7: Évaluation des muscles innervés par les nerfs crâniens

Chapitre 7 Évaluation des muscles innervés par les nerfs crâniens



Note : Ce chapitre décrit les muscles innervés par les branches motrices des nerfs crâniens et les méthodes de vérification des muscles de l’œil, des paupières, de la mâchoire, de la langue, du palais, de la paroi pharyngée postérieure et du larynx. Les tests conviennent à des patients dont le déficit neurologique est soit central, soit périphérique. L’unique condition nécessaire pour le patient est la capacité à suivre des directives simples.




INTRODUCTION AU TESTING ET AU SYSTÈME DE COTATION


Les muscles innervés par les paires crâniennes ne se prêtent pas aux méthodes classiques de testing et de cotation. Dans presque tous les cas, ils ne mobilisent pas un levier osseux, de sorte que la résistance manuelle n’est pas la procédure de choix pour évaluer leur force et leur fonction.


Le thérapeute doit se familiariser avec les muscles des paires crâniennes chez des personnes normales. Leur apparence, force, excursion et vitesse de déplacement sont tous variables et différents des muscles du squelette qui nous sont plus familiers. Quand au nourrisson et au jeune enfant, la meilleure manière de faire un bilan général de ces muscles est d’observer l’enfant qui pleure. De toute manière, acquérir une expérience implique un entraînement sur des personnes normales et avec une variété de patients présentant des déficits connus ou soupçonnés des nerfs moteurs crâniens, suite de lésions du neurone moteur supérieur ou du neurone moteur inférieur.


Un des auteurs rapporte l’anecdote suivante, issue de son expérience personnelle. Un patient était évalué pour une lésion bulbaire suite à une pathologie du neurone moteur. Une structure étrange apparaissait dans le fond de la gorge lorsque le patient ouvrait la bouche pour faire « Ahhh ». Il s’est avéré qu’il n’y avait ni tumeur, ni corps étranger, ni déformation. L’étrange structure était l’épiglotte, qui est observable chez bon nombre de personnes dans une semblable situation.


La notion de symétrie est particulièrement importante lors du test des muscles de l’œil, de la face, de la langue, de la mâchoire, du pharynx et du palais. La symétrie de ces muscles est visible, à l’exception de celle des muscles du larynx. Ici, l’absence de symétrie est plus aisément détectée par la seule observation que dans les muscles des membres et elle doit toujours être documentée.


Dans tous les tests de cette section, les mouvements ou instructions ne sont pas connus du patient, de sorte que chaque test doit être montré et le patient doit pouvoir s’entraîner. En présence de résultats inusuels ou surprenants, l’examinateur doit se renseigner sur une éventuelle reconstruction chirurgicale de la face.












MUSCLES EXTRA-OCULAIRES






Tableau 7-1 Muscles extra-oculaires































Muscle Origine Terminaison
6. Droit supérieur Os sphénoïde Partie supérieure de la sclère
7. Droit inférieur Os sphénoïde Partie inférieure de la sclère
8. Droit médial Os sphénoïde Partie médiane de la sclère
9. Droit latéral Os sphénoïde Partie latérale de la sclère
10. Oblique supérieur Os sphénoïde Partie supérieure de la sclère, à travers une poulie osseuse frontale
11. Oblique inférieur Maxillaire (face orbitaire) Sclère latérale derrière l’Oblique supérieur

Les 6 muscles extra-oculaires déplacent l’œil dans des directions qui dépendent de l’attache du muscle et de l’influence des mouvements en cours. Il est probable qu’aucun des muscles de l’œil n’agit indépendamment, et comme ces muscles ne peuvent ni être observés, ni palpés, ni testés individuellement, la connaissance de leur fonction vient d’une variété de dysfonctionnements.






Mouvements de l’œil


Les muscles extra-oculaires paraissent travailler en continu ; quand l’un d’eux change de longueur, la longueur et la tension des autres se modifient, ce qui autorise un répertoire considérable de mouvements [2, 3]. En dépit de cette activité commune continuelle, la fonction individualisée peut être simplifiée et comprise pour faciliter la procédure de test sans que cela fasse perdre de précision.


Le testing clinique conventionnel assigne aux divers muscles les mouvements suivants [1, 3] (fig. 7-5).











Poursuite oculaire


Les mouvements des yeux sont testés en demandant au patient de regarder dans les directions cardinales (les chiffres entre parenthèses se réfèrent aux tracés de la fig. 7-6) [2]. Toutes les paires actives pour les tracés sont des antagonistes :

















En dehors (1) En haut et en dehors (5)
En dedans (2) En haut et en dedans (6)
En haut (3) En bas et en dedans (7)
En bas (4) En bas et en dehors (8)

Demander au patient de suivre le doigt de l’examinateur qui se déplace lentement (ou un pointeau lumineux, ou une lampe de poche) dans chacune des directions de test. L’objet que le patient doit suivre doit être à distance de lecture confortable. Tester d’abord un œil puis l’autre, en recouvrant le côté non testé. Après ce test individuel, les deux yeux sont testés ensemble pour évaluer les mouvements conjugués. Chaque test commence avec l’œil en position neutre.


L’amplitude de mouvement, la vitesse et la fluidité du mouvement doivent être observées, ainsi que la capacité à maintenir un regard latéral et vertical [24]. Le kinésithérapeute ne pourra pas distinguer les inclinaisons minimes de mouvement car l’observation précise requiert une instrumentation sophistiquée utilisée en ophtalmologie. La poursuite oculaire apparaîtra comme normale ou anormale, sans plus.


Position du patient : tête et globe oculaire en alignement neutre, regardant droit devant soi, en fixant le doigt de l’examinateur au départ. La tête ne doit pas bouger. Si le patient tourne la tête alors qu’il poursuit le doigt de l’examinateur, tenir la tête avec l’autre main ou faire appel à un assistant.


Directives pour le patient : « Regardez mon doigt, suivez mon doigt des yeux » (fig. 7-7).



Test : tester chaque œil séparément en couvrant un œil, puis l’autre. Puis tester les deux ensemble.


Les deux exemples de tests bilatéraux montrent le mouvement conjugué des deux yeux en poursuite vers le haut et la droite (fig. 7-8), puis en poursuite vers le bas et la gauche (fig. 7-9).







MUSCLES DES PAUPIÈRES, DES SOURCILS ET DU FRONT





Tableau 7-2 Muscles de la paupière et des sourcils



















Muscle Origine Terminaison
3. Élévateur de la paupière supérieure
(orbiculaire, partie palpébrale)
Os sphénoïde Aponévrose du septum orbitaire Tarse supérieur de la paupière Enveloppe fibreuse du Droit supérieur
4. Orbiculaire de l’œil Os frontal Maxillaire (processus frontal) Raphé palpébral latéral Se confond avec les muscles Occipitofrontal et Corrugateur du sourcil
5. Corrugateur du sourcil (sourcilier) Os frontal Couche profonde de la peau du sourcil




Ouverture des yeux (3. Élévateur de la paupière supérieure)


Ouvrir les yeux en soulevant la paupière supérieure est une fonction de l’Élévateur de la paupière supérieure. Le muscle doit être évalué en demandant au patient d’ouvrir et de fermer les yeux avec et sans résistance. La fonction de ce muscle est évaluée par sa capacité à conserver un œil grand ouvert contre résistance.


Le patient qui présente une lésion du nerf oculomoteur (III) a perdu la fonction du muscle Élévateur, et la paupière chute en une ptose partielle ou complète (un patient présentant une pathologie du système sympathique cervical peut avoir une ptose mais il sera capable de soulever volontairement la paupière). La ptose est évaluée en observant le pourcentage de l’iris couvert par la paupière.


En présence d’une lésion du nerf facial (VII) le signe de l’Élévateur peut être présent [3]. Dans ce cas, on demande au patient de regarder vers le bas et de fermer les yeux lentement. Le signe de l’Élévateur est positif lorsque la paupière supérieure du côté faible se soulève, car l’action de l’Élévateur de la paupière supérieure n’est pas contrariée par celle de l’Orbiculaire de l’œil.


Test : le patient tente de garder les paupières ouvertes contre résistance manuelle (fig. 7-12). Les deux yeux sont testés en même temps. N’APPUYEZ JAMAIS SUR LE GLOBE OCULAIRE.



Résistance manuelle : le pouce ou l’index sont appliqués légèrement sur la paupière ouverte au-dessus des cils, et la résistance est appliquée vers le bas (pour fermer les yeux). L’examinateur ne doit pas enfoncer l’œil dans l’orbite en appliquant la résistance.


Directives pour le patient : « Ouvrez grand les yeux. Tenez. Ne me laissez pas les fermer ».




Critères de cotation

F (faisable) : amplitude complète du mouvement normal, et le patient tient contre résistance légère. L’iris est entièrement visible.


FF (faible, faisable) : l’œil s’ouvre mais ne découvre que partiellement l’iris et ne tolère pas de résistance. Le patient peut alternativement ouvrir et fermer les yeux, mais l’excursion est réduite. Le muscle frontal peut également se contracter lorsque le patient tente d’ouvrir les yeux.


NF (non faisable) : incapacité à ouvrir l’œil, et l’iris est couverte presque entièrement.


0 (zéro) : pas d’ouverture de la paupière.




Lésions centrales, lésions du nerf facial (VII)


L’implication du nerf facial peut résulter d’une lésion qui atteint les nerfs ou le noyau, c’est-à-dire une lésion périphérique. Le fonctionnement moteur du visage peut également être déficient après une lésion centrale ou supranucléaire. Ces deux sites d’interruption de la paire VII entraînent des problèmes cliniques différents [5].


La lésion périphérique a pour résultat une paralysie flasque de tous les muscles de la face du côté de la lésion (Occipitofrontal, Corrugateur, Orbiculaire des yeux, muscles du nez et de la bouche). Le côté de la face paralysé devient lisse, l’œil reste ouvert, la paupière inférieure est relâchée, et les clignements ne ferment pas l’œil complètement ; le nez est aplati et peut dévier vers le côté opposé. Les muscles de la joue sont flasques de sorte que la joue paraît creuse et la bouche est tirée de côté. Il est difficile de boire et de manger parce que la mastication, la salivation et la rétention de fluides sont déficientes. L’énonciation est perturbée, tout spécialement les voyelles ou les sons qui demandent de serrer les lèvres.


Lorsque le nerf VII est lésé au-dessus du noyau, il y a paralysie des muscles inférieurs de la face mais les muscles de la partie supérieure de la face sont épargnés. Cela se produit parce que le centre nucléaire qui contrôle le haut de la face a des connexions supranucléaires à la fois homolatérales et controlatérales, tandis que ceux qui contrôlent le bas de la face n’ont qu’une innervation supranucléaire controlatérale. Pour cette raison, une lésion dans un hémisphère cérébral résulte en une paralysie du bas de la face du côté controlatéral et les muscles du haut de la face sont épargnés. On peut nommer cela un « syndrome central du VII ».


Une différence notable entre les désordres périphériques et centraux est que les lésions périphériques souvent (mais pas toujours) résultent en une paralysie de tous les muscles de la face ; les lésions centrales laissent un peu de fonction même dans les muscles impliqués et sont, de ce fait, un problème parétique et non paralytique.







Fermeture de l’œil (4. Orbiculaire de l’œil)


L’Orbiculaire de l’œil est le sphincter de l’œil [1]. Sa portion palpébrale ferme les paupières comme dans le clignement et le sommeil. La portion orbitaire du muscle ferme les yeux avec plus de force, comme dans le clignement. La portion lacrymale tire les paupières latéralement et les comprime contre la sclère pour recevoir les larmes. Toutes les portions agissent pour fermer les yeux fermement. L’observation du patient sans testing spécifique permet de détecter les faiblesses de l’Orbiculaire parce que le clignement est retardé du côté atteint.


Test : observer le patient qui ouvre et ferme les yeux volontairement, un seul œil puis les deux (fig. 7-16) (la capacité à fermer un œil isolément n’est pas une dextérité universelle). Le patient ferme les yeux avec force, d’abord d’un seul côté, puis les deux ensemble.



Au lieu d’utiliser la résistance, l’examinateur peut observer l’intensité avec laquelle les cils s’imbriquent dans le visage lorsque les yeux sont fermés avec force, en notant si les cils descendent plus bas du côté non atteint.


Résistance manuelle : placer avec légèreté le pouce et l’index en dessous et au-dessus de chacun des yeux fermés (fig. 7-17). L’examinateur tente d’ouvrir les paupières en écartant le pouce et l’index. NE JAMAIS APPUYER SUR LES GLOBES OCULAIRES.



Directives pour le patient : « Fermez les yeux aussi fort que possible. Tenez les fermés. Ne me laissez pas les ouvrir » ou bien « Fermez les yeux contre mes doigts ».






MUSCLES DU NEZ





Tableau 7-3 Muscles du nez



















Muscle Origine Terminaison
12. Procérus (pyramidal du nez) Os nasal et cartilage Peau du bas du front, entre les sourcils Rejoint l’Occipitofrontal
13. Nasal
Partie transverse

Partie alaire (dilatateur)

Maxillaire (latéralement à la fosse des incisives)
Maxillaire (au-dessus des incisives latérales)

Aponévrose de la base du nez
Aile du nez
Peau de la pointe du nez
14. Abaisseur de la narine (myrtiforme) Maxillaire (au-dessus de la fosse des incisives) Septum nasal
Cartilage de l’aile du nez

Les trois muscles du nez sont innervés par le nerf facial (VII). Le Procérus tire vers le bas l’angle médial des sourcils, créant des rides transversales à la base du nez. Le Nasal transverse (compresseur des narines) abaisse la portion cartilagineuse du nez et tire les ailes du nez en bas vers le septum. Le Nasal alaire (dilatateur des narines) dilate les narines. L’Abaisseur de la narine tire les ailes vers le bas, comprimant les narines.


Des trois muscles du nez, seul le Procérus est testé cliniquement. Les autres sont observés selon que les narines s’évasent ou s’étrécissent chez les patients qui possèdent ce talent.





MUSCLES DE LA BOUCHE



Tableau 7-4 Muscles de la bouche

















































Muscle Origine Terminaison
25. Orbiculaire de la bouche (orbiculaire des lèvres) Modiolus
Pas d’attache osseuse
Modiolus
15. Élévateur de la lèvre supérieure (dilatateur du nez) Orbite de l’œil (inférieur)
Maxillaire
Lèvre supérieure
Os zygomatique
17. Élévateur de l’angle de la bouche (canin) Maxillaire (fosse canine) Modiolus
Peau de l’angle de la bouche
18. Grand zygomatique Os zygomatique Modiolus
24. Abaisseur de la lèvre inférieure (carré du menton) Mandibule Modiolus
26. Buccinateur Maxillaire et mandibule (processus alvéolaire) Modiolus
21. Mentonnier (houppe du menton) Mandibule (fosse des incisives) Peau du menton
23. Abaisseur de la bouche (triangulaire des lèvres) Mandibule (ligne oblique) Modiolus
Autres
19. Petit zygomatique
20. Risorius
22. Transverse du menton
88. Platysma (peaucier du cou)

Les muscles autour de la bouche sont nombreux et chacun possède sa fonction distincte, à l’exception du Risorius. Des tests précis sont présentés seulement pour le Buccinateur et l’Orbiculaire des lèvres (le sphincter de la bouche). La fonction des autres muscles est illustrée, et le testing individuel laissé à l’examinateur. Tous les muscles de la bouche sont innervés par le nerf facial (VII).




Rétracteurs et dépresseurs de la lèvre inférieure


L’organisation des muscles du visage est source de confusions et d’idées fausses. Ce n’est pas surprenant puisqu’il y a 14 petits groupes de fibres dans des directions différentes, chacun portant un nom très long et des fonctions imprécises. De tous les muscles du visage, ceux qui entourent la bouche peuvent être les plus importants parce qu’ils sont responsables de l’ingestion de nourriture et de la phonation.


Une source majeure de confusion est la relation entre les muscles qui entourent la bouche. Jusqu’à une période récente, la description était celle d’une nappe ininterrompue autour de la bouche. En faite, l’Orbiculaire des lèvres n’est pas une ellipse complète mais contient des fibres des muscles extrinsèques majeurs qui convergent à l’angle buccal avec les fibres intrinsèques [1, 6, 7]. Les auteurs ne décrivent pas une ellipse complète, mais la plupart des dessins le représentent ainsi [6].


La région de la face où se trouve une forte concentration de fibres convergentes et divergentes de multiples directions est immédiatement à côté et un peu au-dessus des coins de la bouche. En utilisant le pouce et l’index en dehors et dans la bouche et en comprimant les tissus on peut rapidement identifier la structure la structure en cordonnet nommée Modiolus [8, 10].


Le Modiolus (du mot latin qui signifie le moyeu d’une roue) est décrit comme un nœud musculo-tendineux, l’attache concentrée de plusieurs muscles [8, 9]. Sa forme est conique (ceci est simplifié), il a 1 cm d’épaisseur et on le trouve chez presque tous les individus à environ 1 cm de l’angle latéral. La forme et la taille varient considérablement selon le sexe, l’âge et la race. Les fibres musculaires entrent et sortent dans différents plans, superficiel ou profond, avec un enroulement spiralé, mais essentiellement leur complexité est tridimensionnelle.


Différentes classifications des muscles du Modiolus existent, mais, fondamentalement, 9 ou 10 muscles de la face sont associés à la structure [9] :





On y trouve fréquemment associées des fibres de l’Orbiculaire, du Platysma et du Risorius (ce dernier n’est pas constant dans les muscles de la bouche).


L’Orbiculaire et le Buccinateur forment une nappe musculaire presque continue qui peut être fixée dans un certain nombre de positions par le Grand Zygomatique, l’Élévateur de la lèvre supérieure et l’Abaisseur de l’angle de la bouche (les trois sont des « étais » capables d’immobiliser le Modiolus en toute position).


Lorsque le Modiolus est fermement ancré, le Buccinateur peut se contracter pour appliquer la joue contre les dents, l’Orbiculaire peut se contracter contre l’arche des dents antérieures, verrouillant les lèvres et fermant la bouche fermement [9]. De la même manière, les muscles qui stabilisent et mobilisent le Modiolus permettent un contrôle fin des mouvements des lèvres et des pressions de la vocalisation.





Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 7: Évaluation des muscles innervés par les nerfs crâniens

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