69 Dans ce contexte, la préoccupation du médecin des urgences tient en trois points : penser à évoquer une maladie métabolique, prescrire en urgence les examens nécessaires au diagnostic, mettre en œuvre les premières mesures thérapeutiques qui seront poursuivies le plus souvent dans une unité de soins intensifs en lien avec une équipe spécialisée si nécessaire. • le principal argument est la discordance entre la dégradation progressive de l’état de l’enfant et l’absence de cause apparente : il s’agit d’un nouveau-né à terme, pour lequel on ne retrouve aucun signe en faveur d’une affection néonatale habituelle (anoxie, infection, pathologie pulmonaire en particulier) ; • la notion d’un intervalle libre de quelques heures à quelques semaines est très évocatrice d’une maladie métabolique par intoxication mais peut manquer, en particulier dans les défauts de production énergétique. Le début des troubles peut correspondre au début de l’alimentation ou à une modification diététique ; • des signes neurologiques évocateurs sont surtout retrouvés dans les maladies métaboliques de mécanisme toxique : troubles de conscience importants, conduisant au coma avec troubles neurovégétatifs et convulsions, hypertonie périphérique relative contrastant avec une hypotonie axiale, mouvements anormaux des membres avec accès d’opisthotonos ; • l’association à d’autres signes viscéraux a également une bonne valeur d’orientation : atteinte hépatique (insuffisance hépatocellulaire, hypoglycémie, cytolyse ou cholestase), atteinte cardiaque (cardiomyopathie ou troubles du rythme), atteinte hématologique (anémie, leucopénie, thrombopénie) ; • une odeur anormale des urines peut témoigner de l’excrétion urinaire d’un composé anormal ; • enfin, l’existence de signes dysmorphiques peut se voir dans certains défauts de production énergétique. Dans environ un tiers des cas, la décompensation survient de façon retardée, à un âge variable, pouvant concerner aussi bien le nourrisson, l’enfant, l’adolescent ou même l’adulte. Le facteur déclenchant peut être une infection, une modification diététique, ou encore la mise en route d’un traitement (valproate de sodium par exemple). L’évolution de cette décompensation peut être spontanément favorable, la répétition des épisodes ayant alors une grande valeur d’orientation ; au contraire, l’évolution peut être dramatique et fatale très rapidement, en dépit de tout traitement. Ces épisodes aigus peuvent coexister avec des signes chroniques de la maladie, tels qu’un retard de développement non spécifique. Plusieurs types de présentations sont possibles. Au total, quelle que soit la présentation, un premier bilan biologique de base contribuera à orienter l’enquête étiologique ultérieure. Ce bilan doit être réalisé en urgence dans toutes les présentations aiguës car les anomalies biologiques peuvent disparaître à distance de l’épisode de décompensation. Quelques examens simples, réalisables dans la plupart des centres hospitaliers seront complétés par des prélèvements stockés en vue d’examens plus spécialisés (tableau 69.1). Les conditions de prélèvement et de dosage doivent être particulièrement rigoureuses car elles peuvent avoir une influence déterminante sur les résultats des examens. Pour faciliter ces prélèvements dans un contexte d’urgence, il est très utile de préparer et de maintenir en permanence une boîte contenant tous les tubes nécessaires avec la quantité de sang ou d’urine requise et les bons d’envoi aux différents laboratoires. Cette procédure permet de gagner un temps précieux et réduit le risque d’oubli. On n’omettra pas de recueillir les premières urines qui sont les plus informatives. Les données des premiers examens associées au contexte clinique permettront d’orienter l’enquête étiologique ultérieure et d’utiliser de façon cohérente les prélèvements stockés pour des examens plus spécialisés. Cette deuxième étape plus délicate de l’enquête étiologique sera discutée avec une équipe spécialisée dans ce type de pathologie si nécessaire. Les différentes étiologies évoquées en fonction du tableau clinico-biologique initial sont détaillées dans la partie « prise en charge ». Tableau 69.1 Examens biologiques et prélèvements à envisager en première intention en cas de suspicion de maladies héréditaires du métabolisme en situation d’urgence (a) Si hypoglycémie, ajouter dosage insuline, cortisol, ACTH, GH (b)Conditions de prélèvement particulièrement rigoureuses : pas de garrot, 1 mL de sang dans 2 mL d’acide perchlorique (précipité chocolat), conserver dans la glace pour dosage immédiat ou congeler sans centrifuger (c)Tube EDTA ou hépariné, dans la glace, doser le plus rapidement possible (d)Dinitrophénylhydrazine, test de détection des acides alphacétoniques, très élevés dans la leucinose
Conduite à tenir en présence d’une suspicion de maladie métabolique héréditaire
Définition
Examen clinique
Après la période néonatale
Dans tous les cas : rechercher des arguments génétiques
Examens complémentaires nécessaires
Examens biologiques courants
Prélèvements pour examens spécialisés
Sang
Gaz du sang
Ionogramme, Ca, P, bicarbonates
Glycémie (capillaire et veineuse)(a)
Numération formule sanguine
Transaminases, temps de Quick
Urée, créatinine
Lactate(b), pyruvate(b), (± corps cétoniques(b), acides gras libres)
Ammoniémie(c)
Acide urique
Plasma hépariné 3 à 5 mL à −20 °C en 2 ou 3 échantillons (pour chromatographie des acides aminés en particulier)
Sang sur papier buvard (de type Guthrie) pour acylcarnitines ou étude de l’ADN
Sérothèque
Urines
Acétone, pH, glycosurie, protéinurie Ionogramme
± Sucres réducteurs (Clinitest®),
Acides alpha-cétoniques (DNPH(d)), Sulfites (Sulfitest®)
Congeler les urines miction par miction à −20 °C (pour chromatographie des acides aminés et des acides organiques en particulier)
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