’un véritable accident ischémique transitoire et il en partage le pronostic. Il peut être le signe avant-coureur d’un accident vasculaire cérébral ou d’un infarctus du myocarde dont on connaît la morbidité et la mortalité importantes. Une cardiopathie emboligène et des facteurs de risque vasculaire seront recherchés par un examen clinique avec échographie cardiaque et écho doppler des vaisseaux du cou. Un traitement anticoagulant et/ou antiagrégant pourra être envisagé. Il est surtout indispensable d’éliminer une maladie de Horton (signes fonctionnels et physiques, mais surtout VS et CRP, voir Encadré 1). Dans ces circonstances, la consultation ophtalmologique ne doit en aucun cas retarder la mise en route des mesures thérapeutiques urgentes.
BAISSE TRANSITOIRE DE L’ACUITÉ VISUELLE AVEC PERCEPTION DE LUMIERES SCINTILLANTES CHEZ UN SUJET JEUNE
BAISSE D’ACUITÉ VISUELLE UNILATÉRALE PERMANENTE – L’ŒIL N’EST PAS ROUGE
Occlusion de l’artère centrale de la rétine
S’il s’agit d’un sujet âgé, le diagnostic le plus probable est celui d’une occlusion de l’artère centrale de la rétine (OACR) avec baisse de l’acuité visuelle brutale, d’emblée maximale, souvent constatée le matin au réveil (probablement en relation avec l’hypotension artérielle matinale). L’acuité visuelle n’est pas mesurable et le fond d’œil montre des plages d’ischémie (œdème des fibres nerveuses) avec macula rouge cerise par contraste, car la couche des fibres nerveuses y est absente. Dans les rares cas où il s’est écoulé moins de six heures depuis l’occlusion, il peut être intéressant d’hypotoniser le globe par du Diamox® et de le masser dans l’espoir d’améliorer la circulation artérielle rétinienne et /ou de faire migrer l’obstacle circulatoire plus loin, au-delà d’une fourche vasculaire. La mise sous anticoagulants voire la prise en charge en milieu neuroradiologique interventionnel peuvent être discutés. Les facteurs de risque en sont l’artériosclérose, plus rarement les cardiopathies emboligènes ou, encore une fois, la maladie de Horton. Le pronostic fonctionnel est malheureusement sombre avec une récupération visuelle médiocre ou nulle. Mais il n’y a généralement pas de complications néovasculaires ischémiques rétiniennes à long terme.