16: Dépistage de la trisomie 21

Chapitre 16


Dépistage de la trisomie 21




Introduction


La trisomie 21 est la plus commune des anomalies chromosomiques : son incidence moyenne est de 1,3/1 000 naissances (1/770) [1] et celle-ci augmente de manière exponentielle avec l’âge maternel [2]. Jusque dans les années 1990, la seule stratégie de dépistage de la trisomie 21 était de proposer une amniocentèse pour caryotype à toutes les femmes au dessus d’un âge seuil. Cependant, cette stratégie de dépistage est peu performante car deux tiers des enfants porteurs de trisomie 21 naissent de femmes de moins de 35 ans [2].


D’autres stratégies de dépistage ont été développées, en particulier le dépistage par les marqueurs biochimiques dans le sang maternel qui est le premier à avoir été mis en place. Le dosage des marqueurs sériques maternels entre 14 et 18 SA a été le premier à se développer. Étaient utilisés la fraction libre de la β-hCG (β-CG libre) et de l’alpha-fœtoprotéine (AFP) ou de la β-hCG totale, l’AFP, ou encore l’estriol non conjugué (E3), combinés à l’âge maternel. Le risque initial lié à l’âge maternel est ainsi modifié pour chaque femme par un coefficient de vraissemblance (likelihood-ratio) calculé à partir des déviations à la médiane des marqueurs sériques dosés. En utilisant un seuil de risque de 1/250 ou plus, le taux de détection de la trisomie 21 pour ce test est de 65 % pour un taux de faux positif de 5 % [3]. Cette stratégie de dépistage par les marqueurs sériques a été ensuite combinée avec la mesure de la clarté nucale réalisée lors de l’échographie du 1er trimestre de la grossesse (entre 11 et 14 SA). En effet, le risque augmente exponentiellement avec la mesure de la clarté nucale. Grâce à ce dépistage séquentiel combiné, il est possible, toujours en utilisant le seuil de risque de 1/250, d’obtenir une sensibilité d’environ 75–80 % pour un taux de faux positifs de 5 % [4].


Plus récemment, les marqueurs sériques du 1er trimestre (principalement PAPP-A et la fraction libre de la β-HCG) se sont développés, permettant la réalisation d’un dépistage combiné dès le 1er trimestre de la grossesse [3]. Ce test combiné avec l’âge, les marqueurs sériques au 1er trimestre et la mesure de la clarté nucale fœtale, permet d’obtenir un taux de détection de 80 % pour 5 % de faux positifs et représente aujourd’hui la stratégie à privilégier.


Afin de mieux organiser la gestion du dépistage de la trisomie 21, le gouvernement français a publié un arrêté précisant les modalités de dépistage prénatal (arrêté du 23 juin 2009). L’objectif de cette mesure est d’améliorer les pratiques de dépistage visant à réduire le taux de prélèvements fœtaux invasifs (amniocentèse, biopsie de trophoblaste) en proposant un test sensible aux femmes qui le souhaitent. Cet arrêté du 23 juin 2009 a été ensuite publié au journal officiel le 3 juillet 2009.


Actuellement, le dépistage combiné du 1er trimestre est la méthode de choix en France. Ce test doit être systématiquement proposé au début de chaque grossesse après avoir réaliser une information claire et loyale. La réalisation de cette analyse nécessite obligatoirement l’accord de la femme concernée.


Avant d’organiser un test de dépistage, il faut s’assurer que la maladie en question répondent au critères requis selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Ils sont résumés dans le tableau 16.1.



En France, la trisomie 21 est la cause la plus fréquente de retard mental responsable de 25 % des handicaps mentaux chez les enfants d’âge scolaire [5]. C’est, parmi les anomalies chromosomiques observées en cours de grossesse, celle dont l’incidence est la plus élevée : aux alentours de 1/770 naissances justifiant la mise en place d’une politique de dépistage. En outre, un test diagnostique fiable est disponible (prélèvement fœtal pour caryotype par amniocentèse, biopsie de trophoblaste…) [6].


Les recommandations de la Haute Autorité de Santé (juin 2007) ont fixé les règles de ce dépistage de la trisomie 21. Elles insistent en particulier sur la nécessité de réaliser une information objective, loyale et précoce, et de respecter le choix des parents.



Différents marqueurs de risque de la trisomie 21


Le risque initial est calculé sur la base de l’âge maternel [2], l’âge gestationnel et les antécédents éventuels d’anomalies chromosomiques. Sur la figure 16.1, est représenté le risque d’anomalie chromosomique en fonction de l’âge maternel.



La figure 16.2 correspond au risque d’anomalies chromosomiques en fonction de l’âge gestationnel (les courbes représentent le taux de survie des anomalies chromosomiques existantes à 10 SA). On peut noter une surmortalité prénatale très nette des fœtus trisomiques par rapport aux fœtus euploïdes [7].



En fonction de l’âge gestationnel, le risque d’aneuploïdie va donc être différent et doit impérativement être pris en compte dans les différents outils de calcul de risque [8].


Enfin, lorsqu’un couple a eu une précédente grossesse avec une trisomie 21 non libre, le risque de récurrence est lié au cas où l’un des conjoints serait porteur d’un remaniement chromosomique et les parents peuvent demander un caryotype. En cas d’antécédent de fœtus atteint d’une trisomie libre, le risque de récurrence est légèrement supérieur à la population générale du fait du risque de mosaïque germinale [8].


Les différents outils du dépistage permettent ensuite de calculer un nouveau risque en multipliant le risque initial par les coefficients de vraisemblance issus des tests de dépistage.



Marqueurs sériques maternels


Les données de la littérature concernant l’utilisation des marqueurs sériques dans le cadre du dépistage de la trisomie 21 ont été analysées par la Haute Autorité de Santé (HAS) afin d’élaborer des recommandations nationales. Désormais, les marqueurs sériques du 1er trimestre sont à privilégier en France et vont êtres systématiquement proposés aux patientes afin de les combiner à la mesure de la clarté nucale et à l’âge maternel (Recommandations rendues publiques par la HAS en juin 2007). Toutefois, la mise en œuvre de cette stratégie au 1er trimestre n’entraîne pas immédiatement la disparition du dépistage par les marqueurs sériques du 2e trimestre. La possibilité de dépistage au 2e trimestre [915] persiste pour les patientes se présentant tardivement à la 1re consultation prénatale rendant impossible la mesure de la clarté nucale et le dosage des marqueurs sériques du 1er trimestre. En revanche, il n’y a plus lieu de proposer les marqueurs du 2e trimestre chez une patiente qui a eu un dosage des marqueurs sériques au 1er trimestre.


Les marqueurs du 1er trimestre de la grossesse sont principalement la PAPP-A (pregnancy-associated plasma protein-A) et la fraction libre de la β-hCG. Ils doivent être idéalement dosés juste après l’échographie du 1er trimestre, car les dosages sont ajustés à la longueur cranio-caudale (LCC), qui est le meilleur indicateur de l’âge gestationnel. Le résultat est rendu en un temps, intégrant d’emblée le risque initial, les marqueurs et la mesure de la clarté nucale (cf. infra).



Échographie fœtale



Échographie du 1er trimestre


Dès le début des années 1990, l’intérêt de la mesure de la clarté nucale, au cours de l’échographie du 1er trimestre de la grossesse, comme marqueur performant de dépistage de la trisomie 21 s’est précisée [16]. Elle est définie par l’espace normal sous-cutané, entre la peau et les tissus mous recouvrant la nuque du fœtus, observé lors de l’échographie du premier trimestre. Cet espace peut être augmenté en cas d’hyperclarté nucale ou d’hygroma cervical. L’hygroma cervical est bilatéral, développé initialement aux dépens des sacs lymphatiques jugulaires, avec des structures kystiques séparées par des septa. Celui-ci représente un signe d’appel des syndromes de Turner, de Noonan et d’autres syndromes génétiques, mais est aussi associé aux trisomies. L’hyperclarté nucale est due à une accumulation de liquide dans l’espace sous-cutané pouvant être en rapport avec un retard de résorption du système lymphatique ou une compression médiastinale. L’hyperclarté nucale est non seulement un marqueur d’aneuploïdie et particulièrement de trisomie 21 mais aussi de cardiopathie fœtale et de nombreuses malformations et syndromes génétiques.


Dans l’étude de Snidjers et al. [4], en utilisant un seuil au 95e percentile pour l’âge gestationnel, le taux de détection de la trisomie 21 a été de 72 %. En tenant compte de l’âge maternel et de l’âge gestationnel, le taux de détection était de 77 % pour un taux de faux positif de 5 %. En 2003, la publication de Malone et D’Alton retrouve une sensibilité de la mesure de la clarté nucale de 77 % pour un taux de faux positifs de 6 % et la valeur prédictive positive de 4,7 % [17]. La sensibilité globale de l’ensemble des études publiées est de 70 %. Cependant, si l’on subdivise les études provenant du groupe de la Fetal Medicine Foundation et les autres, la sensibilité est de l’ordre de 50 à 72 % et de 50 % respectivement. Cela souligne la question de la diffusion de la technique dans la population générale et du contrôle de qualité qu’il serait utile de mettre en place à l’instar de celui appliqué aux marqueurs biologiques. Depuis la standardisation de la technique de mesure, l’homogénéisation des âges gestationnels lors de la réalisation de la mesure entre 11 et 14 SA, la formation des échographistes par la Fetal Medicine Foundation (http://www.fetalmedicine.com/) et la mise en place du contrôle de qualité, d’autres études ont rapporté des taux de détection similaires [1820]. En France, l’arrêté du 23 juin 2009 précis : « l’adhésion des échographistes à un programme d’assurance qualité portant sur la mesure de la clarté nucale et de la longueur cranio-caudale, dans le cadre de l’évaluation des pratiques professionnelles ».


L’échographiste doit réaliser une démarche qualité en participant à une évaluation des pratiques professionnelles (EPP).


L’EPP peut être réalisée auprès de tout organisme agréé (Collège d’Évaluations des Pratiques Professionnelles en Imagerie Médicale [CEPPIM]/Société Française pour l’Amélioration des Pratiques Échographiques [SFAPE] ou Collège Français d’Échographie Fœtale [CFEF] ou Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français [CNGOF]), ceci est laissé au libre choix de l’échographiste.


Le tableau 16.2 rappelle les critères à respecter pour réaliser une mesure de nuque selon Hermann.



Tableau 16.2


Score de Herman.


image


Un score total supérieur ou égal à 4 est considéré comme acceptable. Il est excellent lorsqu’il est supérieur ou égal à 8. En pratique, il est fondamental de vérifier la qualité des clichés de nuque avant de l’intégrer dans le calcul de risque. Les critères de Herman et de la FMF sont similaires : ils insistent particulièrement sur la position fœtale, le plan sagittal strict, la bonne visualisation de l’amnios, le positionnement correct des repères et la taille d’image suffisante.


Au total, le dépistage échographique du premier trimestre, basé sur la mesure de la clarté nucale est performant pour la détection de la trisomie 21 dans les populations à haut et bas risques. Toutefois, sa généralisation impose une formation préalable des échographistes et la mise en place d’un contrôle de qualité. Ce test doit aujourd’hui être combiné d’emblée aux marqueurs sériques (dépistage combiné du premier trimestre). Selon les recommandations de la HAS, « Cette stratégie présente l’avantage de permettre éventuellement un diagnostic prénatal plus précoce dès le 1er trimestre, grâce notamment au prélèvement des villosités choriales. En cas de décision d’une interruption de grossesse, celle-ci se révélerait moins traumatisante sur le plan physique comme sur le plan psychologique. Cette stratégie permet aussi d’aborder précocement la notion de risque de trisomie 21. Le processus de dépistage est également peu complexe. Tous ces éléments expliquent que cette stratégie a le plus souvent la faveur des femmes lorsque celles-ci sont interrogées sur leurs préférences » (tableau 16.3 et figures 16.3, 16.4 et 16.5).


Aug 1, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 16: Dépistage de la trisomie 21

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