Chapitre 3 Conception assistée par ordinateur et reconstruction des parois
GÉNÉRALITÉS
Les malformations congénitales du thorax sont largement dominées par le thorax en entonnoir, également appelé pectus excavatum. Il s’agit d’une malformation complexe intéressant le plastron sternocostal. Elle se caractérise par une dépression médiane à grand axe vertical parfois latéralisé, touchant la deuxième partie du sternum, invaginant les cartilages de la troisième à la huitième côte [1] (figure 3.1). Une scoliose est souvent associée à la déformation thoracique (figure 3.2).
L’incidence du pectus excavatum est de 1 à 2 % dans la population générale. Il représente environ 90 % des malformations thoraciques. Son caractère familial, déjà noté par Bauhinus, est présent dans 20 % des cas [7]. Cette malformation affecte préférentiellement les hommes avec un sex-ratio de 2 à 4 selon les séries publiées.
La pathogénie exacte de ces malformations congénitales est encore mal élucidée. De nombreuses hypothèses ont été avancées mais aucune n’a pu être prouvée. La théorie de l’hyperplasie chondrocostale, émise en 1937 par Ombredanne, est à l’heure actuelle la plus communément admise par de nombreux auteurs [1,2,19,20].
Les formes cliniques de thorax en entonnoir ont fait l’objet de plusieurs classifications. La classification de Chin [2], établie à partir d’une série de 54 patients, a pour avantage de prendre en compte le degré d’asymétrie que peut présenter le thorax en entonnoir :
Le retentissement majeur est psychologique [1,2,4,7,14]. Il atteint indifféremment les sujets de sexe féminin et masculin dans leur image corporelle. Cela s’explique par l’image traditionnelle du buste au sein de la société : force et virilité chez l’homme, beauté et féminité chez la femme [10]. Cette anomalie physique, profondément ressentie dès la deuxième enfance, peut entraîner une inhibition, un sentiment d’angoisse, de malaise intérieur, allant même jusqu’à des troubles névrotiques caractérisés de type angoisse ou même dépression. L’entourage familial contribue souvent à l’aggravation des troubles par une surprotection de l’enfant et de l’adolescent. L’enfant, présenté comme plus fragile que ses congénères, évite la pratique sportive et se replie sur lui-même. À l’âge de l’adolescence, la difficulté à s’affirmer physiquement passe ensuite au premier plan, aggravant encore le repli [2].
Cette attitude de repli transparaît dans le maintien de ces patients qui cherchent à masquer leur déformation par un enroulement du buste. Les sujets sont habituellement longilignes sans excès pondéral. Ils ont une attitude voûtée, cyphotique, les épaules déjetées en avant et en bas, les scapulas saillantes, la sangle abdominale relâchée. Cette attitude d’« enroulement » n’est pas une déformation fixée ; elle doit être corrigée par l’exercice physique et sportif, voire par la rééducation fonctionnelle [2].
Le retentissement fonctionnel du pectus excavatum est un sujet de controverse. Cependant, il est actuellement admis par un grand nombre d’auteurs [1,2,4,6,7,9,10] que le thorax en entonnoir ne s’accompagne pas de troubles fonctionnels invalidants, ne justifiant donc pas de traitement chirurgical lourd. Les explorations fonctionnelles respiratoires et gazométriques sont normales ou à la limite inférieure de la normale, sans corrélation avec la profondeur de la déformation [21]. Le retentissement cardiaque est représenté par des modifications électromyographiques, des troubles du rythme aspécifiques et des modifications auscultatoires [22]. Aucune étude n’a actuellement prouvé le gain fonctionnel hémodynamique apporté par une chirurgie radicale.
Un autre type de malformation congénitale du thorax est représenté par le syndrome de Poland (figure 3.6). C’est l’association de deux anomalies qui définit ce syndrome :
Les malformations varient d’un cas à l’autre, mais ont toujours en commun l’agénésie des faisceaux sternocostaux du grand pectoral (malformation princeps). Pour la majorité des auteurs [3,8,19], l’agénésie touche à la fois le faisceau sternocostal inférieur et moyen, le faisceau claviculaire étant intact. Cependant, certains patients de notre série présentent également une agénésie du faisceau claviculaire. Dans ce cas-là, on note une agénésie complète des grand et petit pectoraux (figure 3.7).
On parle de syndrome de Poland dès que la malformation princeps est présente, même en l’absence d’anomalie du membre supérieur. Dans la majorité des cas, la cage thoracique est normale [3].
L’anomalie se traduit cliniquement par une depression infraclaviculaire et par une absence de pilier axillaire antérieur. Les anomalies cutanées rencontrées dans ce syndrome comportent une peau fine avec hypoplasie du tissu souscutané et des troubles de la pilosité. On peut également rencontrer une bride axillaire ne contenant que du tissu fibreux. Chez la femme, la malformation entraîne cliniquement une asymétrie mammaire accompagnée ou non d’une hypoplasie mammaire [3].
Le syndrome de Poland est une malformation rare dont l’incidence est estimée à 1 pour 30 000 naissances [3,16]. Il semble exister une prédominance masculine ; cependant, l’expression de la malformation influence le sex-ratio. Ainsi, dans les formes mineures, le sex-ratio est en faveur des femmes ; dans les formes majeures, la prédominance est masculine. la majorité des publications atteste la latéralisation du syndrome de Poland à droite avec un rapport de 3 pour 1 [3,5,13]. Les formes bilatérales sont exceptionnelles [11,12].
Murray fut le premier en 1965 [18] à utiliser une prothèse préformée de silicone, suivi dans les années 1970 [14,15,17,21] par de nombreux auteurs. La technique classique consiste à réaliser la prothèse en laboratoire, à l’aide d’une empreinte de la déformation. La prothèse est ainsi réalisée conformément à la déformation visible de la peau et non de celle du plan chirurgical où elle sera déposée. Chez la femme, la presence du sein est une gêne supplémentaire à l’appréciation de la déformation. Bien que des raffinements aient été apportés à cette méthode, la méconnaissance de l’épaisseur des parties molles engendre des défauts qui rendent parfois la prothèse visible en postopératoire. L’utilisation de la conception assistée par ordinateur (CAO) des implants, appuyée sur une reconstruction tridimensionnelle du scanner thoracique des patients, permet de résoudre ces problèmes d’appréciation.