9 Item 88 – Infections génitales de la femme. Leucorrhées
Les leucorrhées correspondent à des écoulements vaginaux en rapport avec une infection génitale. Elles sont à distinguer des leucorrhées physiologiques dues aux sécrétions de glaire cervicale et des glandes annexes (Skène et Bartholin) et à la desquamation vaginale. Les agents pathogènes le plus fréquemment rencontrés dans les infections génitales basses (c’est-à-dire limitées à la vulve, au vagin et au col utérin) sont les levures, le trichomonas et les germes banaux. Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen clinique avec le spéculum et éventuellement des prélèvements bactériologiques.
Il est parfois difficile pour le clinicien de faire la part des choses entre des leucorrhées physiologiques mais mal vécues par la patiente et des leucorrhées pathologiques passées au second plan dont il faudra chercher et traiter la cause.
I RAPPELS
A Leucorrhées physiologiques
Les leucorrhées physiologiques proviennent :
Ces sécrétions physiologiques n’engendrent aucune irritation, ne sentent pas mauvais et ne contiennent pas de polynucléaires. Toutefois leur abondance peut parfois être source de gêne pour la patiente et justifier la prise en charge thérapeutique de l’ectropion retrouvé et présumé responsable.
Par ailleurs, le comportement compulsif d’hygiène intime excessive avec des savons détergents, voire des injections intravaginales quotidiennes devant ces sécrétions physiologiques, peut entraîner une destruction de l’écosystème vaginal et favoriser la survenue d’infections génitales basses souvent chroniques.
B Écosystème vaginal
Le vagin est un écosystème dynamique où chaque femme possède 8 à 10 germes en équilibre. La flore dominante est le bacille de Doderlein : lactobacille tapissant la muqueuse vaginale. Il transforme le glycogène abondamment contenu dans les cellules vaginales et cervicales grâce à l’imprégnation œstrogénique en acide lactique. Cet acide lactique explique le pH acide du vagin qui est un facteur protecteur de la pullulation microbienne. Cette flore vaginale évolue selon :
Cette flore aéro-anaérobie équilibrée s’oppose à l’adhérence et à la colonisation des germes pathogènes dans le vagin.
II CONDUITE DE L’EXAMEN D’UNE FEMME CONSULTANT POUR DES LEUCORRHÉES ANORMALES
A Interrogatoire
B Examen clinique
Il n’a de valeur que si la patiente n’a pas fait une toilette vaginale préalable.
L’inspection de la région vulvaire, vestibulaire et périnéale recherchera des rougeurs, des lésions de grattage, des vésicules ou des ulcérations.
1 Examen au spéculum
L’examen au spéculum permettra d’analyser l’écoulement (aspect, abondance, couleur), d’apprécier l’aspect de la glaire cervicale (limpide, louche), d’évaluer l’état de l’épithélium vaginal et cervical et de réaliser des prélèvements à des fins d’examen direct au microscope et pour analyses en laboratoire. Le frottis de dépistage n’est pas optimal dans des conditions d’infection.
2 Examen direct au microscope
C’est un examen facile à réaliser et qui est très informatif. Le prélèvement est étalé sur une lame avec une goutte de sérum physiologique. On peut ainsi visualiser un trichomonas, des fragments mycéliens ou des leucocytes.
3 Test à la potasse (Sniff test)
Il consiste à ajouter sur le prélèvement étalé sur lame une goutte de potasse à 10 %. Cette potasse permet de lyser les corps cellulaires et ainsi de mieux voir les éléments mycosiques et surtout dégage une odeur de poisson pourri très évocatrice de la présence conjuguée d’anaérobies et de Gardnerella vaginalis.
4 Toucher vaginal
Le toucher vaginal recherchera une douleur à la palpation ou à la mobilisation de l’utérus et des annexes.
C Indications du prélèvement vaginal adressé au laboratoire
Il n’est pas indispensable mais parfois nécessaire :
Le suivi post-thérapeutique ne nécessite pas de contrôle systématique par prélèvement sauf en cas de persistance des signes.
Autres examens : il s’agit d’examens spécifiques en fonction des orientations diagnostiques :
III ÉTIOLOGIES DES LEUCORRHÉES PATHOLOGIQUES ET CHOIX THÉRAPEUTIQUES
Tout ce qui pourra perturber cet équilibre favorisera le développement d’une flore pathogène, tout ce qui modifiera l’activité sécrétoire des cellules cervicales pourra être responsable de leucorrhées pathologiques et enfin toute perte provenant du haut appareil génital (endomètre, trompes, ovaires et pelvis) se caractérisera par des leucorrhées pathologiques.
A Causes infectieuses (tableau 9.I)
1 Trichomonas
La vaginite à trichomonas est de contamination vénérienne, elle est un bon marqueur d’IST et ainsi justifie la recherche systématique d’autres germes.
Les leucorrhées sont verdâtres, mousseuses, spumeuses, abondantes et nauséabondes (odeur de plâtre frais). Au spéculum le vagin est rouge, le col framboisé. Le prurit est variable en intensité, il existe souvent des brûlures au moment des rapports ou des mictions.
L’examen direct au microscope optique permet de mettre en évidence le parasite. Il n’y a pas d’intérêt à réaliser une culture.
Le traitement concerne les deux partenaires :
2 Mycose
Le symptôme essentiel est le prurit. Intense, parfois intolérable, le prurit entraîne souvent une dysurie, voire une pollakiurie. Au spéculum les leucorrhées sont blanches, caillebottées (comme du lait caillé), grumeleuses, tapissant les parois du vagin. La vulve est sèche, œdémateuse avec de fréquentes lésions de grattage. L’extension sur le périnée postérieur est fréquente. Le vagin est rouge faisant ressortir le blanc des leucorrhées. Lexamen au microscope montre des filaments mycéliens. Le Candida albicans est le germe le plus souvent retrouvé. La prescription comprend un traitement spécifique antimycosique, tel l’éconazole (Gynopevaryl LP), fenticonazole (Lomexin), miconazole (Gynodaktarin), butoconazole (Gynomyk) ou isoconazole (Fazol), en ovule gynécologique et crème. Le traitement monodose favorise l’observance et ainsi diminue les rechutes. Le traitement de confort utilise des solutions apaisantes comme Gynhydralin, Saforelle ou Opalgine. Le traitement du partenaire se fait par pommade antimycosique locale pendant 10 jours.
3 Gardnerella vaginalis
Gardnerella vaginalis est responsable d’une vaginite fréquemment dont l’élément caractéristique est la mauvaise odeur (poisson pourri). Ce germe est pour certains un hôte normal de la flore vaginale car isolé chez près de 10 % des patientes. Pour être pathogène il doit être associé avec différents germes anaérobies. En fait c’est la décarboxylation par les germes anaérobies des acides aminés élaborés par le Gardnerella qui est responsable de cette odeur caractéristique. À l’état de sels non volatils in vivo, ces amines peuvent être libérées lors de l’alcalinisation du vagin, en particulier suite à un rapport ou en fin de règles.
Les leucorrhées sont grisâtres, fluides, peu abondantes, adhérentes à la paroi vaginale.
L’examen au spéculum note peu d’irritation locale.
Le germe est mis en évidence par culture mais son association avec des anaérobies est facilement reconnue par le test à la potasse (Sniff test) qui révèle, par application d’une goutte de potasse à un prélèvement sur lame, l’odeur caractéristique de poisson pourri.
Le traitement est justifié du fait de l’inconfort. Soit un traitement monodose par métronidazole (Flagyl) 2 g, soit un traitement associant amoxicilline (Clamoxyl) 2 g/j pendant 7 jours et métronidazole (Flagyl) ovule pendant 7 jours. Le traitement du partenaire est discuté, les récidives font proposer un traitement complémentaire pour améliorer la flore vaginale.

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