Chapitre 63 Décollement de rétine sur colobome
Le colobome a été initialement décrit par von Ammon en 1831 [5] et constitue une malformation liée à une anomalie de fermeture de la fente embryonnaire. Son incidence se situe entre 0,5 et 2,6 pour dix mille naissances [34]. l l représente 10 % des causes de cécité de l’enfant [14].
Le décollement de rétine associé au colobome représente 0,5 % de tous les décollements de rétine juvéniles [26].
Colobome choriorétinien
EMBRYOLOGIE
Au trentième jour de gestation, l’invagination de la vésicule optique forme la fente embryonnaire. La fusion des bords de cette fente autour de l’axe vasculaire commence par le centre à la cinquième semaine et se complète à la septième semaine de gestation. Le défaut de fermeture d’une partie de la fente embryonnaire est à l’origine du colobome uvéal, pouvant engendrer des anomalies de l’iris, du corps ciliaire, de la rétine, de la choroïde, de l’épithélium pigmentaire rétinien et du nerf optique [1]. Une microphtalmie ou une anophtalmie peuvent être également associées [10] et, dans 34,3 % des colobomes, d’autres anomalies somatiques sont présentes, telles qu’une fente palatine (la plus fréquente) [26], une hypoplasie du pouce et un rein en « fer à cheval »» [10] ; une maladie systémique peut être associée dans 38 % des cas [3]. Maumenee et Mitchells rapportent 27 % de patients présentant un défaut de la ligne médiane associé au colobome [21]. 1 l peut également rentrer dans le cadre d’un syndrome congénital, comme le Goldenhar [19], le Schmid-Fraccaro [30], le Joubert [18], le Mohr-Claussen [22] ou le syndrome d’Aicardi [15].
GÉNÉTIQUE, FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
Le colobome est sporadique dans la majorité des cas, mais des modèles de transmission autosomique dominante, autosomique récessive ou liée à l’X ont été décrits [20]. Le modèle de réseau génétique du colobome a été identifié (Coloboma Gene Network model, CGN), représenté par deux gènes clefs, SHH (Sonic Hedgehog) et PAX6 [10]. Les gènes NLz1 et NLz2 qui régulent la fermeture de la fente embryonnaire optique pendant le développement chez le Danio rerio (zebrafish) sont responsables d’un colobome très semblable au colobome humain [1]. Certaines publications suggèrent l’influence de facteurs environnementaux, comme l’association du colobome avec une exposition pendant la grossesse à la thalidomide [25], l’abus d’alcool [33], la carence en vitamine D [13], le cytomégalovirus [12] ou encore la toxoplasmose [34].
ANATOMIE, HISTOLOGIE
Le colobome choriorétinien se présente comme une aire blanc-jaune parabolique, typiquement située en inféronasal et pouvant englober la macula et/ou le nerf optique [27] (fig. 63-1). Six formes ont été décrites en fonction de la position du nerf optique (tableau 63-I) [6].
Papille en dehors du colobome | Type 1 | Papille normale |
Type 2 | Papille anormale | |
Type 3 | Papille colobomateuse, indépendante | |
Type 4 | Papille normale | |
Type 5 | Papille colobomateuse | |
Papille dans le colobome | Type 6 | Papille difficile à identifier |
Des études histologiques et, plus récemment, la pratique d’OCT ont permis l’analyse structurale du colobome chez l’enfant et chez l’adulte, démontrant des différences significatives [31] et permettant une meilleure compréhension des mécanismes du décollement de rétine [5]. Le colobome présente deux structures principales :
Chez l’enfant, le bord du colobome est directement opposé à la sclère en raison de l’absence d’épithélium pigmentaire et de choroïde (fig. 63-2a) et représente une zone de fragilité désignée sous le nom de locus minoris resistencia (LMR). Chez l’adulte, des modifications structurelles apparaissent : le bord ne présente pas de LMR ; l’épithélium pigmentaire et la choroïde sont présents, formant une structure plus saillante et résistante (fig. 63-2b).
Fig. 63-2 Le bord du colobome.
A. Rétine colobomateuse. B. Bord du colobome (transition). C. Rétine extracolobomateuse.
(D’après Schubert H.D. Trans Am Ophthalmol Soc, 2005; 103 : 457–72.)
Les colobomes subissent des modifications structurales pendant la deuxième décennie de la vie. La pression intraoculaire, les mouvements oculaires et du vitré génèrent des forces de traction au niveau du colobome. Selon Schubert, un bord saillant et fort, un centre affaibli seraient les conditions d’une bonne résistance du colobome et réduiraient le risque de déhiscence pouvant occasionner un décollement de rétine [31].
Décollement de rétine associé au colobome choriorétinien
La prévalence du décollement de rétine associé au colobome choriorétinien est estimée entre 23 % et 40 % [17, 29] pour un âge moyen de trente-quatre ans. Daufenbach et al. ont rapporté une prévalence de décollements de rétine de 8,1 % chez des enfants âgés de moins de sept ans présentant un colobome [3]. Typiquement, le décollement de rétine associé au colobome concerne le garçon âgé de moins de vingt-six ans [31].
La présence d’une déhiscence au centre du colobome au niveau de la membrane intercalaire et l’existence d’une communication entre l’espace situé sous la membrane intercalaire et l’espace sousrétinien — locus minoris resistencia (LMR) chez l’enfant — sont nécessaires pour la survenue d’un décollement de rétine cliniquement évolutif [5].
LOCALISATION DES DÉHISCENCES
La prise en charge d’un décollement de rétine associé à un colobome choriorétinien présente des particularités. Le degré de difficulté chirurgical augmente chez le jeune enfant, dont le colobome présente une fragilité de structure [31].
D’après Gopal, 88,9 % des décollements de rétine d’origine endocolobomateuse s’étendent à la rétine normale extracolobomateuse [7] (fig. 63-3). L’une des difficultés du traitement réside dans l’identification des lésions responsables du décollement de rétine, afin d’adapter la prise en charge chirurgicale. En effet, les déhiscences peuvent apparaître dans la rétine colobomateuse (membrane intercalaire, LMR) ou dans la rétine périphérique ou dans les deux [8].
Le décollement de rétine associé au colobome choriorétinien a d’ailleurs fait l’objet d’une classification en deux types principaux [7] :