Fractures anciennes du scaphoïde carpien
Scaphoid old fractures
Introduction
Certaines circonstances favorisent la survenue d’une pseudarthrose du scaphoïde, parmi lesquelles :
- • des facteurs cliniques : découverte tardive de la fracture devant un poignet douloureux chronique par méconnaissance de l’accident initial ; non-observance d’une immobilisation sur fracture diagnostiquée ; nécrose du pôle proximal, de diagnostic radiographique délicat ;
- • des facteurs paracliniques : existence d’un écart interfragmentaire ; orientation et siège du trait de fracture ; enfin « instabilité » du carpe associée, traduite par un angle radiolunaire augmenté, témoin d’une adaptation du lunatum à la déformation du scaphoïde, apanage des formes anciennes, mais pouvant témoigner d’une authentique lésion ligamentaire scapholunaire concomitante de la fracture [75].
Il n’existe pas de consensus tant en ce qui concerne la définition de la pseudarthrose du scaphoïde que les critères de consolidation et dans ce cas, seul le recul en préjuge [93]. Trojan et De Mourgues distinguaient en 1959 deux types d’évolution : les « fractures anciennes », dont le trait encore visible s’associe à une résorption des extrémités fracturaires, relevant, même après plusieurs mois d’évolution, d’un traitement conservateur (orthopédique ou vissage sans greffe) ; et les « pseudarthroses constituées », caractérisées par une condensation de part et d’autre du trait, évolution habituelle d’une fracture négligée depuis plusieurs années, et dont le traitement est celui des pseudarthroses [128]. Actuellement, nous pouvons considérer qu’une fracture non consolidée à la fin du 3e mois signe un retard de consolidation qu’il faudra prendre en charge comme une pseudarthrose, quelle que soit la technique utilisée [5].
Non traitée, les conséquences en sont une arthrose inéluctable, tout d’abord localisée puis globale, en raison d’un déplacement persistant du scaphoïde et d’une désorganisation de la dynamique carpienne, dont le retentissement va de la parfaite tolérance initiale à une impotence fonctionnelle majeure en quelques années. Prévenir l’arthrose sera donc l’objectif prioritaire du traitement. Trois éléments primordiaux seront pris en considération lors de l’intervention chirurgicale : le rétablissement de la hauteur et de la morphologie du scaphoïde, l’obtention de la fusion osseuse, enfin la correction de la bascule dorsale du lunatum associée, qualifiée par Allieu en 1983 d’instabilité carpienne « d’adaptation » [1].
Pourquoi le scaphoïde ne consolide-t-il pas ?
Le scaphoïde, classiquement divisé en trois parties : le pôle proximal, le col ou « waist » des Anglo-Saxons, enfin le pôle distal, est un os particulier. En contact étroit avec le radius en haut et sur son pourtour latéral, le lunatum et le capitatum en dedans, le socle trapézotrapézoïdien en bas, 80 % de sa surface est articulaire et cartilagineuse. Il n’accepte donc que par sa seule berge dorsale les 80 % de sa suppléance vasculaire. La lenteur du scaphoïde à consolider s’explique aussi par l’anatomie singulière des vaisseaux sanguins qui le vascularisent. De nombreux auteurs sont associés à son étude [16,40,43,124]. Dans celle de Freedman et al. en 2001 [40], la vascularisation du scaphoïde dépend entièrement de l’artère radiale et de ses branches. Les artères pénètrent le scaphoïde en avant et en arrière, dans des zones extra-articulaires d’insertions ligamentaires. Le réseau dorsal assure la vascularisation intrinsèque des 70 à 80 % proximaux du scaphoïde ; les artères dorsales pénètrent le scaphoïde à hauteur du corps, avec une direction rétrograde. Le réseau palmaire prend en compte la vascularisation intrinsèque des 20 à 30 % distaux ; les artères palmaires pénètrent par le tubercule. Il n’existe pas d’apport vasculaire provenant du ligament scapholunaire. Nous pouvons aisément comprendre qu’une fracture du corps – et a fortiori du pôle proximal – puisse interrompre la vascularisation destinée au scaphoïde proximal, dont le risque bien connu est celui de nécrose, ou bien ralentir voire annihiler toute possibilité de consolidation (figure 1).
Histoire naturelle de la pseudarthrose du scaphoïde
Déformation du scaphoïde
Elle est caractéristique. Chaque fragment scaphoïdien est soumis à des forces opposées qui pérennisent un déplacement se faisant classiquement vers le tassement antérieur, le « humpback deformity » des Anglo-Saxons. Cette plicature a pour conséquence un accourcissement et donc un collapsus du scaphoïde. Vu les contraintes axiales, rotatoires et longitudinales subies par le scaphoïde comme par le squelette carpien, cette déformation scaphoïdienne entraîne une modification de l’architecture du carpe dans son ensemble, et en particulier de l’os qui lui est le plus intimement lié, le lunatum. Si l’on étudie plus en détail le comportement de ces deux fragments, il est très différent. Le fragment distal subit trois types de mouvements contemporains : il fléchit, nous l’avons vu, il tourne – en supination – et il se désaxe latéralement – par translation radiale de la deuxième rangée dont il reste solidaire –, ce qui crée une incongruence entre ce fragment scaphoïdien et la styloïde radiale en regard, articulation au niveau de laquelle débuteront les phénomènes dégénératifs. Quant au fragment proximal, il reste plus ou moins congruent avec le radius sous lequel il se trouve (contrairement à ce qui se passe après rupture totale du ligament scapholunaire), articulation au niveau de laquelle le cartilage restera préservé, sans évolution dégénérative, sauf à sa face profonde, celle en contact avec le capitatum, dans les arthroses évoluées (figure 2). Dans son déplacement, ce fragment proximal reste solidaire du lunatum avec lequel il bascule.
Désaxation intracarpienne
En raison des relations privilégiées du pôle proximal du scaphoïde avec le lunatum par l’intermédiaire du ligament scapholunaire, la plicature antérieure provoque une bascule du lunatum ou DISI (dorsal intercalated segment instability), avec une augmentation de l’angle radiolunaire au-delà de 10°, calculée sur un cliché de profil strict du poignet (figure 3). Ainsi, ce qui n’était qu’un problème purement scaphoïdien au départ se transforme en pathologie régionale. De réductible, lorsque la cure chirurgicale est précoce, avec une normalisation de l’angle radiolunaire par le seul fait de redonner la hauteur du scaphoïde, les rétractions ligamentaires peuvent rendent la bascule du lunatum irréductible lorsque le traitement est tardif, ayant pour conséquences des difficultés de cure des pseudarthroses vieillies. L’instabilité intracarpienne adaptative est donc un élément capital à prendre en compte et la littérature montre qu’elle augmente avec l’ancienneté de la pseudarthrose [2,55,75].
Arthrose
Incidence de l’arthrose
Non seulement l’arthrose semble inéluctable, mais elle est de plus corrélée à l’ancienneté de la pseudarthrose [55,75,108]. Pour Lindström et al., en 1992 [72], son incidence était de 100 % dans une population de 33 patients revus avec 10 à 17 ans de recul par rapport à la fracture initiale.
Évolution de l’arthrose
Initialement styloscaphoïdienne sous la forme d’un effilement de la styloïde radiale et/ou d’un ostéophyte marginal postérieur du radius [55], elle atteint ensuite la médiocarpienne, plus spécialement la scaphocapitale, plutôt entre le pôle proximal du scaphoïde et le capitatum. Il faut bien comprendre que c’est la perte du centrage de la première rangée sur la deuxième par la translation latérale du scaphoïde distal associée à la supination intracarpienne qui crée des contraintes en cisaillement et en rotation en partie responsables de l’arthrose médiocarpienne [66]. Ainsi, en l’espace de 5 à 20 ans, de styloscaphoïdienne, l’arthrose évolue vers le médiocarpe, avec un pincement scaphocapital puis lunocapital. Fait primordial pour l’étape thérapeutique, l’interligne radiolunaire, de par la persistance d’une congruence parfaite entre les deux os concernés, n’est pratiquement jamais atteint.
Lien entre instabilité intracarpienne et arthrose
En dehors de rares exceptions, la plupart des auteurs corrèlent l’arthrose à l’existence d’une DISI qui elle-même dépend de l’importance du plissement scaphoïdien et des lésions ligamentaires surajoutées [2,22,75]. Les auteurs recommandent donc la cure des pseudarthroses avec DISI avant le stade de l’arthrose. Dans l’étude de Milliez et al. [90], néanmoins, si l’instabilité avait vraisemblablement un pronostic péjoratif, aucune corrélation significative avec l’arthrose n’a pu être démontrée avant 10 ans, et certaines pseudarthroses sans DISI devenaient même à terme arthrosiques.
Lien entre fracture et nécrose
Les fractures du scaphoïde n’ont pas le même potentiel de nécrose selon le siège du trait de fracture. Classiquement, les fractures polaires proximales sont davantage exposées. Dans le but de prévenir la nécrose, certains auteurs proposent une ostéosynthèse systématique des fractures polaires proximales fraîches ou une ostéosynthèse en compression des fractures suspectes d’un retard de consolidation dans les premiers mois [3].
Comme on peut rencontrer une nécrose de la tête fémorale après une fracture du col du fémur, quelques observations de nécroses après consolidation ont été rapportées [37].
Fractures du scaphoïde et rupture du ligament scapholunaire
Penser qu’une fracture du scaphoïde exclut une lésion ligamentaire scapholunaire associée ferait oublier l’existence de certaines luxations périlunariennes à l’origine de telles lésions ou bien de fractures complexes [23,66]. Un bilan arthroscanner préopératoire systématique, voire pour certains une arthroscopie en cas de doute, a l’avantage de révéler cette « entité » bien réelle, rapportée dans quelques publications dont celle de Cheng et al. [23], qui recensaient, en 2004, 11 cas publiés ainsi que les 2 cas qu’ils rapportaient, toujours dans le cadre d’un traumatisme à haute énergie. Nous savons maintenant qu’un mécanisme de pronation intracarpienne est susceptible de produire une luxation trans-scapho-périlunaire associée à une lésion scapholunaire : deux tiers des fractures-luxations périlunariennes de la série de Laulan [66]. Pour Nakamura et al. [96], l’existence d’une lésion scapholunaire associée n’est pas synonyme pour autant de réparation ligamentaire : en comparant deux groupes de pseudarthroses du scaphoïde, l’un avec DISI et l’autre sans DISI, il n’existait pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes en termes d’espace scapholunaire et d’incidence de lésions du ligament scapholunaire à l’exploration arthroscopique. Les auteurs concluaient que la lésion ligamentaire entraînait rarement une instabilité dans la pseudarthrose et que, le plus souvent, une greffe intercalée suffisait à corriger la DISI.
L’existence d’une DISI à moyen ou à long terme n’est pas toujours facile à interpréter, et en dehors des deux causes déjà évoquées (association à une lésion scapholunaire et aggravation de l’instabilité parallèlement à l’ancienneté de la pseudarthrose), deux autres étiologies sont parfois mentionnées : pour Milliez et al. [90], certaines DISI tardives relèvent d’une possible décompensation à long terme d’instabilités dynamiques initialement non dépistées ; pour Mack et Lichtman [76], il est possible qu’un second traumatisme soit source d’une lésion ligamentaire générant l’instabilité là où n’existait initialement qu’une pseudarthrose stable, sans DISI.
L’absence de DISI ne signifie pas forcément l’absence de lésion scapholunaire. Laulan [66] a bien montré qu’en cas de lésion scapholunaire et triquetrolunaire associées dans le cadre d’une luxation ou fracture-luxation périlunarienne du carpe, le lunatum, libéré de ses deux attaches médiale et latérale, pouvait prendre une position d’équilibre, donc sans DISI.
Classification des pseudarthroses
La survenue d’une pseudarthrose et son pronostic après traitement dépendent en partie du siège du trait de fracture. Nous citerons simplement les classifications de Trojan, Russe, Herbert, pour ne retenir que celle de Schernberg [116], la référence française, compartimentant le scaphoïde en 6 zones (figure 4). Les types II, III et IV représentent 85 % de la totalité des fractures du scaphoïde [4,116].
Quelle(s) classification(s) ?
Souvent schématiques et incomplètes, elles prennent en compte des critères variables, en général le siège et la direction du trait, ou encore le type de déplacement. D’autres, comme celle d’Alnot [4,5], bien plus descriptive et plus complète, sont toujours d’actualité.
Herbert [48] isole dans sa classification des fractures du scaphoïde deux types de pseudarthroses : le type C : retard de consolidation, et le type D : pseudarthrose établie, comportant deux sous-types : D1, pseudarthrose fibreuse et D2, pseudarthrose lâche. Cette classification simple est peu précise : quelle signification exacte donner aux termes employés, que d’autres auteurs reprennent d’ailleurs : pour Milliez [90], la pseudarthrose est lâche ou serrée, non corrélée avec son ancienneté ?
Pour Saffar [111], il existe trois formes : d’abord la forme fibreuse, définissant un scaphoïde avec une mobilité normale des deux fragments qui restent cohérents, et peu de mouvements dans le trait de pseudarthrose. Il distingue ensuite la forme présentant un écart interfragmentaire, mais avec conservation de la hauteur et de l’orientation du scaphoïde. Et enfin, la forme déplacée avec angulation des deux fragments et une perte de substance osseuse aboutissant à un accourcissement important et à une DISI. Toutes ces classifications ne prennent pas en compte l’ensemble des facteurs en présence, en particulier la nécrose et l’arthrose. Schernberg classe les pseudarthroses en trois stades, la nécrose représentant un des critères : stade 1, pseudarthrose avérée ; stade 2, perte de hauteur du scaphoïde ; stade 3, fragmentation ou nécrose du pôle proximal. Nous ne ferons enfin que citer les classifications d’illustres chirurgiens comme Michon, Barton, Razemon, Verdan et Narakas.
Classification d’Alnot
Elle nous semble toujours la plus complète, faisant intervenir cinq critères essentiels : la description de la lésion osseuse, sa « stabilité », la désaxation intracarpienne, l’arthrose et la nécrose du fragment proximal [4,5]. Cette classification représente pour Alnot le comportement anatomoradiographique d’une pseudarthrose laissée à son évolution naturelle.
- • Stade I : il s’agit d’une pseudarthrose récente (probablement moins de 1 an d’évolution), sans modification de la forme du scaphoïde et sans instabilité ou désaxation intracarpienne, sans arthrose et sans modification de la tonalité du scaphoïde proximal.
- • Stade II : il comprend deux sous-types :
- – IIa : pseudarthrose stable, uniquement avec des remaniements intrascaphoïdiens : géodes, résorption osseuse, mais une modification minime ou pas de la forme du scaphoïde, sans instabilité ni désaxation intracarpienne ;
- – IIb : pseudarthrose plus ou moins mobile, instable avec des géodes et une résorption osseuse plus importante, une modification de la forme du scaphoïde entraînant une désaxation intracarpienne d’adaptation et/ou ligamentaire avec DISI, plus ou moins un aspect effilé de la styloïde radiale, témoignant d’une arthrose débutante très localisée.
- • Stade III : pseudarthrose déplacée, instable, avec désaxation intracarpienne réductible ou parfois fixée avec deux sous-types :
- • Il est ajouté un stade IV, prenant en compte l’état de nécrose du fragment proximal, avec deux sous-types :
- • Stade II : il comprend deux sous-types :
Notion de pseudarthrose stable et instable
Déjà évoquée précédemment par Alnot, elle est largement reprise dans la littérature [28,67,86] sans que l’une des formes, l’instable, soit une évolution inéluctable de la forme stable. Les pseudarthroses instables déplacées (déplacement d’emblée important avec un angle scapholunaire supérieur à 60° ou des fragments scaphoïdiens séparés de plus de 1 mm, et/ou une bascule dorsale du lunatum avec un angle radiolunaire supérieur à 10°) peuvent évoluer rapidement vers l’arthrose (figure 5) ; les pseudarthroses stables non déplacées (peu de déplacement, ni lésions ligamentaires, arthrose tardive ou pas d’arthrose) sont longtemps mieux tolérées.
Analogie SNAC et SLAC ?
Avec les arthroses secondaires aux ruptures scapholunaires, classées depuis Watson sous le terme de « SLAC wrist » (scapholunate advanced collapse) [136,138], l’arthrose après pseudarthrose ou « SNAC wrist » (scaphoid nonunion advanced collapse) présente quelques similitudes (en particulier l’arthrose médiocarpienne, comme après toute « rupture » de la première rangée) et des différences notables, notamment en ce qui concerne sa localisation et son évolution. Ces différences sont résumées dans le tableau 1.
Diagnostic de pseudarthrose
Le plus souvent, il s’agit d’un patient consultant pour un poignet douloureux plus ou moins limité en mobilité, immédiatement après une chute ou à distance d’un traumatisme connu qui peut être totalement passé inaperçu. Dans la série de pseudarthrose de Chantelot et al. [22], la fracture n’avait pas été initialement diagnostiquée pour 77 % des patients ! Le diagnostic peut aussi être porté de façon fortuite lors d’un bilan radiographique demandé à l’occasion d’un nouveau traumatisme du poignet, survenant plus ou moins longtemps après celui qui a été responsable de la fracture du scaphoïde.
Examen clinique
Il n’a rien de spécifique, l’observation comparative des deux poignets relève une tuméfaction du bord radial, voire un « gros poignet ». L’examinateur évalue : le siège de la douleur, plus spécifique en regard de la région scaphoïdienne (douleur de la tabatière anatomique, palpation du tubercule distal…), mais pas toujours présente ; les secteurs de mobilité, en flexion-extension, inclinaison radiale/ulnaire, pronation et supination ; la force du grasp et de la pince pouce-index. Il existe en général une bonne corrélation entre l’ancienneté de la pseudarthrose et la diminution de la force ainsi que la diminution du secteur de mobilité [55].
Certains signes orientent d’emblée vers une arthrose : la limitation douloureuse des inclinaisons (en inclinaison radiale, le contact styloscaphoïdien réveille ou accentue la symptomatologie), des douleurs et une limitation des amplitudes extrêmes de flexion-extension, des douleurs aux efforts de plus en plus importantes, une baisse de la force. Comme pour d’autres localisations articulaires, il n’existe pas de lien constant entre l’arthrose clinique et radiographique [117], comme il n’existe pas de corrélation entre la douleur et la sévérité de l’arthrose ainsi que la durée de la pseudarthrose [55].
Bilan radiographique
Profil strict
Au mieux réalisé sur planchette, il doit présenter un alignement parfait du radius, du lunatum, du capitatum et du 3e métacarpien [88]. Seul un profil strict permettra le calcul des angles radio- et scapholunaires, dont la prise en compte est essentielle pour corriger les déformations du scaphoïde. La position du lunatum de profil définit l’importance de la bascule dorsale ou DISI, reflet indirect du déplacement scaphoïdien. Il est plus difficile d’apprécier le trouble rotationnel de la partie distale sur ce seul bilan de profil.
Autres clichés utiles, mais pas indispensables
Clichés recherchant une atteinte ligamentaire
Une incidence de face en supination poing fermé peut dépister une instabilité scapholunaire méconnue sur une face standard, comme elle positionne aussi le scaphoïde dans un plan favorable par rapport au rayon vertical, le montrant dans sa plus grande longueur. Des clichés dynamiques (face neutre, face en inclinaisons radiale et ulnaire ; profil neutre, profil en flexion et en extension) analysent mieux encore l’atteinte ligamentaire associée et étudient aussi le caractère mobile (lâche) ou non (fibreux) de la pseudarthrose (figure 5).
IRM
Elle confirme le diagnostic de pseudarthrose et a surtout l’intérêt de dépister une nécrose osseuse du pôle proximal. Une extinction du signal à son niveau traduit l’interruption vasculaire. Surtout, il n’y a aucune prise de contraste après injection de gadolinium dans les nécroses constituées [27,68]. Certains auteurs ont étudié le caractère prédictif de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans la consolidation des pseudarthroses du scaphoïde. Pour Ciprian et al. [25], l’absence de rehaussement après injection de gadolinium conduit à des résultats chirurgicaux pauvres en dehors des greffes vascularisées (GV). Pour Cerezal et al. [20], l’IRM avec injection est la méthode la plus sûre pour faire le bilan de la vascularisation du pôle proximal du scaphoïde, elle a de plus une valeur pronostique indéniable sur la consolidation : plus l’ischémie est sévère, moins les greffes conventionnelles assurent cette consolidation (tableau 2). Mais Singh et al. [119] ont récemment montré qu’une hypovascularisation scaphoïdienne nette à l’IRM n’était pas synonyme dans 100 % des cas d’échec d’une greffe conventionnelle.
Il n’en reste pas moins que les images de nécrose du scaphoïde sont complexes et difficiles à interpréter parce que sur une coupe, le signal peut être diminué ou absent, alors que sur une autre, il peut être relativement normal. Ceci reflète l’hétérogénéité de l’apport vasculaire de l’os où coexistent dans un véritable patchwork des ostéocytes non viables proches d’ostéocytes viables [20].
Étude spécifique du pôle proximal
Le pôle proximal doit faire l’objet d’une étude particulièrement attentive, capitale dans la prise de décision thérapeutique. Un aspect radiographique blanc fait suspecter une nécrose, mais ce critère est insuffisant pour en retenir le diagnostic, car cet aspect condensé, d’hypovascularisation, peut disparaître après traitement. A contrario, une trame osseuse normale n’est pas incompatible avec une nécrose. Tout autre est le caractère fragmenté du scaphoïde, seul signe certain de nécrose. C’est tout l’intérêt, en dehors de la fragmentation, d’une imagerie complémentaire par IRM, nous venons de le voir. Même la vérification peropératoire n’est pas exempte de doutes : des scaphoïdes proximaux blancs peuvent saigner à l’exploration chirurgicale, alors que des scaphoïdes radiographiquement normaux ont pu être vus non saignants en peropératoire [44]. En pratique, si un doute persiste sur le diagnostic de nécrose lors d’une intervention chirurgicale, il faut savoir, comme le préconise Green, lâcher le garrot pour étudier et vérifier la présence ou l’absence de saignement.
Fracture récente ou pseudarthrose ?
Pour un médecin peu habitué, il est parfois difficile de distinguer une fracture récente d’une fracture ancienne non consolidée, les deux pouvant exceptionnellement coexister [69]. Un aspect géodique du scaphoïde, l’importance de la DISI ainsi qu’un aspect un peu effilé, un peu pointu de la styloïde seront appréciés, sachant qu’un doute persistant quant à l’ancienneté peut avoir des conséquences médicolégales non négligeables dans le cadre d’accidents liés au travail.
Fractures occultes et pseudarthroses
Ces fractures du scaphoïde, définies par leur caractère non visible sur le bilan radiographique initial, rassemblent en fait deux entités distinctes : d’une part d’authentiques fractures qui ne sont réellement pas visibles [51] et ne sont révélées au plan radiographique que vers 2 à 3 semaines, avec des incidences particulières ou encore grâce à d’autres examens ; d’autre part des contusions intraosseuses. Ce sont les progrès dans l’imagerie précoce après un traumatisme (radioscintigraphie quantitative, scintigraphie couplée à des coupes tomodensitométriques… et IRM) qui ont permis de bien les démembrer. Concernant les fractures, c’est leur recherche précoce avant le classique bilan radiographique à distance qui peut faire diminuer le risque de pseudarthrose du scaphoïde [71,101]. Quant aux contusions intraosseuses ou « bone bruise », elles n’évoluent jamais vers la pseudarthrose, mais seulement vers un tableau douloureux qui peut demander plus de 6 mois avant de s’amender totalement [65].
Traitement de la pseudarthrose du scaphoïde sur poignet non arthrosique
Il est synonyme de « traitement conservateur ». Toutes les techniques reconstructrices ont leur place ici, d’autant que l’on s’adresse habituellement à des patients jeunes. Les objectifs du traitement sont d’une part de restaurer la forme initiale, anatomique, du scaphoïde et d’obtenir sa consolidation, d’autre part de corriger l’angle radiolunaire : pour de nombreux auteurs, en effet, le pronostic des pseudarthroses traitées dépend en grande partie de la correction de la DISI [1,2,28,39,67].