Chapitre 70 Hémangiome choroïdien
Les angiomes choroïdiens sont des pseudo-tumeurs bénignes rares. Leur prévalence exacte est difficile à évaluer du fait de cas asymptomatiques qui restent méconnus. Jarret trouve un angiome choroïdien pour quinze mélanomes [19]. Ils doivent être recherchés systématiquement dans le cadre d’un syndrome de Sturge-Weber-Krabbe, où ils sont retrouvés dans 30 % à 50 % des cas [9].
La première description histologique fut faite par Leber en 1868 [20], mais il fallut attendre 1960 pour que le diagnostic ophtalmoscopique permette d’éviter l’énucléation pratiquée dans la crainte d’un mélanome de la choroïde [25].
Aspect clinique
faut différencier deux tableaux cliniques :
ANGIOME SPORADIQUE ISOLÉ
L’examen du fond d’œil révèle une masse sous-rétinienne surélevée dont la couleur rouge orangée est très évocatrice (fig. 70-1). Cette masse est en règle unique et unilatérale. L’examen en ophtalmoscopie indirecte permet de mieux visualiser son caractère peu pigmenté, qui contraste avec la choroïde saine adjacente. Les angiomes choroïdiens siègent dans plus de 95 % au pôle postérieur [3] ; leur taille est variable, le plus fréquemment le diamètre est compris entre 5 mm et 10 mm [33] et leur épaisseur est inférieure à 3 mm. La taille exacte et les limites de l’angiome peuvent être difficiles à préciser du fait d’un décollement exsudatif qui surplombe la tumeur. Un œdème maculaire cystoïde, des exsudats profonds peuvent être présents. Parfois, le décollement de rétine exsudatif peut couler à distance et être trompeur (fig. 70-2). L’examen en rétro-illumination, qui consiste à observer la lésion sur une pupille dilatée, montre un aspect rouge clair au niveau de l’angiome choroïdien, contrastant avec la rétine adjacente [30]. En revanche, cette tumeur non pigmentée n’est pas trans-illuminable, ce qui peut être constaté lors de la pose de clips et ce qui la différencie des mélanomes de la choroïde.
Fig. 70-1 Hémangiome choroïdien. a. Photographie couleur : masse sous-rétinienne orangée supéromaculaire. b. Cliché vert : flou des vaisseaux au sommet. c. Cliché bleu : plis rétiniens supérieurs et décollement séreux allant jusqu’à la limite inférieure de la fovéa (pigment xanthophylle). d. Cliché rouge : absence de pigments. (Clichés de A. Affortit-Demoge.)
ANGIOMES DE LA CHOROÏDE ASSOCIÉS AU SYNDROME DE STURGE-WEBER-KRABBE
Les angiomes de la choroïde associés au syndrome de Sturge-Weber-Krabbe représentent une forme clinique particulière. Ils associent une angiomatose faciale (fig. 70-3), un hémangiome de la choroïde souvent diffus et un angiome leptoméningé ipsilatéral. Une épilepsie et un retard mental peuvent être présents. L’imagerie révèle des calcifications cérébrales associées à une atrophie cérébrale, une hyperplasie des sinus frontaux et ethmoïdaux et une angiomatose des veines cérébrales ascendantes.
L’âge de découverte est souvent plus précoce, vers huit ans [1], du fait d’examens systématiques devant la présence de l’angiome facial ou du fait d’une hypertonie oculaire fréquemment présente dans cette forme [40] et parfois associée à une buphtalmie.
L’examen du fond d’œil montre une tumeur souvent à contours flous, avec un épaississement choroïdien diffus rouge clair prédominant au pôle postérieur. L’aspect diffus de la lésion peut masquer la masse, mais l’aspect de la papille, qui souligne l’épaississement de la choroïde, et la lueur pupillaire rouge évoquent le diagnostic (fig. 70-2).
Évolution
La survenue de néovaisseaux est plus rare et pourrait être favorisée par la photocoagulation [3].
Examens complémentaires
ECHOGRAPHIE MODE A
L’examen ultrasonographique montre une hyperéchogénicité liée à l’importance des bouquets vasculaires au sein de la lésion. On note un pic de haute amplitude initial suivi par de nombreux pics au sein de la masse, ayant une réflectivité de 50 % à 100 % [34]. Cet aspect est cependant insuffisant au diagnostic.
ÉCHOGRAPHIE MODE B
Il s’agit de l’examen essentiel au diagnostic. L’aspect est typique, révélant une lésion en relief, hyperéchogène, homogène, responsable d’un épaississement pariétal (fig. 70-4). L’absence d’excavation choroïdienne permet de faire la différence avec le mélanome choroïdien. Le diagnostic peut parfois être plus difficile lorsque l’angiome est ancien et que des calcifications, voir plus exceptionnellement une ossification, sont apparues [4, 33] : le diagnostic différentiel avec un ostéome ou une métastase choroïdienne calcifiée peut être plus délicat. De plus, l’échographie mode B, en donnant les dimensions du globe oculaire et de la tumeur, permet de guider la réalisation de la protonthérapie.
ANGIOGRAPHIE À LA FLUORESCÉINE
Bien que ne montrant pas de signe pathognomonique, l’intérêt de cet examen est certain (fig. 70-5). Au temps précoce, on retrouve dans la moitié des cas une hyperfluorescence précoce, irrégulière, inhomogène au niveau de la lésion dès la phase de remplissage choroïdien [35]. Une zone d’hypofluorescence péritumorale peut être notée au temps précoce ; elle correspond à un effet « masque » par les mélanocytes repoussés en périphérie de la lésion [41].
Fig. 70-5 Hémangiome choroïdien : angiographie à la fluorescéine. a. Temps : 14 s. Hyperfluorescence précoce des vaisseaux choroïdiens tumoraux dilatés. b. Temps : 21 s. Hyperfluorescence progressive. c. Temps : 1 min. Apparition de nombreux pin points. d. Temps : 3 min 30 s. Diffusion tardive. (Clichés de A. Affortit-Demoge.)
Au temps tardif, l’hyperfluorescence devient plus confluante et persiste pendant les phases artérielles et veineuses. On peut alors noter une diffusion progressive du colorant dans l’espace sousrétinien recouvrant et entourant la tumeur. L’hyperfluorescence persiste à la phase veineuse, ce qui est l’élément le plus évocateur [6].
La présence d’un flash capillaire serait en faveur d’un angiome de type capillaire, tandis qu’un remplissage lent et tardif serait en faveur d’un angiome de type caverneux [42].
ANGIOGRAPHIE AU VERT D’INDOCYANINE
Elle montre un aspect spécifique (fig. 70-6), la tumeur s’imprégnant de colorant dès les temps artériels, avec une prise de contraste maximum au temps veineux, l’imprégnation persistant plus longtemps que dans la choroïde normale. La masse est le plus souvent homogène mais, parfois, l’imprégnation peut être plus importante en périphérie qu’au centre [5]. Au temps les plus tardifs, il existe un effet de lavage de la lésion qui paraît hypofluorescente par rapport à la choroïde adjacente : c’est l’effet de « wash-out », caractéristique.