9: Pathologies osseuses (membres)

Chapitre 9


Pathologies osseuses (membres)



9.1


Conduite à tenir devant une anomalie de la main



Les mains sont visibles facilement dès le 1er trimestre lorsque les conditions d’examen sont bonnes. Certes, leur étude ne peut pas être toujours aussi détaillée qu’au 2e trimestre mais bon nombre d’anomalies réductionnelles sont déjà accessibles, les anomalies de position et les anomalies de segmentation peuvent parfois être dépistées dès la fin du 1er trimestre. L’étude de la main peut être précise au 2e trimestre mais nécessite temps et patience si on veut faire une analyse complète. Au 3e trimestre, l’examen se révèle plus aléatoire, plus difficile et parfois impossible pour le membre situé en profondeur. La majorité des atteintes unilatérales méconnues le sont du fait de l’examen itératif du même membre, notamment quand le fœtus est très mobile. L’examen en mode volumique au 1er trimestre permet de bien visualiser les deux membres supérieurs, notamment pour les parents. Il faut également savoir qu’une pathologie peut se révéler en cours de grossesse, ce qui implique l’examen des extrémités chaque fois que cela est possible.


La découverte d’une anomalie de la main peut intervenir dans le cadre d’une recherche de récurrence, d’un risque exogène, notamment médicamenteux ou toxique, d’une infection (varicelle), mais le plus souvent fortuitement. Cette anomalie peut être isolée mais aussi s’intégrer dans de nombreux syndromes polymalformatifs dont elle constituera la porte d’entrée, elle peut être le seul élément accessible ou au contraire être un élément d’une symptomatologie échographique riche (RCIU, anomalie de la croissance des os longs, craniosténoses…). Le caractère bilatéral plus ou moins symétrique est un argument en faveur son caractère non isolé.


Ces anomalies font partie des anomalies les plus mal acceptées, leur méconnaissance est une source de plaintes.


Quelle que soit l’anomalie, il est important d’aborder trois éléments :



On peut distinguer des anomalies réductionnelles, de segmentation ou de position, néanmoins souvent l’anomalie est complexe et comporte une association de ces différentes anomalies.



Anomalies réductionnelles


Leur diagnostic sera d’autant plus précoce que l’atteinte sera importante.


L’échographie doit préciser son siège et décrire les éléments manquants. Ceci nécessite la réalisation de multiples plans de coupe, l’étude de tous les éléments de la main ainsi que des segments sus-jacents (longueur, visualisation des différents segments osseux, vérification des articulations et de l’axe des différents segments). On précisera le côté de l’atteinte ou sa bilatéralité symétrique ou non. L’étude dynamique permet le diagnostic des anomalies de position et des syndactylies ; elle ébauche aussi le pronostic fonctionnel de l’anomalie (position, mouvements des doigts notamment l’opposition du pouce). L’étude en mode volumique temps réel peut être très utile, elle permet aussi la visualisation de l’anomalie par les parents, celle-ci doit être préparée par l’examen bidimensionnel et l’explication de l’anomalie car elle peut se révéler choquante.


Les anomalies réductionnelles peuvent être de type transversal ou longitudinal.



Anomalies réductionnelles transversales (figures 9.1 et 9.2)


Elles peuvent dans leur forme distale totale aboutir à un achéirie. Lorsque l’atteinte est unilatérale, elle sera plutôt isolée. Lorsqu’elle est bilatérale (pas toujours de façon symétrique), il faut penser à évoquer un syndrome associant achéirie et apodie de transmission autosomique récessive, lorsqu’elle est associée à un rétrognathisme il faut évoquer un syndrome aglossoadactylie (souvent ankyoglossie ou microglossie) en général sporadique. Des atteintes médicamenteuses, infectieuses (varicelle au 1er trimestre) peuvent être à l’origine de ces anomalies réductionnelles. On peut également évoquer le syndrome d’Adams-Oliver, qui associe aux anomalies réductionnelles des aplasies cutanées du vertex peu repérables en échographie. Les choriocentèses précoces ont été incriminées dans des amputations transversales terminales par phénomène vasculaire. Les brides amniotiques peuvent amputer l’extrémité de façon variable, il faut rechercher des éléments en leur faveur : adhérence, reste de brides entre amnios et lésion, striction au niveau d’un segment sus-jacent parfois avec œdème.




Les atteintes des doigts, des phalanges sont de diagnostic plus difficile et d’un grand polymorphisme.


En dehors des agénésies, des hypoplasies peuvent exister et c’est souvent par comparaison entre les extrémités que le diagnostic est posé. La précocité du diagnostic dépend de l’importance de l’anomalie.


À part, la phocomélie peut atteindre uniquement les membres supérieurs avec une main directement en contact avec la ceinture scapulaire par agénésie du segment moyen et proximal. On recherchera des causes médicamenteuses, un syndrome de Roberts de transmission autosomique récessive comportant le plus souvent RCIU, anomalie faciale avec fente.



Anomalies réductionnelles longitudinales (figures 9.3 et 9.4)


Elles sont de type radial ou cubital : radiales, elles comportent une anomalie du pouce associée souvent à l’anomalie radiale (agénésie ou hypoplasie et incurvation le plus souvent) ; cubitales, elles comportent des anomalies du 4e, 5e doigt et une atteinte du cubitus. Elles sont en général associées à des anomalies de position de la main sur l’avant-bras. On rapprochera de ce type d’anomalie les anomalies médianes de type ectrodactylie mais dont le polymorphisme est très important, allant de l’aspect pince de crabe à une oligodactylie syndactylie voire une monodactylie.




Les anomalies réductionnelles longitudinales donnent accès à beaucoup de syndromes notamment dans les atteintes radiales. Il est donc particulièrement important d’effectuer un bilan morphologique et biométrique complet. Parmi les différents syndromes, on peut citer de façon non exhaustive, le syndrome de Holt-Oram avec anomalie cardiaque (autosomique dominant), l’association VACTERL, l’anémie de Fanconi avec anomalie du pouce, le syndrome de Nager avec rétrognathisme mais parfois aussi le syndrome de Cornelia de Lange. Les atteintes du rayon cubital sont en général moins souvent associées à des syndromes, cependant elles peuvent exister dans le syndrome de Cornelia de Lange, l’association FFU (fémur fibula ulna) pour laquelle il faut rechercher une cause toxique potentielle.


Les ectrodactylies peuvent être familiales, de transmission autosomique dominante. Certaines peuvent faire partie du syndrome EEC (ectrodactyly, ectodermal dysplasia, cleft palate).


L’étude fonctionnelle essaiera d’apporter quelques éléments au chirurgien orthopédique en appréciant le degré de mobilité des différentes articulations, leur malposition éventuelle et leur degré de fixation, la possibilité d’une pince avec l’existence d’un mouvement d’opposition visible qui permettra une bonne adaptation fonctionnelle. En l’absence de possibilité de pince, ou d’impossibilité d’en créer chirurgicalement, un appareillage devient nécessaire.



Anomalies de segmentation


Seules les anomalies comportant des anomalies métacarpiennes et phalangiennes sont accessibles en échographie, les anomalies du carpe ne sont pas dépistables car le carpe n’est pas ossifié pendant la période fœtale.



Syndactylies (figure 9.5)


Elles correspondent à l’union de plusieurs doigts par leurs faces latérales, l’accolement peut intéresser tout ou partie de la longueur des doigts. S’il existe une forme grave avec des anomalies osseuses le diagnostic est en général posé. En l’absence d’anomalie osseuse associée, le diagnostic se révèle plus difficile, il repose sur l’étude dynamique qui met en évidence l’absence de motilité indépendante des doigts. Dans certaines formes très importantes, l’aspect de la main peut être très modifié donnant un aspect en cupule ou en moufle.



Ces syndactylies peuvent être isolées sporadiques ou familiales et souvent alors autosomiques dominantes mais à pénétrance et expressivité variables. Associées, elles peuvent aussi entrer dans le cadre d’anomalies génétiques (triploïdie) ou de syndromes tels que le syndrome d’Apert (acrocéphalosyndactlie) avec des mains en moufle très évocatrices, ou dans le syndrome de Poland avec aplasie du grand pectoral elles sont également fréquentes dans les syndromes de Cornelia de Lange, de Smith-Lemli-Opitz.



Polydactylies (figures 9.6 et 9.7)


Elles se caractérisent par la présence de doigts surnuméraires le plus souvent petits et malformés. Selon leur siège, elles sont préaxiales (siégeant du côté du pouce) ou postaxiales (siégeant sur le bord cubital). Une forme mineure peut être simplement un pouce large. Parfois, sur le bord cubital, il n’existe qu’un bourgeon sessile pouvant être de diagnostic difficile, seul le balayage minutieux du bord cubital en permet le diagnostic.




Isolée, la polydactylie n’est pas forcément pathologique, on en connaît la fréquence dans la race noire. Ces polydactylies peuvent néanmoins entrer dans le cadre d’anomalies chromosomiques (trisomie 13) et de nombreux syndromes ou pathologies. En cas de pathologie de la croissance osseuse, on retiendra les syndromes polydactylie-côtes courtes où la polydactylie n’est pas constante, le syndrome d’Ellis Von Creveld, mais elles peuvent également exister dans les syndromes de Meckel, de Laurence-Moon-Biedl, de Rubinstein-Taybi (où l’atteinte est en générale préaxiale), dans certains syndromes orofaciodigitaux (où la polydactylie est souvent complexe et importante), dans le syndrome de Carpenter mais aussi dans le syndrome de Cornelia de Lange, de Smith-Lemli-Opitz.


Le pronostic fonctionnel est difficile à apprécier en prénatal en ce qui concerne les syndactylies, même si le bon sens permet de penser que plus l’anatomie échographique de la main est proche de la normale, meilleur sera le pronostic. Le but de la chirurgie est de rétablir une commissure profonde entre les doigts plus facilement réalisée lorsque la syndactylie est unique, en cas de malformation osseuse associée le pronostic est moins bon. Dans les polydactylies simples, le pronostic est excellent par résection du segment surnuméraire, dans les polydactylies complexes le pronostic est plus aléatoire.



Anomalies de position


Les mains botes correspondent à une attitude vicieuse permanente de la main.



Mains botes radiales (figure 9.8)


Le plus souvent, l’avant-bras est court et il existe une déviation en flexion et pronation de la main liée à une hypoplasie ou aplasie du radius. Ces mains botes radiales s’accompagnent d’anomalie du carpe non accessible à l’échographie ainsi que d’une anomalie du pouce et/ou du 1er métacarpien.



Elles peuvent survenir de façon sporadique mais elles entrent le plus souvent dans le cadre d’anomalies chromosomiques (trisomie 18, trisomie 22 partielle) et de nombreux syndromes dont certains peuvent être létaux. On retrouvera donc les étiologies des anomalies réductionnelles longitudinales : les syndromes de Holt-Oram, de Fanconi, de VACTERL, de Nager, acro-rénal. Le syndrome TAR est particulier par la persistance d’un pouce toujours normal, la fréquence des anomalies cardiaques, il est de transmission autosomique récessive. D’autres syndromes plus rares peuvent comporter des mains botes radiales : syndromes AASE, lacrymo-auriculo-dento-digital, de Schmitt, qui ont en commun la fréquence d’un pouce triphalangé. On recherchera une intoxication éthylique maternelle ou une exposition à l’acide valproïque.


Il s’agit de malformations graves avec une incidence fonctionnelle et esthétique, la difficulté du traitement dans les formes sévères et bilatérales est avérée. Le traitement habituel consiste en un réalignement de l’axe de la main associé à la création d’une pince par pollicisation d’un autre doigt afin de permettre la fonctionnalité, mais l’avant-bras restera court.




Main bote palmaire (figure 9.9)


Elle comporte un squelette antébrachial normal. Il s’agit le plus souvent d’une flexion du poignet sur l’avant-bras fixée. Elle peut s’accompagner d’une extension ou d’une flexion permanente des doigts, et parfois d’un certain degré de désaxation. La malposition entre le plus souvent dans une séquence d’immobilisme fœtal, celui-ci est facile à reconnaître quand il existe une akinésie totale du fœtus au sein d’un liquide amniotique abondant et d’autres anomalies : rétrognathisme, coupoles diaphragmatiques surélevées, anomalie des reliefs ou de l’échogénicité musculaires. Mais le tableau peut être beaucoup plus subtil avec simplement une extension ou flexion permanente des doigts, la recherche d’autres signes couplée à l’étude dynamique globale est fondamentale de même que le critère évolutif.




Autres anomalies de position





Main crispée


Elle est décrite comme une main comportant des doigts constamment fléchis avec un pouce adductus et un chevauchement du 2e sur le 3e et parfois du 5e sur le 4e. Il est quasi constant dans les trisomies 18 et hautement évocateur. Il peut néanmoins être retrouvé dans les séquences d’immobilité fœtale. Cette attitude peut être transitoire au cours d’un examen, c’est sa constance qui en fait une pathologie (figure 9.10).



Parmi les anomalies de position des pouces, on peut retrouver des anomalies de position des pouces : le pouce de « l’autostoppeur » en abduction constante dans la dysplasie diastrophique, dans l’atélostéogenèse de type 2 ou dans l’achondrogenèse de type 1b, le pouce adductus dans une arthrogrypose périphérique. La constatation d’un pouce adductus dans le cadre d’une dilatation ventriculaire chez un fœtus de sexe masculin permettra d’évoquer un syndrome de Bickers-Adams (figure 9.11).




Conclusion


Les anomalies des extrémités sont de diagnostic plus ou moins évident selon l’importance de l’anomalie. Certaines sont tout à fait isolées, mais bon nombre sont susceptibles d’entrer dans des syndromes complexes, des associations malformatives ou des anomalies chromosomiques. Elles nécessitent un bilan échographique complet (notamment cardiaque), selon les anomalies trouvées le bilan pourra être complété par des études cytogénétiques et génétiques (caryotype, recherche de cassures chromosomiques…) ou radiologiques (scanner osseux). Isolées, elles font partie des anomalies les plus mal acceptées, c’est dire leur gestion difficile en anténatal. Celle-ci devra toujours faire appel à la multidisciplinarité (conseil génétique, chirurgien orthopédique) avant toute décision.

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Aug 1, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 9: Pathologies osseuses (membres)

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