63 Seuls les virus des hépatites A, B, C, D et E seront considérés en détail dans ce chapitre. Les virus des hépatites A, B, C, D, et E peuvent tous entraîner une hépatite aiguë. Seuls les virus des hépatites B, C, et D peuvent entraîner des hépatites chroniques chez les patients immunocompétents. Une hépatite chronique E est possible chez les patients immunodéprimés. Les principales caractéristiques de ces virus sont données dans le tableau 63.1. Les significations des différents marqueurs sériques sont données dans le tableau 63.2. Tableau 63.1 Principales caractéristiques des virus A, B, C, D et E (a)En % des formes ictériques. (b)Co-infection ou surinfection d’une hépatite chronique B. (c)Sauf au 3e trimestre de grossesse pour les génotypes 1 et 2 (risque élevé jusqu’à 20 %). (d)Ne concerne que le génotype 3 et les patients avec immunodépression induite (transplantation d’organe ou de moelle) ou infectés par le VIH Tableau 63.2 Principales interprétations des différents marqueurs sériques des hépatites virales Le virus de l’hépatite A (VHA) est un virus à ARN simple brin non enveloppé. Il ne présente qu’un seul sérotype. Ses hôtes sont l’homme et les primates et sa transmission est oro-fécale. Lors de l’infection, le virus se réplique dans l’intestin grêle et atteint le foie par la veine porte. Il se réplique dans l’hépatocyte puis les virions matures sont excrétés dans la bile et les selles. L’excrétion fécale est importante jusqu’au début des symptômes puis diminue rapidement. Cependant, le VHA peut rester détectable par PCR dans les selles pendant plusieurs semaines. Le VHA n’ayant pas d’effet cytopathique direct, c’est la réaction d’immunité cellulaire qui est responsable des lésions hépatocytaires. En France, avec l’amélioration des conditions d’hygiène, l’incidence de l’hépatite A a diminué à la fin du siècle dernier. Cette diminution est attestée par les enquêtes de séroprévalence chez les recrues du service national (50 % en 1978 contre 10 % en 1997). Depuis novembre 2005, l’hépatite aiguë A est une maladie à déclaration obligatoire. Avec un taux d’incidence annuel des cas déclarés stable et compris entre 1,5 et 3/100 000 habitants, la France métropolitaine est une zone de faible endémie. Cette situation épidémiologique s’accompagne d’une diminution de l’immunité collective et d’une augmentation de la susceptibilité des adultes à ce virus. De fait, la maladie est aujourd’hui plus souvent observée chez l’adulte où elle se présente sous une forme clinique plus grave. En effet, un ictère n’est constaté que chez 10 % des enfants de moins de 5 ans alors qu’il est présent dans 80 % des cas d’hépatite A chez l’adulte. L’hépatite A n’est jamais responsable de formes chroniques, mais elle peut occasionner des hépatites fulminantes (0,1 % des formes ictériques) qui sont plus fréquentes chez l’adulte que chez l’enfant. Des cas sporadiques sont observés surtout chez des personnes de retour de voyage de pays de moyenne ou haute endémicité. Ces cas peuvent être à l’origine d’épidémies du fait d’une transmission interhumaine, au sein de familles ou de collectivités (non-respect des règles d’hygiène autour d’un cas, conditions sanitaires précaires, etc.). Des épidémies d’origine alimentaire sont aussi observées. La recrudescence de l’infection est saisonnière : septembre-octobre (à cause des retours de voyages touristiques en pays de forte endémie), janvier-février (en partie à cause de la consommation de coquillages au cours des fêtes de fin d’année). En 2011, 1114 cas d’hépatite A ont été déclarés (1007 en métropole, 107 dans les départements d’outre-mer). Dans les départements d’outre-mer, 71 % des cas ont été déclarés par Mayotte. Pour la France métropolitaine, le taux annuel d’incidence des cas déclarés était de 1,6/100 000 habitants. Dans les 2 à 6 semaines précédant le début de la maladie, les deux principaux facteurs de risque identifiés étaient la présence de cas d’hépatite A dans l’entourage (50 % en 2011) et un séjour hors métropole (35 % en 2011). Le risque de transmission sexuelle est faible et concerne essentiellement les homosexuels masculins. Le risque de transmission post-transfusionnelle est négligeable bien qu’il ait été démontré. Aucune pathologie fœtale n’a été rapportée suite à une hépatite A survenant pendant la grossesse, mais il existe un risque d’accouchement prématuré si l’hépatite A survient dans le dernier trimestre de grossesse. Si l’hépatite A survient dans les 6 dernières semaines du terme, le nouveau-né peut présenter une infection asymptomatique, le plus souvent avec excrétion fécale prolongée du virus, et peut donc être à la source d’une épidémie prolongée. Le diagnostic d’hépatite aiguë A repose sur la présence dans le sang d’IgM anti-VHA. En 2009, l’OMS estimait à 350 millions le nombre de porteurs chroniques du VHB parmi les 2 milliards de personnes ayant été en contact avec le VHB dans le monde. L’infection chronique B serait responsable d’environ 600 000 décès par an dans le monde (10 % d’hépatite B aiguë, 90 % de complications de la cirrhose ou de CHC). En Afrique noire, en Extrême-Orient et en Asie du Sud-Est, 5 à 20 % de la population est porteur de l’Ag HBS. Dans le bassin méditerranéen, l’Europe de l’Est, le Proche-Orient, l’Inde et L’Amérique latine, 1 à 5 % de la population est porteur de l’Ag HBS. En Europe occidentale et en Amérique du Nord, les porteurs chroniques du VHB représentent de 0,5 à 1 % de la population. En France, pays d’endémicité faible, 300 000 personnes seraient porteuses chroniques du VHB. Le VHB serait responsable d’environ 1300 décès par an. Les trois modes les plus importants de transmission du VHB sont la transmission périnatale ou transmission verticale et les transmissions parentérale et sexuelle qui relèvent d’une transmission horizontale. Les risques inhérents aux différents types de transmission et à l’âge du patient au moment de la contamination sont résumés dans le tableau 63.3. Le risque de contamination du VHB par voie transfusionnelle n’existe pratiquement plus en France. Le risque résiduel est estimé, pour la période 2008-2010, à 1/1 350 000 dons pour le VHB (soit 2 dons infectés par an en moyenne). Chez l’enfant, le mode de transmission le plus fréquent reste la contamination de l’enfant par sa mère au moment de la naissance ou de l’enfant par sa mère ou les autres membres de la famille pendant les premières années de vie. Il peut s’agir d’enfants nés de mère porteuse chronique du VHB vivant en France non dépistée et dont l’enfant n’a pas été correctement protégé (absence ou échec de sérovaccination) ou d’enfants adoptés venant de pays d’endémie. En cas d’hépatite B aiguë pendant la grossesse, le risque de contamination de l’enfant est faible si l’infection survient au cours du 1er trimestre, et élevé au cours du dernier trimestre, car la réplication virale sera importante au moment de l’accouchement. Lorsque la mère est porteuse chronique du VHB, le risque de transmission périnatale dépend avant tout du statut sérologique de la mère. S’il existe une réplication virale élevée traduite par la positivité de l’Ag HBe, le risque est supérieur à 90 % si bien que globalement 90 % des enfants deviennent porteurs chroniques du VHB. Si la réplication virale est faible, mère Ag HBe négatif (en dehors d’une mutation pré-C) le risque de transmission est beaucoup plus faible et seuls 15 % des enfants environ deviennent porteurs chroniques. La transmission in utero est exceptionnelle. L’ADN du VHB est présent dans le lait maternel, mais l’allaitement maternel n’augmente pas le risque de contamination si l’enfant bénéficie d’une sérovaccination à la naissance. Dans ce cas, l’allaitement maternel n’est donc pas contre-indiqué. Les risques de transmission sexuelle ou par toxicomanie intraveineuse ne doivent pas être négligés chez l’adolescent. Chez ces grands enfants, comme chez l’adulte, l’évolution se fait vers la guérison dans 90 % des cas. Dans 10 % des cas, l’évolution se fait vers la chronicité. Au moment de l’hépatite aiguë, on trouve dans le sérum l’Ag HBs, l’anticorps (Ac) anti-HBc, l’Ag HBe et l’ADN sérique du virus B. Une phase « silencieuse » pendant laquelle l’Ag HBs n’est plus détectable et l’Ac anti-HBs pas encore détectable peut s’observer. À ce stade, seule la présence de l’IgM anti-HBc témoigne de l’infection par le VHB. Les recherches simultanées de l’Ag HBs et de l’Ac anti-HBc sont donc indispensables. Les deux risques majeurs de l’infection virale B sont l’hépatite fulminante (environ 1 % des hépatites ictériques) et l’hépatite chronique. Le risque d’hépatite aiguë B ictérique augmente avec l’âge (tableau 63.3). Une des caractéristiques principales de l’infection virale C est l’extrême fréquence du passage à la chronicité : 80 % des patients rencontrant le virus vont faire une infection chronique. Avec 160 millions de personnes infectées de façon chronique, dans le monde, le VHC est un problème majeur de santé publique. En effet, chez ces personnes, le risque d’évolution vers la cirrhose hépatique est de 20 %, celle-ci étant associée à un risque de carcinome hépatocellulaire. La prévalence des Ac anti-VHC chez l’enfant est faible dans les pays développés (< 0,5 %). En France, le nombre de porteurs chroniques du VHC est estimé à 230 000. Le mode de transmission du virus C est essentiellement parentéral. Avant 1990, la transmission était principalement post-transfusionnelle. Grâce à l’amélioration de la sécurité virale des produits sanguins labiles, le risque transfusionnel résiduel est estimé en France, pour la période 2008-2010 à 1/7 000 000 dons pour le VHC (soit 1 don infecté tous les 3 ans environ). Depuis 1990, le principal mode de transmission est, chez l’adulte, l’usage de drogues intraveineuses. Chez l’enfant, c’est la transmission périnatale de la mère à l’enfant, qui est au premier plan. En cas d’hépatite chronique C débutant chez l’enfant, le risque de décès lié à une atteinte hépatique est multiplié par 26. Les autres modes de contamination contre lesquels il faut lutter sont les infections nosocomiales, les tatouages, le piercing, les soins dentaires, l’acupuncture. Les transmissions par voie génitale ou intrafamiliale jouent un rôle secondaire. Le risque de transmission périnatale dépend principalement de la charge virale maternelle. Si la mère ne présente que des Ac anti-VHC, le risque serait estimé à 1,7 %. Si l’ARN du VHC est détectable, le risque serait de 4,3 % pour augmenter à 7,1 % si l’ARN viral est détecté au moins 2 fois pendant la grossesse ou s’il est détecté en fin de grossesse. En cas de co-infection VHC-VIH maternelle, le risque est alors augmenté d’un facteur 2 à 3. Une virémie VHC maternelle > 600 000 UI/mL augmente le risque de transmission virale. Le monitoring fœtal par le scalp, la rupture prolongée des membranes et la souffrance fœtale périnatale pourraient augmenter le risque de transmission. L’accouchement par césarienne ne modifie pas le risque de transmission du VHC comparé à l’accouchement par voie basse. Enfin, le rôle de l’amniocentèse sur le risque de transmission n’est pas connu. Le moment de contamination est probablement périnatal. L’allaitement maternel ne constitue pas un facteur de risque significatif de transmission du VHC même lorsque la PCR du VHC est positive dans le lait maternel. La concentration d’ARN viral y est très inférieure à celle du sérum. L’allaitement maternel n’est donc pas contre-indiqué. Il est prudent de le déconseiller en cas de saignement mamelonnaire, de mastite ou de poussée hépatitique maternelle. Les cas d’hépatite fulminante due au VHC sont exceptionnels. Le risque principal après contamination est l’évolution vers l’hépatite chronique. Une sérologie VHC positive, c’est à dire la détection d’Ac anti-VHC par un test immuno-enzymatique confirmée sur un deuxième prélèvement par un autre test, témoigne d’un contact avec le VHC, mais ne permet pas de faire la différence entre une infection persistante ou une guérison. La détection de l’ARN viral dans le sérum par PCR indique le caractère persistant de l’infection. En cas d’infection récente, en particulier en cas d’hépatite aiguë, les Ac anti-VHC peuvent ne pas être détectés et dans ce cas, seule la PCR permet de faire le diagnostic d’infection par le VHC. Les VHE 3 et VHE 4 infectent les hommes, mais également d’autres mammifères et sont donc responsables d’une zoonose. Une contamination alimentaire est donc possible en particulier en cas de consommation de viande peu cuite. Ils sont responsables de cas sporadiques d’hépatite autochtone dans les pays développés et dans les pays en voie de développement. VHE 3 est retrouvé dans le monde entier tandis que VHE 4 est retrouvé essentiellement en Asie du Sud-Est. En Europe, le VHE 4 a été retrouvé chez des porcs et des épidémies d’origine alimentaires (charcuterie) sont observées, en particulier dans le Sud-Ouest français. La mortalité particulièrement élevée de l’infection chez les femmes enceintes n’a pas été retrouvée pour les VHE de génotype 3 et 4. Le risque de transmission post-transfusionnelle est non négligeable, d’autant que le virus n’est pas recherché dans les produits sanguins. Ce risque mériterait d’être mieux évalué en particulier chez les patients atteints d’hépatopathie chronique et/ou immunodéprimés.
Hépatites virales
Définition
Épidémiologie et marqueurs sériques
Virus
Marqueurs sériques
Signification
A
IgG anti-VHA +
IgM anti-VHA +
Contage ancien
Hépatite aiguë A
B
Ag HBs +, Ac anti-HBc +, Ac anti-HBs –
Ag HBs -, Ac anti-HBc +, Ac anti-HBs –
Ag HBs -, Ac anti-HBc +, Ac anti-HBs +
Ag HBs -, Ac anti-HBc -, Ac anti-HBs +
Ag HBe -, Ac anti-HBe +, ADN VHB –
Ag HBe +, Ac anti-HBe -, ADN VHB +
Ag HBe-, Ac anti-HBe +, ADN VHB +
Hépatite aiguë B, ou porteur chronique du virus B
Hépatite aiguë B en voie de guérison avant l’apparition d’anti-HBs
Hépatite aiguë B guérie
Immunisation post-vaccinale, ou contact ancien avec le virus B (très rare)
Absence de réplication virale B
Réplication virale B active
Probable infection par un virus B mutant
C
Ac anti-VHC +, ARN VHC –
Ac anti-VHC +, ARN VHC +
Ac anti-VHC -, ARN VHC +
Hépatite C ancienne guérie, anticorps maternels transmis, ou faux positif
Infection virale C
Infection virale C aiguë (avant l’apparition d’anticorps), ou infection virale C chez un immunodéprimé
D
Ac anti-VHD +, ARN VHD +
Co-infection B-D, ou surinfection D chez un porteur chronique du virus B
E
IgM anti-VHE, ARN VHE +
Hépatite aiguë E
Virus de l’hépatite A
Virus de l’hépatite B
Virus de l’hépatite C
Virus de l’hépatite E
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