Chapitre 6 Testing des nourrissons, jeunes enfants, et des enfants avant l’âge scolaire
Le testing manuel des très jeunes enfants a toujours posé des problèmes aux pédiatres à cause de la question de la validité des résultats. Ces problèmes viennent de l’incapacité de ces patients à comprendre les instructions de l’évaluateur autant que de la confusion entre les résultats et la manière dont l’évaluateur procède. Les tendances de l’intervention précoce sont orientées vers l’évaluation et le traitement des très jeunes enfants dans leur environnement naturel (c’est-à-dire la maison, la salle de classe, le terrain de jeux, le jardin d’enfants) [1,2]. Ceci encourage les thérapeutes à s’appuyer sur leurs capacités d’observation et leur capacité à faire agir les jeunes enfants selon les normes de leur groupe d’âge, se retenant ainsi d’un excès de manipulation de l’enfant pendant le processus d’évaluation [3]. Il est nécessaire que le thérapeute possède une compréhension affinée des étapes de l’évolution motrice, car ces étapes fournissent un cadre qui permet de comprendre le comportement moteur des très jeunes enfants et nourrissons.
Ce chapitre a été conçu pour fournir aux cliniciens une manière d’analyser le fonctionnement des muscles en association avec les étapes classiques de l’évolution motrice, motricités globale et fine observées durant les premières années de la vie et l’enfance. Utilisant cet abord, les kinésithérapeutes seront en mesure de fournir aux autres membres de l’équipe pédiatrique des résultats qui ont une signification. Ces résultats fourniront la base du traitement développemental, des objectifs et des résultats désirés par les cliniciens et les éducateurs.
Ce chapitre a été conçu pour être compatible avec la grille de développement moteur communément utilisée dans nombreuses cliniques pédiatriques (développement moteur du jeune enfant d’Alberta [3] revue depuis l’examen neurologique de Gesell et Amatruda [4] ; les échelles de développement de Bayley II [5] ; les échelles de développement de Peabody [6]) Le contenu du chapitre aidera le kinésithérapeute travaillant avec des enfants à analyser le niveau de développement de ses clients. Il fournit au clinicien une checklist des groupes musculaires les plus importants, associés à chacune des postures et chacun des mouvements. Ces mouvements sont complexes, et l’analyse de la fonction musculaire associée à chaque posture ou chaque mouvement n’est pas exhaustive. En utilisant l’information fournie, cependant, le clinicien sera capable de déceler quand une fonction musculaire aberrante contribue à la posture ou au mouvement atypique de l’enfant, et peut changer à mesure d’une progression normale du développement.
Chaque posture ou mouvement analysé dans le chapitre est observé usuellement en pédiatrie. Les âges présentés pour chaque posture ou mouvement sont basés sur l’âge chronologique (depuis la naissance de l’individu). Les thérapeutes doivent calculer un âge corrigé quand ils évaluent un enfant prématuré. Les enfants nés avant 37 semaines de gestation sont considérés prématurés [7]. Un âge corrigé est calculé en soustrayant le nombre de semaines de gestation du chiffre 40 et en soustrayant ce chiffre de l’âge chronologique. Nous recommandons le calcul d’un âge corrigé jusqu’à l’âge chronologique de 24 mois. L’âge présenté pour chaque posture ou chaque mouvement dans cette section a été adapté de Piper et Darrah [4]. Avec chaque mouvement une activité de schéma musculaire normale est indiquée. Une analyse des activités fonctionnelles associées à chaque mouvement est fournie, pour relier l’évaluation et les interventions au résultat fonctionnel. Nous fournissons également une brève présentation sur l’étendue des activités musculaires associées à chaque posture et chaque mouvement pour faire comprendre le processus de transition qu’utilisent les jeunes enfants pour progresser vers l’étape suivante. Ces deux dernières sections ont été incluses pour aider à établir les buts et la planification du traitement.
Nous reconnaissons que l’approche de ce chapitre n’est pas celle traditionnellement utilisée pour évaluer la force des enfants. Nous avons donc fourni trois études de cas comme exemples d’utilisation de ce qui est présenté dans le chapitre. Ces cas sont exemplaires d’une évaluation par la kinésithérapie prenant place dans un milieu naturel pour chaque enfant. Dans chacun des cas, une échelle graduée a été utilisée pour mesurer la performance motrice de l’enfant au niveau particulier de développement. Le système de cotation est utilisé pour illustrer le fait que, bien que l’activité motrice aberrante soit présente, la participation fonctionnelle est possible dans l’environnement habituel de l’enfant. On doit noter également que, bien qu’un enfant ne soit pas capable de fonctionner au maximum de ses capacités, il n’est pas nécessaire de faciliter ou d’observer chaque niveau d’évolution motrice. De nombreuses synergies musculaires sont évidentes à chaque niveau de performance. L’enfant ou le couple enfant-parent doivent déterminer la direction de la vérification avec des suggestions appropriées et un minimum de facilitation manuelle de la part du thérapeute pour déterminer le plus haut niveau de performance de l’enfant. Durant l’évaluation de l’enfant, le thérapeute doit noter les mouvements observés et renseigner la présence ou l’absence d’activité musculaire individuelle. Nous ne conseillons pas d’opposer une résistance avant un âge avancé de l’enfant, lorsque le testing manuel traditionnel pourra être utilisé. Après avoir observé l’enfant dans un certain nombre d’étapes appropriées de mouvements, le thérapeute analysera le résultat de l’activité musculaire afin de déterminer un schéma moteur de forces et faiblesses qui peut être utilisé pour concevoir des interventions spécifiques.
Ce chapitre est conçu pour suggérer des pistes utiles au praticien expérimenté ou novice en kinésithérapie pédiatrique et pour les étudiants qui s’intéressent au travail avec de jeunes enfants et des nourrissons1. Nous espérons qu’il aidera les thérapeutes à devenir plus compétents dans l’analyse des activités musculaires, et que par ce genre d’évaluation du muscle ils seront capables de produire des contributions utiles aux équipes pédiatriques qui prennent soin d’enfants handicapés.
Cotation | Description |
---|---|
Fonctionnel (F) | Normal pour l’âge, ou seulement gêne ou délai minime. |
Faible, Fonctionnel (WF) | Déficience modérée ou retard d’action qui gêne l’action coordonnée, la base de soutien ou le contrôle anti-gravitaire, ou décroît l’exploration fonctionnelle de l’espace. |
Non-fonctionnel (NF) | Déficience marquée ou délai ; le schème moteur d’activité a seulement quelques éléments d’activité musculaire correcte. |
Pas d’activité fonctionnelle (0) | Incapable d’activité. |
NOURRISSONS (0 À 12 MOIS) : POSITION SUR LE VENTRE
ACTIVITÉ : NAGEUR (19-32 SEMAINES)
Activités fonctionnelles
Elévation de la perspective visuelle. Préparation de niveaux plus élevés de mobilité anti-gravifique.
Etendue de l’activité musculaire
Dans cette position l’enfant utilise tous les muscles extenseurs contre la gravité. La tête et le haut du thorax son soulevés ; les scapulas sont tirées en arrière (fig. 6-1). Le soulèvement manuel des membres inférieurs peut activer les fessiers. L’enfant peut rouler d’avant en arrière, mais il n’avance pas.
ACTIVITÉ : ROULER DOS-VENTRE (28-36 SEMAINES)
Schème moteur d’activité musculaire



Dans la figure 6-2 l’enfant roule vers la gauche ; on peut observer de ce fait une contraction concentrique des rhomboïdes, obliques fléchisseurs de hanche et des abducteurs.
Activité fonctionnelle
Habileté transitionnelle avec contrôle sélectif des muscles contre la gravité. L’exploration de l’environnement entraîne un changement de perspective. Accolé au roulement de ventre à dos, cette habileté de transition permet la mobilité de l’enfant.
ACTIVITÉ : RAMPEMENT RÉCIPROQUE (30-37 SEMAINES)
Base de soutien
Coude, avant-bras, et jambe opposée. Doigts tendus, paume de la main sur le sol. Abdomen reposant sur le sol (fig. 6-3).
Activité fonctionnelle
Forme initiale de quadrupédie. Accès à l’environnement plus aisé. Le mouvement est en général dirigé vers un objet ou une activité.
ACTIVITÉ : SUPPORT À 4 PATTES (34-46 SEMAINES)
Base de soutien
Le poids repose sur les mains, un pied et le genou opposé (Fig. 6-4). La base de support est élargie par rapport à la quadrupédie.
Schème moteur d’activité musculaire

Activité fonctionnelle
La quadrupédie modifiée permet à l’enfant davantage d’occasions d’exploration grâce à la base de support, pour attraper ou manipuler les objets. La figure 6-4 montre un appui à 3 points dans lequel l’enfant a déplacé le poids latéralement et vers l’arrière pour saisir un jouet. Ceci est un exemple de capacité améliorée à gérer le placement du centre de gravité, résistant à l’attraction gravitaire par une base élargie en position plus élevée.
ACTIVITÉ : RAMPEMENT RÉCIPROQUE (34-44 SEMAINES)
Activité fonctionnelle
Mobilité accrue en quadrupédie. Ceci permet à l’enfant d’obtenir un objet avec une vitesse et une efficacité plus grande qu’en rampant.
Etendue de l’activité musculaire
La maturation du « quatre pattes » se présente avec un rachis sans courbures et les membres directement endessous des ceintures, base de support étroite. La gestion de la masse du corps contre la gravité est nettement améliorée. Une présentation immature se distingue par une lordose lombaire accentuée et une abduction des membres, abaissant le centre de gravité et élargissant la base de soutien (fig. 6-5).
NOURRISSONS (0-12 MOIS) : POSITION SUR LE DOS
ACTIVITÉ : PIEDS DANS LES MAINS (18-24 SEMAINES)
Etendue de l’activité musculaire
Initialement, l’enfant approche les pieds des mains. Avec une force croissante, l’enfant amène les pieds à la bouche par contraction des muscles fléchisseurs de hanche, ou en utilisant les mains (fig. 6-6). Le bassin peut basculer en arrière, indiquant la force des abdominaux. La tête peut s’élever vers les pieds.
NOURRISSONS (0-12 MOIS) : POSITION ASSISE
ACTIVITÉ : ASSIS APPUYÉ SUR LES BRAS (10-25 SEMAINES)
Activité fonctionnelle
Cette posture permet une perception de l’environnement à partir d’une position redressée, l’acquisition d’objets et le jeu.
Etendue de l’activité musculaire
La colonne vertébrale en cyphose indique un manque de force des extenseurs du dos. Les hanches sont fléchies et en rotation externe pour élargir la base de soutien. Genoux fléchis avec les pieds sous les fesses et mains utilisées comme soutien additionnel (fig. 6-9). A mesure que la force augmente, l’enfant est capable de garder le rachis vertical contre la gravité, avec l’aide des membres supérieurs, et il est capable d’atteindre des objets en dehors de sa base de soutien.
ACTIVITÉ : ASSIS SANS LE SOUTIEN DES BRAS : ÉPISODIQUE (21-27 SEMAINES)
Etendue de l’activité musculaire
Au début, l’enfant fera des ajustements pour tenter de maintenir le centre de gravité au-dessus de la base de soutien. L’enfant n’a pas encore acquis le contrôle des muscles. Les jambes sont en abduction et en rotation externe pour élargir la base de soutien. La maturité se traduit par une atténuation de la cyphose du rachis, la disposition de l’enfant à s’éloigner de la base de soutien, et la réduction de la base de soutien (fig. 6-10).
Tom est un garçon de 9 mois avec un diagnostic d’hypotonie qui a été adressé par son enseignant spécialisé pour des techniques de positionnement. Il est né au terme d’une grossesse de 31 semaines, délivré par césarienne faisant suite à une détresse du fœtus perçue lors de l’accouchement. Aucune précaution médicale n’est observée, et il ne prend pas de médicament. L’ouïe et la vision sont normales. La mère est préoccupée par son incapacité à s’asseoir seul.
Observation
Soutenu par sa mère, Tom peut tenir la tête droite en faisant un peu d’effort. Placé sur l’épaule droite de sa mère, il s’appuie avec les mains sur le corps de celle-ci. Dans cette position, il est capable de tourner la tête vers la droite pour regarder un trousseau de clés que le thérapeute agite. Tom suit des yeux à 180°.
Quand les clés ont été posées à distance d’un bras, il les saisit avec la main gauche, les empoignant et résistant lorsque le thérapeute tire gentiment. Il les apporte au centre, les manipule à deux mains et les porte à la bouche. Placé sur le ventre, Tom est capable de soulever la tête avec une difficulté minime, au milieu vers 90° (voir fig. 6-3) Ses mains sont posées à plat sur le sol, ses bras fléchis aux épaules et aux coudes, soutenant le poids du haut du corps. Ses jambes sont pliées et en abduction, bilatéralement aux hanches et aux genoux. Il est capable de suivre des yeux le trajet de son jouet favori, jusqu’à 180°. Quand le jouet est placé au-delà de 180°, il transfère le poids du corps du côté gauche, coude droit tendu, pliant la jambe droite un peu en abduction et gardant le contact visuel. Il ne cherche pas à saisir le jouet, mais sa mère rapporte que parfois il tente d’atteindre un jouet. Quand le jouet est déplacé loin vers la gauche, il transfère le poids vers la droite, comme décrit précédemment, et cherche à atteindre le jouet avec la main gauche. Une fois le jouet empoigné, il roule du dos sur le ventre (voir fig. 6-2) avec peu de dissociation du tronc et des hanches (les épaules guidant les hanches), et utilise les deux mains pour porter le jouet à la bouche. Sa mère relate qu’il roule sur le ventre des deux côtés (voir fig. 6-2 A et B).
Sur le dos, ses jambes restent en abduction avec flexion des hanches et genoux bilatéralement. Une légère abduction et flexion de hanche (< 90°) est observée par intermittence alors qu’il joue avec un jouet placé au-dessus de lui. Sa mère rapporte qu’il ne plie pas les jambes pour jouer avec ses pieds (voir fig. 6-6) et qu’il ne s’assied pas seul.
Tiré en position assise, il montre un peu de retard de la tête (voir fig. 6-8). Une fois assis vertical avec le thérapeute tenant ses mains, il est capable de tenir la tête verticale. Ses jambes sont toujours en abduction et rotation externe avec les genoux assez près du sol. Il est incapable de s’asseoir sans soutien (voir fig. 6-10). Quand ses mains sont placées sur le sol (bras droit entre les jambes, bras gauche latéral à la jambe gauche), il est capable de maintenir une position en appui pour environ 3 minutes, les bras tendus (voir fig. 6-9) ; il présente une extension de la tête, une flexion du cou, une cyphose thoracique marquée, peu de lordose et une bascule postérieure du bassin. Il maintient la tête avec un effort minime et il est capable de tourner la tête de 45° de chaque côté. Dans cette position, il ne va pas chercher d’objet et n’essaie pas de modifier son appui.
Analyse
Niveau d’évolution | Figure | Cotation |
---|---|---|
De sur le ventre à sur le dos | 6-2 | WF |
De sur le dos à sur le ventre | 6-7 A et B | WF |
Pieds aux mains, puis à la bouche | 6-6 | NF |
Tirer pour s’asseoir | 6-8 | WF |
Assis sans l’aide des bras | 6-10 | NF |
S’asseoir avec l’aide des bras | 6-9 | WF |
Tom a un âge de maturation de 4 à 6 mois. Il est capable d’accomplir les tâches de verticalité du regard sur le ventre, de rouler et de conserver une position assise soutenue. Il n’a pas la force de surmonter les effets d’une hypotonie globale contre la gravité. Ceci est visible dans le retard au contrôle de la tête lorsqu’il est tiré en position assise et dans la difficulté à tenir la tête verticale sans utiliser les bras contre une surface de soutien (le corps de sa mère, ou le plancher).
Quand il est placé sur le ventre, sur le dos ou assis, il manifeste moins de force dans le bassin et dans les muscles de la jambe gauche. Ceci est plus marqué sur le ventre et assis. L’attitude de ses jambes est en abduction et fléchie aux hanches et aux genoux. Ceci lui fournit une meilleure base de support mais réduit la mobilité puisqu’il n’est pas capable de réduire la base de soutien pour explorer d’autres positions. En roulant il se guide un peu avec les épaules, par opposition avec les hanches et les jambes, autre indication de la faiblesse des abdominaux, des fléchisseurs de hanche et des adducteurs. Pour s’asseoir, il est limité aux efforts simples de la tête et du tronc. Les muscles de la tête, du cou et de la partie haute du tronc sont faibles en force et en endurance. Ses bras restent tendus, les épaules en abduction et les mains à plat sur le sol. Son incapacité à rester assis tout en changeant la répartition du poids réduit sa capacité à explorer l’environnement avec les mains. La diminution de la force des extenseurs du rachis se vérifie dans la posture enroulée persistante et la bascule postérieure du bassin.
ACTIVITÉ : ASSIS DYNAMIQUE SANS APPUI DES BRAS ; MAINTENU (25-32 SEMAINES)
Activité fonctionnelle
Assis droit avec équilibre et stabilité pour atteindre et manipuler des objets. L’attention n’est plus autant concentrée sur le fait de s’asseoir, ce qui permet à l’enfant de porter davantage son attention sur l’environnement au-delà de son entourage immédiat.
Etendue de l’activité musculaire
La maturation est observée (a) par la réduction de la base de soutien lorsque l’une ou les deux jambes peuvent être étendues tout en maintenant l’attitude ; (b) davantage de mouvements des bras, à la fois dans et en dehors de la base de soutien, et (c) capable d’une rotation du tronc pendant l’action d’atteindre. L’enfant est capable de se pencher en avant en dehors de la base de soutien et de gérer le centre de gravité alors que les bras sont levés pour obtenir un jouet (Fig. 6-11).

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