7: Exanthèmes fébriles

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Exanthèmes fébriles



Situation fréquente en pratique pédiatrique courante, elle nécessite une analyse clinique précise : lorsque le diagnostic est fait, il faut non seulement évaluer la gravité pour le patient et adapter la prise en charge, mais aussi les éventuels risques pour l’entourage qui peuvent nécessiter une prise en charge spécifique (figures e7.1 à e7.37).


L’analyse clinique est complet sur un enfant nu pour :



• caractériser l’éruption : identification de la lésion élémentaire (tableau 7.1), groupement lésionnel, topographie, type de l’éruption, modalité d’apparition et/ou d’extensions en sachant que différents aspects peuvent s’associer d’emblée où en cours d’évolution ;



• préciser le contexte : outre la fièvre, état des vaccinations, notion de contage, voyage récent, prise médicamenteuse, faire l’inventaire des signes d’accompagnement.


En présence d’une éruption fébrile, trois grands groupes de causes doivent être envisagés : les maladies infectieuses (exanthèmes fébriles), les éruptions d’origine immuno-allergiques qui viennent parfois compliquer une maladie infectieuse ou son traitement et plus rarement les maladies générales à expression cutanée.



Érythèmes diffus


Les principales causes sont répertoriées dans la figure 7.1.



Leur classification en morbilliforme, scarlatiniforme, urticariformes, autres est parfois artificielle mais elle permet d’évoquer les diagnostics essentiels.



Érythèmes morbilliformes



Rougeole


Trois vagues épidémiques entre 2008 et 2012 ont été responsables de plus de 20 000 cas, 26 encéphalites et 10 morts en France. Elles sont dues à l’insuffisance de couverture vaccinale.


Due à un paramyxovirus, très contagieuse, elle se transmet par voie aérienne. L’incubation est d’une dizaine de jours. La contagiosité est maximale les 5 jours qui précèdent et les 5 jours qui suivent l’éruption.


Elle débute en contexte très fébrile (39-40°C) par un catarrhe oculo-naso-trachéo-bronchique donnant à l’enfant un aspect pleurnichard avec rhinorrhée, toux, conjonctivite, asthénie. Le signe de Köplick doit être cherché à ce stade : points blanchâtres se détachant en relief sur la muqueuse jugale érythémateuse. Trois à 5 jours après le début de la fièvre, survient l’éruption alors que le signe de Köplick disparaît : elle débute derrière les oreilles, à la racine des cheveux puis s’étend en trois jours suivant une topographie descendante de la tête aux membres inférieurs. Elle est faite de macules rosées ou rouge vif, non prurigineuses, arrondies ou ovalaires, groupées en placards plus ou moins irréguliers, laissant entre elles des intervalles de peau saine. L’éruption pâlit vers le 3e jour alors que survient l’apyrexie.


Les formes cliniques sont nombreuses : l’éruption est parfois papuleuse, ecchymotique, confluente. Les symptômes peuvent être atténués ou au contraire renforcés, en particulier chez l’adolescent et l’adulte.


Une fois évoqué, le diagnostic doit être confirmé par la sérologie : la détection des IgM est précoce, dès le 2e-3e jour de l’éruption ou par la RT-PCR effectuée sur le même prélèvement, positive dès l’apparition de l’éruption. Recherche des IgM et RT-PCR peuvent être faits sur la salive, adressée par voie postale au centre de référence. La rougeole est une maladie à déclaration obligatoire.


Il faut dépister les complications :



La prise en charge concerne le malade et son entourage. Le malade est isolé jusqu’à disparition des signes cliniques. Le traitement est celui des complications. La prophylaxie s’adresse aux sujets contacts non ou mal vaccinés, le vaccin étant efficace dans les 72 heures suivant le contage, le vaccin triple Rougeole-Oreillons-Rubéole pouvant être utilisé à partir de 9 mois. Entre 6 et 9 mois, il est recommandé d’utiliser un vaccin monovalent (Rouvax®). Avant l’âge de 6 mois, chez les femmes enceintes et chez les immunodéprimés, il faut administrer des immunoglobulines polyvalentes par voie intraveineuse. Elles peuvent être effectuées dans les 6 jours suivant le contage.


La prévention de la rougeole repose avant tout sur la vaccination. L’élimination de la rougeole est possible à condition d’avoir un taux de couverture vaccinale élevée (95 %) et deux doses comme l’ont montré les pays scandinaves.



Rubéole


Les infections rubéoleuses chez la femme enceinte et le nouveau-né sont surveillées en France par le réseau Renarub. Le nombre de rubéole congénitale malformative varie de 0 à 3 par an.


Due à un virus ARN de la famille des Togaviridae, sa transmission est directe, interhumaine par voie aérienne. Le virus est présent 10 jours avant et 10 jours après l’éruption. La contagiosité modérée est maximale dans les 5 jours précédant et suivant l’éruption. Elle est bénigne, sauf chez la femme enceinte non immunisée chez qui elle peut entraîner une embryopathie et/ou une rubéole congénitale évolutive. L’incubation est de 15 à 20 jours.


Le diagnostic clinique de rubéole est difficile.


L’invasion est discrète voire absente chez le jeune enfant : elle peut comporter outre la fièvre, des céphalées, une pharyngite, des courbatures. Un à 3 jours plus tard, survient l’éruption. Elle apparaît à la face puis se généralise en quelques heures. Elle touche la face et le tronc où elle prédomine en général sur le bas du dos et sur les fesses. Elle est discrète et inconstante sur l’abdomen et les membres. Elle épargne les paumes, les plantes et le cuir chevelu. Elle est faite de macules ou de maculo-papules plus pâles et plus petites que celles de la rougeole. L’éruption s’efface en 2 à 4 jours. À l’éruption, peuvent s’associer des adénopathies surtout cervicales postérieures et rétro-occipitales. Chez l’adolescent, la fièvre peut être plus élevée et s’accompagner d’arthralgies. L’énanthème est pratiquement absent. La sérologie est indispensable pour confirmer le diagnostic : elle nécessite l’examen de deux sérums. Le second prélèvement est fait 15 jours après le premier lorsque l’éruption a motivé la première consultation et 30 jours après si c’est un contage chez un sujet séronégatif. La recherche d’IgM spécifique est utile chez la femme enceinte et le nouveau-né.


En dehors de la rubéole congénitale, les autres complications sont rares : thrombopénie 2 à 10 jours après apparition de l’éruption ou exceptionnelles (méningite, méningo-encéphalite).


La prise en charge de l’enfant est symptomatique. Il faut rechercher et éviter les contacts avec les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer non immunes, vérifier l’immunité en cas de doute chez ces femmes.


La prévention de la rubéole repose sur la vaccination des femmes et des hommes. Il existe un plan d’élimination de la rubéole congénitale en France.



Mégalérythème épidémique ou cinquième maladie


Due au Parvovirus B19, la contamination se fait par voie respiratoire. L’incubation est de 6 à 14 jours. Le virus se réplique dans les précurseurs érythropoïétiques. La phase virémique peut se traduire par une poussée fébrile avec frissons, céphalées, des myalgies pendant 2 à 3 jours et coïncide avec l’excrétion du virus dans le pharynx. Quand ces symptômes existent, une période de latence d’environ une semaine leur succède puis survient l’éruption qui évolue en trois phases :



Des arthralgies, voire des arthrites, peuvent se voir touchant les articulations distales des mains, les genoux, les poignets et plus rarement les coudes.


La maladie en elle-même est bénigne, mais peut être responsable d’une anémie aiguë par érythroblastopénie chez les sujets ayant une anémie hémolytique chronique (drépanocytose, thalassémie, microsphérocytose…) ou d’une érythroblastopénie chronique chez les sujets immunodéprimés, parfois sans éruption. Elle peut par ailleurs être responsable d’une anémie fœtale et d’une anasarque.


Le diagnostic est clinique. Le diagnostic peut être confirmé par la sérologie, justifiée en cas de doute si le sujet a été en contact avec une femme enceinte ou un sujet présentant une anémie hémolytique chronique. Il fait discuter les autres causes d’érythème morbilliforme d’origine infectieuse (figure 7.1) et une mononucléose infectieuse ayant reçu de la pénicilline A.


Le traitement est purement symptomatique.



Exanthème subit ou roséole infantile ou sixième maladie


Il peut être dû à deux virus du groupe Herpes (HHV6 et HHV7), si bien qu’un enfant peut faire deux épisodes. Il survient dans plus de 90 % des cas avant l’âge de 2 ans avec un pic entre 7 et 13 mois. La transmission est avant tout directe, interhumaine et les modalités de celle-ci sont imparfaitement connues. Les formes typiques associent fièvre et rash cutané. Après une incubation de 5 à 15 jours, survient une fièvre élevée à 39-40 °C se maintenant en plateau pendant 3 jours, isolée ou pouvant être associée à des troubles digestifs, une irritabilité accentuée, une tension de la fontanelle, un discret œdème périorbitaire, quelques adénopathies. À la fin du 3e ou au début du 4e jour la fièvre cède et l’éruption apparaît. Elle est faite de macules ou de maculo-papules rosées, pâles, de 3 à 5 mm de diamètre siégeant préférentiellement au niveau du tronc, du cou et de la racine des membres, rarement à la face. Elle disparaît en règle générale en 12 à 24 heures. Il existe des formes hyperthermiques pures sans rash, des formes avec rash sans fièvre.


Il peut se compliquer de convulsions, le plus souvent hyperpyrétiques, témoignant beaucoup plus rarement d’une méningite (hypercytose à prédominance lymphocytaire) ou d’une méningo-encéphalite. Le diagnostic est avant tout clinique. Des hépatites ont été rapportées.


Classiquement, au 3e ou 4e jour, apparaît une leucopénie avec neutropénie relative. La confirmation sérologique n’a d’intérêt que dans les complications graves. Les autres causes d’érythème doivent être discutées. Le traitement n’est que symptomatique.



Mononucléose infectieuse


Due au virus Epstein-Barr (EBV), la mononucléose infectieuse s’observe le plus souvent chez l’adolescent, mais peut se voir à tout âge. La contagiosité est faible. La contamination peut se faire selon diverses modalités, mais elle est toujours interhumaine. Après une incubation qui peut varier de 10 à 60 jours, l’invasion se fait selon des modalités variables. Le début est le plus souvent progressif, marqué par une odynophagie, des céphalées, une fièvre à 38-39 °C. Le tableau constitué associe de façon variable de la fièvre, une asthénie, une tonsillopharyngite (amygdales souvent volumineuses, érythémateuses, souvent recouvertes d’un exsudat pseudo-membraneux, pharynx érythémateux et parfois purpura du voile). Des adénopathies cervicales, une splénomégalie et parfois une hépatomégalie complètent le tableau. Peuvent s’y associer une obstruction nasale avec voie nasonnée, un œdème palpébral ou orbito-palpébral, une conjonctivite.


Une éruption morbilliforme, faite de lésions rosées, se développe chez 10 % des patients. Elle est plus souvent présente avant 4 ans, faite de macules ou de maculopapules. Chez les sujets ayant reçu une pénicilline A, une éruption s’observe dans 90 à 100 % des cas venant alors souvent révéler la mononucléose infectieuse. Elle survient plus tardivement que l’éruption spontanée, est plus étendue, plus intense, plus durable, souvent scarlatiniforme et purpurique.


L’évolution spontanée est favorable dans l’immense majorité des cas. Il n’est pas rare que la fièvre persiste 10 à 15 jours. Une asthénie notable et durable est possible, susceptible d’entraver l’activité de l’enfant.


Dans certains cas, apparaissent des localisations particulières pouvant être responsables de complications : neurologiques, hépatiques, respiratoires, cardiaques, rénales. Les complications hématologiques sont rares.


Il faut encore citer la possibilité d’un syndrome de Reye dont l’EBV est l’un des agents identifiés. Chez le sujet immunodéprimé, le tableau clinique peut être sévère, d’emblée ou secondairement du fait de localisations viscérales, de la chronicité de l’affection ou de l’apparition de syndromes lymphoprolifératifs.


Le diagnostic évoqué sur la clinique est confirmé par la biologie. La numération formule sanguine peut orienter lorsqu’elle montre une hyperleucocytose avec hyperlymphocytose, et présence à un taux supérieur à 10 % de lymphocytes à cytoplasme hyperbasophile. La recherche d’anticorps hétérophiles (MNI test, réaction de Paul-Bunnell-Davidsohn) n’est pas toujours positive chez l’enfant. Les tests sérologiques spécifiques de l’EBV sont indiqués lorsqu’une localisation viscérale ou une complication sont au premier plan, dans les formes d’évolution inhabituelle. Les anticorps anti-VCA de type IgM apparaissent précocement. L’apparition des anticorps anti-EBNA est beaucoup plus tardive, se faisant plusieurs semaines ou plusieurs mois après le début.


Dans les formes communes, bénignes, le traitement est symptomatique. Les pénicillines A sont à proscrire.





Érythèmes scarlatiniformes



Scarlatine


Due au streptocoque bêtahémolytique du groupe A, elle est contagieuse. La contamination est en règle générale directe et se fait par voie aérienne. L’incubation est de 2 à 5 jours. Le début est brutal, marqué par une fièvre élevée, des vomissements, parfois des douleurs abdominales et surtout une dysphagie. L’examen retrouve une rougeur diffuse de toute la gorge avec amygdales tuméfiées et des adénopathies sous-angulo-maxillaires.


L’éruption s’installe un jour après en une seule poussée. Elle débute et prédomine aux plis de flexion puis s’étend à la partie supérieure du thorax, à la partie inférieure de l’abdomen (« en caleçon »), inconstamment au visage en respectant les orifices et aux extrémités en respectant les paumes et les plantes. Elle est faite d’une rougeur diffuse parsemée de points rouges plus intenses, sans intervalle de peau saine et donnant à la palpation une sensation de granité (peau de chagrin). Elle atteint son acmé au 2e ou 3e jour et décroît rapidement vers le 6e jour. La desquamation survient entre le 7e et le 15e jour, là où l’éruption est apparue en premier. Elle atteint en dernier les paumes et les plantes où elle se fait en larges lambeaux. L’éruption s’associe à un énanthème. L’aspect de la langue est caractéristique : d’abord saburrale, elle perd son enduit blanchâtre de la périphérie vers le centre pour prendre un aspect rouge framboisé vers le 6e ou 8e jour.


Les formes atténuées sont fréquentes : fièvre moins importante, éruption plus rose que rouge. L’aspect de la gorge et de la langue reste souvent caractéristique.


Les scarlatines compliquées sont rares. Les complications peuvent être ORL (adénite cervicale, otite), rénales (néphrite aiguë, glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique tardive), articulaires (rhumatisme scarlatiniforme précoce, contemporain de l’éruption purement arthralgique et sans gravité ; rhumatisme articulaire aigu post-streptococcique survenant vers le 21e jour).


Le diagnostic repose avant tout sur la clinique.


Un test de diagnostic rapide (TDR) sera effectué comme dans toute angine. Le traitement repose sur l’antibiothérapie pénicilline A : 6 jours ou macrolide en cas d’allergie aux pénicillines.







Fièvre boutonneuse méditerranéenne


Due à Rickettsia conorii, la fièvre boutonneuse méditerranéenne est une rickettsiose transmise par la tique Rhipicephalus sanguineus qui parasite le chien. En France, on la rencontre avant tout dans le bassin méditerranéen ou chez des sujets revenant de vacances dans le pourtour méditerranéen.


Après une incubation d’environ 1 semaine, le début est en règle brutal, marqué par des frissons, une fièvre élevée (39-40 °C), accompagnés de céphalées, d’asthénie, de myalgies et d’arthralgies. À ce stade, l’examen note un énanthème diffus du pharynx, parfois un discret catarrhe respiratoire et peut mettre en évidence, inconstamment, la porte d’entrée. Le diagnostic n’est évoqué en pratique qu’à l’apparition de l’exanthème.


L’exanthème apparaît 3 à 5 jours après le début de la fièvre. Il débute généralement sur les membres puis s’étend au tronc, à la face, parfois au cuir chevelu. Fait important, il intéresse les paumes des mains et les plantes des pieds. Les éléments sont d’abord des macules rose vif bien isolées qui rapidement se transforment en papules, nettement surélevées et palpables, toujours séparées par des intervalles de peau saine. Leur nombre est variable, parfois important. Chaque élément s’affaisse peu à peu et laisse au bout de 10-12 jours une pigmentation brunâtre. L’ensemble évolue par poussées successives d’où la coexistence d’éléments d’âge différent.


Cet exanthème s’accompagne d’un syndrome infectieux net. Les convulsions sont relativement fréquentes chez les plus jeunes ; diarrhée et vomissements ne sont pas rares. La porte d’entrée doit être recherchée avec soin : l’escarre d’inoculation ou tache noire est présente dans 40 à 80 % des cas. Elle peut siéger n’importe où, mais de préférence aux régions découvertes, souvent à la nuque ou au niveau du cuir chevelu. Une adénopathie satellite est habituelle. En cas d’inoculation oculaire, on peut observer une conjonctivite uni- ou bilatérale avec œdème palpébral.


Le reste de l’examen montre souvent des adénopathies généralisées modérées, parfois un syndrome méningé qui peut témoigner d’une véritable méningite, une splénomégalie discrète et quelques râles bronchiques.


Les formes graves sont rares chez l’enfant, cependant on peut voir, surtout avant 2 ans, des signes tels qu’obnubilation, tuphos, insomnie, agitation, délire. Chez l’adulte, 2 à 5 % des patients présentent une forme maligne associant purpura, coma, atteinte polyviscérale.


Le diagnostic repose sur la notion d’un séjour en zone d’endémie pendant la saison chaude, la notion de piqûre de tique, de contact avec des chiens porteurs de tique, les caractéristiques de l’exanthème surtout s’il est associé à l’escarre. L’hémogramme est sans grande valeur : il peut montrer une thrombopénie modérée, une leuconeutropénie suivie d’une hyperleucocytose et une anémie. Les transaminases peuvent être augmentées. Le diagnostic de certitude est sérologique. La réaction devient positive à la fin de l’évolution spontanée ou même seulement à la convalescence. La PCR dans le sang permet un diagnostic plus précoce.

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May 14, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 7: Exanthèmes fébriles

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