64: Décollement de rétine maculaire compliquant les fossettes colobomateuses

Chapitre 64 Décollement de rétine maculaire compliquant les fossettes colobomateuses



La fossette colobomateuse de la papille est une anomalie congénitale qui serait liée à un défaut de fermeture de la fente embryonnaire. Elle a été décrite pour la première fois par Wiethe en 1882 [32]. Elle atteint une personne pour onze mille dans la population générale et indifféremment les deux sexes. Unilatérale dans 85 % à 90 % des cas, elle se situe le plus souvent dans la partie temporale de la papille [18]. Elle peut être isolée ou s’associer à un colobome de l’iris ou un colobome choriorétinien.


Cette affection reste longtemps asymptomatique et est découverte en général entre vingt et trente ans devant un syndrome maculaire lié à la survenue d’un décollement séreux rétinien maculaire (fig. 64-1).




Tête du nerf optique : rappel anatomique


À l’état normal, au niveau de la tête du nerf optique, plusieurs barrières anatomiques bloquent la libre circulation du liquide cérébrospinal [2] : la barrière hématoencéphalique, la lame criblée du nerf optique, le tissu intermédiaire de Kuhnt et les jonctions serrées de l’épithélium pigmentaire de la rétine. En revanche, la circulation du liquide d’origine vitréenne est libre (fig. 64-2a).



L’examen anatomopathologique de deux yeux colobomateux a montré une faiblesse des barrières au passage du liquide cérébrospinal au niveau de la fossette [9]. La lame criblée est absente au fond de la fossette [7], le tissu intermédiaire de Kuhnt est interrompu [20] et les cellules de l’épithélium pigmentaire sont disjointes en temporal de la papille (fig. 64-2b) : les différents fluides circulent plus librement et infiltrent les tissus environnants, notamment le liquide cérébrospinal et le liquide d’origine vitréenne.



Mécanismes du décollement et origine du liquide sous-rétinien maculaire


L’origine du liquide sous-rétinien reste controversée. Plusieurs sources ont été proposées à l’origine de ce liquide : le liquide cérébrospinal, le liquide d’origine vitréenne et le liquide venant de l’espace suprachoroïdien.


L’origine suprachoroïdienne semble être exclue car il n’a jamais été prouvé de diffusion rétinienne de colorant à partir de la circulation choroïdienne en cas de fossette colobomateuse au cours de l’angiographie [9].


L’origine cérébrospinale a été proposée par Gass et Regenbogen [9,25]. Cependant, des études réalisées sur des chiens Collie présentant une fossette colobomateuse n’ont pas montré de connexion directe entre l’espace sous-arachnoïdien et l’espace sousrétinien après injection d’encre de Chine dans l’espace sousarachnoïdien [5]. Deux études similaires ont été essayées chez l’homme sans avoir prouvé cette diffusion [17,27].


L’origine vitréenne du liquide a été évoquée dès 1964 par Sugar [29]. L’injection intravitréenne d’encre de Chine chez les chiens Collie a permis de retrouver des traces d’encre de Chine dans la fossette et le liquide sous-rétinien [5]. Chez un patient atteint de fossette colobomateuse opéré de vitrectomie, Bonnet a observé le passage d’une petite bulle de gaz sous la rétine pendant le tamponnement, suggérant une origine non seulement vitréenne mais aussi un mécanisme rhegmatogène associé [3].


Le rôle des forces de traction vitréennes sur la fossette dans la genèse du décollement séreux rétinien est important. Bonnet avait noté qu’aucun œil des vingt-cinq patients de son étude ne présentait un décollement postérieur du vitré et que deux patients ont eu leur décollement séreux rétinien réappliqué après avoir fait leur décollement postérieur du vitré [3]. Pour Akiba et al. [1], on peut observer lors des mouvements oculaires, des tractions du canal de Cloquet sur une membrane translucide et pulsatile qui recouvre la fossette colobomateuse.



Aspects cliniques du décollement maculaire


Les fossettes colobomateuses de la papille peuvent s’accompagner de remaniements maculaires liés à la perturbation des fluides environnants. Des remaniements de l’épithélium pigmentaire maculaire consécutifs à un pompage accru de liquide intrarétinien peuvent à long terme se traduire par une baisse d’acuité visuelle s’ils sont centrés sur la macula.


Lorsque le liquide n’est pas assez pompé ou s’il est produit en trop grande quantité, il infiltre la rétine.


Un schisis des couches internes survient, sans baisse de l’acuité visuelle, visible à l’OCT. La résorption spontanée du liquide sousrétinien est possible et surviendrait dans 25 % des cas selon Gass [10].


En 1988, Lincoff décrit ce double soulèvement, où le liquide serait responsable initialement d’une séparation schisique au niveau des couches internes de la rétine, puis atteindrait secondairement l’espace sous-rétinien, créant un décollement du neuroépithélium maculaire [22]. Les études fondées sur l’OCT ont démontré l’existence de cet espace schisique reliant directement la fossette au décollement séreux maculaire [16,21] (fig. 64-3).



Les rechutes sont fréquentes, entraînant des lésions irréversibles de l’épithélium pigmentaire au niveau de la macula si le liquide y reste de façon prolongée.


Lorsque le décollement de rétine entraîne une baisse prolongée de l’acuité visuelle, le traitement s’impose.





Traitement des fossettes compliquées de liquide sous-rétinien maculaire


Le traitement des fossettes colobomateuses reste discuté. Différentes thérapeutiques ont été proposées, allant de la photocoagulation au laser péripapillaire seule à la vitrectomie combinée au laser et à l’injection de gaz. Une indentation sclérale maculaire avec vitrectomie et drainage per-opératoire du liquide sous-rétinien a été aussi rapportée.



TRAITEMENT PAR LASER SEUL


La photocoagulation juxtapapillaire a été proposée par Jack [15] en premier en 1969 puis par Gass la même année [9]. Le laser a pour but de créer une cicatrice étanche, faisant obstacle à la sortie du liquide provenant de la fossette, et de faciliter la résorption du liquide sous-rétinien en jouant sur l’épithélium pigmentaire. La technique employée variait avec les auteurs ; elle consistait en général en une couronne d’impacts en temporal de la papille voire en péripapillaire, faite de plusieurs rangées. Plusieurs séries ont ensuite été publiées avec des résultats très disparates [2, 6, 9, 12, 30]. En effet, si Théodossiadis observe un succès dans cinq cas sur six, avec un délai de plusieurs mois avant la réapplication [30], d’autres auteurs n’ont pas un résultat aussi encourageant : 50 % pour Cox et al.[6], aucun succès pour Gass [9] et Bonnet [3].


Nous-mêmes n’avons eu que 30 % de succès (deux cas) sur six yeux traités par laser seul [23]. Le traitement par photocoagulation au laser (rouge ou vert) consistait en deux rangées d’impacts de 250 pm de diamètre, disposés de façon confluente en temporal de la papille, d’une durée d’exposition variant de 0,1 s à 0,2 s et d’une puissance allant de 200 mW à 500 mW de façon à obtenir des impacts visibles blanc-jaune. Comme plusieurs séances étaient souvent nécessaires et que le délai de réapplication du décollement était variable, nous pouvions alors nous demander si certains succès ne pouvaient correspondre à des cas de réapplication spontanée.

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Jun 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 64: Décollement de rétine maculaire compliquant les fossettes colobomateuses

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access