9 Infections fongiques
Candidose
Candida albicans et quelques autres espèces de Candida sont capables de provoquer des infections de la peau et des muqueuses.
Ces micro-organismes font partie de la flore courante de la bouche, du vagin et de l’intestin.
Ils se reproduisent par bourgeonnement des levures de forme ovale, qui forment des pseudohyphes allongés.
Une diminution de l’immunité à médiation cellulaire, une altération de la fonction barrière, et des modifications de la flore normale de la peau prédisposent à l’infection.
De telles affections incluent la petite enfance, la grossesse, l’utilisation de contraceptifs oraux, un traitement antibiotique systémique, le diabète, la macération de la peau dans les plis, les traitements corticoïdes topiques et systémiques, et la baisse de l’immunité à médiation cellulaire (virale ou nutritionnelle).
Manifestations cutanées
Les levures infectent seulement les couches externes de l’épithélium des muqueuses et de la peau.
La lésion primaire est une pustule dont le contenu se propage horizontalement sous la couche cornée et la décolle.
Ce processus aboutit à une tache rouge, dénudée et brillante, avec un bord squameux extensif ressemblant à du papier de cigarette.
Les levures se développent mieux dans un environnement chaud et humide ; l’infection est ainsi généralement confinée aux muqueuses et aux espaces intertrigineux.
Balanite à Candida
Infection localisée et aiguë du prépuce et du gland, provoquée par des micro-organismes de l’espèce Candida.
Anamnèse
Se produit plus fréquemment chez les hommes non circoncis que chez les hommes circoncis.
Le diabète accentue le risque.
Les rapports avec une femme infectée sont probablement un facteur de risque, bien que les infections se produisent et persistent aussi sans exposition sexuelle.
Les levures envahissent l’épiderme superficiel, produisant des pustules et un exsudat.
Manifestations cutanées
Les papules rouges punctiformes se transforment en pustules ombiliquées sur le gland et le sillon balanoprépucial, avec des débris pâteux macérés situés sous le prépuce.
Les pustules se rompent sous le prépuce et font place à des zones d’érosions superficielles de 1 à 2 mm, en forme d’anneaux blancs. Les érosions peuvent évoluer en ulcérations ou fissures.
Une ulcération et des fissures peuvent se former par la suite.
L’œdème et la douleur peuvent être assez intenses et restreindre la possibilité de décalotter le prépuce.
Diagnostic différentiel
Herpès (forme des vésicules et des pustules ombiliquées qui s’érodent)
Molluscum contagiosum (forment des papules ombiliquées qui persistent)
Psoriasis inversé (psoriasis des plis) peut être masqué par une infection associée à Candida
Dermite de contact irritative (causée par les détergents) et dermite de contact allergique (causée par les médicaments)
Traitement
Le traitement topique est généralement suffisant.
Miconazole, kétoconazole, sertaconazole, oxiconazole, bifonazole, ciclopiroxolamine ou éconazole en crème, deux fois par jour pendant 10 jours.
Le soulagement est presque immédiat, mais le traitement doit être poursuivi pendant 10 jours.
Corticoïdes topiques : ils procurent un soulagement provisoire en supprimant l’inflammation, mais l’éruption récidive et empire, parfois avant même que la crème corticoïde ne soit arrêtée. Ces préparations ne sont pas recommandées.
Les cas résistants peuvent répondre au traitement systémique par l’itraconazole à une dose de 200 mg par jour pendant 3 à 7 jours, ou le fluconazole à une dose de 150 mg par jour pendant 1 à 3 jours.
Candidose du siège
La dermite du siège (napkin dermatitis) est un terme qui englobe un certain nombre d’affections cutanées causant des éruptions rouges et squameuses de la zone couverte par les changes jetables.
Anamnèse
Les couches produisent une occlusion de la peau, conduisant à une macération et prédisposant à l’infection et à l’inflammation.
Les changements fréquents de couches diminuent l’incidence de la dermite du siège.
Les couches jetables, très absorbantes, absorbent l’humidité de manière efficace.
Le pH de la peau s’élève quand l’urine est mélangée aux selles (particulièrement en cas de diarrhée), prédisposant à une altération de la barrière épidermique.
Manifestations cutanées
Situations cliniques
Dermite du siège à Candida
Le Candida peut être une cause primitive de dermite du siège qui se manifeste par des plaques rouge brillant (d’un rouge vif) dans les plis inguinaux et fessiers.
L’infection à Candida peut se produire au cours de la dermite séborrhéique ou du psoriasis.
Les pustules satellites sont le trait caractéristique de la dermite à Candida.
Les pustules se rompent pour former une collerette superficielle de squames.
La dermite du siège à Candida chronique et mal traitée peut former des nodules granulomateux.
Dans des emplacements éloignés tels que les joues et le torse, la dermatite à Candida aboutit rarement à une éruption ressemblant au psoriasis.
Dermite séborrhéique
La dermite séborrhéique affecte le cuir chevelu et les espaces intertrigineux, y compris la région du siège.
Des plaques rouges et squameuses se manifestent sur le scrotum, le pénis, les grandes lèvres, le pubis et les plis inguinaux et fessiers.
Du psoriasis peut être localisé sur le siège et son apparence est identique à la dermite séborrhéique.
Examens de laboratoire
L’examen microscopique à l’hydroxyde de potassium confirme la présence des pseudohyphes et des spores.
Les résultats de culture trouvent souvent mêlées une infection bactérienne ainsi qu’une infection à l’espèce Candida. Une combinaison de cultures bactériennes et d’examen à l’hydroxyde de potassium pourra établir l’existence d’infections coexistantes.
Traitement
Le traitement doit être orienté vers une réduction de l’humidité.
Il faut encourager les changements de couche fréquents, ainsi que des moments passés sans couche.
Les onguents de protection tels que la vaseline, ou l’oxyde de zinc sont utiles pour la prophylaxie.
Éviter le nettoyage trop zélé avec les lingettes pour bébé irritantes.
Appliquer initialement un dermocorticoïde en crème deux fois par jour jusqu’à ce que l’inflammation soit maîtrisée.
Des émollients imitent les lipides cutanés et aident à restaurer la fonction barrière.
L’infection à Candida est traitée par l’application de crèmes antimycosiques deux fois par jour pendant 1 ou 2 semaines.
Ne pas appliquer de dermocorticoïde en même temps qu’un traitement corticoïde local ; envisager d’alterner les applications avec les changements de couche successifs.
L’infection bactérienne localisée peut être traitée avec de la crème de mupirocine.
Une infection étendue nécessite un traitement antibiotique par voie orale.
Candidose des grands plis (intertrigo à Candida)
Les levures prolifèrent dans les espaces intertrigineux, là où il y a contact entre deux surfaces cutanées.
Les grands plis maintiennent la chaleur et l’humidité, fournissant l’environnement approprié pour une infection par la levure.
Anamnèse
Les individus prédisposés sont les femmes âgées ayant des seins tombants, les sujets obèses ayant des plis au-dessous de l’abdomen, et aussi dans les plis inguinaux, la région anale ainsi que sous les aisselles.
Les facteurs de prédisposition sont le climat chaud et humide, les sous-vêtements serrés ou occlusifs, le diabète, une mauvaise hygiène. Les maladies inflammatoires se manifestant dans les plis, telles que le psoriasis, ainsi que l’utilisation des corticoïdes topiques favorisent la croissance des levures dans les plis.
Manifestations cutanées
Il se forme des pustules mais celles-ci macèrent dans les surfaces cutanées juxtaposées et évoluent en papules rouges avec une frange de squames humides située en bordure.
On peut observer des pustules intactes à l’extérieur des surfaces cutanées opposées. Des plaques rouges, humides et brillantes se prolongent jusqu’aux rebords des plis opposés ou juste au-delà.
Le bord en extension est nettement défini et possède une frange de squames macérée.
Des papules satellites donnent un aspect tacheté à la peau saine se trouvant juste au-delà des plaques.
Il y a une tendance à la fissuration douloureuse dans les plis cutanés.
Examens de laboratoire
L’examen microscopique à l’hydroxyde de potassium est réalisé sur un prélèvement provenant d’une pustule ou du bord en extension. L’échantillon est prélevé avec un coton-tige ou en raclant doucement la surface cutanée avec la lame d’un bistouri.
Les pseudohyphes et les spores sont souvent nombreux.
Le matériel de culture est obtenu par frottis des pustules ou des régions humides de la plaque à l’aide d’un coton-tige stérile.
Les levures survivent dans les tubes pour culture bactérienne des kits disponibles.
Une co-infection bactérienne peut être identifiée par culture.
Diagnostic différentiel
Psoriasis inversé (peut comporter une surinfection à Candida, particulièrement s’il est traité par des corticoïdes topiques)
Dermite séborrhéique (atteint généralement le cuir chevelu et le centre du visage ainsi que les plis)
Intertrigo ayant d’autres causes physiques ou irritatives (probable si l’examen microscopique à l’hydroxyde de potassium est négatif)
Érythrasma causé par Corynebacterium (fluorescence rouge corail en lumière de Wood)
Eczéma (en particulier en cas de traitement par des corticoïdes topiques) pouvant être masqué par une infection à Candida concomitante
Traitement
Les crèmes antifongiques (miconazole, kétoconazole, oxiconazole, éconazole, bifonazole, ciclopiroxolamine) sont appliquées en couche mince deux fois par jour jusqu’à ce que l’éruption disparaisse.
Du fluconazole per os à une dose de 100 à 200 mg par jour pendant 7 jours est utilisé dans les cas résistants.
Les patients obèses nécessitent une dose plus importante. Attention aux interactions médicamenteuses.
Conseils et recommandations
Les patients diabétiques obèses sont sujets à des infections à Candida récidivantes.
Il peut y avoir interaction médicamenteuse entre les agents hypoglycémiques oraux et le fluconazole. Cela exige une surveillance attentive de la glycémie lors de l’utilisation concomitante de ces produits.
Pityriasis versicolor
Infection courante provoquée par la levure lipophile Pityrosporum orbiculare (Malassezia furfur).
Le micro-organisme fait partie de la flore cutanée ordinaire.
Il est contagieux ; les personnes ayant la peau grasse peuvent être plus sensibles.
La chaleur et l’humidité excessives prédisposent à l’infection.
Anamnèse
Plus courant pendant les années où l’activité sébacée est plus élevée (adolescence et âge adulte jeune).
Très courant en particulier dans les régions tropicales et semi-tropicales.
Activité variable pendant des années. Diminue ou disparaît avec l’âge.
Peut être prurigineux, mais est habituellement asymptomatique.
Manifestations cutanées
De nombreuses petites papules arrondies, blanches et squameuses sur la partie supérieure du tronc.
Peut s’étendre pour atteindre le haut des bras, le cou et l’abdomen.
Une atteinte faciale est plus courante sur la peau des enfants et des personnes à peau noire.
Des squames fines peuvent ne pas être apparentes lors de l’examen et être facilement révélées par un léger raclage avec la lame d’un scalpel chirurgical.
Les lésions sont hypopigmentées sur les peaux bronzées, et de couleur rose ou marron clair sur les peaux non bronzées.
La couleur est uniforme chez une même personne mais peut différer d’une personne à l’autre.
Pendant les mois d’hiver, les lésions peuvent passer inaperçues chez les personnes à peau claire.
Les observations en lumière de Wood montrent des zones hypopigmentées d’infection et une faible fluorescence jaune-vert. La maladie de Cushing, la grossesse, les déficits nutritionnels, le bronzage en cabine, le traitement par des corticoïdes, l’immunosuppression et les contraceptifs oraux peuvent diminuer la résistance du patient à cette levure résidente, habituellement non pathogène, qui peut proliférer dans la partie supérieure de la couche cornée.
Évolution et pronostic
De nombreux agents topiques et oraux permettent d’éliminer les micro-organismes, mais la guérison est généralement provisoire et les récidives sont courantes (40 à 60 %).
La dépigmentation persiste pendant plusieurs semaines après l’élimination des levures et de l’état squameux associé. L’exposition au soleil aide à estomper les zones dépigmentées après le traitement.
Traitement
Le traitement topique est indiqué dans les cas de maladie limitée.
La lotion de sulfure de sélénium à 2,5 % est appliquée à la totalité de la surface cutanée située entre la partie occipitale du cuir chevelu et les cuisses. Elle doit être lavée au bout de 20 minutes. Ce traitement peut être renouvelé chaque jour pendant 7 jours consécutifs.
Le shampooing au kétoconazole à 2 % est appliqué sur une peau humidifiée. On le fait mousser et on le laisse pendant 5 minutes avant de le rincer. Cette méthode permet un taux de réponse clinique d’environ 70 % en application unique ou quotidienne pendant 3 jours.
Du savon de pyrithione-zinc est appliqué pendant la douche. On le fait mousser puis on le laisse pendant 5 minutes avant de le rincer. C’est un traitement commode et peu coûteux.
Le miconazole, le clotrimazole, l’éconazole et le kétoconazole sont efficaces, inodores et non gras, mais plus coûteux. L’application se fait sur la totalité des zones pouvant être touchées, au coucher, pendant 2 à 4 semaines.
La transpiration peut améliorer la pénétration du kétoconazole et du fluconazole sur la surface cutanée. Le patient ne doit pas se laver pendant au moins 12 heures après le traitement. S’abstenir de se laver permet au médicament de s’accumuler dans la peau.
Les patients sans atteinte avérée mais ayant des antécédents de récidives multiples pourraient envisager un programme de traitement juste avant les mois d’été.
Folliculite pityrosporique
Infection du follicule pileux provoquée par la levure Pityrosporum orbiculare, également connue sous le nom de Malassezia furfur, le même micro-organisme qui cause le pityriasis versicolor.
Il s’agit d’une éruption papulopustuleuse discrète, parfois irritante, localisée principalement sur la partie supérieure du tronc et des épaules.
Anamnèse
Se manifeste chez les adultes jeunes et d’âge moyen.
Le rapport hommes/femmes est de 1 pour 3.
L’occlusion folliculaire peut constituer l’événement primaire, la croissance excessive de levures étant une manifestation secondaire.
Le diabète sucré, la chimiothérapie systémique et l’administration d’antibiotiques ou de corticoïdes à large spectre sont des facteurs de prédisposition.
Il peut apparaître en éruption localisée sur le front, ayant l’aspect d’une acné résistante au traitement.
Manifestations cutanées
Papules et pustules folliculaires, monomorphes, en forme de dôme, asymptomatiques ou légèrement irritantes, de 2 à 4 mm de diamètre.
Se manifeste sur le haut du dos, la poitrine et le haut des bras.
Plus courante sous les tropiques, où elle comporte des papules, des pustules, des nodules et des kystes folliculaires.
Il a été suggéré que « l’acné » du front après application de topiques chez des patients d’origine hispanique ou africaine est en réalité une folliculite pityrosporique.
Examens de laboratoire
L’examen à l’hydroxyde de potassium confirme la présence de nombreuses spores rondes et, moins souvent, de courtes hyphes.
Une biopsie cutanée est rarement nécessaire, mais montre des spores abondantes et parfois des hyphes dans un follicule pileux dilaté. La méthénamine argentique est utilisée pour marquer les hyphes.
Discussion
Les patients peuvent avoir des affections associées telles que pityriasis versicolor, dermite séborrhéique ou acné.
Leurs glandes sébacées actives fournissent vraisemblablement l’environnement riche en lipides nécessaire pour la prolifération des levures.
L’occlusion folliculaire et la peau grasse peuvent être des facteurs de prédisposition importants.
Traitement
Le shampooing au sulfure de sélénium est appliqué puis lavé au bout de 30 minutes ; cette application est renouvelée chaque jour pendant 3 jours jusqu’à disparition des lésions, puis une fois par semaine en cure d’entretien.
Des agents topiques antifongiques sont appliqués en crème, en application au coucher chaque nuit pendant une semaine puis une fois par semaine pendant plusieurs semaines ou mois.
La combinaison des traitements oral et topique est la plus efficace. La combinaison de shampooing de kétoconazole et de kétoconazole systémique (à une dose de 200 mg par jour pendant 4 semaines) est efficace. On peut aussi utiliser l’itraconazole à 200 mg par jour pendant 5 jours.
La réponse au traitement est confirmée par le soulagement du prurit pendant la première semaine du traitement. Mais les papules demeurent jusqu’à 3 à 4 semaines.
La récidive est habituelle si un traitement topique intermittent n’est pas effectué.
Mycose des ongles (onychomycose)
La mycose des ongles est une infection fongique de la tablette unguéale du doigt ou de l’orteil causée par de nombreuses espèces différentes de champignons.
Lorsqu’elle s’installe, cette affection tend à devenir chronique mais reste souvent asymptomatique.
Anamnèse
L’incidence augmente avec l’âge.
La maladie affecte 15 à 20 % de la population âgée de 40 à 60 ans.
Infection à vie, sans guérison spontanée.
Un traumatisme, causé notamment par des chaussures serrées, prédispose à l’infection.
La présence d’une masse importante, composée de l’ongle épaissi et de débris sous-jacents, peut être source d’inconfort lors du port de chaussures.
Manifestations cliniques
L’infection se manifeste selon quatre types cliniques distincts.
Ces types ne sont pas exclusifs et peuvent se produire simultanément dans le même ongle ou des ongles adjacents.
L’infection de l’ongle peut se produire simultanément avec une dermatophytie de la main ou du pied, ou peut apparaître de manière isolée.
Onychomycose sous-unguéale proximale
Les micro-organismes pénètrent sous le repli unguéal postérieur et envahissent la tablette unguéale par en dessous.
La surface de la tablette unguéale demeure intacte.
Les débris hyperkératosiques provoquent le décollement de l’ongle.
Trichophyton rubrum est la cause la plus courante.
C’est le type le plus couramment observé chez les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine.