Chapitre 9. Un même cadre conceptuel, une même méthode, trois outils selon l’âge
Remarques préliminaires
Il est évident que la sémiologie neurologique va changer aussi vite que la maturation : tonus, réflexes, communication, tout bouge, et il faut donc «courir derrière» la maturation avec chaque fois un nouveau registre d’anomalies à rechercher. En fait, ce qui est encore «normal» un jour ne l’est déjà plus le lendemain, ou presque… Cette situation explique une double tentation à laquelle beaucoup succombent :
1. remplacer l’évaluation neurologique par un calendrier des acquisitions motrices, c’est plus facile; et donc remplacer la notion d’anomalie neurologique par celle de «retard», notion presque toujours inadaptée à la situation décrite;
2. voiler son ignorance derrière le paravent de «l’intervalle libre» lié à l’immaturité, presque toujours fallacieux.
L’apparition retardée de la spasticité, phénomène très habituel, paraît malencontreusement affermir ce concept commode d’intervalle libre. Cependant, les signes neurologiques sont déjà là, dès que l’enfant est examinable, mais ils sont autres, différents de ce qu’ils seront quelques mois plus tard.
C’est là où les bases neurophysiopathologiques deviennent utiles. Elles permettent de comprendre la distinction entre les marqueurs neurologiques et crâniens d’une part, et leur impact fonctionnel d’autre part. Ces marqueurs précoces deviendront ainsi un fil conducteur précieux qui permettra de tracer le lien entre un dommage cérébral d’origine périnatale et les troubles de développement allant de la paralysie cérébrale aux difficultés d’apprentissage, dont l’émergence est plus tardive. Ces marqueurs constitueront donc un outil indispensable pour optimiser la prise en charge, où plusieurs étapes difficiles pourront être anticipées et les familles mieux accompagnées.
Maturation de la commande motrice centrale
fonction sensorimotricematurationLa fonction Maturationneurologiquechronologie sélectivemotrice a fait l’objet d’un chapitre précédent, son organisation est d’une grande complexité. Une approche simpliste est proposée : elle met en opposition hémisphères cérébraux et tronc cérébral, opposition schématisée ici sous les termes de systèmes corticospinal et sous-corticospinal. Leur maturation et leur fonction sont distinctes. Ceci est un choix entre un réductionnisme qui apporte de la cohérence et une élégance qui n’est pas compatible avec la médecine quotidienne. Les bases physiologiques ont été revues par Sarnat [1, 2].
Deux systèmes anatomiquement distincts
Le système corticospinal, étudié dans un chapitre précédent, comprend les zones corticales motrices, les cortex associatifs impliqués dans la motricité et les voies corticospinales (croisée et directe) jusqu’au motoneurone au niveau médullaire. On peut le qualifier grossièrement de système supérieur.
Le système sous-corticospinal, également discuté précédemment, comprend des faisceaux issus des noyaux du toit, de la formation réticulée, des noyaux vestibulaires. Il est donc issu du tronc cérébral et peut être qualifié grossièrement de système inférieur.
Spécificité fonctionnelle des deux systèmes
La stimulation des deux systèmes par des techniques chirurgicales ou expérimentales permet la description de leurs fonctions physiologiques, illustrées de façon simplifiée à la figure 9.1. Pour rester extrêmement sommaire, le système sous-cortical, mésencéphalique (archaïque dans l’évolution animale), a pour rôle essentiel le maintien de la posture, la fonction antigravitaire, c’est-à-dire le tonus des muscles extenseurs proximaux des membres inférieurs et des muscles extenseurs de l’axe corporel. Le système cortical (formation plus récente témoignant de l’encéphalisation progressive du contrôle moteur) apporte par le jeu des influences inhibitrices et excitatrices sur le motoneurone sa contribution au contrôle du tonus postural. Il modère les réactions posturales en hyperextension. À côté de cette fonction posturale, il a un rôle prédominant dans la motricité fine et en particulier dans l’exécution des mouvements indépendants des doigts, la précision et la vitesse de la manipulation.
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Figure 9.1 Spécificité fonctionnelle des systèmes sous-corticospinal et corticospinal.Le système sous-corticospinal (A) participe à la fonction antigravitaire, à la posture en flexion des membres. Le système corticospinal (B) modère la posture antigravitaire et permet donc la flexion axiale, le relâchement du tonus en flexion des membres et les mouvements indépendants des doigts. Leur programme maturatif distinct permet de comprendre l’émergence progressive des acquisitions motrices. |
Chronologie et direction de la myélinisation dans les deux systèmes
Ces deux systèmes diffèrent à la fois dans la chronologie et la direction de leur maturation (figure 9.1). Parce qu’elle est un phénomène très visible, la myélinisation est utilisée comme indicateur de la maturation (simplification, là encore). Le système sous-corticospinal se myélinise précocement, entre 24 et 34 SA et en direction ascendante. Le système corticospinal se myélinise pour sa part en direction descendante plus tardivement, entre 32 SA et 2 ans, puis beaucoup plus lentement.
Implications cliniques
fonction sensorimotricematurationPuisque ces deux systèmes n’ont ni la même fonction ni la même horloge maturative, le clinicien pourra suivre les étapes maturatives en examinant la fonction neuromotrice. En effet, un contrôle neuromoteur de type archaïque prédominera au cours de la vie fœtale, puis une phase «d’encéphalisation» lui succédera et se poursuivra tout au long des 2 premières années. Entre les deux, une phase transitionnelle de 3 mois environ (6 semaines avant à 6 semaines après le terme de 40 SA) sera d’un intérêt exceptionnel, puisque le clinicien pourra suivre de semaine en semaine la «prise de pouvoir» du système supérieur.
On peut donc distinguer trois périodes dans la vie fœtale et les 2 premières années de vie (figure 9.2) :
• vague ascendante (système sous-cortical) jusqu’à 34 SA;
• période transitionnelle (croisement des deux systèmes de contrôle), d’une durée de 3 mois environ, c’est-à-dire jusqu’à 6 semaines postnatales;
• vague descendante (système cortical) qui évolue très rapidement au cours de la première année puis plus lentement.
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Figure 9.2 Maturation neuromotrice.La partie supérieure montre les vagues ascendante (anténatale) et descendante (postnatale) du tonus passif des membres. La partie inférieure montre la vague ascendante (anténatale) du contrôle antigravitaire, puis la vague descendante (postnatale) des acquisitions motrices. Zone 1 : fin de gestation (âge en SA), contrôle «inférieur» ou sous-cortical prédominant; zone 2 : autour du terme (40 SA), période de transition; zone 3 : au cours des 2 premières années de la vie (âge corrigé en mois), contrôle «supérieur» ou cortical modérant le précédent.
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