Arythmie mettant en jeu le pronostic vital chez un enfant

15. Arythmie mettant en jeu le pronostic vital chez un enfant


Une fillette de cinq mois a été opérée pour une transposition des gros vaisseaux (technique de Senning). Le diagnostic néonatal de la transposition avait nécessité une septostomie par voie intravasculaire avec de bons résultats, et avant la chirurgie l’enfant était en bonne santé avec un poids de 5,9kg. L’intervention a été bien tolérée et la sortie de circulation extracorporelle (CEC) sans problème. Elle est sédatée, curarisée et ventilée en postopératoire, avec un soutien hémodynamique efficace, par de petites doses continues de dopamine, phentolamine et adrénaline. Cependant, une tachycardie persistante à 140–230bpm entraîne une baisse de la pression artérielle moyenne et contribue à une insuffisance rénale avec ascension de la créatininémie. Une dialyse péritonéale est instituée avec succès mais la tachyarythmie ne s’améliore pas. La digoxine (Lanoxin®) aux doses recommandées pour les enfants âgés de deux semaines à deux ans (0,04-0,06mg/kg), soit 0,16 puis 2 fois 0,08mg en quelques heures, n’apporte aucun résultat et des épisodes de tachycardie allant jusqu’à 360bpm surviennent malgré le traitement. Le vérapamil, le propranolol, la lidocaïne et la phénytoïne sont également sans effet sur cette tachycardie qui met en jeu le pronostic vital. La fillette est maintenant totalement anurique. La gazométrie artérielle sous FiO2 0,4 est la suivante : pH 7,33 ; pCO2 33mmHg ; BE 7,7mmol/l et pO2 92mmHg. Elle est en unité de surveillance intensive depuis 24h et l’élévation de la kaliémie à 5,9mmol/l est inquiétante. Suivant les recommandations habituelles, le traitement de l’hyperkaliémie par normalisation du pH et administration de glucose insuline est débuté. Un soluté de dialyse péritonéale sans potassium est utilisé, mais malgré cela le chiffre de la kaliémie continue de monter jusqu’à 7,8mmol/l. La calcémie et la magnésémie sont dans les limites de la normale, et l’enfant est maintenant dans un état critique, car en plus de l’anurie et de l’hyperkaliémie, l’hémodynamique montre une tachycardie à 300bpm et une pression artérielle moyenne à 48mmHg. Quel est le problème ? Que faut-il faire ?


Solution


Ce cas renvoie à un autre précédemment décrit [1]. La cause du problème est l’intoxication à la digoxine comme le montre le résultat de digoxinémie à 8,1nmol/l (zone thérapeutique : 1,2-2,5nmol/l). Dès le retour de ce résultat, l’administration intraveineuse de Fab (Digibind®), à la dose recommandée de 14,2mg en 60s, est pratiquée, suivie au bout de 1min par la conversion de la tachyarythmie en un rythme sinusal à 140bpm, avec élévation de la pression artérielle moyenne de 48 à 65mmHg. La nécessité de support inotrope et de ventilation diminue régulièrement sur une période de 24h. Il est intéressant de noter la normalisation de la kaliémie 20min après l’injection de Fab. La fillette sort de l’unité de soins intensifs au bout de 3 j et ses suites sont simples.


Discussion


Le diagnostic et le traitement de l’intoxication digitalique posent parfois des difficultés. La mortalité est variable selon les patients et la gravité de l’intoxication [2]. Ce sont souvent des troubles du rythme qui sont à l’origine du décès [3]. Dans le cas référencé [1], le patient avait présenté une tachycardie jonctionnelle caractéristique des surdosages en digoxine. Plusieurs types de trouble du rythme peuvent être vus, principalement causés par des diminutions ou des blocs de conduction, et/ou une hyperexcitabilité . L’hyperexcitabilité peut se traduire par une tachycardie sinusale, jonctionnelle ou ventriculaire. Les troubles de la conduction peuvent concerner les nœuds sinusal et auriculoventriculaire . Les bradycardies sinusales, arrêts sinusaux ou blocs sino-auriculaires sont fréquents et liés aux troubles de la conduction au niveau du nœud sinusal. La dysfonction du nœud auriculoventriculaire peut entraîner des blocs auriculoventriculaires du 2e et du 3e degré . Les signes précoces de toxicité peuvent être un allongement de l’intervalle PR . Sur un cœur sain, le surdosage en digitalique entraîne des troubles de la conduction auriculoventriculaire avec une très faible incidence de foyers ectopiques ou d’arythmies ventriculaires [4, 5], à la différence d’un cœur pathologique sur lequel les foyers ectopiques ventriculaires seront fréquents [5].

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Apr 25, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on Arythmie mettant en jeu le pronostic vital chez un enfant

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