6: Pathologies de l’abdomen

Chapitre 6


Pathologies de l’abdomen



6.1


Images kystiques abdominales



Les diagnostics correspondant aux images kystiques abdominales sont très variés. Ces images peuvent être mises en évidence aux trois trimestres de la grossesse. Il s’agit de pathologies rares et le diagnostic de certitude est parfois difficile. Le plus souvent, le pronostic est bon.



Démarche diagnostique


La localisation dans l’abdomen permet d’orienter le diagnostic ; cependant, un kyste de l’ovaire ne sera pas toujours facile à différencier d’une duplication digestive ou d’un lymphangiome ; une masse suprarénale peut être un neuroblastome ou un hématome de la surrénale.


La forme de la masse et l’aspect de sa paroi sont également des éléments importants dans la démarche diagnostique ainsi que l’aspect vascularisé ou non, l’existence de cloisons. Certaines lésions liquidiennes peuvent être animées de mouvements de reptation et changer d’échogénicité et de forme au cours de la gestion.


Pour toutes ces lésions, il faudra déterminer si une amniocentèse est nécessaire. La plupart seront totalement isolées. Si le dépistage de la trisomie 21 a été bien fait, il ne sera pas nécessaire de faire une amniocentèse. En revanche, si d’autres anomalies sont associées, il peut être nécessaire de faire une amniocentèse. L’IRM peut dans certains cas aider au diagnostic, en particulier dans les masses suprarénales.



Kystes de l’ovaire


Le kyste de l’ovaire est le plus souvent isolé et découvert au 3e trimestre. La surface du kyste est régulière sans péristaltisme (figure 6.1). Le kyste est le plus souvent hypoéchogène et il est possible de voir apparaître au cours de la surveillance des cloisons ou un sédiment au fond du kyste signe d’une hémorragie et/ou d’une torsion (figure 6.2). Il n’y a pas de bilan particulier à réaliser. Une surveillance est à mettre en place en fonction de la taille, du nombre et du terme de découverte.




Il faut garder à l’esprit qu’une résolution spontanée du kyste surviendra en pré- ou post-natal dans plus de 50 % des cas [1]. Les kystes peuvent se compliquer dans 35 à 50 % des cas. Les complications sont les hémorragies, les torsions et exceptionnellement une nécrose ovarienne. Il n’y a pas de signes précurseurs de torsion. Un très gros kyste > 7 cm se tordra moins facilement qu’un plus petit kyste en raison de sa faible mobilité au sein de l’abdomen. Un kyste très volumineux (> 8 cm) peut exceptionnellement entraîner une compression avec apparition d’une ascite. Un kyste volumineux peut également être responsable d’une dystocie abdominale si le périmètre abdominal au moment de l’accouchement est supérieur à 400 cm. Cependant, ces situations restent exceptionnelles. En post-natal, la torsion sera suspectée devant l’absence de vascularisation au Doppler et un épaississement de la paroi ainsi que de la modification de l’échostructure du tissu ovarien.


L’existence d’un kyste volumineux potentiellement dystocique rend nécessaire la ponction du kyste. En dehors de cette indication, celle-ci est discutée. Les risques de la ponction sont : les saignements, une infection, et les complications liées au geste, rupture des membranes, prématurité. Ces kystes sont exceptionnellement malins et, dans ces cas, il existe un risque théorique de dissémination.


Les bénéfices ne sont clairement établis qu’en cas de compression ou de dystocie. En dehors de ces cas, le bénéfice de la ponction est très discutable. Certains préconisent la ponction alors que d’autres restent prudents [2]. En cas de ponction, un dosage de l’œstriol doit être effectué sur le liquide du kyste car il permet seul de faire le diagnostic. La présence de kystes bilatéraux peut faire également discuter la ponction des kystes autour de 5 cm de diamètre en raison du risque de torsion bilatéral.


En post-natal, une échographie est prévue dans les premiers jours de vie et la décision de ponctionner revient au chirurgien en fonction de la taille et de la tolérance du kyste.



Duplications digestives [3, 4, 5]


Ce sont des malformations plus rares mais dont la fréquence semble augmenter en grande partie par le fait que le diagnostic est plus souvent fait en prénatal. Tous les segments du tube digestif peuvent être dupliqués, de l’œsophage au rectum (figures 6.3 et 6.4). Les images sont kystiques ou oblongues à paroi fine et parfois animées de mouvements de reptation qui signent le diagnostic. D’autres malformations doivent être recherchées. Si elle est isolée et si le dépistage de la trisomie 21 a été fait correctement, il n’y a pas d’indication à une amniocentèse. Il ne faut pas ponctionner le kyste en cas de doute diagnostique.




Les principales complications sont la torsion et le risque de volvulus. Dans ces cas, il est possible de voir apparaître une dilatation des anses digestives en amont de la masse et il peut exister une diminution des mouvements actifs du fœtus ainsi qu’une altération du rythme cardiaque fœtal. Une décision d’extraction peut être prise en fonction du terme et du contexte. Dans ce type de décisions parfois difficiles, il faut mettre en balance les risques de nécrose du grêle potentielle, mais non certaine, avec les risques induits par la prématurité.


L’intérêt de ce type de diagnostic est majeur car il permet de diminuer le nombre de complications post-natales. Le mode de révélation de ces lésions était le plus souvent le volvulus sur la masse avec parfois un pronostic catastrophique en raison de lésions étendues du grêle et des sepsis sévères. La notion de duplication permet de faire rapidement le diagnostic en cas de complications et d’opérer ces enfants préventivement.



Sténose duodénale


Le diagnostic est facile devant l’apparition le plus souvent au 3e trimestre mais parfois au 2e d’une image en double bulle (figure 6.5). La première bulle correspond à l’estomac et la deuxième à la dilatation du premier duodénum en amont de la sténose. Celle-ci peut être complète ou non et, en fonction du degré de sténose, l’hydramnios sera plus ou moins important. Une surveillance de l’hydramnios et de sa tolérance (échographie et/ou examen du col) est à mettre en place à partir de 26–28 SA.



Seulement 40 % des enfants porteurs d’une sténose duodénale seront également porteurs d’une trisomie 21. Une sténose duodénale n’est donc pas synonyme de T21, cependant un caryotype doit être réalisé si les parents le souhaitent. En revanche, d’autres anomalies doivent être recherchées car cette anomalie peut se voir dans un certain nombre de syndromes polymalformatifs pas toujours bien étiquetés.



Kyste du cholédoque


Il s’accompagne d’une dilatation des voies biliaires extrahépatiques dans 70 à 80 % des cas (figure 6.6). Il peut être mis en évidence dès 15 SA et augmenter progressivement de volume. Afin d’affirmer le diagnostic, il faut s’attacher à rechercher les communications avec les canaux biliaires. Cependant, devant toute malformation kystique des voies biliaires, il faut penser à l’atrésie des voies biliaires qu’il est très difficile d’infirmer en prénatal.





Images kystiques rares








Diagnostic différentiel : images rétropéritonéales




Anomalies de la surrénale


Une image kystique de la surrénale peut correspondre à un neuroblastome, un tératome ou un hématome. Le diagnostic est difficile avec une tumeur intrapéritonéale quand la masse est de volume important et déforme et déplace les organes de voisinage. L’évolution permet d’orienter le diagnostic. Si la lésion régresse le diagnostic sera celui d’un hématome (figure 6.12). Si un neuroblastome est suspecté, les cathécolamines urinaires seront recherchées à la naissance. Cependant, un résultat négatif n’élimine pas le diagnostic (figure 6.13).






Références



[1] Heling, K. S., Chaoui, R., Kirchmair, F., Stadie, S., Bollmann, R. Fetal ovarian cysts : prenatal diagnosis, management and post-natal outcome. Ultrasound Obstet Gynecol. 2002; 20:47–50.


[2] Bagolan, P., Giorlandino, C., Nahom, A., Bilancioni, E., Trucchi, A., Gatti, C., et al. The management of fetal ovarian cysts. J Pediatr Surg. 2002; 37:25–30.


[3] Richards, D. S., Langham, M. R., Anderson, C. D. The prenatal appearance of enteric duplication cysts. Ultrasound Obstet Gynecol. 1996; 7:17–20.


[4] Correia-Pinto, J., Tavares, M. L., Monteiro, J., Moura, N., Guimaraes, H., Estevao-Costa, J. Prenatal diagnosis of abdominal enteric duplications. Prenat Diagn. 2000; 20:163–167.


[5] Bidwell, J. K., Nelson, A. Prenatal ultrasonic diagnosis of congenital duplication of the stomac. J Ultrasound Med. 1986; 5:589–591.



6.2


Anomalies de la paroi abdominale fœtale




Introduction


Les malformations de la paroi antérieure du fœtus constituent un large spectre d’affections hétérogènes de gravité et de pronostic variables. Selon les feuillets intéressés, on distingue :



Le dépistage de ces malformations repose sur l’échographie obstétricale morphologique (partiellement réalisé à la fin du 1er trimestre et complété au cours du 2e trimestre). Le diagnostic anténatal doit permettre de préciser le type de malformation et de rechercher l’existence de malformations ou anomalies du caryotype associées. Ainsi, on déterminera d’une part les malformations accessibles à une chirurgie correctrice (laparoschisis, omphalocèle…), et d’autre part les malformations graves (ectopia cordis, exstrophie cloacale et syndromes polymalformatifs) pour lesquels l’interruption médicale de grossesse (IMG) peut être proposée.



Célosomies supérieures



Ectopia cordis


Il s’agit d’une malformation rare résultant d’une éviscération du cœur à travers une ouverture pariétale sternale, péricardique ou, parfois, abdominale. En fonction de la localisation du cœur, elle peut être cervicale, cervicothoracique, thoracique (la plus fréquente), thoraco-abdominale (pentalogie de Cantrell) ou abdominale. Une aberration chromosomique (trisomies 13 ou 18, syndrome de Turner) peut être associée et sera recherchée. Les anomalies les plus fréquemment associées à l’ectopia cordis sont une omphalocèle, une malformation cardiaque (communication interauriculaire [CIA] et interventriculaire [CIV], tétralogie de Fallot) et des malformations squelettiques ou craniofaciales. Le pronostic est sombre. Les complications possibles sont : la rupture traumatique d’un viscère, le sepsis, l’insuffisance cardiaque, la compression cardiaque, une détresse respiratoire. L’évolution post-natale est fatale dans la majorité des cas [1, 2].




Laparoschisis



Définition, physiopathologie


Le laparoschisis est un defect de la paroi abdominale situé en paraombilical droit intéressant toutes les couches de la paroi abdominale avec éviscération de l’anse intestinale primitive. L’intestin est, par définition, le siège d’une malrotation avec absence de fixation secondaire à la paroi abdominale postérieure. Le cordon ombilical est normal et quasiment toujours séparé de l’orifice pariétal par un pont cutané intact. Plusieurs hypothèses pathogéniques ont été proposées [1] :



La fréquence du laparoschisis est de 1,75 à 2,5 pour 10 000 naissances. Il s’agit d’une malformation le plus souvent isolée, exceptionnellement associée à d’autres anomalies (souvent d’origine ischémique comme une arthrogrypose distale, une shizencéphalie), et sans aberration chromosomique. Sa prise en charge médico-chirurgicale en période néonatale à permis une nette diminution de la mortalité de ces enfants (entre 8 et 10 %). Le pronostic est actuellement lié à la morbidité secondaire due aux lésions intestinales survenant in utero (surtout au 3e trimestre). En effet, l’anse intestinale éviscérée baigne dans le liquide amniotique induisant un phénomène de péritonite chimique associé à l’ischémie des anses digestives par compression des vaisseaux mésentériques au niveau de l’ouverture pariétale. Tout cela entraîne la formation d’une couche fibreuse acellulaire à la surface externe des anses digestives (périviscérite) qui induit une diminution de la motilité intestinale et de l’activité enzymatique. Dans les formes sévères, cette ischémie intestinale peut se compliquer de sténose, d’atrésie du grêle (11 %), de nécrose iléale (13 %) [1, 6].



Diagnostic échographique (figure 6.14)


Le diagnostic échographique d’un laparoschisis est possible dès 12 SA, une fois le phénomène de herniation/réduction achevé. Les critères diagnostiques [1] sont :



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Aug 1, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 6: Pathologies de l’abdomen

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