Chapitre 6
Pathologies de l’abdomen
6.1
Images kystiques abdominales
Les diagnostics correspondant aux images kystiques abdominales sont très variés. Ces images peuvent être mises en évidence aux trois trimestres de la grossesse. Il s’agit de pathologies rares et le diagnostic de certitude est parfois difficile. Le plus souvent, le pronostic est bon.
Kystes de l’ovaire
Le kyste de l’ovaire est le plus souvent isolé et découvert au 3e trimestre. La surface du kyste est régulière sans péristaltisme (figure 6.1). Le kyste est le plus souvent hypoéchogène et il est possible de voir apparaître au cours de la surveillance des cloisons ou un sédiment au fond du kyste signe d’une hémorragie et/ou d’une torsion (figure 6.2). Il n’y a pas de bilan particulier à réaliser. Une surveillance est à mettre en place en fonction de la taille, du nombre et du terme de découverte.
Figure 6.1 Kystes de l’ovaire.
a : 35 SA. b : autre kyste plus volumineux à 37 SA. (Clichés M.-C. Aubry)
Il faut garder à l’esprit qu’une résolution spontanée du kyste surviendra en pré- ou post-natal dans plus de 50 % des cas [1]. Les kystes peuvent se compliquer dans 35 à 50 % des cas. Les complications sont les hémorragies, les torsions et exceptionnellement une nécrose ovarienne. Il n’y a pas de signes précurseurs de torsion. Un très gros kyste > 7 cm se tordra moins facilement qu’un plus petit kyste en raison de sa faible mobilité au sein de l’abdomen. Un kyste très volumineux (> 8 cm) peut exceptionnellement entraîner une compression avec apparition d’une ascite. Un kyste volumineux peut également être responsable d’une dystocie abdominale si le périmètre abdominal au moment de l’accouchement est supérieur à 400 cm. Cependant, ces situations restent exceptionnelles. En post-natal, la torsion sera suspectée devant l’absence de vascularisation au Doppler et un épaississement de la paroi ainsi que de la modification de l’échostructure du tissu ovarien.
Les bénéfices ne sont clairement établis qu’en cas de compression ou de dystocie. En dehors de ces cas, le bénéfice de la ponction est très discutable. Certains préconisent la ponction alors que d’autres restent prudents [2]. En cas de ponction, un dosage de l’œstriol doit être effectué sur le liquide du kyste car il permet seul de faire le diagnostic. La présence de kystes bilatéraux peut faire également discuter la ponction des kystes autour de 5 cm de diamètre en raison du risque de torsion bilatéral.
Duplications digestives [3, 4, 5]
Ce sont des malformations plus rares mais dont la fréquence semble augmenter en grande partie par le fait que le diagnostic est plus souvent fait en prénatal. Tous les segments du tube digestif peuvent être dupliqués, de l’œsophage au rectum (figures 6.3 et 6.4). Les images sont kystiques ou oblongues à paroi fine et parfois animées de mouvements de reptation qui signent le diagnostic. D’autres malformations doivent être recherchées. Si elle est isolée et si le dépistage de la trisomie 21 a été fait correctement, il n’y a pas d’indication à une amniocentèse. Il ne faut pas ponctionner le kyste en cas de doute diagnostique.
Figure 6.4 Duplication du grêle.
a : à 16 SA image kystique de l’hypochondre gauche (flèche). b : confirmation à l’IRM vers 32 SA (flèche). c : duplication en peropératoire. (Clichés P. Sonigo, D. Jan)
Sténose duodénale
Le diagnostic est facile devant l’apparition le plus souvent au 3e trimestre mais parfois au 2e d’une image en double bulle (figure 6.5). La première bulle correspond à l’estomac et la deuxième à la dilatation du premier duodénum en amont de la sténose. Celle-ci peut être complète ou non et, en fonction du degré de sténose, l’hydramnios sera plus ou moins important. Une surveillance de l’hydramnios et de sa tolérance (échographie et/ou examen du col) est à mettre en place à partir de 26–28 SA.
Kyste du cholédoque
Il s’accompagne d’une dilatation des voies biliaires extrahépatiques dans 70 à 80 % des cas (figure 6.6). Il peut être mis en évidence dès 15 SA et augmenter progressivement de volume. Afin d’affirmer le diagnostic, il faut s’attacher à rechercher les communications avec les canaux biliaires. Cependant, devant toute malformation kystique des voies biliaires, il faut penser à l’atrésie des voies biliaires qu’il est très difficile d’infirmer en prénatal.
Kyste hépatique
Sa localisation permet de faire le diagnostic. Il peut apparaître au 2e trimestre et disparaître le plus souvent. Une simple surveillance de la taille du kyste est à mettre en place tous les 15 jours. Une atrésie des voies biliaires est possiblement associée (8 % des cas). Elle doit être suspectée lorsque le kyste est situé au niveau du hile. Il faut bien rechercher la vésicule (figure 6.7).
Images kystiques rares
Kyste méconial
Il peut être mis en évidence de façon isolée ou associé à une péritonite méconiale (cf. chapitre Intestin hyperéchogène). Le bilan est le même que celui de la péritonite (figure 6.8).
Kystes spléniques et pancréatiques
Exceptionnels, ils sont le plus souvent isolés et sans conséquences pathologiques. Leur tolérance dépend essentiellement de leur taille et leur caractère compressif (figures 6.9 et 6.10).
Lymphangiomes
Rarement abdominaux, ils se développent à partir des lymphatiques mésentériques ou rétropéritonéaux. Ils se présentent sous la forme de kystes uniques ou plus souvent multiples, de taille variable, à paroi fine, présentant des septa vascularisés. La prise en charge dépendra de l’évolution et de la taille des lésions. À la naissance, ces malformations sont peu symptomatiques mais peuvent entraîner des douleurs chroniques et parfois être responsables d’occlusion digestive et/ou de volvulus (figure 6.11).
Diagnostic différentiel : images rétropéritonéales
Anomalies de la surrénale
Une image kystique de la surrénale peut correspondre à un neuroblastome, un tératome ou un hématome. Le diagnostic est difficile avec une tumeur intrapéritonéale quand la masse est de volume important et déforme et déplace les organes de voisinage. L’évolution permet d’orienter le diagnostic. Si la lésion régresse le diagnostic sera celui d’un hématome (figure 6.12). Si un neuroblastome est suspecté, les cathécolamines urinaires seront recherchées à la naissance. Cependant, un résultat négatif n’élimine pas le diagnostic (figure 6.13).
Figure 6.12 Hématome de la surrénale. Image hypoéchogène avec des cloisons dont la taille a diminué au cours de la grossesse et qui a disparu à quelques mois de vie. (Cliché F. Jacquemard)
Références
[1] Heling, K. S., Chaoui, R., Kirchmair, F., Stadie, S., Bollmann, R. Fetal ovarian cysts : prenatal diagnosis, management and post-natal outcome. Ultrasound Obstet Gynecol. 2002; 20:47–50.
[2] Bagolan, P., Giorlandino, C., Nahom, A., Bilancioni, E., Trucchi, A., Gatti, C., et al. The management of fetal ovarian cysts. J Pediatr Surg. 2002; 37:25–30.
[3] Richards, D. S., Langham, M. R., Anderson, C. D. The prenatal appearance of enteric duplication cysts. Ultrasound Obstet Gynecol. 1996; 7:17–20.
[4] Correia-Pinto, J., Tavares, M. L., Monteiro, J., Moura, N., Guimaraes, H., Estevao-Costa, J. Prenatal diagnosis of abdominal enteric duplications. Prenat Diagn. 2000; 20:163–167.
[5] Bidwell, J. K., Nelson, A. Prenatal ultrasonic diagnosis of congenital duplication of the stomac. J Ultrasound Med. 1986; 5:589–591.
6.2
Anomalies de la paroi abdominale fœtale
Introduction
Les malformations de la paroi antérieure du fœtus constituent un large spectre d’affections hétérogènes de gravité et de pronostic variables. Selon les feuillets intéressés, on distingue :
• célosomie supérieure : l’ectopia cordis, la bifidité sternale, le syndrome de Cantrell (omphalocèle sus-ombilicale, fente sternale et ectopie cardiaque) ;
• atteinte des feuillets latéraux : le laparoschisis, l’omphalocèle, le syndrome de Beckwith-Wiedemann, le syndrome du cordon ombilical court, la séquence des bandes amniotiques ;
Célosomies supérieures
Ectopia cordis
Il s’agit d’une malformation rare résultant d’une éviscération du cœur à travers une ouverture pariétale sternale, péricardique ou, parfois, abdominale. En fonction de la localisation du cœur, elle peut être cervicale, cervicothoracique, thoracique (la plus fréquente), thoraco-abdominale (pentalogie de Cantrell) ou abdominale. Une aberration chromosomique (trisomies 13 ou 18, syndrome de Turner) peut être associée et sera recherchée. Les anomalies les plus fréquemment associées à l’ectopia cordis sont une omphalocèle, une malformation cardiaque (communication interauriculaire [CIA] et interventriculaire [CIV], tétralogie de Fallot) et des malformations squelettiques ou craniofaciales. Le pronostic est sombre. Les complications possibles sont : la rupture traumatique d’un viscère, le sepsis, l’insuffisance cardiaque, la compression cardiaque, une détresse respiratoire. L’évolution post-natale est fatale dans la majorité des cas [1, 2].
Laparoschisis
Définition, physiopathologie
Le laparoschisis est un defect de la paroi abdominale situé en paraombilical droit intéressant toutes les couches de la paroi abdominale avec éviscération de l’anse intestinale primitive. L’intestin est, par définition, le siège d’une malrotation avec absence de fixation secondaire à la paroi abdominale postérieure. Le cordon ombilical est normal et quasiment toujours séparé de l’orifice pariétal par un pont cutané intact. Plusieurs hypothèses pathogéniques ont été proposées [1] :
• accident intravasculaire de l’artère omphalomésentérique droite [3], hypothèse la plus probable ;
• rupture précoce d’une omphalocèle avec résorption du sac [4] ;
La fréquence du laparoschisis est de 1,75 à 2,5 pour 10 000 naissances. Il s’agit d’une malformation le plus souvent isolée, exceptionnellement associée à d’autres anomalies (souvent d’origine ischémique comme une arthrogrypose distale, une shizencéphalie), et sans aberration chromosomique. Sa prise en charge médico-chirurgicale en période néonatale à permis une nette diminution de la mortalité de ces enfants (entre 8 et 10 %). Le pronostic est actuellement lié à la morbidité secondaire due aux lésions intestinales survenant in utero (surtout au 3e trimestre). En effet, l’anse intestinale éviscérée baigne dans le liquide amniotique induisant un phénomène de péritonite chimique associé à l’ischémie des anses digestives par compression des vaisseaux mésentériques au niveau de l’ouverture pariétale. Tout cela entraîne la formation d’une couche fibreuse acellulaire à la surface externe des anses digestives (périviscérite) qui induit une diminution de la motilité intestinale et de l’activité enzymatique. Dans les formes sévères, cette ischémie intestinale peut se compliquer de sténose, d’atrésie du grêle (11 %), de nécrose iléale (13 %) [1, 6].
Diagnostic échographique (figure 6.14)
Le diagnostic échographique d’un laparoschisis est possible dès 12 SA, une fois le phénomène de herniation/réduction achevé. Les critères diagnostiques [1] sont :
• la présence d’une ou plusieurs anses intestinales, flottant librement dans le liquide amniotique, herniées à travers un orifice paraombilical droit ;
• des anses non recouvertes de membrane ;
• le cordon ombilical normalement inséré au bord gauche de l’orifice pariétal ;
• d’autres organes éventuellement éviscérés : ovaire et trompe, estomac, vessie.