Chapitre 7 Évaluation des muscles innervés par les nerfs crâniens
Note : Ce chapitre décrit les muscles innervés par les branches motrices des nerfs crâniens et les méthodes de vérification des muscles de l’œil, des paupières, de la mâchoire, de la langue, du palais, de la paroi pharyngée postérieure et du larynx. Les tests conviennent à des patients dont le déficit neurologique est soit central, soit périphérique. L’unique condition nécessaire pour le patient est la capacité à suivre des directives simples.
INTRODUCTION AU TESTING ET AU SYSTÈME DE COTATION
Les muscles innervés par les paires crâniennes ne se prêtent pas aux méthodes classiques de testing et de cotation. Dans presque tous les cas, ils ne mobilisent pas un levier osseux, de sorte que la résistance manuelle n’est pas la procédure de choix pour évaluer leur force et leur fonction.
MUSCLES EXTRA-OCULAIRES
Muscle | Origine | Terminaison |
---|---|---|
6. Droit supérieur | Os sphénoïde | Partie supérieure de la sclère |
7. Droit inférieur | Os sphénoïde | Partie inférieure de la sclère |
8. Droit médial | Os sphénoïde | Partie médiane de la sclère |
9. Droit latéral | Os sphénoïde | Partie latérale de la sclère |
10. Oblique supérieur | Os sphénoïde | Partie supérieure de la sclère, à travers une poulie osseuse frontale |
11. Oblique inférieur | Maxillaire (face orbitaire) | Sclère latérale derrière l’Oblique supérieur |
Les 6 muscles extra-oculaires déplacent l’œil dans des directions qui dépendent de l’attache du muscle et de l’influence des mouvements en cours. Il est probable qu’aucun des muscles de l’œil n’agit indépendamment, et comme ces muscles ne peuvent ni être observés, ni palpés, ni testés individuellement, la connaissance de leur fonction vient d’une variété de dysfonctionnements.
Les axes du mouvement de l’œil
l’œil tourne dans l’orbite autour d’un ou plusieurs axes primaires (fig. 7-4), dont l’intersection se trouve au centre du globe oculaire [1] :
Mouvements de l’œil
Les muscles extra-oculaires paraissent travailler en continu ; quand l’un d’eux change de longueur, la longueur et la tension des autres se modifient, ce qui autorise un répertoire considérable de mouvements [2, 3]. En dépit de cette activité commune continuelle, la fonction individualisée peut être simplifiée et comprise pour faciliter la procédure de test sans que cela fasse perdre de précision.
Le testing clinique conventionnel assigne aux divers muscles les mouvements suivants [1, 3] (fig. 7-5).
7. Droit inférieur (III, oculomoteur)
Action principale : abaissement du globe oculaire en bas et en dedans.
11. Oblique inférieur (III, oculomoteur)
Action principale : élévation de l’œil, surtout à partir de l’adduction ; le mouvement se fait en haut et en dehors.
Poursuite oculaire
Les mouvements des yeux sont testés en demandant au patient de regarder dans les directions cardinales (les chiffres entre parenthèses se réfèrent aux tracés de la fig. 7-6) [2]. Toutes les paires actives pour les tracés sont des antagonistes :
En dehors (1) | En haut et en dehors (5) |
En dedans (2) | En haut et en dedans (6) |
En haut (3) | En bas et en dedans (7) |
En bas (4) | En bas et en dehors (8) |
L’amplitude de mouvement, la vitesse et la fluidité du mouvement doivent être observées, ainsi que la capacité à maintenir un regard latéral et vertical [2–4]. Le kinésithérapeute ne pourra pas distinguer les inclinaisons minimes de mouvement car l’observation précise requiert une instrumentation sophistiquée utilisée en ophtalmologie. La poursuite oculaire apparaîtra comme normale ou anormale, sans plus.
Directives pour le patient : « Regardez mon doigt, suivez mon doigt des yeux » (fig. 7-7).
Test : tester chaque œil séparément en couvrant un œil, puis l’autre. Puis tester les deux ensemble.
Les deux exemples de tests bilatéraux montrent le mouvement conjugué des deux yeux en poursuite vers le haut et la droite (fig. 7-8), puis en poursuite vers le bas et la gauche (fig. 7-9).
MUSCLES DES PAUPIÈRES, DES SOURCILS ET DU FRONT
Muscle | Origine | Terminaison |
---|---|---|
3. Élévateur de la paupière supérieure (orbiculaire, partie palpébrale) | Os sphénoïde | Aponévrose du septum orbitaire Tarse supérieur de la paupière Enveloppe fibreuse du Droit supérieur |
4. Orbiculaire de l’œil | Os frontal Maxillaire (processus frontal) | Raphé palpébral latéral Se confond avec les muscles Occipitofrontal et Corrugateur du sourcil |
5. Corrugateur du sourcil (sourcilier) | Os frontal | Couche profonde de la peau du sourcil |
Ouverture des yeux (3. Élévateur de la paupière supérieure)
Ouvrir les yeux en soulevant la paupière supérieure est une fonction de l’Élévateur de la paupière supérieure. Le muscle doit être évalué en demandant au patient d’ouvrir et de fermer les yeux avec et sans résistance. La fonction de ce muscle est évaluée par sa capacité à conserver un œil grand ouvert contre résistance.
En présence d’une lésion du nerf facial (VII) le signe de l’Élévateur peut être présent [3]. Dans ce cas, on demande au patient de regarder vers le bas et de fermer les yeux lentement. Le signe de l’Élévateur est positif lorsque la paupière supérieure du côté faible se soulève, car l’action de l’Élévateur de la paupière supérieure n’est pas contrariée par celle de l’Orbiculaire de l’œil.
Test : le patient tente de garder les paupières ouvertes contre résistance manuelle (fig. 7-12). Les deux yeux sont testés en même temps. N’APPUYEZ JAMAIS SUR LE GLOBE OCULAIRE.
Directives pour le patient : « Ouvrez grand les yeux. Tenez. Ne me laissez pas les fermer ».
Critères de cotation
NF (non faisable) : incapacité à ouvrir l’œil, et l’iris est couverte presque entièrement.
0 (zéro) : pas d’ouverture de la paupière.
Lésions centrales, lésions du nerf facial (VII)
L’implication du nerf facial peut résulter d’une lésion qui atteint les nerfs ou le noyau, c’est-à-dire une lésion périphérique. Le fonctionnement moteur du visage peut également être déficient après une lésion centrale ou supranucléaire. Ces deux sites d’interruption de la paire VII entraînent des problèmes cliniques différents [5].
Fermeture de l’œil (4. Orbiculaire de l’œil)
L’Orbiculaire de l’œil est le sphincter de l’œil [1]. Sa portion palpébrale ferme les paupières comme dans le clignement et le sommeil. La portion orbitaire du muscle ferme les yeux avec plus de force, comme dans le clignement. La portion lacrymale tire les paupières latéralement et les comprime contre la sclère pour recevoir les larmes. Toutes les portions agissent pour fermer les yeux fermement. L’observation du patient sans testing spécifique permet de détecter les faiblesses de l’Orbiculaire parce que le clignement est retardé du côté atteint.
Test : observer le patient qui ouvre et ferme les yeux volontairement, un seul œil puis les deux (fig. 7-16) (la capacité à fermer un œil isolément n’est pas une dextérité universelle). Le patient ferme les yeux avec force, d’abord d’un seul côté, puis les deux ensemble.
Résistance manuelle : placer avec légèreté le pouce et l’index en dessous et au-dessus de chacun des yeux fermés (fig. 7-17). L’examinateur tente d’ouvrir les paupières en écartant le pouce et l’index. NE JAMAIS APPUYER SUR LES GLOBES OCULAIRES.
Froncer les sourcils (5. Corrugateur des sourcils)
Pour observer l’action du muscle Corrugateur, on demande au patient de froncer les sourcils. Froncer tire les sourcils en bas et en dedans, produisant des rides verticales sur le front.
Test : demander au patient de froncer les sourcils ; les sourcils sont tirés l’un vers l’autre, et vers le bas (fig. 7-19).
Résistance manuelle : l’examinateur utilise le pouce (ou l’index) de chaque main placé à la base du nez, et tente de séparer les sourcils (lisser les rides) (fig. 7-20).
Directives pour le patient : « Froncez les sourcils. Ne me laissez pas effacer les rides ».
Élévation des sourcils (1. Occipitofrontal, partie frontale)
Pour examiner le ventre frontal du muscle Occipitofrontal, on demande au patient de prendre une expression de surprise dans laquelle la peau du front se plisse horizontalement. Le ventre occipital du muscle n’est pas testé d’habitude, il tire le scalpe en arrière.
Test : le patient lève les sourcils de sorte que des plis horizontaux apparaissent sur le front (fig. 7-22).
Résistance manuelle : l’examinateur place la pulpe du pouce au-dessus de chacun des yeux et applique une résistance vers le bas (lissant le front) (fig. 7-23).
MUSCLES DU NEZ
Muscle | Origine | Terminaison |
---|---|---|
12. Procérus (pyramidal du nez) | Os nasal et cartilage | Peau du bas du front, entre les sourcils Rejoint l’Occipitofrontal |
13. Nasal Partie transverse Partie alaire (dilatateur) | Maxillaire (latéralement à la fosse des incisives) Maxillaire (au-dessus des incisives latérales) | Aponévrose de la base du nez Aile du nez Peau de la pointe du nez |
14. Abaisseur de la narine (myrtiforme) | Maxillaire (au-dessus de la fosse des incisives) | Septum nasal Cartilage de l’aile du nez |
Les trois muscles du nez sont innervés par le nerf facial (VII). Le Procérus tire vers le bas l’angle médial des sourcils, créant des rides transversales à la base du nez. Le Nasal transverse (compresseur des narines) abaisse la portion cartilagineuse du nez et tire les ailes du nez en bas vers le septum. Le Nasal alaire (dilatateur des narines) dilate les narines. L’Abaisseur de la narine tire les ailes vers le bas, comprimant les narines.
Froncer la base du nez (12. Procérus)
Test : le patient fronce le nez comme s’il exprimait un dégoût (fig. 7-26).
Résistance manuelle : la pulpe des pouces est placée de chaque côté de la base du nez, une résistance est appliquée latéralement (lisser les rides) (fig. 7-27).
Directives pour le patient : « Froncez le nez comme dans le dégoût ».
MUSCLES DE LA BOUCHE
Muscle | Origine | Terminaison |
---|---|---|
25. Orbiculaire de la bouche (orbiculaire des lèvres) | Modiolus Pas d’attache osseuse | Modiolus |
15. Élévateur de la lèvre supérieure (dilatateur du nez) | Orbite de l’œil (inférieur) Maxillaire | Lèvre supérieure Os zygomatique |
17. Élévateur de l’angle de la bouche (canin) | Maxillaire (fosse canine) | Modiolus Peau de l’angle de la bouche |
18. Grand zygomatique | Os zygomatique | Modiolus |
24. Abaisseur de la lèvre inférieure (carré du menton) | Mandibule | Modiolus |
26. Buccinateur | Maxillaire et mandibule (processus alvéolaire) | Modiolus |
21. Mentonnier (houppe du menton) | Mandibule (fosse des incisives) | Peau du menton |
23. Abaisseur de la bouche (triangulaire des lèvres) | Mandibule (ligne oblique) | Modiolus |
Autres | ||
19. Petit zygomatique | ||
20. Risorius | ||
22. Transverse du menton | ||
88. Platysma (peaucier du cou) |
Rétracteurs et dépresseurs de la lèvre inférieure
Une source majeure de confusion est la relation entre les muscles qui entourent la bouche. Jusqu’à une période récente, la description était celle d’une nappe ininterrompue autour de la bouche. En faite, l’Orbiculaire des lèvres n’est pas une ellipse complète mais contient des fibres des muscles extrinsèques majeurs qui convergent à l’angle buccal avec les fibres intrinsèques [1, 6, 7]. Les auteurs ne décrivent pas une ellipse complète, mais la plupart des dessins le représentent ainsi [6].
La région de la face où se trouve une forte concentration de fibres convergentes et divergentes de multiples directions est immédiatement à côté et un peu au-dessus des coins de la bouche. En utilisant le pouce et l’index en dehors et dans la bouche et en comprimant les tissus on peut rapidement identifier la structure la structure en cordonnet nommée Modiolus [8, 10].
Le Modiolus (du mot latin qui signifie le moyeu d’une roue) est décrit comme un nœud musculo-tendineux, l’attache concentrée de plusieurs muscles [8, 9]. Sa forme est conique (ceci est simplifié), il a 1 cm d’épaisseur et on le trouve chez presque tous les individus à environ 1 cm de l’angle latéral. La forme et la taille varient considérablement selon le sexe, l’âge et la race. Les fibres musculaires entrent et sortent dans différents plans, superficiel ou profond, avec un enroulement spiralé, mais essentiellement leur complexité est tridimensionnelle.
Différentes classifications des muscles du Modiolus existent, mais, fondamentalement, 9 ou 10 muscles de la face sont associés à la structure [9] :
Lorsque le Modiolus est fermement ancré, le Buccinateur peut se contracter pour appliquer la joue contre les dents, l’Orbiculaire peut se contracter contre l’arche des dents antérieures, verrouillant les lèvres et fermant la bouche fermement [9]. De la même manière, les muscles qui stabilisent et mobilisent le Modiolus permettent un contrôle fin des mouvements des lèvres et des pressions de la vocalisation.
Fermeture de la bouche (25. Orbiculaire de la bouche)
Ce muscle encercle la bouche et sert à de nombreuses fonctions. Il ferme les lèvres, fait saillir les lèvres (la moue) et serre les lèvres contre les dents. De plus, il modifie la forme des lèvres pour des usages fonctionnels comme donner un baiser, siffler, sucer, boire, et les demandes infinies de la phonation.
Test : le patient comprime les lèvres et les fait saillir (fig. 7-30).
Résistance manuelle : utiliser un abaisse-langue pour résister afin de respecter les règles d’hygiène. L’abaisselangue est placé diagonalement entre les lèvres supérieure et inférieure, la résistance s’applique vers l’intérieur de la cavité orale (fig. 7-31).
Directives pour le patient : « Faites la moue. Tenez. Poussez contre l’abaisse-langue ».
Compression des joues (26. Buccinateur)
Le Buccinateur met en position les aliments à mâcher et contrôle le passage du bol alimentaire. Il serre également les joues contre les dents et chasse l’air lorsque les joues sont gonflées (pour souffler).
Test : le patient comprime les joues (bilatéralement) en les tirant vers l’intérieur (fig. 7-32).