7 Épilepsie
Les crises d’épilepsie revêtent des aspects cliniques très divers. Le mérite des cliniciens est d’avoir reconnu l’unité existant derrière ces aspects polymorphes et d’avoir discerné la base physiopathologique de cette unité : « La survenue épisodique d’une décharge brusque, excessive et rapide d’une population plus ou moins étendue des neurones qui constituent la substance grise de l’encéphale » (Jackson).
Les crises d’épilepsie
La crise est le phénomène élémentaire dont la répétition définit l’épilepsie. L’analyse électroclinique des crises permet de distinguer les crises généralisées où la décharge épileptique intéresse d’emblée le cerveau de façon bilatérale, synchrone et symétrique (fig. 7.1), et les crises partielles où la décharge épileptique a un début focal.
Crises généralisées
Crise tonico-clonique (crise « grand mal »)
Au décours de la crise, on constate de façon inconstante une morsure de la langue et une perte d’urine. Au coma peut succéder une période plus ou moins longue de confusion postcritique. Lors du retour de la conscience, le patient peut se plaindre de courbatures et de céphalée.
Des crises atypiques se distinguent de la crise tonico-clonique par la prédominance unilatérale des phénomènes moteurs, par le caractère purement tonique ou clonique de la crise, voire par l’absence de tout phénomène convulsif : crise atonique se manifestant par une perte de conscience brusque avec chute et éventuellement perte des urines.
Absences épileptiques
L’absence typique (petit mal) est caractérisée par la survenue soudaine d’une suspension brève de la conscience (5 à 30 secondes) avec interruption de l’activité. Elle peut être totalement isolée ou être associée à quelques clonies palpébrales, une révulsion oculaire, une atonie localisée (chute de la tête), parfois une activité gestuelle simple. Les absences typiques sont définies par leur corollaire EEG qui consiste en des décharges généralisées de pointes-ondes à 3 Hz, bilatérales et synchrones (fig. 7.2). Leur survenue est favorisée par une baisse de l’attention et l’hyperventilation.
Crises partielles
Dans les crises partielles, la décharge épileptique intéresse initialement une population neuronale limitée et localisée (fig. 7.3). À partir de son point de départ, la décharge épileptique a tendance à s’étendre, d’où la grande valeur localisatrice de la manifestation initiale et l’intérêt qu’il y a à préciser la chronologie du déroulement de la crise. Par ailleurs, une crise partielle peut se généraliser secondairement : cette généralisation est parfois très rapide et un enregistrement de longue durée en EEG-vidéo peut être nécessaire pour reconnaître le début partiel.
Il est classique de distinguer des crises partielles simples, sans aucune modification de la conscience, et des crises partielles complexes avec altération de la conscience. En fait, l’appréciation du niveau réel de la conscience pendant certaines crises est souvent difficile.
Épilepsie de la région centrale, rolandique
Crises somato-motrices
Elles prennent naissance au niveau du cortex moteur prérolandique. Cloniques ou tonico-cloniques, elles peuvent rester localisées ou avoir une marche bravais-jacksonienne avec extension progressive au niveau d’un hémicorps à partir d’un début qui peut être facial, brachial ou crural. La crise peut être suivie d’un déficit moteur postcritique transitoire dans le territoire correspondant (paralysie de Todt). Il n’y a pas de perte de conscience sauf en cas de généralisation secondaire.
Épilepsie du lobe temporal
On peut distinguer plusieurs types de manifestations impliquant :
Épilepsie du lobe frontal
La survenue volontiers nocturne et l’absence fréquente d’anomalies EEG intercritiques contribuent au retard diagnostique. Des enregistrements vidéo-EEG sont souvent utiles pour le diagnostic différentiel avec les manifestations paroxystiques non épileptiques survenant au cours du sommeil (parasomnies).
Diagnostic
L’apport de l’EEG est variable. Il est utile pour le diagnostic d’épilepsie lorsqu’il révèle des anomalies paroxystiques : pointes ondes bilatérales synchrones dans le cas d’une épilepsie généralisée, foyer de pointes ou d’ondes à front raide dans le cas d’une épilepsie partielle (fig. 7.3). Cependant, l’EEG intercritique est souvent normal, en particulier lorsqu’il s’agit de crises focales ayant un point de départ profond : dans de tels cas, un enregistrement après privation de sommeil peut être plus parlant. Un EEG normal n’élimine pas le diagnostic d’épilepsie. D’un autre côté, des anomalies EEG isolées, en l’absence de crises cliniques, ne doivent pas faire porter le diagnostic d’épilepsie.
L’IRM cérébrale est nécessaire pour déceler une lésion structurelle.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel doit éliminer des manifestations paroxystiques d’autre nature.
Syncopes — Les syncopes qui résultent d’une diminution transitoire de la perfusion cérébrale sont discutées dans le chapitre 4. Une perte d’urine ou la survenue de quelques phénomènes cloniques n’élimine pas ce diagnostic. Dans les cas douteux, des investigations cardiovasculaires sont nécessaires, pouvant comporter ECG, Holter, tilt-test, massage du sinus carotidien, enregistrement du faisceau de Hiss. La situation est compliquée par le fait que des enregistrements couplés EEG-ECG ont montré qu’il existe des crises épileptiques arythmogéniques qui pourraient jouer un rôle dans la mort subite inexpliquée de l’épileptique.
Syndrome du QT long — Chez un sujet jeune présentant des antécédents familiaux de mort subite, il faut penser à un syndrome du QT long : syndrome de Romano-Ward, à transmission autosomique dominante, et syndrome de Jervell-Lange-Nielsen, à transmission autosomique récessive, comportant aussi une surdité congénitale. Ces deux affections sont liées à des mutations de canaux potassium.
Les dystonies et les dyskinésies paroxystiques sont envisagées dans le chapitre 13 et le syndrome hémichorée-hémiballisme lié à une grande hyperglycémie, dans le chapitre 2.
États de mal épileptiques
États de mal convulsifs partiels
Les états de mal convulsifs partiels peuvent revêtir l’aspect de crises motrices successives limitées à un hémicorps entre lesquelles persiste un déficit moteur permanent. Parfois, les crises se résument à quelques secousses cloniques dans un territoire limité, et le déficit est au premier plan. Un aspect particulier est l’épilepsie partielle continue de Kojevnikow, où une activité clonique se poursuit sans interruption dans un territoire limité.
Syndromes épileptiques
Syndromes épileptiques idiopathiques
Les épilepsies idiopathiques se révèlent le plus souvent au cours de l’enfance, de l’adolescence ou chez l’adulte jeune, et leur formule est dans une large mesure conditionnée par l’âge d’apparition.
Épilepsies généralisées idiopathiques
Convulsions fébriles
Ces crises convulsives surviennent chez des enfants entre six mois et cinq ans, uniquement à l’occasion d’un état fébrile. Elles sont parfois prolongées, pouvant réaliser un état de mal. Le rôle de ces crises dans la survenue ultérieure d’une sclérose hippocampique et d’une épilepsie du lobe temporal reste imparfaitement évalué. Le syndrome « épilepsie généralisée avec convulsions fébriles plus » (EGCF + ) associe des crises hyperpyrétiques et des crises généralisées survenant en l’absence de fièvre qui peuvent être de type tonico-clonique, myoclonique ou absence. Des mutations ont été trouvées dans le gène codant la sous-unité alpha 1 d’un canal sodium voltage-dépendant.
Épilepsies partielles idiopathiques
Épilepsie partielle bénigne de l’enfant à pointe centro-temporales
Débutant entre 3 et 13 ans chez des enfants dont le développement a été normal, les crises se traduisent par des paroxysmes moteurs toniques ou cloniques intéressant une hémiface, accompagnés d’une suspension de la parole en l’absence d’altération de la conscience. Elles surviennent volontiers au moment de l’endormissement, de l’éveil, ou pendant le sommeil. L’EEG montre des pointes centro-temporales, majorées lors du sommeil avec tendance à la bilatéralisation. Les crises sont rares et disparaissent constamment au cours de l’adolescence. Un traitement (valproate de sodium) est indiqué seulement si les crises sont fréquentes et/ou diurnes.