8 Céphalées et algies faciales
Les céphalées et les algies faciales comptent parmi les symptômes qui conduisent le plus souvent les patients à consulter en neurologie. Il est important de ne pas méconnaître la nature symptomatique de certains de ces syndromes douloureux. Mais il est tout aussi important de savoir identifier, sur leurs caractères sémiologiques, les céphalées et les algies faciales primitives telles que la migraine, les céphalées trigémino-vasculaires, la céphalée de tension ou la névralgie essentielle du trijumeau.
Céphalées aiguës
Caractérisées par leur apparition rapide, en quelques minutes ou quelques heures, les céphalées aiguës peuvent être symptomatiques ou primitives. Elles doivent faire penser en premier lieu à une affection méningée.
Céphalées aiguës symptomatiques
Méningite
Une méningite, bactérienne ou virale, doit être évoquée devant une céphalée fébrile. Au moindre doute, l’étude du LCR doit être effectuée sans retard.
Hémorragie sous-arachnoïdienne
C’est la première cause à évoquer devant une céphalée apparue brutalement ou très rapidement, qualifiée de très intense par le patient, la plus intense qu’il ait jamais eue. Dans cette situation, un scanner X doit être obtenu en urgence.
Syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible
C’est une cause fréquente de céphalée en coup de tonnerre. Le diagnostic évoqué initialement est souvent celui de l’hémorragie sous-arachnoïdienne (chapitre 15).
Dissection artérielle – Thrombose veineuse
Une céphalée aiguë peut être la manifestation initiale, parfois isolée, d’une dissection des artères cervicales ou intracrâniennes ou d’une thrombose veineuse cérébrale (chapitre 15).
Céphalées aiguës primitives
Une céphalée aiguë peut aussi correspondre en dernière analyse à une céphalée primitive : accès migraineux particulièrement violent ou exacerbation d’une céphalée de tension.
Les céphalées liées à l’activité sexuelle peuvent être pré-orgasmique ou orgasmique. Elles peuvent être explosives, suscitant la crainte d’une hémorragie sous-arachnoïdienne d’autant plus que, dans 10 % des cas environ, l’hémorragie sous-arachnoïdienne survient lors de l’activité sexuelle. La notion de multiples épisodes antérieurs est rassurante. L’indométacine est souvent efficace.
Céphalées récidivantes ou chroniques
Céphalées symptomatiques
La crainte d’une tumeur cérébrale est souvent présente chez un patient souffrant de façon durable de céphalée. En l’absence d’anomalie au fond d’œil ou de signe neurologique, cette éventualité est très peu probable, et le recours à l’imagerie est peu rentable. Cependant, la valeur sécurisante d’une imagerie normale facilite beaucoup la prise en charge des patients.
Une discordance entre le fond d’œil montrant une stase papillaire et une imagerie cérébrale normale doit faire mesurer la pression du LCR pour objectiver une hypertension intracrânienne idiopathique (cf. chapitre 16).
Hypotension intracrânienne — La céphalée de l’hypotension intracrânienne a pour caractéristique essentielle de survenir en position debout et de disparaître en décubitus. Elle s’accompagne parfois de sensations vertigineuses, d’acouphènes, de diplopie, de troubles du champ visuel. Individualisée initialement après les fractures du crâne avec brèche méningée, elle peut aussi survenir après une ponction lombaire, une rachianesthésie, un traumatisme ayant entraîné un arrachement radiculaire ou de façon apparemment spontanée. L’IRM cérébrale est évocatrice lorsqu’elle montre en T1, après injection de gadolinium, un rehaussement diffus de la dure-mère. Cet aspect est expliqué par une distension du secteur veineux. L’IRM montre aussi parfois une collection sous-durale, un aspect collabé des ventricules et une descente des amygdales cérébelleuses. La pression du LCR est inférieure à 70 mm d’eau. Une IRM médullaire doit être effectuée, à la recherche d’une fuite du LCR vers l’espace épidural. L’évolution, souvent spontanément favorable, peut nécessiter le recours à un blood-patch (injection de sang autologue dans l’espace épidural).
Méningites chroniques — Divers processus infectieux (tuberculose, mycoses, parasitoses) ou inflammatoires (sarcoïdose, vascularites) peuvent être responsables d’une méningite chronique dont la traduction est souvent dominée par des céphalées éventuellement associées à des atteintes des nerfs crâniens. Les méningites carcinomateuses sont en relation avec des métastases leptoméningées d’un cancer, d’une leucémie ou d’un lymphome. Outre les céphalées, la symptomalogie comporte souvent des douleurs radiculaires et des atteintes des nerfs crâniens notamment du VIII. L’IRM peut montrer la présence sur les racines nerveuses de nodules prenant le contraste. L’étude du LCR montre habituellement une élévation de la protéinorachie et une hypoglycorachie. L’examen de la cytologie dans le LCR peut être initialement négatif. Le dosage des marqueurs tumoraux dans le LCR peut orienter vers la nature de la tumeur primitive
Céphalées primitives
La migraine
Différents types d’accès migraineux
Il en existe deux grandes variétés : migraine sans aura et migraine avec aura.
Migraine sans aura
Elle est de loin la plus fréquente (neuf cas sur dix). Elle est définie par la survenue d’accès récurrents de céphalée (tableau 8.I). Dans les cas les plus typiques, la céphalée est pulsatile, hémicrânienne, ne se répète pas toujours du même côté, est aggravée par les activités physiques, s’accompagne de nausées ou de vomissements, d’intolérance à la lumière et au bruit. Elle est souvent annoncée par des prodromes : troubles digestifs vagues, modifications pouvant se faire dans un sens variable de l’appétit, du caractère, de l’humeur qui peut devenir dépressive ou euphorique. La durée de l’accès va de 4 heures à 72 heures : au-delà on parle d’état de mal migraineux.
A | Au moins cinq accès répondant aux critères B à D |
B | Accès de céphalée durant de 4 à 72 heures |
C | Céphalées ayant au moins deux des caractères suivants : – unilatérale – pulsatile – aggravation par les activités physiques de routine |
D | Durant les accès, au moins un des caractères suivants : – nausées et/ou vomissements – photophobie et sonophobie |
E | Examen clinique normal entre les accès En cas de doute, investigations complémentaires appropriées |
Migraine avec aura — L’aura est définie par des symptômes neurologiques qui se constituent en quelques minutes et durent habituellement moins de 60 minutes. La céphalée survient ensuite, parfois après un intervalle libre. Il arrive que l’aura ne soit pas suivie de céphalée :
Des migraines avec et sans aura peuvent être observées chez un même malade. Cependant, nombre de malades ont de façon exclusive l’une de ces deux formes, ce qui est en faveur d’une certaine autonomie.
Étiologie
Toutes les études soulignent le caractère familial de la migraine. Chez les apparentés au premier degré d’un migraineux, le risque relatif est multiplié par 1,9 dans les migraines sans aura et par 4 dans les migraines avec aura. Il s’agit en général d’une hérédité polygénique déterminant un seuil migraineux variable selon les individus, variable aussi chez un individu donné en fonction de nombreux facteurs. Les patients notent souvent l’existence de facteurs favorisant le déclenchement des accès. Les facteurs psychiques jouent un rôle très important. Les états de tension, les situations conflictuelles, les réactions dépressives et anxieuses aggravent la migraine, avec la particularité que les crises surviennent assez volontiers au moment de la détente et de la relaxation (migraine du week-end, du début de vacances). Certaines structures psychologiques, notamment de type obsessionnel et perfectionniste, favorisent la survenue des états de tension et sont volontiers associées à la migraine. Les facteurs alimentaires sont souvent incriminés par les malades : outre l’alcool, la responsabilité de certains aliments peut parfois être suspectée. Le rôle des facteurs endocriniens est évident dans les migraines cataméniales ; l’amélioration fréquente (mais toutefois inconstante) de la migraine pendant la grossesse en est un autre exemple ; enfin la contraception orale peut révéler ou aggraver une migraine, ce qui doit faire renoncer à cette forme de contraception.
Trois gènes ont été identifiés :