8 Infections virales
Verrues (verrues vulgaires)
Les verrues sont des proliférations épidermiques bénignes provoquées par l’infection par le papillomavirus humain (human papillomavirus [HPV]). Il s’agit d’un virus à ADN bicaténaire, qui infecte la peau et les muqueuses.
Il existe plus de 150 différents types de papillomavirus humain. De nouveaux sous-types sont définis par la méthode d’hybridation de l’ADN. Certains sous-types sont associés à un locus particulier et à une manifestation clinique et pathologique caractéristique.
La transmission se fait par simple contact ; souvent au niveau des petites coupures de la peau, des abrasions ou de tout autre traumatisme. Pour provoquer l’infection, le virus doit entrer en contact avec les cellules épithéliales basales.
Manifestations cutanées
Les papules couleur chair prennent une forme de dôme et deviennent grises à brunes, hyperkératosiques, éparses et grossières, souvent avec des points noirs à la surface.
Les points noirs sont des capillaires thrombosés.
Les verrues sont habituellement peu nombreuses, mais parfois au contraire très nombreuses.
Les localisations courantes sont les mains, la peau périunguéale, les coudes, les genoux et les plantes.
Les verrues filiformes sont des excroissances avec des prolongements en forme de doigt, couleur chair, sur une base étroite ou large ; elles se manifestent plus souvent sur le visage.
Examens de laboratoire
Le sous-typage du papillomavirus humain n’est pas systématique. Il n’est pas facilement disponible, ni nécessaire pour les verrues courantes. Les associations de sous-types sont :
Les sous-types génitaux 16, 18 et 31 du papillomavirus humain sont des sous-types à haut risque et causent environ 75 % des cancers génitaux invasifs.
Une verrue ne guérissant pas sur la main, la région périunguéale ou le pied doit être biopsiée afin d’exclure un carcinome épidermoïde. Ce dernier peut prendre l’apparence d’une verrue, en particulier dans la zone périunguéale.
Évolution et pronostic
L’évolution est très variable ; une guérison spontanée avec le temps et le développement d’une réaction immunitaire à médiation cellulaire est de règle.
Chez les enfants, environ deux tiers de toutes les verrues régressent spontanément dans un délai de 2 ans.
Les verrues des patients immunodéficients peuvent être répandues, résistantes au traitement et chroniques.
Traitement
Divers traitements sont disponibles contre les verrues. Aucun traitement n’est très efficace de manière constante. Les traitements douloureux doivent être évités, notamment chez les enfants. Cela peut être aisément recommandé puisque les verrues guérissent spontanément sans traitement ; cependant, beaucoup de parents recherchent un traitement à cause de l’aspect inesthétique, de la crainte de la diffusion et de l’élargissement des verrues ou de l’inconfort causé par la pression.
Les préparations topiques à base d’acide salicylique (15 à 40 %) sont appliquées une fois par jour ; elles sont sûres et efficaces. Les préparations peuvent être occluses avec du ruban adhésif, afin d’augmenter la pénétration. Le traitement est souvent long (8 à 12 semaines). La douleur et l’irritation sont des effets secondaires mineurs. Le taux de guérison avec les préparations à base d’acide salicylique est de 75 %, comparé à 48 %
avec le placebo. On peut avoir recours à des préparations décapantes commercialisées.
Tremper un morceau de coton dans du vinaigre (de n’importe quelle couleur), appliquer sur la surface de la verrue et couvrir avec un adhésif. Enlever l’adhésif le matin. Répéter chaque nuit jusqu’à disparition de la verrue. Utiliser moins souvent si une irritation survient.
La réussite du traitement par ablation nécessite souvent des visites et des traitements multiples. Dans le cas de la cryothérapie à l’azote liquide, le temps de congélation est de 15 secondes, renouvelé une seule fois. Pour un nouveau traitement, la visite de suivi a lieu après 2 à 3 semaines. Un taux de guérison de 52 % a été rapporté. Les effets secondaires sont
la douleur et l’apparition d’une bulle après le traitement. La prudence est recommandée lorsqu’on traite des verrues autour d’un ongle. Des enfants plus âgés peuvent tolérer une cryothérapie douce ; envisager cette méthode pour des verrues présentes depuis longtemps ou si d’autres traitements pour enfants ont échoué.
Les limites de l’électrocautérisation et du curetage sont la douleur, l’infection secondaire et la formation de cicatrices.
Les limites de la chirurgie au laser sont la douleur et la formation potentielle de cicatrices. Le laser colorant pulsé a été utilisé mais ne démontre aucun avantage significatif par rapport au traitement conventionnel.
Les verrues filiformes sont les plus faciles à traiter. L’anesthésie locale peut être utilisée lors de l’ablation de la lésion avec l’extrémité de ciseaux ou avec une curette. L’électrocautérisation et la cryothérapie légères constituent des alternatives.
Conseils et recommandations
Les variations selon les individus de l’immunité à médiation cellulaire peuvent expliquer les différences de sévérité et de durée de la maladie.
Les verrues restent confinées à l’épiderme et rompent les lignes normales de la peau. La verrue a disparu lorsque les lignes normales de la peau réapparaissent.
Mordre, raser ou écorcher la peau infectée par une verrue peut entraîner la propagation des verrues. Informez vos patients et découragez ces habitudes.
Les verrues se manifestent plus fréquemment, durent plus longtemps et apparaissent en plus grand nombre chez les patients ayant le syndrome d’immunodéficience acquise ou un lymphome, ainsi que chez les patients prenant des médicaments immunosuppresseurs.
Verrues planes
Les verrues planes sont des proliférations cutanées bénignes dues à l’infection par le papillomavirus humain. Les sous-types communs sont les types 3 et 10.
Manifestations cutanées
Ces papules roses, brun clair ou jaune clair sont légèrement surélevées et ont un sommet plat. Leur taille varie entre 0,1 et 0,3 cm. Elles peuvent être peu nombreuses ou abondantes et apparaissent souvent en groupe ou en ligne du fait d’une propagation due au grattage.
Les sites caractéristiques sont le front, le dos des mains, le menton, le cou et les jambes.
Évolution et pronostic
La durée peut être prolongée ; les verrues planes peuvent être très résistantes au traitement. Elles sont généralement situées dans des zones d’importance esthétique. Les traitements agressifs et pouvant laisser des cicatrices sont à éviter dans de telles zones.
Une évolution prolongée est fréquente chez les patients immunodéficients.
Traitement
Si les lésions sont clairsemées, on peut appliquer quotidiennement une préparation à base d’acide salicylique, directement sur chaque lésion. Ce traitement est limité par l’apparition d’irritations.
L’imiquimod en crème à 5 % est appliqué la nuit sur la peau affectée. Diminuer la fréquence des applications s’il se produit une irritation excessive. Le traitement peut être requis pendant des semaines.
La trétinoïne en crème est appliquée au coucher sur toute la zone atteinte. La fréquence de l’application est ajustée afin de ne causer qu’une desquamation fine et un érythème léger. Le traitement peut être requis pendant des semaines ou des mois.
L’azote liquide ou un contact très léger avec une aiguille d’électrocautérisation peuvent être utilisés pour des résultats rapides. Les verrues planes peuvent ne pas réagir à la cryothérapie, même après de nombreuses séances de traitement.
Le 5-fluorouracile en crème à 5 %, appliqué une ou deux fois par jour pendant 3 à 5 semaines, peut provoquer une disparition spectaculaire des verrues planes. Une hyperpigmentation persistante peut suivre l’utilisation du 5-fluorouracile. Elle est réduite au minimum si l’application se fait sur chaque lésion à l’aide d’un coton-tige.
Verrues plantaires
Les verrues plantaires sont provoquées par l’infection de la plante des pieds par le papillomavirus humain.
Ces verrues surviennent fréquemment aux points de pression maximale, comme les têtes des métatarsiens, les talons ou les orteils.
Un groupe de plusieurs verrues est appelé « verrue en mosaïque ».
Manifestations cutanées
Les papules kératosiques rondes, isolées ou multiples, coalescentes, de couleur chair et grossières, ont souvent un aspect déprimé.
Les points noirs punctiformes au sein de la verrue, souvent observés lors du limage, sont en fait des boucles capillaires.
Les verrues peuvent être sensibles à la pression.
Certaines verrues plantaires sont déprimées, ressemblant à de nombreux petits puits.
Examens de laboratoire
Une biopsie peut être indiquée lorsqu’il y a croissance rapide des verrues ou lorsque celles-ci sont ulcérées, atypiques ou résistantes au traitement ; un carcinome épidermoïde ou un mélanome peuvent ressembler à des verrues.
Les types 1, 2 et 4 du papillomavirus humain sont typiquement associés aux verrues plantaires.
Traitement
Les verrues plantaires ne nécessitent pas de traitement tant qu’elles sont indolores. La guérison spontanée avec le temps est de règle.
Il existe diverses possibilités de traitement, mais pas d’alternative meilleure qu’une autre.
Le traitement kératolytique par l’acide salicylique est un traitement initial conservateur. Il n’y a pas de formation de cicatrices. Les limites du traitement incluent l’irritation et la douleur. Le traitement peut prendre 6 à 8 semaines.
Considérations pédiatriques
L’imiquimod en crème à 5 % peut aider à accélérer la guérison ; une méthode est d’utiliser d’abord la cryothérapie et d’appliquer ensuite l’imiquimod sous occlusion par un ruban adhésif, chaque nuit pendant 6 à 12 semaines.
Le curetage est un traitement chirurgical rapide et efficace (taux de guérison de 90 %) et ne laisse généralement aucune cicatrice. Il est préférable à l’électrodessiccation/curetage et à l’excision parce que le tissu sain n’est pas perturbé.
Dans le cas de la cryothérapie à l’azote liquide, l’azote est appliqué sur une verrue pendant 15 à 30 secondes, deux fois de suite. La bulle douloureuse qui en résulte peut gêner la mobilité. Des applications légères et répétées d’azote liquide sont idéales. Le traitement est douloureux.
Tremper un morceau de coton dans du vinaigre (de n’importe quelle couleur), appliquer sur la surface de la verrue et couvrir d’un adhésif ; enlever l’adhésif le matin. Répéter chaque nuit jusqu’à ce que la verrue disparaisse. Espacer les applications en cas d’irritation. L’électrodessication/curetage est parfois utilisée ; elle est rarement choisie pour éviter la douleur de l’anesthésie, la douleur postopératoire et le risque de formation de cicatrices.
Conseils et recommandations
Une callosité (cor) peut être confondue avec une verrue.
Une verrue comporte des points noirs situés en son centre, qui saignent lors du limage. Les cors ont un noyau central dur, douloureux et translucide.
Le limage doux d’une verrue pour enlever les débris ou l’utilisation d’une pierre ponce pour réduire les débris améliorent la pénétration des traitements topiques.
Avertir votre patient ne pas gratter la peau verruqueuse et de nettoyer tout outil de limage afin de ne pas propager le virus présent dans la peau abrasée de la verrue vers d’autres régions.
La persévérance dans le traitement des verrues plantaires est rentable ; le processus lent de décapage à l’acide salicylique peut prendre jusqu’à 12 semaines pour guérir une verrue.
Molluscum contagiosum
Les molluscum contagiosum constituent une infection virale de la peau, localisée et autolimitée ; ils se répandent sur la peau par auto-inoculation et sont transmis aux autres personnes par contact cutané.
La cause de l’infection est un virus à ADN de la famille du poxvirus.
Anamnèse
Les molluscum contagiosum peuvent se manifester à tout âge ; le grand nombre de lésions et la facilité à s’étendre sont notables chez les sujets atopiques.
Ils atteignent un maximum entre 3 et 9 ans puis entre 16 et 24 ans.
Les lésions tendent à survenir dans différentes parties du corps par groupes d’âge différent.
La plupart des lésions sont asymptomatiques, bien qu’il puisse y avoir une sensibilité et du prurit, généralement associés à une inflammation locale légère.
Manifestations cutanées
Les molluscum contagiosum commencent comme des papules fermes en forme de dôme, de 1 à 2 mm, brillantes et de couleur blanche à couleur chair.
Il y a une petite ombilication blanchâtre centrale que l’on observe mieux sous grossissement ou lorsque l’épiderme est légèrement congelé par l’azote liquide.
Pendant quelques semaines, la lésion maintient sa forme discrète en dôme avec un point central, et atteint une taille maximale de 2 à 5 mm.
Avec le temps, la papule devient plus molle et plus rose, et l’ombilication centrale devient plus évidente.
Les lésions non traitées persistent habituellement pendant 6 à 9 mois avant d’évoluer lentement. Elles ne laissent généralement pas de cicatrices, mais il reste parfois une cicatrice discrète.
L’inflammation entourant une lésion de molluscum contagiosum suppose une réaction immunitaire de l’hôte et augure une guérison. L’inflammation peut être notable et simuler un abcès ou une infection.
Des excoriations ainsi que des croûtes provenant d’une impétiginisation secondaire peuvent être présents.
La région atteinte du corps varie selon l’âge.
Les enfants tendent à avoir des lésions sur le haut du tronc, les membres et plus particulièrement le visage.
De plus grandes lésions se manifestent chez les sujets immunodéficients.
Des lésions nombreuses peuvent être observées chez les personnes atopiques ayant un eczéma ou une xérose.
La biopsie cutanée est rarement nécessaire pour établir un diagnostic chez un sujet immunocompétent. Les lésions sont cliniquement caractéristiques. La biopsie confirme la présence de grandes inclusions virales intracytoplasmiques à l’intérieur des kératinocytes infectés, connues sous le nom de « corps de molluscum » .
Le curetage d’une lésion dégage un noyau blanc caoutchouteux de kératinocytes infectés.
Les kératinocytes infectés sont remarquablement ronds et se séparent facilement les uns des autres.
Les kératinocytes sains sont plats et cohésifs, formant un tissu de cellules adhérentes.
Les lésions se produisant chez des sujets immunodéficients tels que ceux atteints par le virus de l’immunodéficience humaine doivent être biopsiées pour confirmer le diagnostic. D’autres infections se produisant également chez de tels patients peuvent ressembler au molluscum contagiosum.
Évolution et pronostic
Les lésions isolées guérissent souvent spontanément en 6 à 9 mois, mais peuvent persister pendant des années.
Les individus ayant une dermatite atopique sont enclins à développer de nombreuses lésions dans des zones eczémateuses, par auto-inoculation de la peau inflammatoire.
Les molluscum contagiosum sont difficiles à traiter chez les sujets immunodéficients, comme dans le cas du virus de l’immunodéficience humaine. Les lésions sont souvent plus nombreuses et répandues et les lésions isolées peuvent devenir assez grandes et persistantes.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel des lésions de molluscum chez les hôtes immunocompétents inclut :
Les verrues n’ont pas d’ombilication centrale et peuvent se manifester sur les paumes des mains et les plantes des pieds.
Les lésions d’herpès sont des vésicules et sont seulement transitoirement ombiliquées. Elles sont généralement sensibles et ont une survenue plus rapide et une évolution clinique plus courte.
Dans la maladie due au virus de l’immunodéficience humaine, d’autres infections fongiques opportunistes, y compris la cryptococcose et l’histoplasmose, peuvent produire des lésions ressemblant à celles du molluscum contagiosum.
Traitement
Le contact cutané doit être évité pour minimiser la transmission du virus.
Puisque les lésions guérissent spontanément chez les individus en bonne santé et parce qu’il y a un certain risque de formation de cicatrices suite au traitement, la décision de traiter doit être prise au cas par cas.
Chez les enfants, les lésions devraient, si possible, être maintenues couvertes par les vêtements. L’écorchage est découragé.
Chez les adultes sexuellement actifs, les lésions génitales doivent être traitées (voir chapitre 7).
Les partenaires sexuels des personnes atteintes doivent être examinés à la recherche de lésions.
Le patient doit être averti le cas échéant de ne pas raser les zones lésionnelles car cela peut entraîner une auto-inoculation.
Le curetage fait disparaître les lésions. Pour les lésions réfractaires ou extensives, on peut l’envisager chez des enfants dans un environnement chirurgical ambulatoire où on peut réaliser une antalgie.
L’anesthésie locale peut ne pas être exigée mais elle est recommandée, en particulier chez les enfants.
Il existe un risque de formation de cicatrices et il faut être prudent, en particulier sur le visage.
La cryothérapie à l’azote liquide est efficace et produit rarement des cicatrices si elle est exécutée par des mains expertes. Le traitement peut être douloureux, en particulier dans le cas des lésions génitales.
L’imiquimod en crème à 5 % est un modificateur topique de la réponse immunitaire et peut être appliqué quotidiennement sur les lésions (ou moins fréquemment selon le degré d’irritation). La durée du traitement va jusqu’à 12 semaines. La résolution sous imiquimod est variable.